Tribunal de grande instance de Paris, 4e chambre 2e section, 31 mars 2017, n° 13/08916

  • Sociétés·
  • Budget·
  • Prescription·
  • Lot·
  • Loyer·
  • Parking·
  • Titre·
  • Obligation d'information·
  • Code civil·
  • Coûts

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 4e ch. 2e sect., 31 mars 2017, n° 13/08916
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 13/08916

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S(footnote: 1)

4e chambre 2e section

N° RG :

13/08916

N° MINUTE :

Assignation du :

11 Juin 2013

JUGEMENT

rendu le 31 Mars 2017

DEMANDEUR

Monsieur B J K Y

[…]

92500 RUEIL-MALMAISON

représenté par Me Jean-rémi COGNARD, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #L0109

DÉFENDERESSES

S.A.S LA E F

[…]

[…]

représentée par Me G H, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C0180

S.A.S C D

[…]

[…]

représentée par Maître Brigitte A BOYAUX de l’AARPI R2CS, Avocats, avocats au barreau de PARIS, avocats postulant, vestiaire #R197

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame STANKOFF, Vice-Président

Madame X, Juge

Madame ABBASSI-BARTEAU, Vice-président

assistées de Moinécha ALI, greffier, lors des débats et de Marion PUAUX, greffier lors de la mise à disposition.

DÉBATS

A l’audience du 06 Janvier 2017 tenue en audience publique devant Madame ABBASSI-BARTEAU, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile et avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu le 24 février 2017, délibéré prorogé au 31 mars 2017.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition par le greffe,

Contradictoire

En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La société C D anciennement dénommée F D a acquis en sa qualité de marchand de biens l’hôtel Desfontaines de Frasnoy classé monument historique, situé […] à […]

Une association foncière urbaine libre (AFUL) a été constituée le 7 décembre 2002 en vue de réaliser la restauration du bâtiment dans le cadre du dispositif de défiscalisation prévu par la loi Malraux.

En sa qualité de maître de l’ouvrage, l’AFUL de Desfontaines de Frasnoy a confié à la société E F une mission d’assistance administrative.

Le 19 juin 2003, Monsieur B Y a donné mandat à la société E F de rechercher un bien à restaurer en vue de réaliser une opération de défiscalisation sous le régime de la loi Malraux Monuments historiques. Le 25 juin 2003, il signait un compromis de vente pour l’acquisition du lot n°11 et d’un parking lot n°16 dans l’immeuble, puis il réitérait l’acte définitif le 25 septembre 2003. Il adhérait à l’AFUL le 10 août 2003.

Reprochant à la société E F et la société C D leur manquement à leur obligation d’information et de conseil face à des retards de 55 mois dans la réalisation des travaux et à l’augmentation de leur coût à hauteur de 77%, Monsieur B Y a alors assigné celles-ci devant le tribunal de grande instance de Paris en indemnisation de ses préjudices par acte extrajudiciaire du 11 juin 2013.

En l’état de ses dernières conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 16 mars 2016, auxquelles il est expressément référé, Monsieur B Y demande au tribunal de céans de :

“CONSTATER que l’action de M. Y n’est pas prescrite,

DIRE ET JUGER en conséquence que l’action de M. Y est recevable,

Vu l’article 1382 du code civil,

CONSTATER que la SAS C D et la SAS La E F ont manqué à leur

obligation d’information et de conseil dont elles étaient débitrices vis-à-vis de M. Y,

CONSTATER que cette faute fait subir à M. Y un préjudice correspondant à la perte de chance de ne pas contracter un investissement comparable avec une meilleure rentabilité,

EN CONSÉQUENCE :

CONDAMNER solidairement la SAS La E F et la SAS C D à payer à M. Y la somme de 128 230 euros au titre de la réparation de son préjudice pour perte de chance,

Vu l’article 1134 du code civil,

CONSTATER que la E F a manqué à sa mission contractuelle de conseil et de suivi en sous-estimant grossièrement le coût des travaux et que les retards pris dans la réalisation des travaux ont pour cause principale et directe cette sous-estimation initiale ;

