Tribunal de grande instance de Pontoise, 2e chambre civile, 2 octobre 2017, n° 15/00560

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Pontoise, 2e ch. civ., 2 oct. 2017, n° 15/00560
Juridiction : Tribunal de grande instance de Pontoise
Numéro(s) : 15/00560

Sur les parties

Texte intégral

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

02 Octobre 2017

R.G : n° 15/00560

S.A. SOCIETE GENERALE

C/

D E

B C

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PONTOISE

La Deuxième Chambre Civile du Tribunal de Grande Instance de PONTOISE, assistée de K L, Greffier a prononcé le DEUX OCTOBRE DEUX MIL DIX SEPT, en audience publique, le jugement dont la teneur suit et dont ont délibéré :

Madame G, Vice-Présidente

Madame A, Vice-Présidente

Madame X, Juge

L’affaire a été plaidée en audience collégiale le 12 Juin 2017 et mise en délibéré au 25 Septembre 2017 , lequel a été prorogé à l’audience de ce jour. Le jugement a été rédigé par Z A.

--==o0§0o==--

DEMANDERESSE

S.A. SOCIETE GENERALE, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 552 120 222 dont le siège social est sis […]

représentée par Me Nadia DERNONCOURT, avocat au barreau du Val d’Oise

DÉFENDEURS

Madame D I J E, née le […] à […] […]

Monsieur B H C, né le […] à […] […]

représentés par Me Céline WEISENBURGER, avocat au barreau du Val d’Oise et assistés de Me Olivier HILLEL, avocat plaidant au barreau de Paris

--==o0§0o==--

EXPOSE DU LITIGE

Faits constants

B C et D E ont, solidairement, souscrit deux contrats de crédit immobilier auprès de la SA SOCIETE GENERALE pour l’achat d’un bien immobilier sis […].

De faux documents ont été produits à l’appui de la demande de crédits immobiliers.

Procédure

La SA SOCIETE GENERALE, représentée par Me. DERNONCOURT, a fait assigner B C et D E devant le Tribunal de Grande Instance de Pontoise par acte d’huissier du 17 décembre 2014, aux fins d’obtenir le paiement du solde des prêts.

B C et D E ont constitué avocat par l’intermédiaire de Me. WEISENBURGER.

Par ordonnance du 10 mars 2016, confirmée par un arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 30 mars 2017, le Juge de la mise en état a débouté des défendeurs de leur demande de communication de pièces et les a condamnés in solidum à verser à la SA SOCIETE GENERALE la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Par arrêt du 16 juin 2016, la Cour d’appel de Versailles a rejeté la requête déposée le 24 mars 2016 en récusation d’F G, Vice-Présidente du Tribunal de grande instance de Pontoise.

Par ordonnance du 8 septembre 2016, le Juge de la mise en état a débouté les défendeurs de leur demande de sursis à statuer et les a condamnés in solidum à verser à la SA SOCIETE GENERALE la somme de 1.000 € au titre des frais irrépétibles.

Par arrêt du 21 avril 2017, la Cour d’appel de Versailles a rejeté la nouvelle requête en récusation d’F G, déposée le 16 janvier 2017.

La mise en état a été clôturée par ordonnance du 16 janvier 2017 et l’affaire plaidée à l’audience collégiale du 20 mars 2017 reportée au 12 juin 2017.

A l’audience du 12 juin 2017, le tribunal a rejeté la demande de rabat de l’ordonnance de clôture formée par D E et B C au motif que ces derniers ne justifiaient pas de l’existence d’une cause grave survenue postérieurement à l’ordonnance de clôture.

Le délibéré a été fixé au 25 septembre 2017 et prorogé au 2 octobre 2017.

Prétentions et moyens des parties

1. En demande : la SA SOCIETE GENERALE

Par conclusions signifiées le 3 janvier 2017, la SA SOCIETE GENERALE sollicite du tribunal que, par une décision assortie de l’exécution provisoire, il :

principalement :

  • prononce la nullité des deux contrats de prêt du 17 octobre 2011 d’un montant nominal de 282.000 € et de 13.000 €,
  • condamne solidairement B C et D E à lui régler la somme de 282.586,97 €, montant du solde des crédits immobiliers avec intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2014 et capitalisation des intérêts,

subsidiairement :

