Tribunal Judiciaire de Paris, 3e chambre, 10 janvier 2020, n° 2018/00171

  • Fait distinct des actes de contrefaçon·
  • Régime spécifique de responsabilité·
  • Cessation des actes afaincriminés·
  • Action en concurrence déloyale·
  • Usage dans la vie des affaires·
  • Exploitant du site internet·
  • Titulaire du nom de domaine·
  • Atteinte au nom commercial·
  • Action en responsabilité·
  • Usage à titre de marque

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Une place de marché numérique qui permet à ses clients de faire apparaître, au sein d’annonces, des signes déposés, quand bien même elle serait rémunérée en contrepartie, ne fait pas une utilisation illicite du signe, ni un usage de celui-ci à titre de marque. Il n’y a donc pas lieu, en l’espèce, de faire droit à la demande en contrefaçon à l’encontre des sociétés défenderesses du fait de la parution, sur leur site internet, d’annonces reproduisant les marques Lafuma invoquées. Les sociétés défenderesses fournissent une plate-forme de transaction en ligne et des services auxiliaires (moteur de recherche, abonnement « Premium », publicité ciblée ¿). Elles tirent incontestablement profit de leurs activités en percevant des frais de services, des cotisations annuelles et des commissions sur les ventes. Toutefois, les services qui sont proposés, inhérents aux places de marché en ligne, n’ont qu’une finalité technique et logistique pour permettre le fonctionnement du site. Ils ne permettent pas d’établir un quelconque rôle actif de la plate-forme, dans la rédaction du libellé et le contenu des annonces, alors que les sociétés défenderesses ne sont pas partie aux contrats conclus entre les vendeurs et acheteurs mis en relation et n’interviennent aucunement dans la transaction qui se noue, que ce soit quant à la fixation du prix ou les modalités de remise du bien. En conséquence, leur responsabilité ne saurait être retenue en qualité d’éditeur du site, dès lors qu’il n’est pas démontré leur rôle éditorial, leur connaissance et leur contrôle du contenu des annonces. En revanche, les sociétés défenderesses ont engagé leur responsabilité en leur qualité d’hébergeur, dès lors que les annonces illicites n’ont été retirées que trois mois après la mise en demeure qui leur a été adressée par la société demanderesse et sous la pression d’une procédure en référé initiée par cette dernière. Il ne s’agit pas une d’une prompte réponse au sens des dispositions de l’article 6-I-2 de la Loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN). Il ne peut être reproché à la société demanderesse d’avoir sollicité la société française du groupe, qui constituait le seul interlocuteur possible, faute de mentions légales conformes sur le site.

Chercher les extraits similaires

Commentaires3

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Blip · 23 mai 2023

Peut-on utiliser la marque d'un tiers dans le code source de son site internet pour en améliorer le référencement naturel dans les moteurs de recherche ? La question a animé les cours, les tribunaux et la doctrine il y a de nombreuses années – la fameuse jurisprudence relative aux “metatags”. Il y a un quart de siècle, les auteurs rendaient compte de décisions de condamnation, aux Etats-Unis (dès 1997 dans l'affaire Playboy v. Calvin Designer) ou en Angleterre (en 2000, Road Tech Computer Systems v. Mandata), en raison de “l'appropriation délibérée” des signes distinctifs d'un concurrent …

 

www.quantic-avocats.com · 8 juin 2020

Après une première procédure en référé qui avait qualifié la plateforme de vente en ligne Alibaba d'hébergeur, le Tribunal Judiciaire de Paris a lui aussi affirmé que, malgré les nombreux services proposés par Alibaba, cette dernière ne devait pas être qualifiée d'éditeur. En effet, pour le TJ, la plateforme ne propose que des services ayant une finalité technique et logistique permettant son bon fonctionnement (notamment publicité ciblée, fourniture d'un moteur de recherche, souscription d'abonnement premium, services logistiques ou financiers, gestion et vérification des vendeurs et des …

