Tribunal Judiciaire de Lyon, Chambre 3 cab 03 d, 1er février 2024, n° 23/06775

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Sur la décision

Référence :
TJ Lyon, ch. 3 cab 03 d, 1er févr. 2024, n° 23/06775
Numéro(s) : 23/06775
Importance : Inédit
Dispositif : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur
Date de dernière mise à jour : 10 février 2024
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL

JUDICIAIRE

DE LYON

Chambre 3 cab 03 D

N° RG 23/06775 – N° Portalis DB2H-W-B7H-YOYG

Jugement du 01 Février 2024

Notifié le :

Grosse et copie à :

Me Agnès PRUDHOMME – 1357

Me Alizé VILLEGAS – 624

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 01 Février 2024 devant la Chambre 3 cab 03 D le jugement contradictoire suivant,

Après que la cause eut été débattue à l’audience publique du 23 Novembre 2023 devant :

Marc-Emmanuel GOUNOT, Président,

siégeant en formation Juge Unique,

Assisté de Anne BIZOT, Greffier,

Et après qu’il en eut été délibéré par le magistrat ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDERESSE

Association syndicale libre [Adresse 2] [Localité 4],

prise en la personne de son représentant légal

dont le siège social est sis [Adresse 2] – [Localité 4]

représentée par Maître Agnès PRUDHOMME, avocat au barreau de LYON

DEFENDERESSE

S.A.S.U. KONEX,

prise en la personne de son représentant légal

dont le siège social est sis [Adresse 1] – [Localité 3]

représentée par Maître Alizé VILLEGAS, avocat au barreau de LYON

Le 5 novembre 2020, l’ASSOCIATION SYNDICALE LIBRE [Adresse 2] (ASL), bénéficiant de l’assistance juridique du cabinet d’avocats BRAVARD, a établi un contrat de contractant général avec la société KONEX en vue de la réhabilitation d’un immeuble avec la création de 9 logements, à exécuter dans un délai de 16 mois pour une somme de 1.120.760€ TTC.

Estimant que l’avancement du chantier n’avait pas dépassé le stade du gros-oeuvre, l’ASL, par courrier recommandé du 9 août 2022, a mis en demeure la société KONEX d’exécuter les travaux, de lui fournir un rétro-planning détaillé, une date d’assemblée générale et une note de calcul établie par un organisme agréé à la suite des modifications de la charpente.

L’assemblée générale de l’ASL en date du 27 janvier 2023 a acté un report de la livraison au mois de mai 2013 et la fin des travaux de plâtrerie annoncée au 17 février par la société KONEX.

Le 20 mars 2023, la société KONEX a demandé le paiement d’une somme de 10 % du montant total correspondant au démarrage des travaux de plâtrerie au moyen d’une facture laissant apparaître une facturation antérieure totale de 85 % et le solde 5 % restant à facturer.

Par courrier recommandé du 29 avril 2023, l’ASL, confrontée à un défaut de communication des nouveaux contrats d’entreprise, au constat de malfaçons et à un retard persistant, a mis en demeure la société KONEX d’achever les travaux stoppés « depuis 15 jours », précisant retenir le solde d’une précédente facture du 10 juin 2021 et « n’avoir connaissance d’aucune facture en attente de régularisation ».

Par procès-verbal de commissaire de justice en date du 12 mai 2023, l’ASL a fait constater l’état d’avancement du chantier.

Par courrier recommandé du 16 mai 2023, la société KONEX a mis en demeure l’ASL de régler la dernière situation comme condition à la reprise du chantier.

Par courrier recommandé du 12 juin 2023, l’ASL, contestant notamment « la finalisation du lot menuiseries extérieures » dont l’achèvement avait donné lieu à l’émission de la facture du 10 juin 2021 de 10% du prix, ainsi que le peu d’avancement des travaux hors échéancier contractuel, a adressé une nouvelle mise en demeure à la société KONEX de reprendre le chantier, de régler des pénalités de retard sur 14 mois, d’échelonner le paiement de la dernière facture et de fournir certaines pièces.

Le 24 juillet 2023, Monsieur [E] [H], expert amiable désigné par l’ASL, a dressé un rapport sur l’état du chantier après avoir organisé une réunion le 21.

Par courrier recommandé du 26 juillet 2023, l’ASL a mis en demeure la société KONEX de fournir les éléments déjà réclamés.