  • prononce la résiliation judiciaire des deux contrats de prêt du 17 octobre 2011 d’un montant nominal de 282.000 € et de 13.000 € à compter du jugement à intervenir,
  • condamne solidairement B C et D E à lui régler la somme égale au capital restant dû et impayés à la date du jugement prononçant la résiliation, augmentée des intérêts calculés au taux contractuel à cette même date, outre la capitalisation des intérêts,

à titre infiniment subsidiaire :

  • prononce la résolution judiciaire des deux contrats de prêt du 17 octobre 2011 d’un montant nominal de 282.000 € et de 13.000 € à compter du jugement à intervenir,
  • condamne solidairement B C et D E à lui régler la somme de 282.586,97 €, montant du solde des crédits immobiliers avec intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2014 et capitalisation des intérêts,

en toute hypothèse

  • ordonne la compensation de toutes les sommes qui pourraient être mises à la charge de la SA SOCIETE GENERALE avec celles auxquelles D E et B C seront condamnés à lui verser,
  • condamne D E et B C à lui verser la somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts,
  • condamne solidairement D E et B C à lui verser une somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens, avec distraction au profit de son conseil.

Dans des conclusions signifiées par RPVA le 7 juin 2017, la SA SOCIETE GENERALE s’oppose à la demande de rabat de l’ordonnance de clôture.

Au soutien de ses prétentions, elle dénonce l’attitude dilatoire des défendeurs et s’oppose à tout rabat de l’ordonnance de clôture rappelant que D E et B C ont été déboutés de leurs deux incidents de mise en état, de leurs deux demandes de récusations du Président de la deuxième chambre civile du Tribunal de grande instance de Pontoise et que leur plainte a été classée sans suite. Elle dénonce l’absence de cause grave et soutient que la saisine du Juge d’instruction avec constitution de partie civile n’en constitue pas une d’autant qu’elle fait suite au classement sans suite de la plainte par le Procureur de la République et que les défendeurs ne rapportent pas la preuve de l’existence d’un contrat de courtage et ne donnent pas le nom du courtier. Elle ajoute que l’audition produite n’apporte aucun élément nouveau de nature à faire basculer la procédure.

Sur la demande de communication de pièces, elle fait valoir qu’elle démontre la fausseté des pièces produites et communique les relevés bancaires de la SA LE CREDIT LYONNAIS. Elle ajoute que la demande est maintenue alors que les emprunteurs ont été déboutés de leur demande par le Juge de la mise en état.

Sur la demande de sursis à statuer, elle indique que D E et B C ont déjà été déboutés de cette prétention par le Juge de la mise en état.

Sur le fond, elle conteste toute prescription de son action et rappelle que le délai de prescription quinquennal de l’action en nullité ne court qu’à compter de la découverte du vice et que le délai biennal de prescription de l’article L.137-2 du Code de la consommation n’a pas joué. Elle conteste également l’intervention d’un courtier, la preuve de l’existence de cet intermédiaire n’étant pas rapportée en défense (absence de contrat de courtage, identité inconnue…). Enfin, elle ajoute qu’en souhaitant prendre une hypothèque judiciaire sur le bien acquis avec les crédits, elle a découvert que la maison avait été vendue le 23 avril 2014 alors même qu’elle n’a pas été désintéressée, ce qui démontre l’audace des défendeurs et leur extrême déloyauté

Sur la nullité, elle mentionne qu’elle a découvert que de faux bulletins de paye et de faux relevés bancaires avaient été produits à l’appui de la demande de crédits immobiliers, que la SA LE CREDIT LYONNAIS a confirmé que les documents n’étaient pas conformes aux relevés qu’elle détenait. Elle argue que la nullité pour erreur est encourue, que les pièces produites étaient un élément déterminant de son consentement puisque c’est sur cette base qu’elle a consenti les prêts litigieux et que si elle avait eu connaissance de la falsification, elle n’aurait jamais consenti les prêts. Elle précise aussi qu’elle est tenue à un devoir de vigilance qui lui impose de recueillir des éléments d’information pour identifier l’objet et la nature de la relation d’affaires nouée avec le client.

Subsidiairement, elle se prévaut de la résiliation des contrats de prêts au visa des articles L.561-5 et suivants du Code monétaire et financier dans la mesure où elle est tenue de dénoncer la relation d’affaires notamment en raison du risque de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme.

