Tribunal administratif de Nîmes, Pôle contentieux sociaux, 26 avril 2024, n° 2302807

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Nîmes, pôle cont. sociaux, 26 avr. 2024, n° 2302807
Juridiction : Tribunal administratif de Nîmes
Numéro : 2302807
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 28 avril 2024

Sur les parties

Texte intégral

Vu les procédures suivantes :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 juillet 2023 et le 9 avril 2024 sous le n° 2302800, Mme B E, représentée par Me Moutoussamy, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 24 octobre 2022 par laquelle la caisse d’allocations familiales de Vaucluse a mis à sa charge un indu de 250 euros d’aide exceptionnelle de fin d’année (INQ 001) ;

2°) d’annuler la décision du 29 octobre 2022 par laquelle la caisse d’allocations familiales de Vaucluse a mis à sa charge un indu de 150 euros d’aide exceptionnelle de solidarité (IMB 001) ;

3°) de la décharger de l’obligation de payer les indus litigieux ;

4°) de mettre à la charge de la caisse d’allocations familiales de Vaucluse la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

— les décisions sont insuffisamment motivées, en droit et en fait, en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l’administration ;

— elles ne comportent pas la signature de leur auteur en méconnaissance de l’article L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration ;

— elles sont illégales dès lors qu’aucune décision mettant fin à ses droits au revenu de solidarité active n’est intervenue préalablement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2024, la caisse d’allocations familiales de Vaucluse conclut au rejet de la requête de Mme E.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme E ne sont pas fondés.

Par une décision du 23 mai 2023, Mme E a été admise à l’aide juridictionnelle totale.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 juillet 2023 et le 9 avril 2024 sous le n° 2302807, Mme B E, représentée par Me Moutoussamy, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 9 janvier 2023 par laquelle la présidente du conseil départemental de Vaucluse a confirmé la récupération d’un indu de revenu de solidarité active (INK 003) d’un montant de 9 895,12 euros, au titre de la période du 1er août 2020 au 30 septembre 2022 et a refusé de lui accorder la remise gracieuse de cet indu ;

2°) de la décharger de l’obligation de payer l’indu litigieux ;

3°) d’enjoindre au département de Vaucluse de procéder au remboursement des sommes retenues sur ses prestations en vue du recouvrement de l’indu litigieux et de la rétablir rétroactivement dans ses droits dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir ;

4°) de mettre à la charge du département de Vaucluse la somme de 1 300 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

— la décision contestée de la présidente du conseil départemental de Vaucluse a été prise en méconnaissance des dispositions de l’article L. 262-47 du code de l’action sociale et des familles dès lors qu’il n’est pas démontré que la commission de recours amiable a été saisie pour avis préalablement à son édiction ;

— elle est illégale dès lors qu’elle n’a pas été informée de la mise en œuvre des dispositions de l’article L. 114-21 du code de la sécurité sociale ;

— elle ne mentionne pas le montant des sommes indues en méconnaissance du 1° de l’article R. 262-92-1 du code de l’action sociale et des familles ;

— la procédure de contrôle est irrégulière dès lors qu’il n’est pas établi que l’agent ayant procédé au contrôle justifiait d’un agrément et d’une assermentation ;

— elle s’est mariée le 25 novembre 2019 ainsi que cela ressort du livret de famille ;

— le département se fonde à tort sur les dates des visas au lieu des dates d’entrée et de sortie et ne prend pas en compte que, au cours de la période sanitaire, il était impossible de retourner en France ;

— le département réclame le remboursement de l’intégralité des droits au revenu de solidarité active y compris s’agissant des mois où elle était présente sur le territoire français ;

— elle est de bonne foi dès lors que la règle des 92 jours hors du territoire français ne figurait dans aucun document à destination des usagers.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2024, le département de Vaucluse conclut au rejet de la requête de Mme E.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme E ne sont pas fondés.