Sur autorisation du président du tribunal judiciaire de Lyon en date du 19 septembre 2023, l’ASL a, par exploit du 28 septembre 2023, délivré une assignation à jour fixe à la société KONEX devant le tribunal pour le 23 novembre 2023.

Par conclusions notifiées le 19 novembre 2023 et à l’audience, l’ASL demande qu’il plaise au tribunal :

I/ Vu les articles 1103 et 1104 du Code civil,

Vu l’article 1194 du Code civil,

Vu les articles 1217, 1219 et 1221 du Code civil,

Vu les articles 1792 et suivants du Code civil,

Vu les articles L241-2 et L242-1 al.1 du Code des Assurances,

Vu l’article L131-1 du Code de procédure civile,

CONDAMNER la société KONEX sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir à :

— Reprendre immédiatement le chantier sous la supervision et la surveillance d’un professionnel indépendant nommé par le Tribunal aux frais de la société KONEX ;

— Reprendre les malfaçons et dégradations constatées selon rapport [H] du 24 juillet 2023 (Pièce 21) ;

— Fournir un planning détaillé des travaux afin de terminer le chantier sous 6 mois selon le propre planning de la société KONEX (Pièce 25) ;

— Contractualiser de nouvelles pénalités de retard applicables à cette reprise de chantier sur les bases du Contrat de Contractant général.

DONNER ACTE à l’ASL [Adresse 2] de ce qu’elle consent à consigner le solde du marché sur tout compte séquestre désigné par le Tribunal en l’attente de la réalisation effective des travaux.

CONDAMNER la société KONEX sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir à :

— Justifier de l’ensemble des attestations d’assurance souscrites pour le chantier en cause jusqu’à la fin des travaux

— Communiquer l’ensemble des marchés de travaux et des factures acquittées afférents au chantier en cause

— Communiquer l’ensemble des documents afférents à l’opération de réhabilitation tels que réclamé par l’expert [H] :

▪ Copie du dépôt du Permis de construire

▪ Copie de l’arrêté de Permis de construire et de ses annexes

▪ Copie de la Déclaration Réglementaire d’Ouverture de Chantier

▪ Copie des plans des lots avec aménagements intérieurs y compris travaux modificatifs acquéreurs (TMA) éventuels

▪ Copie du plan des réseaux secs et humides réalisés ou repris en aérien ou en enterré 47

▪ Copie de l’assurance décennale et responsabilité civile couvrant le chantier en cause

▪ Copie des actes d’engagements des sous-traitants et devis correspondants, de leurs assurances respectives

▪ Copie des contrôles de cohérence au référentiel (CCR) de chantier

▪ Copie du planning contractuel d’exécution des travaux

▪ Copie du tableau financier de l’opération

▪ Copie des factures d’approvisionnements

— Justifier en détail et par des documents comptables certifiés de l’utilisation et de l’affectation exactes des fonds versés par l’ASL à hauteur de 944 570 € à ce jour

CONDAMNER la société KONEX sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir au règlement :

— Des pénalités contractuelles de retard en application des dispositions de l’article 10.1 du contrat, arrêtées à ce jour (1 er octobre 2023) à 50 040 € (montant parfaire à la livraison effective du bien) ;

— Des préjudices subis par les membres de l’ASL [Adresse 2] la livraison effective du bien (montants à parfaire).

CONDAMNER la société KONEX à régler à l’ASL [Adresse 2] la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, comprenant les frais et honoraires de Maître [K] et de Monsieur [E] [H], outre les entiers dépens.

II/ Vu les articles 1217,1219 et 1224 à 1229 du Code civil,

Vu les articles 1231, 1231-1 et 1231-5 du Code civil,

Vu les articles 1352 et suivants du Code civil,

DEBOUTER purement et simplement la société KONEX de l’ensemble de ses demandes, moyens, fins et conclusions.

Subsidiairement,

Si par impossible le Tribunal prononçait de résiliation du contrat,

JUGER que cette résiliation serait prononcée aux torts exclusifs de la société KONEX,

CONDAMNER la société KONEX à régler à l’ASL [Adresse 2], à titre de restitution, une somme de 800 000 € correspondant aux travaux inachevés, affectés de malfaçons et aux travaux de reprise nécessaires du fait de son abandon fautif du chantier.

