Tribunal de grande instance de Paris, 5e chambre 1re sec, 18 décembre 2018

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 5e ch. 1re sec, 18 déc. 2018
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris

Texte intégral

Monsieur X. a bénéficié d’un compte sur le site www.bwin.fr entre le 4 juillet 2014 et le 2 février 2016, sur lequel il a régulièrement conclu des contrats de paris en ligne avec la SAS B.E.S. qui est l’opérateur proposant des paris sportifs en ligne sur ce site, sous le nom commercial BWIN.

Pendant cette période, la SAS B.E.S. a refusé d’admettre et de s’exécuter du gain de plusieurs paris remportés par Monsieur X. Le contestant, celui-ci a effectué plusieurs demandes de paiement et d’explication par courriel et lettres recommandées avec accusé de réception par avocat.

Se heurtant à un refus systématique de paiement de ses gains de la part de la SAS B.E.S., Monsieur X. l’a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris, par acte du 19 décembre 2016.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 3 juillet 2017, Monsieur X. demande au tribunal, au visa des articles 1147, 1153, 1170, 1174, 1184, 1315, 1964 et 1967 de l’ancien code civil, des articles 1133, 1171 et 1304-2 du nouveau code civil, des articles L. 122-1, L. 132-1 et R. 132-1 de l’ancien code de la consommation (avant le 1er juillet 2016, de la n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, du décret n° 2010-483 du 12 mai 2010 relatif aux compétitions sportives et aux types de résultats sportifs définis par l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), ainsi que des circulaires de l’ARJEL du 11 septembre 2013 et n° 0999/ARJEL/DJ du 16 août 2016, de :

À titre principal,

– dire et juger valides les 10 contrats de paris objet du litige ;

– dire et juger exacts ses 10 pronostics ;

– dire et juger potestatives et abusives les clauses que lui oppose B.E.S ;

– juger prohibées les annulations unilatérales de contrat de B.E.S ;

– réputer non écrites les clauses A.3.8 et B1.6.2 du règlement de B.E.S qu’elle lui oppose ;

– condamner B.E.S à lui payer la somme de 3 897,25 euros au titre des contrats de paris conclus, outre les intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2016 ;

– condamner B.E.S à lui payer la somme de 10 000 euros pour manquement à son obligation de paiement à bref délai ;

– condamner B.E.S à lui payer la somme de 2 000 euros pour clôture abusive de son compte joueur ;

– condamner B.E.S à lui payer la somme de 3 000 euros pour refus de vente de prestation de service ;

– condamner B.E.S à lui payer la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive ;

– juger mal-fondée la demande reconventionnelle de B.E.S. ;

À titre subsidiaire,

– condamner B.E.S au paiement de la somme de 11 301,18 euros au titre du remboursement des mises ;

À titre infiniment subsidiaire

– condamner B.E.S au paiement des paris gagnants en application de la cote réajuster par B.E.S et sans erreur ;

En tout état de cause,

– condamner B.E.S à lui payer 6 000 euros d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner B.E.S aux entiers dépens ;

– ordonner l’exécution provisoire du jugement.

Monsieur X. soutient que :

– le contrat de pari sportif obéit aux règles de droit commun qui encadrent la formation, la modification et les effets du contrat, précisant que le contrat de pari est également soumis à la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, ainsi qu’aux circulaires de l’ARJEL ;

– à la suite des offres publiques de la SAS B.E.S., qu’il a acceptées, les contrats se sont formés par la rencontre d’une offre et d’une acceptation, obligeant la SAS B.E.S. à honorer ses engagements, les contrats ne pouvant être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties pour les causes que la loi autorise, ainsi qu’il est dit à l’article 1134 alinéa 2 du code civil, et ne pouvant être annulés unilatéralement puisqu’il résulte de l’article 1184 du code civil que la résolution doit être demandée en justice ; le « pari à cote », en particulier, se définit au sens de l’article 4 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010, relative à l’ouverture de la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne comme : « le pari pour lequel l’opérateur propose aux joueurs, avant le début des compétitions sportives ou au cours de leur déroulement, des cotes correspondant à son évaluation des probabilités de survenance des résultats de ces compétitions sur lesquels les joueurs parient. Le gain est fixe, exprimé en multiplicateur de la mise et garanti aux joueurs par l’opérateur. » ; la SAS B.E.S. a révoqué ses engagements une fois que le résultat de l’événement sportif était connu ;