CONSTATER que la E F manque à sa mission d’assistance administrative en n’accomplissant pas les formalités administratives nécessaires à la réalisation des travaux de parking,

EN CONSÉQUENCE :

CONDAMNER la SAS La E F à payer à M. Y la somme de 1 794 euros au titre de la réparation de son préjudice constitué par les frais de son contrôle fiscal,

ENJOINDRE à la SAS La E F d’accomplir toutes les démarches administratives nécessaires à la reprise du chantier et à la réalisation des travaux relatifs aux parkings tels que prévus dans le projet initial de restauration (convocation d’une assemblée générale de l’AFUL, accomplissement des formalités relatives à la perception de subventions, obtention d’un permis de démolir, relations avec l’architecte, etc.), et ce, dans un délai de 4 mois à compter de la signification du jugement à intervenir, et sous astreinte de 10 000 euros par mois de retard,

EN TOUTE HYPOTHÈSE :

ASSORTIR les condamnations prononcées des intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement à intervenir ;

CONDAMNER solidairement la SAS C D et la SAS la E F à payer à M. Y une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNER solidairement la SAS C D et la SAS La E F à payer à M. Y les entiers dépens de l’instance ;

ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir.”

En réponse au moyen tiré de la prescription soulevé en défense, il soutient qu’ayant appris le 14 avril 2004, lors d’une assemblée générale de l’AFUL que le coût des travaux avait augmenté de plus de 100% par rapport au budget estimatif, il disposait alors en vertu de l’ancien article 2270-1 du code civil d’un délai pour agir en responsabilité civile de 10 années expirant le 14 avril 2014 mais que du fait de l’entrée en vigueur du nouvel article 2224 du code civil, la date d’expiration du délai de prescription s’est trouvée fixée au 17 juin 2013. L’assignation ayant été délivrée le 11 juin 2013, il en conclut que que son action n’est pas prescrite.

Au fond, Monsieur B Y expose que ni la société E F ni la société C D ne l’ont informé des risques et de ce que le calendrier prévisionnel des travaux pourrait être très largement retardé, d’une part et que d’autre part, le coût des travaux de restauration à prévoir pourrait très largement dépasser la marge d’erreur de 5% prévue dans la brochure de la société E F. Il soutient qu’elles ont engagé leur responsabilité civile délictuelle. Il estime avoir été privé de la possibilité d’évaluer l’adaptation de l’opération à sa situation personnelle et à ses attentes. Il fait valoir que les travaux de parking n’ont pas été achevés. Il évalue ses préjudices à 92.619 euros pour le surcoût de travaux et à 35.611 euros au titre de la perte des loyers.

Dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 22 janvier 2016, auxquelles il est expressément référé, la société E F demande au tribunal de céans de :

“Vu les articles 1134 et 1382 du code civil,

DECLARER irrecevable Monsieur Y en son action dirigée à l’encontre de la société E F

A titre subsidiaire et en tout état de cause,

DEBOUTER Monsieur Y de toutes ses demandes dirigées à l’encontre de la société E F

CONDAMNER Monsieur Y à payer société E F une somme de 10.000 € à titre de dommages intérêts pour procédure abusive.

CONDAMNER Monsieur Y à payer une somme de 4 000 € au titre de l’article 700 au profit de la société E F.

CONDAMNER le même aux entiers dépens.”

La société E F conclut que la demande de dommages et intérêts au titre du surcoût des travaux est prescrite, que la demande au titre de la perte des loyers est également prescrite au titre des années 2006, 2007 et 2008 et qu’il ne peut pas être demandé des loyers au titre des années 2015, 2016 et 2017 ceux-ci n’étant pas exigibles. Elle fait en outre valoir que Monsieur B Y est irrecevable à formuler des demandes qui intéressent les rapports contractuels entre l’AFUL et la société défenderesse.