Si par extraordinaire le Tribunal faisait droit aux demandes de condamnation de la société KONEX,

AUTORISER l’ASL à consigner le solde de facturation sur tout compte séquestre qu’il plaira au Tribunal de désigner en l’attente de l’achèvement des travaux et de reprise de tous les placoplâtres du rez-de-chaussée atteints de moisissures généralisées.

DIRE l’indemnité contractuelle réclamée manifestement excessive au regard des manquements de la société KONEX et des conditions dans lesquelles le chantier s’est déroulé et la REDUIRE à l’Euro symbolique.

III/ DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit de la décision à intervenir.

Au soutien de ses prétentions, l’ASL fait valoir :

que l’obligation contractuelle d’un paiement de 70 % du prix au stade de l’achèvement du délai de préparation et de démarrage du chantier et la contractualisation du paiement du reste du prix en fonction de l’exécution de trois lots seulement étaient source d’insécurité pour les acquéreursque la société KONEX n’a pas rempli correctement son devoir d’information mensuelle sur l’avancement du chantier prévu par l’article 6 du contrat, notamment au sujet de la liquidation judiciaire de l’entreprise générale en 2021 et l’abandon de chantier du plaquiste en 2022 et en manquant de communiquer toute information après le 6 juillet 2022que la société KONEX a manqué de transparence et de bonne foi dans l’exécution du contrat, en s’abstenant de justifier intégralement l’usage des fonds qui lui ont été versés pour 944.570€ alors que l’expert [H] a estimé que l’état d’avancement des travaux correspondait à une enveloppe de 400.000€ et en prétextant des défauts de paiement qui n’existent pas pour légitimer ses arrêts de chantier qu’un règlement de 30.000 € était advenu en acompte de la facture du 112.076 € du 10 juin 2021 sur la base d’une attestation de la société KONEX indiquant faussement que le lot « achèvement des menuiseries extérieures » a été terminé le 9 juin, qu’un second règlement de 74.000 € a été réglé malgré l’insuffisance de l’avancement des travaux sur insistance du cabinet BRAVARD, mais que le solde de 8076€ a été retenu sur la base de la note de conjoncture de KONEX en date du 4 novembre 2021, limitant à 95 % l’état d’avancement du lot, et que les constatations de Monsieur [H] tendent à confirmer cet inachèvementque la société KONEX a interrompu le chantier fin mars 2023 au prétexte de l’absence de versements suffisants par les propriétaires des fonds destinés à honorer la facture du 20 mars alors que le paiement de celle-ci par l’ASL était à échéance d’un moisque la société KONEX n’a pas entretenu, ni sécurisé le bâtiment entre mars et juillet 2023, source de persistance de malfaçons et d’apparition de moisissures nécessitant la reprise des placoplâtres, ce qui, ajouté à l’arrêt de chantier injustifié et à l’inachèvement des menuiseries extérieures, légitime la suspension du paiement de la facture du 20 mars 2013 que la société KONEX ne démontre pas que les pénalités contractuelles courant à compter de la mise en demeure du 9 août 2022 ne lui sont pas imputablesque la société KONEX n’a pas produit les polices d’assurance couvrant le chantier comme cela lui a été demandé, ni les pièces démontrant la conformité des travaux au permis de construire et à la législation sur la sous-traitance, alors qu’il s’agit d’informations primordialesque la société KONEX semble avoir affecté les fonds versés par l’ASL à des paiements étrangers aux intérêts de celle-ci, ayant reconnu en assemblée la perception d’honoraires d’un montant supérieur aux dépenses ( ce qui contredit l’explication des retards de paiement qu’elle fournit pour justifier les retards)que seule la société KONEX est à même de mener à bien le chantier malgré la mauvaise qualité de ses relations avec l’ASL

que la résiliation du contrat aux torts de l’ASL ne se justifie par aucun manquement suffisamment grave de sa part, ne lui a jamais été notifiée et ne saurait s’accompagner de la conservation des fonds versésque l’indemnité contractuelle de 10 % n’est pas due en l’absence de toute carence de la part de l’ASL.