– l’erreur évidente invoquée par la SAS B.E.S. pour ne pas s’exécuter est une notion floue, non définie, subjective, laissée au seul jugement de la SAS B.E.S. et inconnue du droit des contrats, qui n’est finalement qu’une erreur indifférente et inexcusable de la part de cette dernière tenant à une mauvaise appréciation du risque dans des contrats aléatoires, qui lui est inopposable ;

– l’ARJEL elle-même, dans sa circulaire du 16 août 2016, combat cette notion d’erreur manifeste ;

– les contrats de paris sportifs sont des conventions aléatoires au sens de l’article 1964 du code civil qui obéissent à l’adage « l’aléa chasse l’erreur » ; les contractants ont accepté un aléa dans le champ contractuel, de sorte qu’aucune des deux parties ne peut alléguer l’erreur en cas de dissipation ultérieure de l’incertitude commune, et notamment pas la SAS B.E.S. en qualité de pollicitant, ainsi qu’il ressort d’un arrêt de la Cour de cassation, première chambre civile du 24 mars 1987, dont la solution a été reprise par l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats (article 1133 alinéa 3) ;

– l’erreur dans ce type de contrat ne peut être retenue puisqu’il s’agit de l’essence même du pari ; l’article 1967 du code civil prévoit d’ailleurs que : « dans aucun cas, le perdant ne peut répéter ce qu’il a volontairement payé, à moins qu’il n’y ait eu, de la part du gagnant, dol, supercherie ou escroquerie. » ;

– les clauses prévues aux articles A.3.8 et B1.6.2 du règlement aux termes de laquelle la SAS B.E.S. « se réserve le droit » d’annuler des paris, dans un contrat qui par nature est aléatoire, lui confère mécaniquement un caractère potestatif et abusif au sens de l’article 1174 du code civil, analyse partagée par l’ARJEL dans sa circulaire du 16 août 2016 ;

– les mêmes clauses, en ce qu’elles contredisent la portée de l’engagement de la SAS B.E.S. en vidant de sa substance cette obligation essentielle de paiement, constitue une clause réputée non écrite au sens de l’article 1171 du nouveau code civil ; elles sont également abusives et doivent être déclarée non écrites, sous l’angle du code de la consommation, en ce sens qu’elles restreignent l’obligation prise par le professionnel de respecter ses engagements, qu’elle lui accorde le droit de déterminer la chose livrée ou les services fournis et le droit de résilier discrétionnairement le contrat, sans reconnaître le même droit au non professionnel et au consommateur, qualité qui doit lui être reconnue au cas d’espèce ;

– la SAS B.E.S. ne peut pas revendiquer un droit de rétracter son engagement en méconnaissance du droit de la consommation, faute d’existence d’un droit équivalent au consommateur ; à supposer que lui soit reconnu ce droit, il est fondé à l’invoquer à son tour sur tous les partis perdants ;

– la SAS B.E.S. ne prouve pas, conformément à l’article 1315 du code civil, qu’elle ait été fondée à refuser le paiement des gains, en l’application de l’article A.3.3 de son règlement, en raison d’un pari tardif ;

– la SAS B.E.S. a une obligation contractuelle de paiement à bref délai ;

– la clôture brutale et dépourvue de tout consentement de son compte par la SAS B.E.S. est illicite et viole, d’une part, l’article 1134 alinéa 2 du code civil et, d’autre part, la règle de l’article L. 122-1 ancien, L. 121-11 nouveau du code de la consommation, qui interdit de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou d’une prestation de service ;