Subsidiairement, et en tout état de cause, la société E F soutient que Monsieur B Y n’est pas créancier des obligations contractuelles qu’elle entretient avec l’AFUL, que dans la plaquette de présentation, il était bien indiqué qu’il ne s’agissait que d’un simple estimatif sans caractère contractuel et qu’elle est étrangère au processus de fixation du budget de l’opération. Elle soutient que les comptes présentés par Monsieur B Y sont inexacts, que ses affirmations sont mensongères puisque la réalité du surcoût supporté par lui est de 30% et non de 77% comme il le prétend et qu’il a retenu des options privatives de travaux pour 12.034,12 euros ce qui a augmenté le coût. Finalement elle parvient au résultat que le réel surcoût après avantage fiscal n’est que de 18.396 euros. La société E F conteste toute faute qui lui serait imputable au titre de l’obligation d’information et de conseil et elle rappelle que Monsieur B Y est un ingénieur commercial et un investisseur parfaitement averti. Pour ce qui est des retards de chantier, elle précise que les décisions de suivi du chantier étaient prises par le maître d’oeuvre et l’assistant à la maîtrise d’ouvrage. Elle dément avoir une quelconque responsabilité technique dans le suivi du chantier et la mise en oeuvre des budgets.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 mai 2015, auxquelles il est expressément référé, la société C D demande au tribunal de :

“Vu les articles 1149 et 1150 du code civil ,

Vu les articles 1134 et 1382 du code civil,

DEBOUTER Monsieur Y de ses demandes .

CONDAMNER Monsieur Y à payer à la société C D la somme de 4.000 € au titre de l’article 700.

CONDAMNER Monsieur Y aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître A conformément aux dispositions de l’article 699 du Code civil.”

La société C D prétend ne s’être engagée en tant que vendeur qu’au titre des vices cachés. Elle conclut que Monsieur B Y ne justifie pas qu’un quelconque surcoût de travaux serait lié à un vice caché, qu’en tout état de cause il est forclos en cette demande, que l’acte de vente précisant que l’immeuble est délivré dans son état actuel, il n’est pas démontré de dissimulation intentionnelle d’information de sa part ; qu’enfin aucune faute contractuelle ne peut lui être imputée au titre du surcoût des travaux, ni dans les retards de travaux, ni dans la baisse des loyers. En tout état de cause, elle fait valoir qu’en vertu de l’article 2233 du code civil, la demande au titre des loyers est prescrite pour les années 2006, 2007 et 2008.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 3 juin 2016.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le rejet de la pièce produite après la clôture

En application de l’article 783 alinéa 1 du code de procédure civile : “Après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office.”

La pièce communiquée par Maître G H s’intitulant “récépissé de dépôt d’une demande de permis de démolir” postérieurement à l’ordonnance de clôture, sera déclarée d’office irrecevable et en conséquence rejetée comme tardive.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile : «Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.»

L’ancien article 2270-1 du code civil applicable avant l’entrée en vigueur de la loi 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, prévoyait que “Les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation.

L’article 2224 du code civil, applicable depuis le 19 juin 2008, date de l’entrée en vigueur de la loi 2008-561 du 17 juin 2008, dispose que “les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour ou le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer”.

L’article 2222 du code civil, codifiant les dispositions de l’article 26 de la loi 2008-561 du 17 juin 2008, prévoit qu’en “cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure”.

En l’espèce, il n’est pas discuté que Monsieur B Y a pu se rendre compte de la manifestation du dommage au cours d’une assemblée générale de l’AFUL de Desfontaines de Frasnoy qu’il date du 14 avril 2004.

En vertu des anciennes dispositions du code civil, le délai pour agir en responsabilité délictuelle à l’encontre des défenderesses devait expirer le 14 avril 2014.

La prescription de l’action de Monsieur B Y n’étant pas acquise lors de l’entrée en vigueur de la loi 2008-561 du 17 juin 2008, un nouveau délai de prescription de 5 ans a commencé à courir à compter du 19 juin 2008 (et non du 17 juin 2008).