Par conclusions délivrées le 22 novembre 2023 et à l’audience, la société KONEX demande qu’il plaise :

Vu les articles 1103, 1217, 1219 et 1224 du Code civil,

DEBOUTER l’ASL [Adresse 2] de l’intégralité de ses prétentions,

CONSTATER l’acquisition de la clause résolutoire prévue au contrat de contractant général en date du 5 novembre 2020, aux torts de l’ASL [Adresse 2], à effet au 1er juin 2023,

A titre subsidiaire, PRONONCER la résiliation du contrat de contractant général en date du 5 novembre 2020, aux torts de l’ASL [Adresse 2], à effet au 1er juin 2023,

CONDAMNER l’ASL [Adresse 2] à payer à la société KONEX une somme totale de 120 151,43 € TTC au titre des factures n° 85-06-2021 du 10 juin 2021 (solde de 8076 € TTC) et n° 77-03-2023 du 20 mars 2023 impayées,

CONDAMNER l’ASL [Adresse 2] à payer à la société KONEX une somme de 112 076 € à titre d’indemnité contractuelle, soit 10% du montant du contrat, du fait de la résiliation à ses torts,

CONDAMNER l’ASL [Adresse 2] à payer à la société KONEX une somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER la même aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, la société KONEX fait valoir :

qu’il résulte du contrat que le financement de l’ensemble de l’opération provient des fonds versés par l’ASL et que le déséquilibre actuel provient de la contestation par celle-ci de l’échéancier qui lui est soumisque seul l’ordre de service signé le 8 février 2021 par les parties et l’entreprise générale fait courir le délai d’exécution des travaux de 16 mois hors mois d’août et congés payés, qui expire donc le 8 septembre 2022que la modification des plans qui lui est reprochée résulte, comme l’indique un mail du 4 juin 2021, de la réalisation d’un curage et d’un renfort des existantsque le retard de la facture du 10 juin 2021 jusqu’au 21 octobre 2021, laissant subsister un reliquat de 8076€ correspondant à une fausse allégation d’absence d’achèvement des menuiseries extérieures, puis la passation de nouveaux marchés à la suite de la liquidation judiciaire de l’entreprise générale le 20 octobre 2021, dont l’ASL a été avertie dès le 24 septembre et informée dès le 4 novembre, l’a mise dans l’incapacité de financer une poursuite d’activité depuis le mois de juillet 2021 jusqu’au mois de mars 2022que des visites de chantier mensuelles ont été organisées à compter du mois de juillet 2022 et que la défaillance du plaquiste a donné lieu à information du cabinet BRAVARD le 2 décembre 2022 et désignation d’un remplaçant dès le 7qu’il en résulte que l’obligation trimestrielle d’information contractuelle a été satisfaite, aucune obligation de transmission des plannings d’exécution ne pesant en revanche sur KONEX, et qu’un retard de chantier de 10 mois jusqu’en mai 2023 est pleinement justifié, incluant également 65 jours d’intempéries et 20 jours d’attente de validation de plans par les propriétairesque le cabinet BRAVARD a indiqué à la société KONEX le 28 mars 2013 que la facture du 20 mars ne serait pas réglée, faute de provision suffisante sur le compte de l’ASL et en raison du retard de travaux, conduisant la société KONEX, qui avait déjà été confrontée à des retards de paiement sur la précédente facture du 10 juin 2021, à un arrêt de chantier immédiat, ayant déjà préalablement dépensé les fonds dans l’intérêt du projet et même réalisé une avance de trésorerie de 33.986,99 € pour régler des intervenants

que la société KONEX n’a pu se rendre à la réunion d’expertise de Monsieur [H] qui n’a pas été choisi d’un commun accord et a travaillé sans les pièces du dossier, de sorte qu’il n’a pu se rendre compte que, si l’ensemble des sommes versées ne se retrouve pas dans les travaux stricto sensu, c’est qu’elles ont été utilisées pour des prestations annexesque les moisissures sont la conséquence d’une fermeture des menuiseries postérieurement à son dernier passageque l’obligation de transmission sollicitée, hormis les attestations d’assurance qui sont versées aux débats, concerne des pièces dont la mise à disposition ne devait s’effectuer contractuellement que dans le délai d’un an à compter de la mise à disposition de l’ouvrageque la clause résolutoire aux torts exclusifs de l’ASL a pris effet contractuellement 15 jours après la mise en demeure adressée le 16 mai 2023 à l’ASL de respecter ses obligationsque la reprise de chantier ne peut être confiée à la société KONEX en raison du climat délétère, de son obligation de recruter des entreprises tierces qui ne peuvent s’inscrire dans un planning de 6 mois et de son absence de capacité de financementque l’ASL a accepté de devoir régler une indemnité de 10% du montant du marchéque la réclamation d’une restitution de 800.000€, calée sur le montant des travaux restant à entreprendre fixé par Monsieur [H], n’a pas de sens en matière de contrat à exécution successive.