– la résistance de la SAS B.E.S. à ses prétentions a dégénéré en abus du fait d’une « déloyauté particulièrement détestable » à son endroit, justifiant réparation de ses préjudices moraux et financiers ;

– la demande reconventionnelle de la SAS B.E.S. n’est pas fondée en droit ni justifiée en fait.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 25 septembre 2017, la SAS B.E.S. sollicite du tribunal, au visa des anciens articles 1134, 1147 du code civil, des nouveaux articles 1128 et 1108 du code civil, de l’article 32-1 du code de procédure civile, du nouvel article L. 121-11 du code de la consommation, ainsi que de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, de :

– dire et juger que l’annulation des paris du 6 avril 2015, du 28 juin 2015 et du 26 janvier 2016 est justifiée et conforme à son règlement,

– dire et juger qu’aucun contrat de paris valable n’a été formé les 6 avril 2015, 28 juin 2015 et 26 janvier 2016 et qu’en conséquence, elle n’a pas manqué à une quelconque obligation contractuelle de paiement,

– dire et juger que les clauses de son règlement et des remarques générales ne sont pas abusives,

– dire et juger que la clôture du compte de Monsieur X. est légitime, non abusive et ne constitue pas un refus de vente de prestation de service,

En conséquence,

– rejeter l’ensemble des demandes de Monsieur X.,

Reconventionnellement,

– condamner Monsieur X. au paiement de 10 000 euros au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

En tout état de cause,

– dire qu’il n’y a pas lieu à exécution provisoire du jugement à intervenir, sauf en ce qui concerne la demande reconventionnelle présentée dans son intérêt de La SAS B.E.S. ,

– condamner Monsieur X. au paiement de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La SAS B.E.S. expose que :

– elle a été constituée et immatriculée le 26 mars 2010 dans la perspective de l’ouverture à la concurrence du secteur des jeux d’argent sur Internet, en France, qui a été réalisée par la loi n°2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne ; elle est la première société à avoir obtenu, le 7 juin 2010, les agréments de l’ARJEL au titre des activités d’offre de paris sportifs en ligne et de jeux de cercle en ligne (agréments n°0001-PS-2010-06-07 et n°0001-PO-2010-06-07), agréments qui ont été régulièrement renouvelés par la suite ;

– les annulations des dix paris de Monsieur X. sont parfaitement justifiées que ce soit en raison :

* d’une erreur sur son site sur les cotes pour quatre d’entre eux, du 6 avril 2015 – l’article 15 de son règlement permettant uniquement à l’opérateur de rectifier un fonctionnement anormal de la logique de jeu mais pas de pénaliser le joueur -, l’annulation étant intervenue avant que le pari s’avère gagnant ou perdant ; Monsieur X. n’a pas contesté les annulations auprès d’elle avant son courrier de juin 2016 ;

* de la tardiveté de deux d’entre eux, du 28 juin 2015, la règle énoncée à ce sujet à l’article 28.5.5 de son règlement et les remarques générales étant parfaitement connues de Monsieur X. qui a cherché à profiter d’une erreur technique du site qui lui a permis de placer des paris tardifs ; il n’a pas contesté les annulations auprès d’elle avant son courrier de juin 2016 ;

* de la nature de paris relatifs des quatre derniers du 26 janvier 2016, qui sont prohibés par son règlement (article 28.5.8) et ses remarques générales dans certaines conditions remplies en l’espèce ;

Monsieur X. occulte de mauvaise foi les douze autres paris pour lesquels il aurait perdu de l’argent s’ils n’avaient pas été annulés ;

– en cas d’annulation des paris, la mise est totalement remboursée au joueur ;

– aucun contrat valable n’a été formé de bonne foi pour ces dix paris, faute d’échange de consentements au sens de l’article 1128 du code civil, ce qui implique qu’elle n’a pas manqué à ses obligations contractuelles et que les développements sur le moyen de rétractation en demande sont hors sujet ;

