Tribunal de grande instance de Grasse, 1re chambre civile, section a, 20 novembre 2017, n° 17/04676

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Sur la décision

Référence :
TGI Grasse, 1re ch. civ., sect. a, 20 nov. 2017, n° 17/04676
Juridiction : Tribunal de grande instance de Grasse
Numéro(s) : 17/04676

Sur les parties

Texte intégral

Date de délivrance des copies par le greffe :

1 EXP DOSSIER + 1 gr Me X + 1 exp Me Derval

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE GRASSE

POLE CIVIL 1re Chambre section B

S.C.I. Y c\ B C D

JUGEMENT DU 20 Novembre 2017

DÉCISION N° :

RG N°17/04676

DEMANDERESSE :

S.C.I. Y

[…]

Villantipolis 7

06560 VALBONNE C D

représentée par Maître X de la SELARL ADDEN MEDITERRANEE, avocats au barreau de NICE

DEFENDERESSE :

B C D

[…]

06560 VALBONNE C D

représentée par Me Franck GAMBINI, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me DERVAL , avocat au barreau de Grasse

COMPOSITION DU TRIBUNAL : JUGE UNIQUE

Président : Ariane CHARDONNET,

Greffier : Barbara BERTELOOT

Vu les articles 801 à 805 du code de procédure civile, et sans demande de renvoi devant la formation collégiale.

DÉBATS :

Vu l’article 62 du code de procédure civile, issu du décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011,

Vu le décret n°2013/1280 du 29 décembre 2013 relatif à la suppression de la contribution pour l’aide juridique,

A l’audience publique du 09 Novembre 2017,

Après débats, l’affaire a été mise en délibéré, avis a été donné aux parties par le tribunal que le jugement sera prononcé par la mise à disposition au greffe à la date du 20 Novembre 2017.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par compromis de vente en date du 20 janvier 2017, la B C D s’est engagée à vendre à la SCI Y la totalité de l’étage du bâtiment à usage de bureaux du lot n°1 d’un immeuble […] à […].

La vente était conclue « acte en main » pour un montant de 200.000 euros, sous condition suspensive d’obtention d’un prêt immobilier par la SCI Y dans les 45 jours suivant le compromis, la date de réitération des consentements ayant été fixée au 31 mars 2017.

La SCI Y s’étant montrée défaillante au jour prévu pour la signature définitive, par courrier du 26 avril 2017, la B C D l’a mise en demeure de régulariser l’acte de vente sous 8 jours.

Par courriel du 5 mai 2017, la SCI Y a sollicité de la B C D une nouvelle date de signature.

Un rendez-vous a ainsi été fixé au 12 mai 2017, rendez-vous auquel la B C D ne s’est pas présentée.

Par acte du 7 août 2017, la SCI Y a fait délivrer à la B C D une sommation à comparaître en l’étude de Maître CHAMPAGNE le 29 août suivant.

Le jour dit a été dressé procès-verbal de carence par le notaire susvisé, le vendeur ne s’étant pas présentée.

Par ordonnance en date du 25 septembre 2017, le Président du Tribunal de grande instance de GRASSE a autorisé la SCI Y à procéder à l’assignation à jour fixe de la B C D pour le 9 novembre 2017, le demandeur étant tenu de faire délivrer son assignation avant le 9 octobre 2017.

Par exploit d’huissier en date du 28 septembre 2017, la SCI Y a ainsi fait assigner la B C D à comparaître devant le Tribunal de grande instance de GRASSE.

Par courrier du 2 novembre 2017, la B C D a fait connaître à la SCI Y sa volonté de ne plus poursuivre la réalisation de la vente.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 8 novembre 2017, la SCI Y demande au juge, au visa des articles 1103, 1104, 1193, 1231-5, 1583 et 1589 du code civil du code civil, de :

constater que la vente de l’étage de l’immeuble […] à […], consentie par la B C D à la SCI Y moyennant le prix de 200.000 euros est définitive,

constater que les conditions suspensives sont levées et que la SCI Y a valablement saisi le tribunal en vue de faire constater la réalisation de la vente,

dire que le jugement qui sera rendu et qui vaudra vente sera publié au bureau des hypothèques du lieu de la situation de l’immeuble,

ordonner à la B C D de délivrer le bien vendu aux demandeurs,

débouter la B C D de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles,

condamner la B C D au paiement de la somme de 20.000 euros telle que prévue en clause pénale dans le compromis signé.