MOTIFS

Il résulte de l’article 1219 du code civil qu’une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

Il résulte de l’article 1221 du code civil que le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature sauf si cette inexécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier.

Le contrat de contractant général du 24 octobre 2019 stipule que la société KONEX s’engage à mener à bien le projet de réhabilitation dans le respect de l’enveloppe financière de 1.018.872,73€ HT tandis que l’ASL s’engage à en assurer le financement. L’annexe 1 prévoit un échelonnement des paiements impliquant qu’un montant de 70 % sera réglé au démarrage du chantier (35% à la signature, 15% à l’établissement du projet, 10 % à la signature des marchés de travaux et du premier ordre de service et 10% au démarrage), le reste devant être réglé selon 4 étapes particulières (10% au démarrage des travaux de plâtrerie, 5% à l’achèvement de la restauration de la couverture, 10% à l’achèvement de la restauration des menuiseries extérieures, 5% à la convocation à réception et 1% à la levée des réserves).

L’originalité des relations contractuelles résidait donc clairement dans l’absence d’avance de toute dépense par la société KONEX, les versements effectués devant servir essentiellement à financer des travaux à venir sans qu’il existe de lien nécessaire entre l’intitulé des étapes de versements et lesdits travaux. La société KONEX se voyait imposer une obligation renforcée de respecter les coûts, à peine de résolution, en contrepartie de son incapacité financière à assumer toute augmentation des coûts. S’il n’en résultait pas l’impossibilité pour chaque partie d’opposer éventuellement à l’autre l’exception de non-exécution prévue par l’article 1219 du code civil, sa légitimité restait suspendue à une délicate appréciation de l’avancement du chantier dans son ensemble.

Ainsi, le défaut de paiement, dans le délai demandé de 30 jours, de la facture du 112.076 € du 10 juin 2021, correspondant dans le temps à l’étape « achèvement de la restauration des menuiseries extérieures » mais non à son financement, mettait nécessairement la société KONEX en difficulté pour l’exécution des travaux divers planifiés à compter de cette date.

Le motif tiré de façon imprécise par l’ASL de sa perception d’un état critiquable d’avancement des travaux n’était pas non plus suffisant pour retenir jusqu’au 21 octobre 2021 la somme de 74.000€ due sur cette facture. Il ne peut donc être tenu rigueur à la société KONEX d’un défaut d’avancement de juillet à octobre 2021.

Dans son courrier du 29 avril 2023, l’ASL a implicitement exprimé un refus de paiement de la facture du 20 mars 2023 dont le paiement demandé était de 30 jours. Elle allègue un défaut d’information et de communication de pièces, un non-respect des délais et des défaillances techniques.

Elle a reproché d’abord à la société KONEX le défaut de communication sous 8 jours, par application de l’article 4 du contrat, des derniers documents signés avec le nouveau plaquiste pour validation préalable ainsi que le défaut de compte-rendu mensuel d’avancement des travaux. La société KONEX prouve néanmoins qu’elle a organisé des visites les 28 juillet, 7 octobre, 18 novembre et 8 décembre 2022, 17 février, 3 et 17 mars 2023. Elle ne prouve pas avoir communiqué à l’ASL le devis de la société A-KS-RENOV en date du 7 décembre 2012 qu’elle a signé le 13 mars mais elle a annoncé l’intervention de cette nouvelle société par courriel du 2 décembre. Le défaut de communication est constitué à la date du 21 mars concernant ce contrat.