– Monsieur X. n’est pas le joueur néophyte ayant été lésé par un opérateur en ligne qu’il présente au tribunal mais connaît au contraire parfaitement le monde des paris, principalement de par sa profession ; il est particulièrement à même de détecter une erreur de cote, de détecter une mise à jour tardive du site permettant de placer un pari tardif ou de comprendre que deux paris sont relatifs, ce qui a de quoi faire douter de sa bonne foi ;

– si le contrat de pari est effectivement un contrat aléatoire et que l’aléa chasse bien l’erreur, l’essence du pari sportif n’est pas l’erreur que commettrait l’opérateur lors de la fixation de la cote comme soutenu en demande, mais l’aléa qui porte sur le résultat ; or, dès lors que la cote n’est pas régulièrement fixée, il n’y a plus d’accord entre les parties sur l’aléa quant au résultat et le contrat n’est pas valablement formé ;

– elle n’est pas liée par une circulaire de l’ARJEL et, en tout état de cause, elle n’a pas agi en contradiction avec les conclusions de cette autorité car elle a informé Monsieur X. de l’erreur des cotes pour ses paris avant le résultat officiel ; pour cette même raison, les clauses de son règlement ne sont pas constitutives d’un déséquilibre significatif ;

– malgré le fait qu’elle a crédité le compte de Monsieur X. du montant de 9 993,62 euros suite à une annulation de paris pourtant légitime car portant sur des paris relatifs, il a réitéré son comportement frauduleux et profité de certaines défaillances ou mises à jour tardives de son site permettant le placement de paris tardifs ou relatifs, ce qui a justifié la clôture de son compte joueur en application de l’article ancien 1134 du code civil et de la clause 17 de son règlement instauré pour limiter la fraude ;

– le refus de vente de prestation de service n’est pas interdit par le nouvel article L. 121-11 du code de la consommation en cas de motif légitime comme en l’espèce ;

– la résiliation d’un contrat d’adhésion par un professionnel n’est pas abusive, ne crée pas un déséquilibre significatif et ne constitue pas un refus de vente dès lors que le consommateur bénéficie également du droit de résilier ce contrat, ce que permet son règlement dans son article 18.1 ;

– les montants des demandes indemnitaires sont totalement arbitraires et non étayés ;

– la mauvaise foi de Monsieur X. qui a « triché à maintes reprises, et qui pense pouvoir (encore) soutirer des sommes à la société B.E.S. », ses « intentions malicieuses » qui « transpirent des multiples demandes indemnitaires », ses « accusations sur la probabilité de la société B.E.S. et sa situation financière » démontrent que c’est elle qui subit un préjudice dont elle est fondée à demander réparation en vertu de l’article 32-1 du code de procédure civile.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs moyens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 16 mai 2018.

DISCUSSION

Les demandes des parties tendant à voir « dire et juger » ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile et ne donneront pas lieu à mention au dispositif.

Il s’agit en l’espèce de contrats de paris antérieurs au 1er octobre 2016, ne relevant pas de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

Le litige se situe dans le cadre de contrats aléatoires tels que définis par l’ article 1964 (ancien) du code civil et plus particulièrement de paris sportifs.

La SAS B.E.S. a reçu le 7 juin 2010, en application de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, l’agrément de l’ ARJEL (autorité de régulation des jeux en ligne).

Sur les paris annulés par la SAS B.E.S. pour cause d’erreur alléguée

L’ article 1174 ancien du code civil dispose que « toute obligation est nulle lorsqu’elle a été contractée sous condition potestative de celui qui s’oblige ».

Aux termes de l’ article 1110 ancien du code civil applicable à la cause, « l’erreur n’est une cause de nullité de la convention que si elle porte sur la substance de la chose qui en est l’objet. »

Il est admis que l’erreur ne peut être alléguée comme cause de nullité lorsqu’elle présente un caractère fautif inexcusable.