 

www.nomosparis.com · 28 avril 2020

Tribunal judiciaire de Paris, 3ème ch. 3ème section, 10 janv. 2020, Lafuma Mobilier S.A.S. c./ Alibaba (France), alibaba Group Holding Ltd., Alibaba.com Hong-Kong Limited, Alibaba Group Services Limited et Alibaba.com Singapore E-commerce La lutte contre les contrefaçons, Une organisation et des outils pour mieux protéger les consommateurs et les droits de propriété intellectuelle, Cour des comptes, Février 2020 La société Lafuma Mobilier a constaté que des copies de certains de ses produits, en l'occurrence des fauteuils, étaient commercialisées par le biais d'annonces publiées sur le …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
TJ Paris, 3e ch., 10 janv. 2020, n° 18/00171
Numéro(s) : 2018/00171
Publication : Expertises, 456, avril 2020, p. 133, note ; PIBD 2020, 1138, IIIM-3
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, ordonnance de référé, 21 novembre 2017
  • Cour d'appel de Paris, 25 janvier 2019, 2017/22056
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : Lafuma ; LAFUMA
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 3581711 ; 7187339 ; 1642621 ; 6800734
Classification internationale des marques : CL09 ; CL18 ; CL20 ; CL22 ; CL25 ; CL28
Référence INPI : M20200090
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS JUGEMENT rendu le 10 janvier 2020

3ème chambre 3ème section N° RG 18/00171 N° Portalis 352J-W-B7C-CMB4 T

Assignation du 20 décembre 2017

DEMANDERESSE Société LAFUMA MOBILIER […] 26140 ANNEYRON représentée par Maître Emmanuel BOUTTIER de la SELARLU B AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #G544

DÉFENDERESSES Société ALIBABA […] 75001 PARIS

Société ALIBABA GROUP HOLDING LTD Fourth Floor One Capital Place P.O BOX 847 Georges T G Cayman ILES CAIMANS

Société ALIBABA.COM HONG KONG LTD 26th Tower One Times Square 1 Matheson Street Causeway Bay HONG KONG

Société ALIBABA GROUP SERVICES LTD 26th Tower One Times Square 1 Matheson Street Causeway Bay HONG KONG

Société ALIBABA.COM SINGAPORE E-COMMERCE PRIVATE LTD 10 C Quay 10/01 Ocean Financial Centre 049315 SINGAPORE représentées par Maître Alexandra NERI du PARTNERSHIPS HERBERT S FREEHILLS PARIS LLP, avocats au barreau de Paris, vestiaire #J0025

COMPOSITION DU TRIBUNAL Carine G, Vice-Président Laurence B, Vice-Président Élise MELLIER, Juge assistée de Alice A, Greffier

DÉBATS À l’audience du 21 novembre 2019 tenue en audience publique

JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort

Le GROUPE LAFUMA qui commercialise des textiles, équipements (sac à dos, sac de couchage, etc.), chaussures et mobilier, a pour filiale la société LAFUMA MOBILIER S.A.S, laquelle a pour activité la création, la fabrication et la commercialisation de meubles dont notamment le fauteuil « RELAX »

La société LAFUMA MOBILIER indique être autorisée, suivant contrat de licence publié, à faire usage des marques dont est titulaire la maison
- mère, à savoir :

— la marque semi-figurative française n° 3581711 déposée le 12 juin 2008 et enregistrée pour désigner des produits et services des classes 18, 20, 22, 25 et 28 ;

— la marque semi-figurative de l’Union européenne n° 7187339 déposée le 26 août 2008 et enregistrée pour désigner des produits et services des classes 18, 20, 22, 25 et 28 ;

— la marque verbale française « LAFUMA » numéro 1642621 déposée le 31 janvier 1991 enregistrée pour désigner des produits et services des classes 9, 18, 20, 22, 25 et 28 ;

— la marque verbale de l’Union européenne « LAFUMA » numéro 6800734, déposée le 25 mars 2008 et enregistrée pour désigner des produits et services des classes 18, 20, 22, 25 et 28 (Pièce n°4).