Subsidiairement,

constater que les conditions suspensives sont levées et que la SCI Y a valablement mis en demeure la B C D de venir régulariser la vente définitive,

constater qu’aucune caducité automatique ne peut être invoquée et que le compromis demeure parfaitement valable,

constater que la B C D n’a pas manifesté sa volonté de renoncer à vendre son bien dans les formes prévues avant que la SCI Y ne la mette en demeure d’avoir à signer l’acte,

ordonner l’exécution forcée de la vente et condamner la B C D à signer l’acte réitératif à la date qui sera fixée par le notaire de la SCI Y, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision,

condamner la B C D au paiement de la somme de 20.000 euros telle que prévue en clause pénale dans le compromis signé,

En tout état de cause,

condamner la requise au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

A l’appui de ses demandes, la SCI Y invoque la promesse par laquelle la B C D s’est engagée à lui vendre le bien objet du litige.

Elle soutient que les conditions suspensives ayant été levées, rien ne s’oppose à la réalisation de la vente et qu’il convient de considérer celle-ci comme parfaite.

Elle conteste la caducité de la promesse de vente, aucune demande de justification du dépôt du prêt n’ayant jamais été faite par le vendeur dans les formes et délais prévus et le délai de 45 jours prévus par les parties n’étant pas extinctif.

Subsidiairement, la SCI Y soutient que si la date initialement prévue pour la signature de l’acte authentique était retenue comme un terme extinctif, la B C D a renoncé à se prévaloir de cette sanction, par ses démarches postérieures en vue de poursuivre la réalisation de la vente.

Par ses dernières écritures notifiées par le RPVA le 8 novembre 2017, la B C D demande au tribunal, au visa des articles 1103, 1104 et 1231-5 du code civil, de :

recevoir la B C D en sa constitution,

rejeter les demandes, fins et conclusions adverses,

dire et juger que la condition suspensive d’obtention du prêt ne s’est pas réalisée dans les délais convenus, et qu’en outre, il n’a pas été justifié de la date de demande du prêt,

En conséquence,

dire et juger que la promesse de vente est caduque,

Mais encore, vu la mise en demeure délivrée en date du 26 avril 2017,

constater la défaillance de la société Y,

constater que la B C D entend se prévaloir de la clause l’autorisant à renoncer à poursuivre la vente,

dire et juger que la B C D est libérée de ses obligations contractuelles,

A défaut,

constater la tardiveté de l’assignation et la déclarer irrecevable,

En conséquence,

dire et juger que la vente n’est pas parfaite,

condamner la SCI Y au paiement au profit de la B C D d’une somme de 20.000 euros au titre des pénalités conformément aux dispositions contractuelles du compromis de vente du 20 janvier 2017 et aux dispositions de l’article 1231-5 du code civil,

condamner la SCI Y au paiement au profit de la B C D d’une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner la B C D aux entiers dépens distraits au profit de la SCP ROUILLOT-GAMBINI, représentée par Maître Franck GAMBINI, avocat aux offres de droit.

Au soutien de ses prétentions, la B C D affirme qu’en l’absence de réalisation de la condition suspensive dans les délais prévus par le compromis, la promesse de vente s’est trouvée automatiquement caduque au terme des 45 jours fixés par les parties, le délai courant à compter du 6 mars 2017.

Elle soutient que la SCI Y n’a pas renoncé aux conditions suspensives de l’acte, ce qui autorise le vendeur à se prévaloir de la caducité du compromis.

Elle affirme qu’en l’absence de délai conventionnellement exigé pour formaliser la signification d’une renonciation à poursuivre l’exécution de la vente, elle a valablement manifesté sa volonté en ce sens.