Ayant assigné au fond le 11 juin 2013 avant l’expiration du délai de prescription le 19 juin 2013, l’action de Monsieur B Y n’est pas prescrite. Il sera donc déclaré recevable à agir en responsabilité délictuelle ce qui est le fondement invoqué de son action, sans qu’il y ait lieu à ce stade d’examiner la prescription des loyers soulevée en défense, s’agissant d’un poste de préjudice allégué par Monsieur B Y.

Sur le manquement allégué à l’obligation d’information et de conseil

L’obligation d’information et de conseil doit être délivrée avant que les investisseurs ne s’engagent.

Le défaut d’exécution d’une telle obligation doit en conséquence recevoir une sanction sur un terrain délictuel et non contractuel comme le soutient la société E F.

Monsieur B Y prétend rechercher la responsabilité civile délictuelle des défenderesses tenues solidairement, pour manquement de celles-ci à leur obligation précontractuelle d’information et de conseil.

Il ressort des pièces versées aux débats par le demandeur, que la société E F a élaboré le dossier de présentation de l’opération de défiscalisation, qu’elle a fourni des renseignements sur le projet de rénovation de l’immeuble considéré comme l’un des joyaux de la ville de Valenciennes, le statut fiscal attaché à son classement, les plans des étages et des futurs appartements, le prix des différents lots et le coût prévisible des travaux répartis par lot ainsi que les délais d’exécution, qu’elle a élaboré une simulation E personnalisée adressée à Monsieur B Y par un courrier électronique du 19 juin 2003, et a également fait signer au demandeur une lettre de mission le 25 juin 2003 afin d’être habilitée à constituer une AFUL.

Dans la brochure commerciale réalisée par la société E F et fournie à Monsieur B Y, il était indiqué que la phase administrative d’obtention des autorisations devait durer 6 mois au maximum et que l’ensemble des travaux nécessitait généralement un délai de l’ordre de 24 mois pour l’immeuble entier bâti. Le budget des travaux à prévoir était estimé à 1.064.241 euros et il était précisé à ce sujet que cette estimation n’était pas contractuelle, que le budget définitif sera à établir par l’AFUL après avoir consulté les entreprises à travers un appel d’offre et avoir reçu leur devis, et que compte tenu de l’évolution des prix des travaux sur 2000 et 2001, une marge de l’ordre de 5% pouvait être retenue.

Il était précisé concernant les lots acquis par Monsieur B Y aux prix respectifs de 72.046 euros et 3.815 euros que le budget estimatif des travaux à prévoir était de 115.593 euros pour le lot n°11 et de 1.906 euros pour le lot n°16 soit au total pour les deux lots la somme de 117.499 euros pour les travaux.

La simulation E réalisée par la société E F sur une durée de 18 ans, prenant en compte la fin des travaux dans un délai de deux années, et un revenu locatif au cours de la deuxième année, opérant la déduction du montant total des travaux outre les frais financiers et les autres charges tout en réintégrant la subvention de l’ANAH, mettait en évidence un gain en revenus immobiliers nets estimé à terme à 121.489 euros, la valorisation du D à 226.723 euros et une économie d’impôts significative les trois premières années: 43.863 euros la première année, 12.150 euros la deuxième année et 9.304 euros la troisième année.

Il n’est pas contesté que les travaux ont été achevés en avril 2008 ce qui représente pour Monsieur B Y un retard de 26 mois par rapport à la date prévisionnelle sur laquelle étaient basées les études E et fiscale.

Lors de l’assemblée générale de l’AFUL de Desfontaines de Frasnoy qui s’est tenue le 13 juillet 2005, le budget des travaux de restauration et de réhabilitation a été adopté pour un montant de 2.011.699 euros au lieu des 1.134.619 euros annoncés dans la brochure commerciale soit une augmentation de 877.080 euros. A supposer même, comme il est soutenu en défense, que l’on tienne compte de l’économie d’impôt et des travaux supplémentaires que le demandeur a pris à sacharge, il en résulte encore une augmentation substantielle nettement supérieure à la marge de 5% mentionnée dans la brochure.