Ayant constaté le 20 juin 2017 l’offre à la vente sur le site <french.alibaba.com> de fauteuils constituant selon elle, la copie de ceux qu’elle commercialise et la persistance de ces faits le 07 juillet 2017, alors qu’elle a sollicité à plusieurs reprises ce site internet aux fins de blocage des annonces le 05 juillet 2017 puis le 17 juillet 2017, sans qu’une suite favorable n’y ait été donnée, la société LAFUMA MOBILIER a fait assigner, en l’absence de mentions légales sur le site litigieux, les sociétés ALIBABA FRANCE, HONG- KONG, HOLDING et GROUP devant le président du tribunal de grande instance en référé, le 28 septembre 2017. Le juge des référés de ce tribunal a, par ordonnance du 21 novembre 2017, fait injonction aux défenderesses de cesser tout usage de la marque LAFUMA et de mettre en œuvre des mesures de blocage des annonces litigieuses. La cour d’appel a, par arrêt du 25 janvier 2019, infirmé cette décision, au motif de l’existence d’une contestation sérieuse.

Par acte du 20 décembre 2017, la société LAFUMA MOBILIER a fait assigner devant ce tribunal les sociétés ALIBABA (FRANCE), ALIBABA. COM HONG-KONG, ALIBABA GROUP SERVICES Ltd, ALIBABA GROUP HOLDING Ltd et ALIBABA. COM SINGAPORE e- Commerce Private Ltd, en contrefaçon de marques et concurrence déloyale. Dans le dernier état de ses prétentions, signifiées par voie électronique le 29 mars 2019, la société LAFUMA MOBILIER sollicite du tribunal de : 1) — Déclarer l’ensemble des demandes de la société LAFUMA MOBILIER recevables, — Dire et juger que les sociétés ALIBABA (France), ALIBABA GROUP HOLDING LTD, ALIBABA. COM Hong-Kong LIMITED, ALIBABA GROUP SERVICES LIMITED et ALIBABA. COM SINGAPORE E-COMMERCE PRIVATE LIMITED ont la qualité d’éditeur, — Dire et juger les sociétés ALIBABA sont irrecevables à invoquer le bénéfice des dérogations en matière de responsabilité issues de la directive européenne 2000/31/CE et de sa transposition par loi n° 2004575 du 21 juin 2004 pour la Confiance dans l’Économie Numérique, À TOUTES FINS, — Dire et juger que les sociétés défenderesses ont engagé leurs responsabilités au regard de l’article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la Confiance dans l’Économie Numérique, 2) — Dire et juger que les sociétés ALIBABA ont commis des actes de contrefaçon des marques n°3581711, 7187339, 1642621 et 6800734,

— Condamner in solidum les mêmes à payer à la société LAFUMA MOBILIER la somme de 390.000 euros, sauf à parfaire, en réparation du préjudice subi en raison des actes de contrefaçon des marques n°3581711, 7187339, 1642621 et 6800734, — Enjoindre aux sociétés ALIBABA défenderesses de cesser tout usage du signe « LAFUMA » à titre de marque au sein du site alibaba.com / french.alibaba.com, ou portant atteinte à la dénomination sociale et au nom commercial LAFUMA MOBILIER, ou utilisé à titre de mot clefs et/ou « métatags » permettant une recherche interne au sein du site alibaba.com / french.alibaba.com, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, sauf accord préalable et exprès de la société LAFUMA MOBILIER, À TITRE SUBSIDIAIRE, Dans l’hypothèse où il ne serait pas retenu la contrefaçon, — Condamner in solidum les sociétés ALIBABA à payer à la société LAFUMA MOBILIER la somme de 390.000 euros, sauf à parfaire, en réparation du préjudice subi au titre de la concurrence déloyale et parasitaire et ENJOINDRE aux sociétés ALIBABA (France), ALIBABA GROUP HOLDING LTD, ALIBABA. COM Hong- Kong LIMITED, ALIBABA GROUP SERVICES LIMITED, ALIBABA. COM, SINGAPORE E-COMMERCE PRIVATE LIMITED de cesser tout usage du signe « LAFUMA » au sein du site alibaba.com / french.alibaba.com, ou portant atteinte à la dénomination sociale et au nom commercial LAFUMA MOBILIER ou utilisé à titre de mot clefs et/ou « méta tags » permettant une recherche interne au sein du site <alibaba.com / french.alibaba.com>, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, sauf accord préalable et exprès de la société LAFUMA MOBILIER, 3) — Condamner in solidum les sociétés ALIBABA défenderesses à payer à la société LAFUMA MOBILIER la somme de 200.000 euros, sauf à parfaire, à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice résultant des actes distincts de concurrence déloyale et du parasitisme, — Ordonner aux sociétés ALIBABA défenderesses de faire figurer ses mentions légales régulières sur leur site internet, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, — Ordonner aux sociétés défenderesses ALIBABA de se conformer à la directive 95/46/CE, la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 et le règlement 2016/679 (RGPD), sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, 4)