Elle soulève enfin la tardiveté de l’assignation, laquelle aurait dû, selon elle, intervenir au plus tard le 4 ou le 16 septembre 2017.

Les parties ont comparu à l’audience du 9 novembre 2017.

Les débats clos, l’affaire a été mise en délibéré au 20 novembre 2017.

SUR CE,

Sur la recevabilité de l’assignation

Aux termes de l’article 1103 du code civil, « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »

Les dispositions de l’article 1104 du code civil prévoient en outre que "les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Cette disposition est d’ordre public".

Le compromis de vente signé entre les parties le 20 janvier 2017 stipule en son paragraphe relatif à la réitération authentique, que « si l’une des parties vient à refuser de signer l’acte authentique de vente l’autre pourra saisir le Tribunal compétent dans le délai d’un mois de la constatation de refus (mise en demeure non suivie d’effet, procès-verbal de non-comparution…) afin de faire constater la vente par décision de Justice, la partie défaillante supportant les frais de justice, nonobstant la mise en œuvre de la stipulation de pénalité stipulée aux présentes ».

En l’espèce, la B C D soutient que l’assignation délivrée par la SCI Y est tardive en ce qu’elle intervient plus d’un mois après réception par son notaire de la mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception en date du 1er août 2017 délivrée par son notaire.

Or, il ressort de la lecture de la clause susvisée que le délai d’un mois pour assigner prend son point de départ non après délivrance de la mise en demeure mais bien après que la partie concernée ait pu constater que ladite mise en demeure n’est pas suivie d’effet.

En l’occurrence, Maître E-F CHAMPAGNE, notaire de la SCI Y, a bien fait adressé mise en demeure à Maître A Z, notaire de la B C D, le 1er août 2017, "de revenir vers (lui) sous quinzaine, à l’effet de fixer le rendez)vous de signature de l’acte de vente (…). dans le cas où le rendez-vous de signature ne serait pas fixé sous quinzaine, que (son client) se réserverait le droit de poursuivre (sa) cliente en exécution forcée de la vente".

Il convient de préciser que le délai visé par l’acheteur s’entend non d’un délai butoir opposable au demandeur à l’action, mais bien d’un délai minimal octroyé à la partie adverse pour répondre aux exigences formalisées dans la mise en demeure.

Il appert du courriel adressé à Maître CHAMPAGNE par Maître Z le 4 août 2017 que la SCI Y a eu connaissance à cette date de la position de la B C D concernant la caducité du compromis du 20 janvier 2017.

En effet, le notaire s’y exprime en ces termes « les conditions du compromis n’ont pas été respectées et ce dossier est clos. De fait votre mise en demeure est inopérante ».

Toutefois, les termes de ce courriel ne peuvent s’entendre comme affirmant la volonté de la B C D de ne plus vendre son bien, dans la mesure où le notaire précise ensuite « néanmoins, votre client peut se rapprocher du Conseil d’Administration de la B C D s’il souhaite établir un nouveau contrat ».

En outre, il appert du compromis de vente, que « si le défaut de réitération à la date prévue de réalisation dûment constaté provient de la défaillance de l’acquéreur, le vendeur pourra toujours renoncer à poursuivre l’exécution de la vente en informant l’acquéreur de sa renonciation par lettre recommandée avec accusé de réception, ce dernier faisant foi, ou par exploit d’huissier ».

N’ayant reçu aucun courrier recommandé de la part de la B C D, la SCI Y est par conséquent bien fondée à invoquer que la constatation du refus de signer l’acte authentique de vente n’était pas intervenue à ce stade.

Il ressort par suite des pièces produites aux débats que la SCI Y a fait sommation à la B C D de comparaître à un rendez-vous de signature fixé au 29 août 2017.

A cette date, il n’est pas établi que la SCI Y avait connaissance de la volonté certaine de la B C D de ne pas vendre son bien immobilier.

Or, la sommation à comparaître n’emporte pas par elle-même point de départ d’un délai d’action, la partie demanderesse à la sommation devant d’abord s’assurer s’il sera ou non répondu à ladite sommation.