Or Monsieur B Y a été amené à investir sur la base de la documentation élaborée par la société E F qui était tenue de fournir une information claire et précise.

L’information devant être délivrée avant que l’investisseur ne s’engage, la société E F ne peut tirer argument du comportement ultérieur de Monsieur B Y et ses votes sur les travaux décidés lors des différentes assemblées générales de l’AFUL de Desfontaines de Frasnoy sont indifférents et ne peuvent atténuer un éventuel manquement à l’obligation d’information et de conseil.

S’il n’est pas contestable par ailleurs que, de par son activité professionnelle d’ingénieur, Monsieur B Y était en mesure de comprendre l’équilibre financier de l’opération d’investissement qu’il souhaitait réaliser et qu’il ne pouvait se méprendre sur le fait que la brochure commerciale et même l’étude personnalisée réalisée en juin 2003, constituaient de simples estimations sans valeur contractuelle, ce qu’elles précisaient, et qu’elles étaient établies à partir de données sans caractère définitif en ce qui concerne tant la date de livraison des lots acquis que le montant des travaux de réhabilitation et de rénovation, en revanche il n’est pas établi que celui-ci disposait des éléments lui permettant d’appréhender les retards de réalisation des travaux et les surcoûts pouvant résulter de l’opération proposée.

Selon Monsieur I Y, le retard de livraison trouve principalement sa cause dans la hausse anormale des coûts des travaux de restauration qui a nécessité la réalisation de plusieurs appels d’offres et a rendu difficile l’obtention du financement de l’opération.

Or le chiffrage des travaux prévisibles opéré dans la brochure commerciale ne comporte aucun détail ni information sur une éventuelle hausse de ceux-ci alors qu’il s’agissait d’un élément essentiel et déterminant de l’engagement de l’investisseur.

La société E F ne démontre pas que l’augmentation du coût des travaux était imprévisible ou qu’elle serait liée à des événements insurmontables.

En n’attirant pas l’attention de Monsieur B Y sur les risques d’allongement des délais et de surcoûts liés à ce type d’investissement dans des immeubles anciens classés dans des secteurs historiques alors qu’en sa qualité de professionnelle, elle est nécessairement au fait de ce type d’opération de défiscalisation et des contraintes inhérentes à la réhabilitation et à la rénovation d’immeubles anciens, la société E F a commis une faute de nature délictuelle ayant causé à celui-ci un préjudice qu’il convient de réparer.

Il n’est pas établi que la société C D, si elle a activement participé à l’opération aux côtés de la société E F dont elle partage le même siège social et les mêmes dirigeants, en acquérant le foncier de l’immeuble à restaurer et en le revendant aux investisseurs prospectés par la société E F dont Monsieur B Y ait participé d’aucune sorte au contenu rédactionnel de la brochure ni même à la diffusion de l’étude E personnalisée. En conséquence, sa responsabilité ne peut être engagée pour manquement à une obligation précontractuelle d’information et de conseil à laquelle elle n’était pas tenue et le demandeur qui ne recherche pas sa responsabilité en tant que venderesse, sera débouté de sa prétention à ce titre.

Sur la réparation du préjudice

La perte de chance, qui constitue un préjudice réparable, doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.

Monsieur B Y demande réparation au titre de la perte de rentabilité de l’investissement immobilier par rapport à la rentabilité promise, du fait de la diminution des loyers perçus qu’il évalue à 35.611 euros et de la hausse du coût des travaux afférent à ses biens immobiliers pour 92.619 euros.

Si Monsieur B Y avait été dûment informé, par la société E F, sur les risques d’allongement des délais d’exécution et des surcoût résultant des travaux, il ne peut être tenu pour certain qu’il aurait contracté à ces conditions, de sorte que la faute de la société E F l’a privé de la chance d’évaluer en connaissance de cause l’adéquation de l’opération avec sa situation personnelle, et le cas échéant d’investir dans d’autres produits défiscalisés dans de meilleures conditions ou dans des conditions similaires à celles qui leur étaient présentées.