Par une décision du 20 juin 2023, Mme E a été admise à l’aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

— le code de l’action sociale et des familles ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— le code de la sécurité sociale ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le décret n° 2020-1453 du 27 novembre 2020 ;

— le décret n° 2020-1746 du 29 décembre 2020 ;

— le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Au cours de l’audience publique, après l’appel de l’affaire, les parties n’étant ni présentes ni représentées, la clôture de l’instruction est intervenue en application de l’article R. 772-9 du code de justice administrative, et le rapport de M. D a été entendu.

Une en délibéré, présentée par le département de Vaucluse, a été enregistrée le 12 avril 2024 dans l’instance n° 2302807.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 20 octobre 2022, la caisse d’allocations familiales de Vaucluse a mis à la charge de Mme E un indu de revenu de solidarité active (INK 003) d’un montant de 9 895,12 euros au titre de la période du 1er août 2020 au 30 septembre 2022. Par un courrier du 28 novembre 2022, Mme E a formé un recours administratif, qui a été rejeté par une décision du 9 janvier 2023 de la présidente du conseil départemental de Vaucluse, pour contester le bien-fondé de sa dette et en a sollicité la remise gracieuse. Par une décision du 24 octobre 2022, la caisse d’allocations familiales de Vaucluse a mis à la charge de Mme E un indu d’aide exceptionnelle de fin d’année (INQ 001) d’un montant de 250 euros au titre du mois de novembre 2020. Par une décision du 29 octobre 2022, la caisse d’allocations familiales de Vaucluse a mis à la charge de Mme E un indu de 150 euros d’aide exceptionnelle de solidarité (IMB 001). Mme E demande au tribunal, par les requêtes enregistrées sous les n° 2302800 et n°2302807, d’annuler ces trois dernières décisions. Mme E demande également au tribunal, dans sa requête enregistrée sous le n° 2302807, de la rétablir rétroactivement dans ses droits au revenu de solidarité active.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n° 2302800 et n° 2302807 concernent la même requérante, présentent à juger des questions semblables et ont fait l’objet d’une instruction commune. Dès lors, il y a lieu de les joindre pour statuer par un même jugement.

Sur la requête n° 2302807 :

En ce qui concerne les conclusions à fin d’annulation de la décision du 9 janvier 2023 de la présidente du conseil départemental de Vaucluse :

S’agissant du bien-fondé de l’indu de revenu de solidarité active :

3. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 262-46 du code de l’action sociale et des familles : « Tout paiement indu de revenu de solidarité active est récupéré par l’organisme chargé du service de celui-ci ainsi que, dans les conditions définies au présent article, par les collectivités débitrices du revenu de solidarité active ».

4. Lorsque le recours est dirigé contre une décision qui, remettant en cause des paiements déjà effectués, ordonne la récupération de montants d’allocation de revenu de solidarité active que l’administration estime avoir été indûment versés, il entre dans l’office du juge d’apprécier, au regard de l’argumentation du requérant, le cas échéant, de celle développée par le défendeur et, enfin, des moyens d’ordre public, en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait qui résultent de l’instruction, la régularité comme le bien-fondé de la décision de récupération d’indu. Il lui appartient, s’il y a lieu, d’annuler ou de réformer la décision ainsi attaquée, pour le motif qui lui paraît, compte tenu des éléments qui lui sont soumis, le mieux à même, dans l’exercice de son office, de régler le litige.