A titre infiniment subsidiaire, elle sollicite la résolution des contrats au motif que les emprunteurs n’ont pas contracté de bonne foi et ont gravement manqué à l’obligation de loyauté de l’article 1134 du Code civil, leurs manœuvres étant à l’origine de l’accord de prêt.

Sur les demandes reconventionnelles des emprunteurs, elle mentionne que le délai légal de réflexion de dix jours a bien été respecté et elle verse à cette fin l’enveloppe de retour des offres de prêt. Elle s’interroge sur le fait que les emprunteurs aient signé la demande prêt avec certification sur l’honneur de la véracité et de la sincérité des éléments financiers si la fraude était si évidente. Elle fait valoir qu’elle n’avait aucun moyen de déceler la fraude dont elle a été victime d’autant que les avis d’imposition concernaient les revenus des années 2009 et 2010 alors que les bulletins de paye falsifiés étaient de 2011.

Enfin, elle conteste les demandes financières à son encontre et rappelle qu’elle subit un préjudice d’autant plus important que le bien a été vendu et qu’elle a perdu une garantie.

2. En défense : B C et D E

Par conclusions signifiées le 11 janvier 2017, D E et B C demandent au tribunal :

avant dire droit :

  • de faire injonction à la SA SOCIETE GENERALE de produire aux débats et de leur communiquer :
    • en original l’ensemble des documents dont elle disposait et qui l’ont conduite à établir la demande de prêt immobilier émise le 3 octobre 2011, à fixer un rendez-vous de signature de ladite demande puis à établir et adresser l’offre de prêt habitat et notamment :
      • les documents remis à la banque par le courtier (relevés bancaires, fiches de paye, avis d’imposition et tout autre document dont les appelants ignorent l’existence)
      • les formulaires et autres fiches éventuellement remplies à l’occasion de la demande de prêt,
      • toute correspondance, papier et électronique, échangés entre le courtier et la banque ainsi qu’entre la banque et les emprunteurs,
    • les éléments ayant amené le service analyse risque de la SOCIETE GENERALE à observer que les relevés bancaires produits par D E et B C étaient des faux ainsi que l’ensemble des échanges avec la SA LE CREDIT LYONNAIS notamment :
      • échanges de correspondances, papier et électronique, entre les différents services de la SOCIETE GENERALE au sujet du dossier de D E et de B C (agence Bourse, service contentieux, service du contrôle des fraudes et tout autre service interne impliqué),
      • échanges de correspondances, papier et électronique, entre la SOCIETE GENERALE et la SA LE CREDIT LYONNAIS au sujet des défendeurs,
      • protocole de vérification des fraudes en place au sein de la SOCIETE GENERALE,
  • de surseoir à statuer dans l’attente de la décision définitive et irrévocable qui sera rendue par la juridiction pénale à la suite du dépôt de la plainte pénale,

sur le fond des demandes de la SOCIETE GENERALE :

  • de déclarer irrecevables comme prescrites les demandes subsidiaires de la SOCIETE GENERALE de résiliation et de résolution des contrats de prêt,
  • de débouter la SOCIETE GENERALE de l’ensemble de ses demandes,

à titre reconventionnel et en tout état de cause :

  • de juger que la SOCIETE GENERALE a perdu son droit aux intérêts à défaut d’avoir notifié son offre de prêt aux consorts E-C,
  • de juger que la SOCIETE GENERALE a manqué à son devoir de vigilance et de mise en garde,
  • de condamner la SOCIETE GENERALE à payer aux consorts E-C la somme de 282.586,97 € au titre du préjudice subi du fait du manquement à son devoir de mise en garde et de vigilance,
  • de condamner la SOCIETE GENERALE à payer aux consorts E-C la somme de 4.000 € au titre du remboursement des frais exposés,
  • de condamner la SOCIETE GENERALE à verser aux consorts E-C la somme de 10.000 € au titre du préjudice moral,
  • de condamner la SOCIETE GENERALE à verser aux consorts E-C la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

Par conclusions signifiées par RPVA le 2 juin 2017, les consorts E-C concluent au rabat de l’ordonnance de clôture afin de produire leur plainte avec constitution de partie civile devant le Doyen des juges d’instruction et l’audition du conseiller bancaire de l’agence Bourse de la SOCIETE GENERALE , Loïc Y et de compléter leurs écritures pour argumenter l’incidence de ces pièces sur le procès en cours. Ils soutiennent que l’audition de monsieur Y confirme l’intervention d’un intermédiaire, soit un parrain soit un courtier, expliquant la saisine de l’agence Bourse de la SOCIETE GENERALE et accréditant la position des consorts E-C qui contestent être les auteurs des falsifications et que l’enquête doit donc se poursuivre. Ils précisent que la plainte auprès du Procureur de la république a été classée sans suite le 24 avril 2017, postérieurement à la clôture.