Le litige concerne, en premier lieu, deux paris placés le 6 avril 2015 sur un championnat de football « Premier League ». La SAS B.E.S. déclare que les cotes qu’elle a indiquées étaient erronées, trop élevées, ce dont elle a informé Monsieur X. le 18 avril, le résultat officiel du match n’étant intervenu que le 24 mai.

Ces cotes sont constituées par un coefficient multiplicateur de la mise établi par l’organisateur de paris, déterminant le gain potentiel des parieurs.

A l’appui de l’annulation qu’elle a opérée, la SAS B.E.S. invoque une disposition contractuelle (A3.8 des remarques générales) par laquelle « elle se réserve le droit de rectifier les erreurs évidentes ».

A cet égard, l’article 15 de son règlement stipule « Vous devez nous signaler toute erreur constatée sur votre compte portant sur les mises ou paris que vous avez effectués. En cas de survenance d’une telle erreur ou de toute panne du système ou anomalie dans le jeu (fonctionnement anormal de la logique du jeu à quelque titre que ce soit) entraînant une erreur dans le calcul des cotes….Nous nous réservons le droit de déclarer nuls et non avenus les mises ou paris…».

Si on devait considérer que ces clauses autorisent l’annulation des paris à la seule appréciation de la SAS B.E.S. au motif de ses propres erreurs, on se trouve dans le cadre d’une condition potestative insusceptible de recevoir application.

De même, la clause selon laquelle il reviendrait au client, fut-il un joueur averti, de rechercher, constater et signaler les erreurs de l’organisateur du jeu en ses lieu et place.

La SAS B.E.S. dispose des moyens techniques et de la compétence pour vérifier le contenu de ses offres et corriger ses propres erreurs.

Le caractère aléatoire de l’objet du contrat accepté par les parties dans le cadre d’un pari, exclut en principe de par sa nature l’erreur comme motif de nullité pour vice du consentement.

Il ne s’agit pas, en l’espèce, d’une erreur consécutive à une panne ou un élément extérieur étranger à la société sur lequel elle n’aurait pu intervenir, échappant à sa vigilance.

La SAS B.E.S. n’indique pas pourquoi les erreurs de cotation commises par elle ont échappé à la vigilance normale que les clients étaient en droit d’attendre d’un professionnel organisateur des paris en cause.

Etant l’organisatrice des paris et seule habilitée à décider des cotations qu’elle souhaite appliquer, il lui appartient de s’organiser pour prévenir les erreurs.

En l’espèce, elle n’en explique aucunement les causes et les raisons pour lesquelles elle n’a pu les empêcher.

Dès lors, ces erreurs inexpliquées présentent un caractère inexcusable dont elle ne peut se prévaloir.

Selon récapitulatif établi par le demandeur, ses gains du 6 avril 2015 s’élèvent à 379,75 euros.

Sur les paris « tardifs » du 28 juin 2015 annulés par La SAS B.E.S.

La SAS B.E.S. indique avoir annulé, le 29 juin 2015, les paris du 28 juin en raison de leur placement tardif à 21h28 et 21h29 pour un match prévu à 21h30 de la ligue des champions d’Afrique de football au motif que l’horaire a été avancé à 21h15 et que deux buts ont été marqués à la 6e et 12e minutes, ce qui générait un avantage.

Elle allègue que le règlement prévoit que les paris doivent être engagés avant le début de l’événement, que le site n’a pas eu le temps d’être mis à jour du fait de cette avancée de l’horaire du match et qu’aucun pari en direct n’était possible pour ce match.

L’ article 28.5.5 du règlement stipule que « … tout pari engagé ou reçu après le début de l’événement sera nul, sauf s’il a vocation à être engagé après le début de l’événement ( exemple paris en direct, paris à long terme) ».

Il est également indiqué, pour l’invalidation des paris placés après le début de la compétition, que « cette disposition ne concerne pas les paris en direct » (A3.3 des remarques générales).