5. En premier lieu, aux termes du de l’article L. 262-25 du code de l’action sociale et des familles : " I. – Une convention est conclue entre le département et chacun des organismes mentionnés à l’article L. 262-16. / Cette convention précise en particulier : / 1° Les conditions dans lesquelles le revenu de solidarité active est servi et contrôlé ; () « . Le premier alinéa de l’article L. 262-47 du même code prévoit que : » Toute réclamation dirigée contre une décision relative au revenu de solidarité active fait l’objet, préalablement à l’exercice d’un recours contentieux, d’un recours administratif auprès du président du conseil départemental. Ce recours est, dans les conditions et limites prévues par la convention mentionnée à l’article L. 262-25, soumis pour avis à la commission de recours amiable qui connaît des réclamations relevant de l’article L. 142-1 du code de la sécurité sociale () « . Aux termes de l’article R. 262-60 de ce code : » La convention prévue à l’article L. 262-25 comporte des dispositions générales relatives à : / () 4° Les conditions et limites dans lesquelles la commission de recours amiable de ces organismes rend un avis sur les recours administratifs adressés au président du conseil départemental ; ces stipulations portent notamment sur l’objet et le montant des litiges dont la commission est saisie et les conditions financières de cette intervention ; () « . Enfin, aux termes de l’article R. 262-89 de ce code : » Sauf lorsque la convention mentionnée à l’article L. 262-25 en dispose autrement, ce recours est adressé par le président du conseil départemental pour avis à la commission de recours amiable mentionnée à l’article R. 142-1 du code de la sécurité sociale. / Dans les cas prévus dans la convention mentionnée à l’article L. 262-25 dans lesquels la commission de recours amiable n’est pas saisie, le président du conseil départemental statue, dans un délai de deux mois, sur le recours administratif qui lui a été adressé. Cette décision est motivée. ". Il résulte de ces dispositions que la convention conclue entre le département et la caisse d’allocations familiales ne peut légalement prévoir qu’aucun recours administratif préalable dirigé contre une décision relative au revenu de solidarité active n’est soumis pour avis à la commission de recours amiable.

6. Il appartient au juge, pour apprécier le bien-fondé du moyen dont il est saisi, de s’assurer, le cas échéant d’office, du caractère obligatoire de la consultation de la commission de recours amiable de la caisse d’allocations familiales dans l’hypothèse en litige, en vertu de clauses réglementaires de la convention conclue entre le département et cet organisme. En revanche, la circonstance que le législateur ait entendu permettre à chaque département, agissant par voie de convention avec cet organisme, de déterminer les hypothèses dans lesquelles les réclamations dirigées contre des décisions relatives au revenu de solidarité active sont soumises pour avis à sa commission de recours amiable n’a pas pour effet de retirer à la consultation de cette commission, eu égard à sa nature et à sa composition, le caractère d’une garantie apportée, lorsqu’elle est prévue, au bénéficiaire du revenu de solidarité active.

7. Les dispositions de l’article 5.1, modifiées par un avenant en date du 15 décembre 2022, de la convention de gestion du revenu de solidarité active, conclue le 23 décembre 2020 entre le département de Vaucluse et la caisse d’allocations familiales de Vaucluse, applicable en l’espèce, réservent au président du conseil départemental la compétence pour statuer sur les contestations qui lui sont présentées en matière de revenu de solidarité active « sans qu’aucune commission de recours amiable ne soit mise en place en la matière ». Ces dispositions doivent nécessairement être regardées comme dispensant cette autorité de la consultation préalable de la commission de recours amiable. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d’un vice de procédure en raison de l’absence de consultation préalable de cette commission doit être écarté.

8. En deuxième lieu, l’article L. 114-19 du code de la sécurité sociale prévoit que le droit de communication permet à certains agents des organismes de sécurité sociale d’obtenir, auprès de personnes publiques et privées que l’article L. 114-20 du même code désigne par renvoi au livre des procédures fiscales, sans que le secret professionnel ne s’y oppose, les documents et informations nécessaires à l’exercice des missions de contrôle ou de recouvrement de prestations indûment versées qu’il définit. L’article L. 114-21 du code de la sécurité sociale dispose que l’organisme ayant usé de ce droit est tenu d’informer la personne à l’encontre de laquelle est prise la décision de supprimer le service d’une prestation ou de mettre des sommes en recouvrement « de la teneur et de l’origine des informations et documents obtenus auprès de tiers sur lesquels il s’est fondé pour prendre cette décision » et qu’il communique, avant la mise en recouvrement ou la suppression du service de la prestation, une copie de ces documents à la personne qui en fait la demande. Les dispositions de l’article L. 114-21 du code de la sécurité sociale instituent une garantie au profit de l’intéressé. Toutefois, leur méconnaissance par l’organisme demeure sans conséquence sur le bien-fondé de la décision prise s’il est établi qu’eu égard à la teneur du renseignement, nécessairement connu de l’allocataire, celui-ci n’a pas été privé, du seul fait de l’absence d’information sur l’origine du renseignement, de cette garantie.