Ce n’est donc que le 29 août 2017, au jour fixé par la SCI Y pour la signature de l’acte authentique de vente, que cette dernière a pu formellement constater que la B C D était défaillante et manifestait, par son silence et son absence, sa volonté de ne pas réitérer son consentement.

C’est d’ailleurs en ce sens que Maître CHAMPAGNE a établi un procès-verbal de carence au vu de l’absence du vendeur.

Ainsi, le délai d’un mois ouvert à la SCI Y pour faire assigner la B C D en réalisation forcée de la vente trouvait son point de départ au jour du 29 août 2017, l’assignation du 28 septembre 2017 ayant dès lors été délivrée dans le délai d’un mois suivant procès-verbal de non-comparution.

Par conséquent, il y a lieu de déclarer recevable l’assignation de la SCI Y.

Sur la renonciation de la B C D à vendre son bien immobilier

Il découle de la promesse de vente du 20 janvier 2017, « si le défaut de réitération à la date prévue de réalisation dûment constaté provient de la défaillance de l’acquéreur, le vendeur pourra toujours renoncer à poursuivre l’exécution de la vente en informant l’acquéreur de sa renonciation par lettre recommandée avec accusé de réception, ce dernier faisant foi, ou par exploit d’huissier. Les parties seront alors libérées de plein droit de tout engagement sauf à tenir compte de la responsabilité de l’acquéreur par la faute duquel le contrat n’a pu être exécuté (…) ».

La date du 31 mars 2017 fixée comme date butoir pour la réitération de l’acte authentique consistait ainsi non pas en une date extinctive mais en une date constitutive d’un point de départ à partir duquel l’une des parties pouvait obliger l’autre à s’exécuter.

Le vendeur disposait dès lors de la faculté de renoncer à poursuivre la réalisation de la vente de son bien immobilier.

Pour ce faire, il lui incombait, après avoir constaté la défaillance de l’acquéreur, d’informer ce dernier de sa volonté par lettre recommandée avec avis de réception.

Si la défaillance de l’acquéreur à la date prévue de réalisation de l’acte apparaît clairement des pièces produites aux débats, en l’absence de réponse de ce dernier tant au vendeur qu’à son notaire durant toute la période précédant la date butoir du 31 mars 2017, il n’en est pas de même de l’information relative à la renonciation du vendeur.

En effet, il n’appert d’aucun des messages adressés à l’acquéreur ou à son notaire que la B C D entendait renoncer à vendre son bien immobilier.

Au contraire, la mise en demeure du 26 avril 2017 et les courriels adressés par Maître Z le 5 mai 2017 dénotent bien de la volonté de la B C D de poursuivre la vente ou à défaut d’en faire porter la responsabilité de l’échec à l’acquéreur.

Il apparaît notamment des courriels du 5 mai 2017 qu’entre le premier message adressé à 15h46 et le second adressé à 15h51, que Maître Z, qui pensait poursuivre la réalisation de la vente (comme en témoigne son premier courriel), a reçu pour consigne de mettre le dossier en attente (comme en témoigne son second courriel), en les termes suivants : « une décision quant à la suite à donner sera prise sous quinze jours ». Or, cette mention ne témoigne pas de la renonciation de son client à la réitération de la vente, mais au plus de son hésitation à la poursuivre.

La B C D se prévaut par la suite de la renonciation à poursuivre l’exécution de la vente, adressée à la SCI Y par courrier recommandé en date du 2 novembre 2017.

S’il est incontestable que ledit courrier emporte bien confirmation de la renonciation de la B C D à poursuivre la réalisation de la vente objet du litige, ce courrier intervient postérieurement à la mise en œuvre par la SCI Y de la présente procédure et ne peut, dès lors, emporter les conséquences attachées à la renonciation telle qu’elle est prévue par le compromis de vente, et libérer le vendeur de ses obligations.

Et si, en ce courrier, la B C D se prévaut de la renonciation déjà manifestée par courriel de son notaire en date du 4 août 2017, il a déjà été démontré que ledit courriel ne pouvait s’apprécier en une renonciation expresse du vendeur.