Il n’est pas contestable que le match était en cours lorsque les paris ont été pris, ce qui laissait supposer que les paris en direct étaient possibles pour ce match.

Il appartenait à la société de mettre à jour son site ou ses cotations en fonction du début de match.

Elle n’allègue et ne justifie pas que le match ait été avancé par surprise in extremis.

L’erreur, s’il y a, consistant à laisser la possibilité de parier un quart d’heure après le début du match présente dès lors un caractère inexcusable.

Les gains de Monsieur X. ont été de 356,50 euros.

Sur les paris dits « relatifs » du 26 janvier 2016 annulés par la SAS B.E.S.

Il s’agit de quatre paris pris dans le cadre de l’Euro 2016 concernant un match de handball.

L’ article 28.5.8 du règlement dispose que « les paris combinés ne sont pas acceptés lorsque le résultat d’une partie du pari participe au résultat d’une autre partie ».

Il est également indiqué que « puisque la relation des paris n’est pas toujours aussi évidente que dans l’exemple [donné], la société se réserve le droit de déterminer quels paris sont relatifs l’un à l’autre. Si un pari multiple contenant 2 choix relatifs ou plus a été accepté par erreur, la société se réserve alors le droit de déclarer ce pari invalide. »

Les mêmes observations que précédemment s’imposent d’une part sur le caractère potestatif de cette dernière clause, d’autre part sur l’erreur inexcusable de l’organisateur, ce pari combiné ayant été accepté.

En revanche, il n’est ni contesté ni contestable qu’il ne peut y avoir de pari sans aléa.

Monsieur X. a parié d’une part que l’Allemagne gagnerait contre le Danemark, d’autre part qu’elle serait dans le top 3.

La SAS B.E.S. estime, aux termes de nombre de calculs de possibilités, qu’il ne pouvait être parié que l’Allemagne gagnerait et y associer qu’elle serait dans le top 3, car ce résultat était déjà connu compte tenu des points obtenus avant ce match.

Monsieur X. le conteste, le succès à ce match assurant à l’Allemagne une place dans le top 4, ce qui laissait donc un aléa. L’Allemagne, après ce match très serré contre le Danemark a en effet joué encore deux autres matchs contre la Norvège puis contre l’Espagne.

Cependant, il existait bien un aléa, n’étant pas démontré que l’on savait déjà lors du pari que l’Allemagne serait troisième au classement. La SAS B.E.S. indique en page 9 de ses écritures que les deux équipes en compétition étaient à égalité de points (6) et donc de chances avant le match dont s’agit, sachant qu’après ce match il en resterait encore deux autres à jouer en demi-finale et finale.

Les gains ont été de 3 161 euros.

Sur les incidences du profil de Monsieur X.

Il est allégué par la SAS B.E.S. que Monsieur X. est un expert du monde des paris, président d’une société spécialisée dans le conseil en courses hippiques et « trader  » d’une société Winamax, opérateur de jeux en ligne dont le règlement présenterait des clauses similaires à celles qui sont contestées.

Cependant, le tribunal de céans n’est saisi présentement que du litige opposant Monsieur X. en tant que client joueur particulier à la SAS B.E.S. et non de litiges potentiels avec des clients d’autres sociétés dans lesquelles la responsabilité de celui-ci en tant que professionnel serait susceptible d’être engagée.

Sa qualité éventuelle de professionnel du jeu ne lui interdit pas de s’y adonner personnellement en dehors des sociétés dans lesquelles il a des intérêts. Il a été accepté comme client actif par la SAS B.E.S. depuis le 4 juillet 2014.

Dans ce cadre, il a la qualité de consommateur.

Le fait qu’il soit un joueur averti apte à déceler des failles, optimiser ses paris ne permet pas de lui refuser le paiement de ses gains.

Le montant de ses gains non payés sur les trois matchs litigieux s’élève à 3 897,25 euros.