9. Il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’enquête établi le 7 septembre 2022, que le contrôleur de la caisse d’allocations familiales de Vaucluse a pris attache auprès de onze particuliers ou organismes. Il résulte également de l’instruction, notamment des termes de ce rapport d’enquête, dont les constatations et énonciations matérielles font foi jusqu’à preuve du contraire, que Mme E a été informée de l’exercice par la caisse d’allocations familiales de son droit de communication auprès de tiers et de la possibilité qui lui était offerte d’obtenir communication des documents ainsi obtenus. Par suite, alors que les éléments obtenus étaient nécessairement connus de l’intéressée de sorte qu’une éventuelle absence d’information sur l’origine des renseignements obtenus n’était pas de nature à priver Mme E d’une garantie, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 114-19 et L. 114-21 du code de la sécurité sociale doit être écarté.

10. En troisième lieu, aux termes de l’article R. 262-92-1 du code de l’action sociale et des familles : « I.-L’action en recouvrement du paiement indu de revenu de solidarité active s’ouvre par l’envoi au bénéficiaire () par le directeur de l’organisme chargé du service de cette prestation () d’une notification constatant, sur la base des informations dont dispose l’organisme, que le bénéficiaire a perçu un indu. Cette notification : / 1° Précise la nature et la date du ou des versements en cause, le montant des sommes réclamées et le motif justifiant la récupération de l’indu () ».

11. Si Mme E soutient que la décision litigieuse ne mentionne pas le montant des sommes indues, il résulte toutefois des dispositions citées au point précédent, que seule la notification constatant que le bénéficiaire a perçu un indu doit, au sens et pour application de ces dispositions, préciser le montant des sommes réclamées. Par suite, le moyen tiré du caractère irrégulier de la décision du 9 janvier 2023 ne peut qu’être écarté comme étant inopérant.

12. En quatrième lieu, selon le premier alinéa de l’article L. 114-10 du code de la sécurité sociale : « Les directeurs des organismes chargés de la gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale ou du service des allocations et prestations mentionnées au présent code confient à des agents chargés du contrôle, assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale ou par arrêté du ministre chargé de l’agriculture, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l’attribution des prestations () ».

13. Il résulte de l’instruction que, contrairement à ce que soutient Mme E, l’agent de la caisse d’allocations familiales de Vaucluse ayant procédé au contrôle de sa situation a été agréé par une décision du directeur général de la caisse nationale des allocations familiales du 25 février 2021 et a prêté serment le 13 janvier 2015 devant la vice-présidente du tribunal d’instance et de police d’Avignon. Par suite, le moyen doit être écarté.

14. Aux termes de l’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles : « Toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un montant forfaitaire, a droit au revenu de solidarité active dans les conditions définies au présent chapitre (). ». Aux termes de l’article R. 262-5 du même code : « Pour l’application de l’article L. 262-2, est considérée comme résidant en France la personne qui y réside de façon permanente ou qui accomplit hors de France un ou plusieurs séjours dont la durée de date à date ou la durée totale par année civile n’excède pas trois mois. () / En cas de séjour hors de France de plus de trois mois, l’allocation n’est versée que pour les seuls mois civils complets de présence sur le territoire. ». Aux termes de l’article R. 262-37 de ce code : " Le bénéficiaire de l’allocation de revenu de solidarité active est tenu de faire connaître à l’organisme chargé du service de la prestation toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments. ".