Ainsi, la seule renonciation expresse de la B C D à la vente de son bien immobilier découle de son courrier du 2 novembre 2017, la première manifestation tacite de sa renonciation étant, pour sa part, intervenue du fait de sa carence chez le notaire le 29 août 2017.

Il y a donc lieu de dire que la B C D n’a pas fait usage de sa faculté de renonciation à poursuivre la réalisation de la vente dans les formes prévues par la promesse de vente du 20 janvier 2017,

Sur la caducité de la promesse de vente

En application des dispositions de l’article 1304 du code civil, "L’obligation est conditionnelle lorsqu’elle dépend d’un événement futur et incertain.

La condition est suspensive lorsque son accomplissement rend l’obligation pure et simple (…)".

Il est constant que la défaillance de la condition suspensive entraîne la caducité de la vente, sans qu’y fasse obstacle l’apport tardif des justifications de la réalisation de la condition suspensive.

Il ressort en outre du compromis de vente du 20 janvier 2017 que « la non-réalisation d’une seule de ces conditions ou réserves entraînera la caducité des présentes sauf si l’acquéreur renonçait à se prévaloir de celles stipulées dans son seul intérêt ».

En l’espèce, si les parties ont fixé un délai de 45 jours pour la réalisation de la condition suspensive, elles ont toutefois inséré au compromis de vente la mention selon laquelle « à défaut d’avoir apporté la justification dans le délai imparti le vendeur aura la faculté de demander à l’acquéreur par lettre recommandée avec accusé de réception de lui justifier du dépôt du dossier de prêt ».

Ainsi la non réalisation de la condition suspensive dans le délai de 45 jours emportait non la caducité automatique de la promesse de vente, mais la faculté pour le vendeur de demander à l’acquéreur de justifier du dépôt de son dossier de prêt, « par lettre recommandée avec accusé de réception ».

Ce n’est alors que dans le cas où il n’était pas répondu sous 8 jours à cette injonction que le vendeur pouvait « se prévaloir de la caducité » de l’acte.

Or, il appert des pièces produites aux débats que la B C D a adressé plusieurs courriels à la SCI Y, aux fins de connaître l’état d’avancement de sa demande de prêt :

un premier courriel du 17 mars 2017 rappelant à l’acquéreur la date limite de réitération des consentements fixée au 31 mars 2017

un courriel du 21 mars 2017 sollicitant de l’acquéreur la fixation d’une date pour la signature définitive

un courriel du 23 mars 2017 relançant une nouvelle fois l’acquéreur aux fins de signature définitive et manifestant l’inquiétude du vendeur

un courriel du 19 avril 2017, adressé par le truchement du notaire du vendeur au notaire de l’acquéreur, à nouveau aux fins de fixation d’une date de signature définitive,

un courrier recommandé avec avis de réception en date du 26 avril 2017, adressé entre notaires et portant mise en demeure de la SCI Y de « venir signer l’acte de vente porté en référence dans les 8 jours de la réception de la présente », sous peine de « mise en oeuvre des dispositions contenues dans l’avant contrat avec les conséquences financières en découlant »

un courriel du 5 mai 2017 entre notaires aux fins de fixation d’une date de signature, faisant suite à l’annonce de la SCI Y de la réalisation de la condition suspensive d’obtention de prêt

un second courriel du 5 mai 2017 entre notaires précisant à l’acquéreur « qu’une décision quant à la suite à donner sera prise sous quinze jours ».

Ainsi, en premier lieu, la B C D n’a pas usé de sa faculté à enjoindre la SCI Y de produire la justification du dépôt de son contrat de prêt, l’ensemble des échanges ne portant que sur la fixation d’une date de signature et non sur le dépôt du dossier de prêt.

En conséquence, il ne lui est pas possible d’invoquer la caducité de l’acte, laquelle ne peut découler, au titre du contrat conclu entre les parties, que de l’absence de réponse sous 8 jours à l’injonction qui n’a, en l’espèce, pas été faite.