A l’appui de ses demandes, sur la communication de pièces, les consorts E-C soutiennent que la production des pièces listées dans leurs conclusions est indispensable pour faire valoir leur défense puisqu’ils contestent depuis l’origine être les auteurs des falsifications sur les documents en possession de la SOCIETE GENERALE. Ils rappellent qu’ils ont remis leurs pièces à leur courtier qui les a transmises à l’agence Bourse de la SOCIETE GENERALE, pourtant particulièrement éloignée de leur domicile, qu’ils ont été reçu en rendez-vous par Loïc Y, conseiller bancaire dans cette agence, et que le prêt leur a été accordé sans aucun incident. Ils indiquent également qu’ils ont reçu directement de la SOCIETE GENERALE une lettre recommandée avec accusé de réception les informant de la saisine de la justice pour obtenir la nullité des contrats de prêts sans même les avoir au préalable entendus sur la difficulté. Ils se prévalent enfin d’une jurisprudence selon laquelle la production d’un original est de droit en justice, que la réticence de la SOCIETE GENERALE est incompréhensible et qu’ils ont besoin des originaux pour déterminer l’auteur des falsifications d’autant que ce ne sont pas eux qui ont remis les documents à la SOCIETE GENERALE mais leur courtier.

Ils demandent aussi la production des éléments ayant amené la SOCIETE GENERALE à s’interroger trois ans après sur la véracité des documents produits lors de la demande de prêt et à comprendre pourquoi les incohérences n’ont pas été découvertes lors du dépôt de la demande.

Sur la demande de sursis à statuer, ils la maintiennent malgré l’ordonnance du Juge de la mise en état et mentionnent que même si le criminel ne tient plus le civil en l’état, il est nécessaire d’attendre la fin de l’enquête notamment pour déterminer les conditions de la remise des faux documents alors même que les consorts E-C ne sont pas les auteurs des faux, doivent le démontrer dans l’instance civile en cours et ont le droit à un débat loyal, contradictoire et avec égalité des armes. Enfin, ils précisent que si l’enquête et les auditions se poursuivent, c’est que leur plainte est légitime et sérieuse.

Sur la prescription, ils invoquent l’article L.137-2 du Code de la consommation selon lequel l’action du prêteur contre l’emprunteur se prescrit par deux ans en matière de crédit immobilier, que le délai commence à courir à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant de l’exercer, que la banque aurait du savoir lors de la souscription que les documents fournis à l’appui de leur solvabilité étaient des faux.

Sur le fond, ils s’étonnent de la découverte aussi tardive de la falsification alors que dès le mois suivant l’octroi des crédits immobiliers, il était facile de découvrir que les revenus versés aux consorts E-C ne correspondaient pas à ceux annoncés et que les revenus ne correspondaient pas au niveau d’emploi des intéressés (3.200 € pour un chauffeur receveur et 2.100 € pour une conseillère des ventes).

Sur la demande de nullité, ils contestent le droit à la SOCIETE GENERALE de solliciter la nullité du contrat pour erreur sur la substance alors que la chose est une prestation définie par la banque elle-même, qu’à la rigueur, elle aurait pu invoquer une erreur sur la personne en considérant que la solvabilité est un attribut de la personne mais que cet argument ne saurait prospérer puisque la considération de la personne n’est pas la cause principale de la convention et qu’au surplus, l’erreur est d’autant plus inexcusable que la banque est tenue à un devoir de vigilance et de mise en garde et que tous les documents n’étaient pas falsifiés. Ils excluent aussi toute nullité fondée sur le dol en l’absence de preuve que les manœuvres dolosives émanent des emprunteurs, les documents falsifiés ayant été remis par le courtier. Ils arguent également que le dol doit avoir provoqué une erreur sur un élément déterminant du consentement ce qui n’est pas le cas en l’espèce, que la banque est un professionnel averti, qu’elle disposait d’autres documents que les relevés bancaires falsifiés, qu’elle était en mesure de vérifier la réalité des revenus qui ne correspondaient ni avec les avis d’imposition ni avec les postes déclarés et qu’en tout état de cause, comme elle n’a pas déféré à la demande de communication de pièces, il n’est pas exclu qu’elle n’est pas en possession d’éléments complémentaires sur la situation des candidats emprunteurs.