— Enjoindre aux sociétés défenderesses de mettre en œuvre toutes mesures appropriées de blocage de parution d’annonces, sur le site alibaba.com / french.alibaba.com, portant atteinte aux droits de propriété intellectuelle de la société LAFUMA MOBILIER, et en particulier portant la mention « LAFUMA » protégée par les marques n°3581711, 7187339, 1642621 et 6800734, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, 5) — Ordonner la publication du dispositif et/ou d’un extrait du jugement à intervenir dans trois journaux ou revues au choix de la demanderesse, et sur le site ALIBABA et aux frais des sociétés ALIBABA (France), ALIBABA GROUP HOLDING LTD, ALIBABA. COM Hong-Kong LIMITED, ALIBABA GROUP SERVICES LIMITED, et ALIBABA. COM SINGAPORE E-COMMERCE PRIVATE LIMITED dans la limite de 5.000 euros HT par publication, — Ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir, à compter de sa signification, sur la première page du site internet accessible à l’adresse https://french.alibaba.com/, durant un mois, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, 6) — Débouter les sociétés défenderesses de toutes leurs demandes, fins et prétentions, — Condamner in solidum les sociétés ALIBABA défenderesses à payer à la société LAFUMA MOBILIER la somme de 50.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, — Condamner in solidum les mêmes aux entiers dépens conformément à l’article 699 du code de procédure civile, — Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir. Le 24 juin 2019, les sociétés défenderesses ont fait signifier par voie électronique leurs écritures, aux termes desquelles dans le dernier état de leurs prétentions, elles sollicitent du tribunal de : Vu les articles 5 et 1240 du code civil, Vu la Directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, Vu la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés,

Vu la Directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur,

Vu l’article L.121-2 du code de la consommation,

Vu les articles 699 et 700 du code de procédure civile,

Vu l’ordonnance de Référé n° 17/59485 rendue le 21 novembre 2017

Vu l’arrêt de la Cour d’appel n°17/22056 rendu le 25 janvier 2019 Sur la mise hors de cause des sociétés ALIBABA France, ALIBABA GROUP et ALIBABA HOLDING — Juger que l’implication des sociétés ALIBABA (France), ALIBABA GROUP HOLDINGLTD et ALIBABA GROUP SERVICES LIMITED dans la gestion du site <alibaba.com> n’est pas établie, — Juger que ces sociétés n’ont pas qualité à répondre des demandes, qu’elles n’ont commis aucun acte susceptible d’engager leur responsabilité à quelque titre que ce soit et qu’elles doivent être mises hors de cause, Sur les prétendus actes de contrefaçon de marque — Juger qu’aucun acte d’usage de marque enfreignant les articles L713-2 ou L713-3 du code de la propriété intellectuelle et imputable à l’une quelconque des sociétés ALIBABA n’est caractérisé, — Juger que les sociétés ALIBABA (France), ALIBABA GROUP HOLDING LTD, ALIBABA GROUP SERVICES LIMITED, ALIBABA. COM SINGAPORE E-COMMERCEPRIVATE LIMITED et ALIBABA Hong-Kong LIMITED n’ont pas fait usage du signe « LAFUMA » pour leur propre communication commerciale et n’ont pas commis d’actes de contrefaçon des marques n°3581711, 7187339, 1642621 et 6800734,