En second lieu, le vendeur a démontré, de façon explicite et par écrit, à plusieurs reprises, qu’il entendait poursuivre la vente après l’expiration du délai prévu pour établir l’acte authentique, soit postérieurement au 31 mars 2017, et a ainsi manifesté sa volonté non équivoque de ne pas se prévaloir de la caducité de la promesse de vente, en consentant au report de la signature définitive, fusse de façon implicite.

Par conséquent, il y a lieu de considérer que la promesse de vente du 20 janvier 2017 n’est pas caduque.

Sur la réalisation de la vente

§ Sur la réalisation des conditions suspensives

L’article 1304-6 du code civil dispose en outre en son alinéa 1er que « l’obligation devient pure et simple à compter de l’accomplissement de la condition suspensive ».

Le compromis de vente du 20 janvier 2017 stipule en sa clause relative à la condition suspensive d’obtention de prêt que ladite condition suspensive "devra être réalisée au plus tard dans les quarante-cinq jours des présentes.

A défaut d’avoir apporté la justification dans le délai imparti le vendeur aura la faculté de demander à l’acquéreur par lettre recommandée avec accusé de réception de lui justifier du dépôt du dossier de prêt.

Dans le cas où l’acquéreur n’aurait pas apporté la justification requise dans un délai de huit jours de l’accusé de réception, le vendeur pourra se prévaloir de la caducité des présentes".

Il a déjà été démontré que la caducité de la promesse de vente ne pouvait être considérée comme acquise et que la renonciation à la vente du bien par la B C D n’était pas intervenue à la date du 5 mai 2017.

Dès lors, la SCI Y restait recevable à établir la réalisation de la condition suspensive en sa faveur.

Or, il est soutenu par la SCI Y, et non contesté par la B C D, que l’acquéreur a fait part au vendeur de l’obtention de son prêt immobilier en date du 5 mai 2017.

Si la SCI Y ne produit aux débats aucun document bancaire en ce sens, il découle du procès-verbal de carence dressé le 29 août 2017 que "le notaire soussigné (Maître CHAMPAGNE) atteste qu’il dispose, en sa comptabilité, par le biais du virement préalable du requérant et de sa banque, en ce qui concerne la partie empruntée par lui, de l’intégralité des sommes nécessaires à la régularisation de l’acte authentique de vente" .

La B C D invoque en outre le fait que la SCI Y n’a pas justifié de la date de sa demande de prêt.

Toutefois, elle n’apporte pas la preuve de ce que cette dernière aurait été mise en demeure de le faire, par lettre recommandée avec avis de réception, comme prévu au compromis de vente. Or, il appartenait à la B C D de se prévaloir à ce stade de la défaillance de son acquéreur, ce qu’elle n’a pas fait.

Elle invoque en outre le silence de l’acquéreur, lequel n’a répondu à aucune des demandes qui lui ont été faites par le vendeur au sujet de la fixation d’une date de signature, là encore sans justifier avoir respecté les formes prévues au contrat pour se prévaloir de la caducité de l’acte.

Ainsi, en l’état du versement entre les mains du notaire des fonds découlant du prêt bancaire objet de la condition suspensive prévue au bénéfice de l’acquéreur, il y a lieu de considérer ladite condition suspensive comme réalisée.

§ Sur la perfection de la vente

L’article 1583 du code civil dispose en outre que la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quelque la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payée ».

Il découle encore de l’article 1589 du code civil que « la promesse de vente vaut vente, lorsqu’il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix ».

Il appert ainsi des dispositions susvisées que seul est exigé un accord sur la chose et le prix pour considérer la vente comme parfaite.

Le compromis de vente du 20 janvier 2017 stipule en outre que « si l’une des parties vient à refuser de signer l’acte authentique de vente, l’autre pourra saisir le Tribunal compétent dans le délai d’un mois de la constatation de refus (mise en demeure non suivie d’effet, procès-verbal de non-comparution…) afin de faire constater la vente par décision de justice, la partie défaillante supportant les frais de justice, nonobstant la mise en oeuvre de la stipulation de pénalité stipulée aux présentes ».