15. Il résulte de ces dispositions que, pour bénéficier de l’allocation de revenu de solidarité active, une personne doit remplir la condition de ressources qu’elle mentionne et résider en France de manière stable et effective. Pour apprécier si cette seconde condition est remplie, il y a lieu de tenir compte de son logement, de ses activités, ainsi que de toutes les circonstances particulières relatives à sa situation, parmi lesquelles le nombre, les motifs et la durée d’éventuels séjours à l’étranger et ses liens personnels et familiaux. La personne qui remplit les conditions pour bénéficier de l’allocation de revenu de solidarité active a droit, lorsqu’elle accomplit hors de France un ou plusieurs séjours dont la durée de date à date ou la durée totale par année civile n’excède pas trois mois, au versement sans interruption de cette allocation. En revanche, lorsque ses séjours à l’étranger excèdent cette durée de trois mois, le revenu de solidarité active ne lui est versé que pour les mois civils complets de présence en France. En toute hypothèse, le bénéficiaire du revenu de solidarité active est tenu de faire connaître à l’organisme chargé du service de la prestation, outre l’ensemble des ressources dont il dispose, sa situation familiale et tout changement en la matière, toutes informations relatives au lieu de sa résidence, ainsi qu’aux dates et motifs de ses séjours à l’étranger lorsque leur durée cumulée excède trois mois.

16. Il résulte de l’instruction que l’indu de revenu de solidarité active mis à la charge de Mme E, et dont celle-ci conteste le bien-fondé, résulte de la prise en compte de ses séjours en dehors du territoire français pour une période supérieure à trois mois. En effet, il ressort du rapport d’enquête établi le 7 septembre 2022 par un agent assermenté de la caisse d’allocations familiales, dont les mentions font foi jusqu’à preuve du contraire, qu’entre le 1er août 2020 et le 30 septembre 2022, Mme E a perçu le revenu de solidarité active, alors qu’en 2020, 2021, 2022, elle a séjourné hors du territoire français plus de trois mois par an et a été présente sur le territoire français durant seulement un mois civil complet en 2020, deux mois civils complets en 2021 et cinq mois civils complets en 2022. En se bornant à alléguer que « l’administration se fonde à tort sur les dates des visas au lieu des dates d’entrée et de sortie », sans apporter le moindre commencement de preuve de nature à remettre en cause utilement les constations du rapport d’enquête, Mme E n’établit pas l’inexactitude matérielle du motif adopté par la présidente du conseil départemental de Vaucluse pour fonder sa décision. Si Mme E soutient que ses déplacements ont été rendus nécessaires afin de permettre à sa fille de rentre visite à son père et que, lors de la période de crise sanitaire, son retour en France était impossible, elle ne démontre pas avoir informé les services de la caisse d’allocations familiales ou du département de Vaucluse de cette situation particulière. Mme E n’a alors pas respecté l’obligation qui lui incombait de faire connaître à l’organisme payeur cette information relative à sa résidence et a alors indûment perçu d’importants montants au titre du revenu de solidarité active, faute de satisfaire à la condition de résidence stable et effective en France.

17. Enfin, si Mme E soutient que l’indu litigieux comprendrait des périodes durant lesquelles elle était présente en France, il résulte toutefois de l’instruction, et notamment des écritures en défense, dont les éléments ne sont pas contestés par la requérante, que le département de Vaucluse a calculé l’indu en litige au prorata des périodes au cours desquelles Mme E était absente du territoire français en se fondant sur les constatations du rapport d’enquête.