L’ASL a ensuite reproché à la société KONEX son retard d’exécution. Le « délai d’exécution » de 16 mois commençant le 8 février 2021 selon l’ordre de service du 5, le report de 7 mois jusqu’au mois de mai 2023 de la date de livraison, fixée au mois de septembre 2022 pour prendre en compte en sus les mois d’août 2021 et 2022 et 1 mois de congés payés, est justifié par 65 jours d’intempéries et les 20 jours de réflexion du maître de l’ouvrage sur la modification des plans, outre 2 mois de retard de paiement et 2 mois liés aux contraintes de placement en liquidation judiciaire de l’entreprise principale, évènements prévus au contrat et non contestés hormis les intempéries par l’invocation générale de travaux d’intérieur alors que la mission porte aussi sur la couverture. L’assemblée générale du 27 janvier 2023 n’a pas émis de critique sur la fixation du mois de mai 2023 par la société KONEX comme nouvelle date de livraison, qui sera en conséquence retenue en faveur de la société.

La poursuite de ses travaux par la société KONEX à compter du 27 janvier 2023 devait l’amener à présenter un chantier en voie d’achèvement le 20 avril, date d’échéance de la facture du 20 mars, à un mois de la date de livraison. Or, elle allègue de façon injustifiée l’information reçue le 28 mars au sujet de la résistance de certains propriétaires à verser leur quote-part à l’appui de sa décision d’interrompre le chantier. L’état du chantier a été constaté, sur demande de l’ASL, par un commissaire de justice le 12 mai 2023, qui fait état de l’absence de nettoyage, de traitement de la façade, de l’escalier et des embrasures, de sécurisation des fenêtres, de revêtements muraux et de sol, d’équipement de l’installation électrique, de portes, de VMC, de sanitaires, d’isolation. Sur demande de l’ASL intervient ensuite l’expert [E] [H] le 21 juillet 2023. La société KONEX, convoquée le 12 juillet, arguant de son indisponibilité, n’a pas cru bon de se faire représenter ou bien de proposer une date de réunion avant le mois de septembre, date tardive.

L’expert, dans son rapport du 24 juillet, a constaté de nombreuses non-façons et malfaçons, notamment absence de nettoyage, défaut de fermeture et de protection des menuiseries extérieures, absence de travail de façade, absence de garde-corps sécurisé, absence de protection en tête du relevé de la toile au fond de la noue de toiture, absence d’évacuation des eaux de pluie venant de la toiture du garage, absence d’isolation complète et de ventilation du côté du mur de soutènement auquel la bâtisse est adossée, sol à l’état brut, absence de gaine des services généraux, aucune porte palière des logements de l’étage et des placards, absence d’escalier d’accès en comble, murs des parties privatives sans revêtement de peinture ou de carrelage ni appareillage électrique ni isolation des allèges de fenêtres ni VMC, moisissures des placoplâtres du rez-de-chaussée du fait de l’humidification des cloisons par un défaut d’écoulement de eaux de pluie…

L’expert a été conduit à chiffrer, sans distinguer non-façons et malfaçons, le coût de reprise à 400.000 € et le taux d’avancement de 35 à 40 %, alors que les copropriétaires avaient versé depuis l’origine un total de 944.570€ TTC sur le prix convenu de 1.120.760€ TTC. Il apparaît en effet, à l’examen du contrat, qu’ont été partiellement exécutés sept lots de parties communes sur neuf (menuiseries extérieures, métallerie, ravalement de façades, plâtrerie, revêtement de sol, menuiserie intérieure, peinture) et cinq lots de parties privatives sur cinq (plâtrerie, revêtement de sols, menuiseries intérieures, peinture et techniques).

Même si l’exécution des travaux n’est directement financée que par 40% du prix, au moyen des acomptes courant à partir de l’étape « achèvement du délai de préparation et démarrage de chantier », le versement de 84,5% du prix total, soit 24,5 % sur 40 du prix consacré à l’exécution des travaux, impliquait la réalisation d’au moins 60% de ces travaux, alors que l’examen de l’état de chantier par un rapport d’expertise auquel la société KONEX avait été appelée à contribuer, conforté par un constat d’huissier et l’examen du contrat, conduit à une réalisation inférieure à 50 %. Il s’ensuit la démonstration que le 20 avril 2023, date d’échéance de la facture du 20 mars, la société KONEX n’était pas en mesure de respecter la date du mois de mai 2023 comme date de livraison d’un chantier prévu sur une durée de 16 mois. Le non-paiement par l’ASL de la facture du 20 mars 2023 et du solde de la facture du 10 juin 2021 était justifié en application de l’article 1219 du code civil.