Par ailleurs, il lui arrivait également de perdre, Monsieur X. alléguant à sa connaissance avoir subi 11 301,18 euros de pertes (objet de sa demande reconventionnelle) sans pouvoir vérifier cette somme du fait de la clôture unilatérale de son compte par la SAS B.E.S., laquelle ne verse pas aux débats l’historique du client.

Sur la clôture du compte du joueur par la SAS B.E.S. et autres demandes

La société a clôturé le compte le 15 février 2016 et lui a payé la somme y figurant de 9 273,88 euros.

A l’appui de cette résiliation unilatérale, il lui était reproché les paris relatifs du 26 janvier 2016, les erreurs non signalées.

La SAS B.E.S. allègue le règlement qui stipule en son article 15 : « dès lors qu’il s’avère qu’une erreur a été utilisée pour obtenir un avantage injuste, nous nous réservons le droit de considérer que cet acte donne lieu à l’application de l’article 17 (saisie et clôture du compte) des conditions générales. »

Cet article 17 prévoit une faculté de résiliation par l’opérateur en cas, sur ce site ou d’autres sites de jeu, de « manquement grave », « utilisation à des fins frauduleuses ou collusoires », « activité illicite ou répréhensible », « faillite » ou procédure similaire.

Or, il n’est pas établi de tels manquements à l’encontre de Monsieur X.

Il s’évince des écritures de la SAS B.E.S. qu’en décembre 2014 Monsieur X. avait fait des paris relatifs lui ayant rapporté plus de 9 000 euros et qu’elle les avait annulés puis re-crédités à titre commercial.

En fait, le reproche fait à ce joueur est bien son habileté à optimiser ses paris et à dégager des gains qui n’ont pas participé au bénéfice de la société.

La clôture pour le motif de fautes du client est donc mal fondée. Elle ne peut être justifiée à posteriori par le principe général de la liberté réciproque des parties de mettre fin à leurs relations.

En tout état de cause, la clôture du compte intervenue pour convenance de l’organisateur de paris dans ces conditions, qui pourrait être comparée ou assimilée à un refus de vente illégitime au sens de l’article L.121-1 du code de la consommation, justifie l’allocation de dommages et intérêts. S’agissant d’un même préjudice, il ne peut être indemnisé deux fois.

Le préjudice subi du fait de clôture du compte est modéré, Monsieur X. n’établissant pas l’absence d’alternatives de jeux sur d’autres sites. Il lui sera alloué la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts.

Le préjudice constitué par le retard de paiement d’une somme d’argent est compensé par les intérêts, qui courent à compter de l’assignation (19 décembre 2016).

La demande d’indemnisation distincte pour manquement à l’obligation de paiement à bref délai sera rejetée.

Le comportement de la SAS B.E.S. faisant application du règlement publié et applicable à tous ses clients n’a pas dégénéré en abus de droit à l’encontre de Monsieur X., lui occasionnant un préjudice spécifique distinct, non réparé par les intérêts de retard.

Il n’y a pas lieu à examen de la demande reconventionnelle.

Par application de l’article 700 du code de procédure civile, il apparaît équitable de fixer à 3 500 euros la participation du défendeur aux frais engagés par le demandeur.

L’exécution provisoire est nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire (article 515 du code de procédure civile).

DÉCISION

Le tribunal statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe,

Condamne la SAS B.E.S. à payer à Monsieur X. les sommes suivantes :

– 3 897,25 euros au titre de ses gains non honorés sur ses paris en ligne, avec intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2016,

– 1 000 euros de dommages et intérêts au titre de la rupture du contrat,

– 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la SAS B.E.S. aux dépens ;

Ordonne l’exécution provisoire.

Le Tribunal : Florence Blouin (première vice-présidente adjointe), Lise Duquet (vice-présidente), André Rolland (juge), Martine Das Neves (greffière)

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Tribunal de grande instance de Paris, 5e chambre 1re sec, 18 décembre 2018