S’agissant de la demande de remise gracieuse :

18. Aux termes de l’article L. 262-46 du code de l’action sociale et des familles : « Tout paiement indu de revenu de solidarité active est récupéré par l’organisme chargé du service de celui-ci ainsi que, dans les conditions définies au présent article, par les collectivités débitrices du revenu de solidarité active. / () La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil départemental ou l’organisme chargé du service du revenu de solidarité active pour le compte de l’Etat, en cas de bonne foi ou de précarité de la situation du débiteur, sauf si cette créance résulte d’une manœuvre frauduleuse ou d’une fausse déclaration () ». Il résulte de ces dispositions qu’un allocataire du revenu de solidarité active ne peut bénéficier d’une remise gracieuse de la dette résultant d’un paiement indu d’allocation, quelle que soit la précarité de sa situation, lorsque l’indu trouve sa cause dans une manœuvre frauduleuse de sa part ou dans une fausse déclaration, laquelle doit s’entendre comme désignant les inexactitudes ou omissions qui procèdent d’une volonté de dissimulation de l’allocataire caractérisant de sa part un manquement à ses obligations déclaratives.

19. Lorsqu’il statue sur un recours dirigé contre une décision rejetant une demande de remise gracieuse d’un indu de revenu de solidarité active, il appartient au juge administratif d’examiner si une remise gracieuse totale ou partielle est justifiée et de se prononcer lui-même sur la demande en recherchant si, au regard des circonstances de fait dont il est justifié par l’une et l’autre parties à la date de sa propre décision, la situation de précarité du débiteur et sa bonne foi justifient que lui soit accordée une remise. Lorsque l’indu résulte de ce que l’allocataire a manqué à ses obligations déclaratives, il y a lieu, pour apprécier la condition de bonne foi de l’intéressé, hors les hypothèses où les omissions déclaratives révèlent une volonté manifeste de dissimulation ou, à l’inverse, portent sur des éléments dépourvus d’incidence sur le droit de l’intéressé au revenu de solidarité active ou sur son montant, de tenir compte de la nature des éléments ainsi omis, de l’information reçue et notamment, le cas échéant, de la présentation du formulaire de déclaration des ressources, du caractère réitéré ou non de l’omission, des justifications données par l’intéressé ainsi que de toute autre circonstance de nature à établir que l’allocataire pouvait de bonne foi ignorer qu’il était tenu de déclarer les éléments omis.

20. Il résulte de l’instruction, et notamment de ce qui a été dit au point 16, que l’indu de revenu de solidarité active mis à la charge de Mme E et dont elle sollicite la remise gracieuse totale, résulte de la prise en compte de ses séjours en dehors du territoire français pour une période supérieure à trois mois et de la rectification de la date à laquelle elle s’est mariée avec monsieur C E. Mme E ne pouvait ignorer son obligation de déclarer tout changement de situation auprès de la caisse d’allocations familiales, compte tenu de la présentation de la déclaration trimestrielle de ressources, qui, contrairement à ce que soutient la requérante, invite explicitement l’allocataire à faire état de ses changements de situation personnelle, et notamment tout séjour à l’étranger d’une durée excédant trois mois. Mme E doit, eu égard à ces circonstances, être regardée comme ayant sciemment manqué à ses obligations déclaratives avec une volonté manifeste de dissimulation. Par suite, elle ne satisfait pas à la condition de bonne foi, rappelée au point précédent, à laquelle est subordonnée le bénéfice d’une remise gracieuse. Dès lors que l’indu litigieux trouve sa cause dans de fausses déclarations de Mme E, celle-ci ne saurait utilement faire valoir sa situation de précarité financière pour bénéficier d’une remise gracieuse de sa dette.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la requête n° 2302807 de Mme E doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d’injonction et de décharge, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur la requête n° 2302800 :

En ce qui concerne les conclusions à fin d’annulation :

22. Lorsque le recours dont il est saisi est dirigé contre une décision qui, remettant en cause des paiements déjà effectués, ordonne la récupération d’un indu de revenu de solidarité active, de prime exceptionnelle de fin d’année, de prime d’activité ou d’une prestation versée au titre du logement, il entre dans l’office du juge administratif d’apprécier, au regard de l’argumentation du requérant, le cas échéant, de celle développée par le défendeur et, enfin, des moyens d’ordre public, en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait qui résultent de l’instruction, la régularité comme le bien-fondé de la décision de récupération d’indu. Il lui appartient, s’il y a lieu, d’annuler ou de réformer la décision ainsi attaquée, pour le motif qui lui paraît, compte tenu des éléments qui lui sont soumis, le mieux à même, dans l’exercice de son office, de régler le litige.