En raison de l’urgence à achever des travaux dont la date de livraison initiale se situait en septembre 2022 et à limiter les dégradations consécutives à une cessation brutale de l’activité, la société KONEX, qui possède une connaissance inégalable du chantier de l’ASL pour avoir facturé de nombreux travaux préparatoires, sera condamnée à le reprendre conformément à ses obligations contractuelles d’exécution sans vice, de sorte qu’il soit achevé dans le délai de 6 mois à compter de la signification de la présente décision sous astreinte provisoire de 500€ par jour, à compter du premier jour suivant ce délai.

La facture du 20 mars 2023 et le solde la facture du 10 juin 2021, soit la somme de 120.151,43€ TTC, ne seront exigibles auprès de l’ASL qu’à compter de la production par la société KONEX d’une attestation d’expert judiciaire requis par ses soins, selon laquelle le chantier présente un état d’avancement de 60 % au moins, sans préjudice de la communication par ses soins à l’ASL des autres éléments d’information prévus par le contrat.

En l’absence de faute établie de la part de l’ASL, la demande de résiliation du contrat formée par la société KONEX sera rejetée, ainsi que sa demande de paiement d’indemnité contractuelle.

Les attestations d’assurance et les marchés de travaux ont été remis à l’ASL par la société KONEX en annexe de ses conclusions. Il résulte du contrat que celle-ci doit remettre les autres pièces demandées dans un délai de 12 mois à compter de la livraison des parties communes, à moins que celles-ci n’apparaissent pas comme faisant l’objet d’une obligation contractuelle de communication. La fourniture d’un planning de travaux pas plus que la justification de l’utilisation des fonds versés ne comptent parmi les obligations contractuelles de la société KONEX et ne sont de nature à favoriser la bonne exécution du chantier. Faute de précision sur l’existence d’une pièce particulière dont la société KONEX serait encore redevable d’une communication, aucune injonction ne sera ordonnée.

Il n’y a pas lieu à ordonner d’autres mesures de surveillance du chantier ou d’information des propriétaires que celles contractuellement prévues.

La société KONEX sera condamnée au paiement à l’ASL d’une pénalité de retard de 15 € pour 9 logements sur la période du 1er juin au 1er octobre 2023 comptant 122 jours, soit la somme de 16.470€. Il n’y a pas lieu d’ordonner une astreinte en vue d’obtenir ce paiement.

Le cours des pénalités de retard prévues au contrat dues à compter du 1er octobre 2023 sauf exemption contractuelle reprendra à compter de la signification de la présente décision sans qu’il y ait lieu à ordonner la contractualisation de nouvelles pénalités.

La société KONEX ne demande pas la consignation par l’ASL du solde du prix, qui ne sera donc pas ordonnée.

La société KONEX sera condamnée aux dépens et devra verser à l’ASL la somme de 5000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Les honoraires d’huissier et d’expert sont compris dans cette somme.

Aucun autre préjudice n’est caractérisé.

L’exécution provisoire est de droit par application de l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, par jugement contradictoire, rendu publiquement et en premier ressort :

CONDAMNE la société KONEX à reprendre le chantier de l’ASSOCIATION SYNDICALE LIBRE [Adresse 2] conformément à ses obligations contractuelles d’exécution sans vice, de sorte qu’il soit achevé dans le délai de 6 mois à compter de la signification de la présente décision sous astreinte provisoire de 500€ par jour, à compter du premier jour suivant ce délai,

CONDAMNE l’ASSOCIATION SYNDICALE LIBRE [Adresse 2] à payer la société KONEX la somme de 120.151,43€ TTC à compter de la production par la société KONEX d’une attestation d’expert judiciaire requis par ses soins, selon laquelle le chantier présente un état d’avancement de 60 % au moins,

CONDAMNE la société KONEX à payer à l’ASSOCIATION SYNDICALE LIBRE [Adresse 2] la somme de 16.470€ à titre de pénalités de retard jusqu’au 1er octobre 2023, sans préjudice des pénalités contractuelles courant à compter de cette date, et la somme de 5000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société KONEX aux dépens,

REJETTE toute autre demande.

Remis au greffe en vue de sa mise à la disposition des parties, le présent jugement a été signé par le Président, M. GOUNOT, et le Greffier, Mme BIZOT.

Le GreffierLe Président,

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Tribunal Judiciaire de Lyon, Chambre 3 cab 03 d, 1er février 2024, n° 23/06775