Sur la demande de résiliation et de résolution, ils ne jugent pas pertinent le fondement de la demande sur les articles L.561-5 et suivants du Code monétaire et financier et soutiennent que les vérifications préalables au contrat ne peuvent justifier une demande de résiliation qui concerne une relation contractuelle en cours, qu’il en est de même pour la falsification des documents intervenue dans la phase pré-contractuelle et non au cours de l’exécution du contrat.

Sur les dommages-intérêts, ils contestent tout préjudice subi par la banque puisque c’est elle qui a clôturé les comptes alors que les crédits immobiliers étaient remboursés et qu’il n’y avait aucun incident de paiement et qu’elle a créé le préjudice en ne détectant pas une falsification évidente des documents.

Reconventionnellement, ils se prévalent de la perte du droit aux intérêts par la banque faute pour elle de justifier qu’elle a envoyé les offres de prêt par la poste et précisent que la production de l’enveloppe par laquelle ils ont renvoyé les offres est sans intérêt.

Ils invoquent aussi le manquement de la banque à son devoir de vigilance et de mise en garde et arguent que la SOCIETE GENERALE ne pouvaient considérer comme exactes les déclarations des emprunteurs sans procéder à des vérifications simples notamment auprès des employeurs et que les éléments déclarés par les consorts E-C auraient du l’interpeller, que les consorts E-C sont des profanes et n’avaient aucune compétence en matière bancaire et qu’ils n’ont donc pas pu détecter l’escroquerie dont ils ont été victimes par le courtier indélicat qui a falsifié leur dossier, que ce manquement leur a causé un préjudice : celui de la perte de chance de ne pas contracter.

Ils demandent aussi l’indemnisation de leur préjudice financier résultant des frais engagés pour l’huissier, les frais d’appel, les condamnations aux frais irrépétibles mises à leur charge par le Juge de la mise en état.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, le Tribunal, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile, renvoie aux conclusions signifiées des parties.

  • DISCUSSION

1. Sur le rejet de la demande de révocation de l’ordonnance de clôture

Attendu qu’en vertu de l’article 784 du Code de procédure civile, « l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue ; la constitution d’avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation […] »

Attendu qu’en l’espèce, lors de l’audience collégiale du 12 juin 2017, le tribunal a rejeté la demande de révocation de l’ordonnance de clôture en l’absence de cause grave au sens de l’article susvisé ; Qu’en effet, alors que la plainte auprès du Procureur de la république a été classée sans suite, le fait de saisir le Juge d’instruction d’une plainte avec constitution de partie civile ne constitue pas une telle cause ; Que les pièces produites et notamment l’audition par les services de police du conseiller en charge de la demande de prêt des consorts E-C n’apportent pas d’éléments indispensables à la solution du litige sur le plan civil ;

Que les consorts E-C ont donc été déboutés de leur demandes de révocation de l’ordonnance de clôture ;

2. Sur la demande de communication de pièces

Attendu qu’en vertu de l’article 132 du Code de procédure civile, ཁla communication des pièces doit être spontanéeཁ ; Qu’à défaut, l’article 133 permet au juge d’enjoindre cette communication ;

Que c’est dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire que le juge ordonne ou non la production d’un élément de preuve ;

Attendu qu’en l’espèce, les consorts E-C demandent la production des originaux des pièces dont a disposé la SOCIETE GENERALE lors de l’octroi des crédits immobiliers ; Que, cependant, d’une part, le tribunal constate que les pièces relatives à l’obtention des crédits – relevés bancaires, avis d’imposition, feuilles de paie et demande d’offre de prêt – sont bien produites ; Que, d’autre part, la SOCIETE GENERALE ne peut produire les originaux de ces documents puisque les emprunteurs leur ont, à l’origine, remis des copies ; Qu’il n’est en effet jamais remis les originaux de tels documents qui sont, au contraire, conservés par leurs propriétaires ;