Sur les prétendus actes de concurrence déloyale fondés sur des faits non-distincts de ceux allégués au soutien de la demande de LAFUMA MOBILIER en contrefaçon de marque — Juger irrecevable la demande de LAFUMA MOBILIER à raison des prétendus actes de concurrence déloyale et parasitaire résultant de la publication des annonces litigieuses sur la plate-forme alibaba.com en ce que cette demande est fondée sur les mêmes faits que ceux sur lesquels LAFUMA MOBILIER fonde son action en contrefaçon,

Sur les prétendus actes distincts de concurrence déloyale et parasitisme résultant de l’affichage d’annonces commerciales sur la plate-forme alibaba.com — Juger qu’aucune faute constitutive de concurrence déloyale ou parasitaire commise par l’une des sociétés défenderesses et susceptible d’engager leur responsabilité civile délictuelle à l’égard de la société LAFUMA MOBILIER n’est caractérisée, dès lors que les sociétés ALIBABA ne se présentent pas comme ayant la qualité de vendeurs des produits, n’affichent pas ces annonces en relation avec la promotion de leurs propres produits, n’ont pas la qualité d’annonceurs, et ne sont pas non plus en situation de concurrence avec la société LAFUMA IMMOBILIER,

— Constater qu’aucune des sociétés ALIBABA n’a fait le moindre usage fautif de la marque « Lafuma » en tant que « mot-clé » ou « méta-tag », Sur les prétendus actes distincts de concurrence déloyale résultant de la prétendue violation aux dispositions de l’article 19 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique relatives aux mentions légales, ainsi qu’aux dispositions de la directive 95/46/CE et à la loi n°7817 du 6 janvier 1978 — Juger que LAFUMA MOBILIER n’a ni intérêt ni qualité à agir pour se plaindre d’éventuels manquements des sociétés ALIBABA aux dispositions de l’article 19 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique relatives aux mentions légales, ainsi qu’aux dispositions de la directive 95/46/CE et à la loi n°7817 du 6 janvier 1978 relatives à l’informatique et aux libertés, — Juger irrecevables les demandes de LAFUMA MOBILIER tendant à l’affichage de mentions légales régulières sur le site alibaba.com et à la mise en conformité avec la Directive 95/46/CE et à la loi n°7817 du 6 janvier 1978, Subsidiairement, — Juger que la demande sous astreinte tendant à voir afficher sur le site alibaba.com des mentions légales conformes à l’article 19 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est mal fondée et dépourvue d’objet, le site alibaba.com étant d’ores et déjà conforme ; — Juger que la demande sous astreinte enjoignant les sociétés ALIBABA de se conformer à la directive 95/46/CE et à la loi n°7817 du 6 janvier 1978 est mal fondée et dépourvue d’objet, aucune infraction n’étant démontrée, Sur les demandes de la société LAFUMA MOBILIER concernant l’octroi dommages et intérêts en réparation des prétendus préjudices

subis « des actes de contrefaçon de marques » et « des actes de concurrence déloyale et parasitaire » ainsi que sur les demandes de publication du dispositif et/ou d’un extrait du jugement dans des journaux et sur le site french.alibaba.com — Juger que la société LAFUMA MOBILIER ne démontre pas avoir subi un quelconque préjudice du fait des prétendus actes de contrefaçon de marque et de concurrence déloyale et parasitaire dénoncés, — Juger que la demande de publication est mal fondée et en tout état de cause, disproportionnée,