En l’état des pièces produites aux débats, la vente de la totalité de l’étage du bâtiment à usage de bureaux du lot n°1 d’un immeuble […] à […] était prévue pour un prix de 200.000 euros « acte en main », chose et prix sur lesquels les parties se sont par définition accordées par la signature de l’acte.

En l’absence de démonstration relative à d’éventuels vices du consentement et en l’état de l’absence de caducité et de renonciation à la vente opérée par l’une des parties en les formes prévues au compromis de vente, il y a lieu de considérer que la vente portant sur le bien immobilier objet du compromis du 20 janvier 2017 est parfaite.

Il y a lieu, dès lors, d’ordonner la publication du présent jugement au bureau des hypothèques du lieu de situation de l’immeuble.

Il convient enfin d’ordonner la délivrance du bien vendu par la B C D à la SCI Y.

§ Sur l’application de la clause pénale

L’article 1231-5 du code civil dispose que « lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire ».

En l’espèce, il est inséré au compromis de vente du 20 janvier 2017 une clause pénale en vertu de laquelle « au cas où, toutes les conditions relatives à l’exécution des présentes étant remplies, l’une des parties ne régulariserait pas l’acte authentique et ne satisferait pas ainsi aux obligations alors exigibles, elle devra verser à l’autre partie la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts, conformément aux dispositions de l’article 1231-5 du code civil ».

En l’état des éléments précédemment établis et de la perfection de la vente constatée au profit de la SCI Y, il y a lieu de faire droit à sa demande d’application de la clause pénale prévue au compromis de vente la liant à la B C D, cette dernière s’étant montrée défaillante pour la réitération des consentements malgré réalisation de l’ensemble des conditions suspensives.

Par conséquent, la B C D sera condamnée à payer à la SCI Y la somme de 20.000 euros au titre de la clause pénale.

Sur les demandes accessoires

§ Sur l’article 700 du code de procédure civile

Il résulte de l’article 700 du code de procédure civile que, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou à défaut la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu’il n’y a pas lieu à condamnation.

En l’espèce, il serait inéquitable de laisser à la charge de la SCI Y la totalité des frais irrépétibles qu’il a pu engager et qui ne sont pas compris dans les dépens.

Il conviendra en conséquence de condamner la B C D à payer la somme de 2.000 € à la SCI Y sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

§ Sur les dépens

L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge par décision motivée n’en mette la totalité ou une partie à la charge de l’autre partie.

En application de l’article 699 du code de procédure civile, les avocats et les avoués peuvent dans les matières ou leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l’avance, sans avoir reçu provision.

La B C D, succombant principalement dans cette procédure, sera condamné aux entiers dépens.

§ Sur l’exécution provisoire

En vertu de l’article 515 du code de procédure civile, hors les cas où elle est de droit, l’exécution provisoire peut être ordonnée à la demande des parties ou d’office, chaque fois que le juge l’estime nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire.

Compatible avec la nature de l’affaire, l’exécution provisoire sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant après débats en audience publique par jugement mis à la disposition des parties au greffe, contradictoire et en premier ressort,

Déclare l’assignation de la SCI Y recevable,

Dit que la B C D n’a pas fait usage de sa faculté de renonciation à poursuivre la réalisation de la vente dans les formes prévues par la promesse de vente du 20 janvier 2017,

Dit que la promesse de vente du 20 janvier 2017 n’est pas caduque,

Dit la condition suspensive d’obtention d’un prêt immobilier au profit de la SCI Y réalisée,

Déclare parfaite la vente du lot n°1 de l’immeuble sis à […], cadastré […], objet du compromis du 20 janvier 2017 conclu entre la SCI Y et la B C D,

Ordonne la publication de la présente décision au bureau des hypothèques du lieu de situation de l’immeuble,

Ordonne la délivrance du bien vendu par la B C D à la SCI Y,

Condamne la B C D à payer à la SCI Y la somme de 20.000 euros au titre de la clause pénale,

Condamne la B C D à payer à la SCI Y la somme totale de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamne la B C D aux dépens,

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe, les jours, mois et an susdits,

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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Tribunal de grande instance de Grasse, 1re chambre civile, section a, 20 novembre 2017, n° 17/04676