Que, par ailleurs, les éléments relatifs à la procédure d’alerte de la SOCIETE GENERALE lors d’une suspicion de falsification des pièces relatives à la solvabilité des emprunteurs ne paraissent pas utile aux débats ; Que le tribunal appréciera, au fond, la valeur probante des pièces produites par la SOCIETE GENERALE à l’appui de ses demandes de nullité et subsidiairement de résolution ou de résiliation, étant rappelé que la charge de la preuve pèse sur la banque ;

Qu’en conséquence, les consorts E-C seront déboutés de leur demande de production de pièces ;

3. Sur la demande de sursis à statuer

Attendu que par application de l’article 378 du Code de procédure civile ཁla décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’évènement qu’elle détermineཁ ;

Que l’article 4 du Code de procédure pénale prévoit que ཁl’action civile en réparation du dommage causé par l’infraction prévue par l’article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l’action publique.

Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.

La mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civilཁ;

Attendu qu’en l’espèce, le tribunal prend acte que la plainte a été classée sans suite par le Procureur de la République et que les consorts E-C ont saisi un Juge d’instruction d’une plainte avec constitution de partie civile ;

Que, cependant, l’issue de cette plainte n’est pas nécessaire à la solution de ce litige purement civil qui dépend de la convention de prêt, des pièces produites par les emprunteurs à l’occasion de leur demande de prêt et des vérifications de la banque l’ayant amené à financer le projet des défendeurs ;

Que, par ailleurs, l’issue de cette plainte est d’autant plus incertaine que les consorts E-C fournissent peu d’éléments de nature à identifier le courtier contre lequel est notamment dirigée cette plainte puisqu’ils reconnaissent ne connaître que son prénom, ne l’avoir rencontré qu’à des terrasses de café et ne pas avoir ses coordonnées notamment téléphoniques ;

Qu’enfin, le sursis à statuer augmenterait le risque d’insolvabilité des consorts E-C pour le créancier puisqu’il ressort du document du service de la publicité foncière que ces derniers ont vendu le bien immobilier, objet du financement sans désintéresser la banque et qu’aucune hypothèque n’est donc possible ;

Que les consorts E-C seront donc déboutés de leur demande de sursis à statuer ;

4. Sur la demande de nullité des crédits immobiliers

Attendu que par application de l’ancien article 1109 du Code civil applicable au présent litige, ཁil n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dolཁ ;

Que l’ancien article 1116 précise que ཁle dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvéཁ ;

  1. sur la prescription

Attendu qu’en vertu de l’article 1304 du Code civil, ཁdans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ansཁ;

Qu’en l’espèce, lors de l’assignation le 17 décembre 2014, les prêts avaient été conclus depuis moins de cinq ans ; Qu’aucune prescription n’est donc envisagée, quand bien même la SOCIETE GENERALE aurait du découvrir la falsification dès la souscription des contrats et non ultérieurement ;

Que les consorts E-C seront déboutés de cette prétention ;

  1. sur la nullité des conventions de prêt

Attendu qu’en l’espèce, B C et D E ont accepté, solidairement , le 17 octobre 2011, deux offres préalables de crédit immobilier, consenties par la SA SOCIETE GENERALE :

  • l’une à hauteur de 282.000 €, remboursable en 192 mensualités de 1.471,63 € puis 168 mensualités de 1.758,91 €, au taux de 4,91%,
  • l’autre à hauteur de 13.000 € à taux zéro, remboursable en 192 mensualités de 70,37 € ;

Attendu que pour l’obtention de ces deux prêts, la SOCIETE GENERALE justifie qu’il lui a été remis les avis d’impôts sur le revenu des années 2010 et 2011, sur les revenus des années 2009 et 2010, les derniers relevés bancaires des consorts E-C au sein du CREDIT LYONNAIS ainsi que les derniers bulletins de salaires des deux emprunteurs ;

Qu’il ressort d’un échange de mail d’octobre 2014 avec un membre de la SA LE CREDIT LYONNAIS que les relevés bancaires sont des faux ; Que les bulletins de salaires sont également falsifiés ; Que les consorts E-C ne le contestent d’ailleurs pas mais contestent être les auteurs de ces falsifications commises selon eux par un courtier ;

Qu’il résulte de l’examen de ces documents que le revenu net imposable de monsieur en qualité de conducteur s’élevait à 2.904 € par mois et celui de madame comme conseillère de vente à 2.210 € ;