23. Aux termes de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : () 3° () imposent des sujétions () ». Aux termes de l’article L. 211-5 de ce code : « La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ».

24. La décision par laquelle l’autorité administrative procède à la récupération de sommes indûment versées au titre de l’aide exceptionnelle de solidarité et au titre de la prime exceptionnelle de fin d’année est au nombre des décisions imposant une sujétion et doit, par suite, être motivée en application de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration. Il en résulte qu’une telle décision doit comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. A ce titre, l’autorité administrative doit faire figurer dans la motivation de sa décision la nature de la prestation et le montant des sommes réclamées, ainsi que le motif et la période sur laquelle porte la récupération. En revanche, elle n’est pas tenue d’indiquer dans cette décision les éléments servant au calcul du montant de l’indu.

25. Il résulte de l’instruction que les décisions contestées du 24 octobre 2022 et du 29 octobre 2022 mettant à la charge de Mme E un indu de prime exceptionnelle de fin d’année (INQ 001) d’un montant de 250 euros au titre de l’année 2020 et un indu de prime exceptionnelle de solidarité d’un montant de 150 euros au titre du mois de septembre 2022, précisent la nature de l’indu mis à la charge de l’intéressée, son montant, la période sur lequel il porte et le motif sur lequel elles se fondent. Toutefois, les décisions attaquées ne comportent aucune mention des textes dont elles font application et, partant, aucune motivation en droit. Elles sont, par suite, illégales.

26. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E est fondée, par le seul moyen tiré du défaut de motivation en droit, aucun autre moyen de la requête n’apparaissant fondé, à demander l’annulation de la décision du 24 octobre 2022 par laquelle la caisse d’allocations familiales de Vaucluse a mis à sa charge un indu de prime exceptionnelle de fin d’année d’un montant de 250 euros au titre de l’année 2020 et de la décision du 29 octobre 2022 par laquelle la caisse d’allocations familiales de Vaucluse a mis à sa charge un indu de prime exceptionnelle de solidarité d’un montant de 150 euros au titre du mois de septembre 2022.

En ce qui concerne les conclusions à fin de décharge :

27. En l’absence de titre exécutoire émis à l’encontre de la requérante, cette dernière n’est pas fondée à demander la décharge de l’obligation de payer les indus d’aide exceptionnelle de fin d’année et d’aide exceptionnelle de solidarité qui lui ont été réclamés.

En ce qui concerne les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

28. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions de Mme E, qui a été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale, tendant à l’application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 24 octobre 2022 par laquelle la caisse d’allocations familiales de Vaucluse a mis à sa charge un indu d’aide exceptionnelle de fin d’année, est annulée.

Article 2 : La décision du 29 octobre 2022 par laquelle la caisse d’allocations familiales de Vaucluse a mis à sa charge un indu de 150 euros d’aide exceptionnelle de solidarité (IMB 001), est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 2302800 est rejeté.

Article 4 : La requête n° 2302807 de Mme E est rejetée.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme B E, au département de Vaucluse et à la caisse d’allocations familiales de Vaucluse.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2024.

Le président,

C. D

La greffière,

M. A

La République mande et ordonne au préfet de Vaucluse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

N°s 2302800, 2302807

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Tribunal administratif de Nîmes, Pôle contentieux sociaux, 26 avril 2024, n° 2302807