Dans l’appréciation de la chance perdue, il convient de prendre en compte le fait que ni le prix des travaux, ni les délais ni même la rentabilité de l’opération ne lui avaient été garantis.

Au titre de la perte des loyers invoquée, il n’y a lieu de prendre en compte que les pertes subies jusqu’à l’achèvement de l’immeuble et la livraison des appartements en 2008 et non au-delà de cette date, la perception des loyers à compter de 2008 et leur baisse éventuelle dépendant des aléas locatifs et non de la faute de la société E F. La question de la prescription des loyers 2006, 2007 et 2008 soulevée en défense manque de pertinence étant donné que le présent litige ne porte pas sur la réclamation de loyers mais sur l’évaluation d’un préjudice lié à leur non-perception.

Le demandeur effectue un calcul théorique du surcoût lié à l’augmentation du prix des travaux par rapport au budget inital sans déduire le surcoût lié à ses propres travaux.

Au vu de ces éléments, il convient d’apprécier globalement la perte de chance subie par Monsieur B Y à la somme de 35.000 euros et de le débouter du surplus.

La société E F sera condamnée à lui verser cette somme, avec les intérêts au taux légal courront sur cette somme au jour du présent jugement conformément à l’ancien article 1153-1 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016.

Sur l’absence d’achèvement des travaux

Monsieur B Y demande au tribunal d’enjoindre à la société E F, à laquelle l’AFUL de Desfontaines de Frasnoy a confié une mission d’assistance administrative, d’entreprendre toutes les démarches administratives nécessaires à la reprise du chantier et à la réalisation des travaux de démolition, de confortation, d’assainissement du sol et de construction des parkings, et en outre de convoquer une assemblée générale de l’AFUL, d’accomplir les formalités relatives à la perception des subventions, à l’obtention d’un permis de construire, s’occuper des relations avec les architectes, et ce dans un délai de 4 mois sous astreinte de 10.000 euros par mois de retard.

Comme le souligne la société E F dans ses écritures Monsieur B Y n’est pas signataire de la convention d’assistance administrative qui la lie à l’AFUL, et n’a par conséquent aucune qualité pour faire enjoindre à celle-ci d’effectuer les démarches relatives à la reprise du chantier de construction et à la réalisation des travaux de parking.

Il y a lieu de le déclarer irrecevable de ce chef.

Sur les demandes accessoires

La société E F qui succombe, sera condamnée en tous les dépens.

Elle sera en outre condamnée à verser à Monsieur B Y la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Ni l’équité ni la situation économique des parties ne commandent l’allocation d’une indemnité au titre des frais irrépétibles au profit de la société C D.

L’exécution provisoire n’est pas nécessaire et ne sera pas ordonnée.

PAR CES MOTIFS  :

Le tribunal, statuant publiquement par décision mise à disposition au greffe, contradictoire, en premier ressort,

Agissant d’office, rejette la pièce communiquée par Maître G H s’intitulant “récépissé de dépôt d’une demande de permis de démolir” postérieurement à l’ordonnance de clôture.

Déclare recevable l’action en responsabilité civile délictuelle initiée par Monsieur B Y, comme étant non prescrite.

Condamne la société E F à payer à Monsieur B Y la somme de 35.000 euros en indemnisation de la perte de chance subie avec les intérêts au taux légal à compter du présent jugement.

Déboute Monsieur B Y du surplus de ses demandes à l’égard de la société E F et de toutes ses prétentions à l’encontre de la société C D.

Déclare irrecevable Monsieur B Y en sa demande d’injonction de faire à l’égard de la société E F.

Condamne la société E F à payer à Monsieur B Y la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dit n’y avoir lieu à indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société C D .

Condamne la société E F en tous les dépens.

Accorde à Maître A avocat, le droit de recouvrer les dépens conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 31 Mars 2017

Le Greffier Le Président

FOOTNOTES

1:

Expéditions

exécutoires

délivrées le:

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal de grande instance de Paris, 4e chambre 2e section, 31 mars 2017, n° 13/08916