Que de tels revenus ne sont pas déraisonnables au regard des postes et n’étaient pas de nature à attirer l’attention de la SOCIETE GENERALE ; Que les bulletins de salaire étaient corroborés par les relevés bancaires quant aux revenus versés sur le compte bancaire ;

Qu’aucune falsification ne pouvait être détectée au regard des avis d’impôts sur le revenu dès lors que D E a déclaré travailler pour son employeur depuis le 22 novembre 2011 et monsieur depuis le 6 janvier 2011 et que les avis étaient relatifs aux revenus antérieurs des années 2009 et 2010 ;

Qu’enfin et surtout, alors qu’ils s’estiment victimes d’une escroquerie et contestent être les auteurs de la falsification, il s’avère que les consorts E-C ont signé la demande de prêt immobilier le 3 octobre 2011, document qui reprend leur situation professionnelle et patrimoniale et notamment leurs salaires moyens mensuels à savoir 2.904 € pour monsieur et 2.210 € pour madame ainsi que leur épargne ; Que quand bien même ils n’auraient pas, eux-mêmes, falsifiés les documents, ils ont déclaré à la banque, lors de l’entretien avec le conseiller, une fausse situation et ont signé un document dans lequel ils certifient exacts les renseignements fournis ci-dessus ; Qu’ils ont donc corroboré, à cette occasion, leurs revenus ; Que le fait qu’ils soient profanes en matière bancaire est indifférent s’agissant du simple recueil de renseignements sur les emprunteurs et non de documents financiers difficilement compréhensibles pour un non-professionnel ;

Attendu, que contrairement à leurs allégations, ces éléments sur la personne des emprunteurs sont essentiels à la conclusion des contrats de crédits immobiliers ; Que c’est au vu notamment de leurs salaires que la SOCIETE GENERALE a accepté de financer leur projet immobilier ; Qu’en effet, les prêts sont octroyés en considération du profil de l’emprunteur, de sa solvabilité et des garanties qu’il offre ; Que les revenus des deux emprunteurs étant faux, leur solvabilité au regard du montant de la mensualité et des la durée des prêts n’est donc qu’une apparence alors que la relation bancaire repose sur la confiance, que les cocontractants sont tenus d’une obligation de loyauté et qu’il n’appartenait pas à la banque de vérifier l’authenticité des documents fournis ;

Que les faux documents produits ont été de nature à induire en erreur la banque sur la personne des cocontractants ;

Que l’erreur sur un élément substantiel du contrat est donc établie

Qu’il convient, en conséquence, de prononcer la nullité des crédits immobiliers du 17 octobre 2011 respectivement de 282.000 € et de 13.000 €, conclus entre la SA SOCIETE GENERALE, D E et B C ;

5. Sur les conséquences de la nullité du crédit immobilier

Attendu que la nullité des crédits immobiliers entraîne l’anéantissement rétroactif des contrats; Que D E et B C doivent solidairement restituer les fonds mis à leur disposition par la SA SOCIETE GENERALE soit la somme totale de 295.000 €, déduction faite des versements déjà effectués soit 52.978,68 € pour le prêt principal et 10.537,05 € pour le prêt à taux zéro ;

Qu’ils sont donc redevables de la somme de 229.021,32 € ;

Qu’ils seront solidairement condamnés au remboursement de cette somme, avec intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2014, date du décompte de la SA SOCIETE GENERALE;

Qu’en vertu de l’ancien article 1154 du Code civil, les intérêts dus pour une année entière seront capitalisés ;

6. Sur la demande de dommages-intérêts de la SOCIETE GENERALE

Attendu que la SA SOCIETE GENERALE justifie avoir subi un préjudice indépendant de celui déjà réparé par la nullité du contrat en raison de la falsification par D E et B C de leur situation patrimoniale ; Qu’en effet, en raison de la nullité des crédits immobiliers, elle a perdu les intérêts contractuels sur les sommes prêtées aux défendeurs pendant plus de trois ans ;

Qu’au surplus, les consorts E-C ont vendu le bien immobilier le 15 mai 2014 pour la somme de 194.000 €, sans informer ni désintéresser la banque qui ne dispose donc plus de la possibilité de prendre une hypothèque sur ce bien acquis 295.000 € le 29 novembre 2011, 30 mois plus tôt ;

Qu’il lui sera alloué à cet effet une somme de 15.000 € ;

7. Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts

Attendu que par application de l’ancien article L.312-7 du Code de la consommation, le prêteur est tenu de formuler par écrit une offre adressée gratuitement par voie postale à l’emprunteur éventuel ainsi qu’aux cautions déclarées par l’emprunteur lorsqu’il s’agit de personnes physiquesཁ ;

Attendu qu’en l’espèce, en raison de la nullité des conventions, la demande de déchéance du droit aux intérêts devient sans objet puisque les emprunteurs sont tenus de rembourser les fonds mis à leur disposition déduction faite des versements déjà effectués ;

Qu’au surplus et en tout état de cause, le tribunal remarque que les consorts E-C ont déclaré avoir reçu l’offre en deux exemplaires le 6 octobre 2011 par voie postale; Que si la mention est dactylographiée, ils ont complété manuellement la date de réception du 6 octobre 2011 et ont signé juste en dessous l’acceptation des offres le 17 octobre 2011 ; Que faute pour eux de démontrer que ces mentions sont inexactes, leur demande n’est pas fondée ;

Qu’il convient de les en débouter ;

8. Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts des emprunteurs pour manquement de la banque à son devoir de mise en garde et de vigilance

Attendu qu’il appartient aux consorts E-C de démontrer le manquement de la banque qui leur aurait causé un préjudice ;

Que force est de constater qu’il a déjà été démontré que les déclarations des emprunteurs, corroborées par de faux bulletins de salaire et de faux relevés bancaires n’étaient pas aberrantes de prime abord ; Que la banque leur a fait signer la demande de prêt reprenant leurs déclarations sur leur situation professionnelle et patrimoniale ; Qu’il ne peut pas être reproché à la banque de n’avoir découvert la réalité de la situation que trois ans ;

Qu’aucun manquement n’est donc caractérisé ;

Qu’au surplus, les consorts E-C sont malvenus en raison de leur propre turpitude et de leur déloyauté à se prévaloir d’un préjudice alors qu’ils se sont vus remettre des fonds à hauteur de 295.000 € en falsifiant la réalité de leurs revenus et qu’ils ont revendu le bien sans dédommager la banque, conservant pour eux la totalité du prix de vente soit 194.000€ ;

Qu’ils seront donc déboutés de leur demande de dommages-intérêts ;

9. Sur les dépens et les demandes accessoires

Attendu que l’exécution provisoire est compatible avec la nature de l’affaire et est nécessaire compte tenu de l’ancienneté de la créance ;

Attendu qu’en vertu de l’article 696 du Code de Procédure Civile, B C et D E sont solidairement tenus aux dépens ;

Qu’en outre B C et D E devront verser in solidum à la SA SOCIETE GENERALE une somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens ;

  • PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant après débats en audience publique, par décision contradictoire, rendue en premier ressort, mise à la disposition du public par le Greffe le 2 octobre 2017,

  • Rappelle que D E et B C ont été déboutés de leur demande de rabat de l’ordonnance de clôture par le tribunal lors de l’audience collégiale du 12 juin 2017,
  • Déboute D E et B C de leur demande d’injonction de communication de pièces,
  • Déboute D E et B C de leur demande de sursis à statuer,
  • Dit que l’action en nullité de la SA SOCIETE GENERALE n’est pas prescrite,
  • Prononce la nullité des deux contrats de ཁprêt habitatཁ, respectivement de 282.000 € et de 13.000 €, conclus entre la SA SOCIETE GENERALE, D E et B C le 17 octobre 2011,
  • En conséquence, condamne solidairement B C et D E à verser à la SA SOCIETE GENERALE la somme de 229.021,32 € au titre du solde des crédits immobiliers, outre intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2014,
  • Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,
  • Condamne B C et D E à verser à la SA SOCIETE GENERALE la somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
  • Déboute B C et D E de leur demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels,
  • Déboute D E et B C de leur demande de dommages-intérêts,
  • Condamne in solidum B C et D E à verser à la SA SOCIETE GENERALE la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
  • Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement,
  • Condamne B C et D E aux entiers dépens, avec distraction au profit de Me. DERNONCOURT conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.

Ainsi jugé et prononcé le 2 octobre 2017, et signé par le Président et le Greffier

Le Greffier, Le Président,

K L F G

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Tribunal de grande instance de Pontoise, 2e chambre civile, 2 octobre 2017, n° 15/00560