Sur les mesures d’interdiction et de blocage enjoignant sous astreintes aux sociétés ALIBABA de « cesser tout usage du signe « LAFUMA » à titre de marque au sein du site alibaba.com, ou portant atteinte à la dénomination sociale et au nom commercial LAFUMA MOBILIER, ou utilisé à titre de mot clefs permettant une recherche interne au sein du site alibaba.com » et de « mettre en œuvre toutes mesures appropriées de blocage de parution d’annonces, sur le site alibaba.com, portant atteinte aux droit de propriété intellectuelle de la société LAFUMA MOBILIER, et en particulier portant la mention « LAFUMA » protégée par les marques n° 3581711, 7187339, 1642621 et 6800734 » — Juger que ces mesures sont disproportionnées et légalement inadmissibles : o à titre principal, en ce qu’elles constituent des dispositions générales interdites au juge par l’article 5 du code civil ; o subsidiairement, en ce qu’elles excèdent les limites autorisées par la Directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle et violent les principes gouvernant la réparation du dommage ; o très subsidiairement, en ce qu’elles impliquent une obligation générale de surveiller les informations transmises ou stockées sur la plate-forme alibaba.com, à laquelle un hébergeur ne peut être soumis, conformément au §7° de l’article 6-I de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, Sur la prétendue responsabilité des sociétés ALIBABA en qualité d’hébergeur — Juger qu’aucun manquement des sociétés ALIBABA aux obligations découlant du §2° de l’article 6-I de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique n’est caractérisé, — Juger qu’elles n’ont pas engagé leur responsabilité au regard de l’article 6-1 précité,

— Débouter LAFUMA MOBILIER de sa demande tendant à la condamnation des sociétés ALIBABA en ce qu’elles n’auraient pas respecté les dispositions de l’article 6-1 de la loi du 21 juin 2004, En tout état de cause, — Débouter la société LAFUMA MOBILIER de toutes ses demandes, fins et conclusions, — Condamner la société LAFUMA MOBILIER : o aux dépens. o à verser aux sociétés ALIBABA (France), ALIBABA GROUP HOLDING LTD et ALIBABA GROUP SERVICES LIMITED la somme de 2000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

o à verser aux sociétés ALIBABA. COM SINGAPORE ECOMMERCE PRIVATE LIMITED et ALIBABA. COM Hong-Kong LIMITED la somme de 30.000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La procédure a été clôturée par ordonnance du 25 juin 2019 et l’affaire plaidée le 21 novembre 2019. Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait référence aux écritures précitées des parties, pour l’exposé de leurs prétentions respectives et les moyens qui y ont été développés. MOTIFS DE LA DÉCISION 1-sur la mise hors de cause des sociétés ALIBABA FRANCE, ALIBABA HOLDING ET ALIBABA GROUP

La société LAFUMA expose que la demande de mise hors de cause des sociétés défenderesses n’est abordée qu’en dernière partie de leurs écritures, après l’examen au fond des prétentions et comme telle, est irrecevable.

Elle poursuit en indiquant que compte tenu des manœuvres des défenderesses pour entretenir la confusion et l’opacité entre les différentes sociétés du groupe ALIBABA, il est impossible de déterminer qui est le véritable éditeur du site, sur lequel sont parues les annonces litigieuses, du fait des contradictions permanentes des défenderesses, des mentions irrégulières du site, de la désignation tardive, artificielle et opportuniste de ALIBABA SINGAPORE en octobre 2017, puis désormais d’ALIBABA HONG-KONG, alors que les mentions ne remplissent toujours pas les conditions de la loi LCEN.

En ce qui concerne ALIBABA FRANCE, celle-ci en dépit de son objet social (développement de plateformes e-commerce) fait la promotion de contrefaçons par courriel auprès du public français et intervient dans l’exploitation du site. La société ALIBABA GROUP Ltd est quant à elle titulaire des titres de propriété intellectuelle. Pour la « politique de confidentialité », il est renvoyé soit à ALIEXPRESS, soit à ALIBABA dont les noms de domaine respectifs sont exploités par la société chinoise HANGZHOU ALIBABA ADVERTISING CO Ltd, ce qui constitue au demeurant une violation du règlement RGPD 2016/679 du 27 avril 2016 . La société ALIBABA Hong-Kong a quant à elle réglé les condamnations prononcées par le juge des référés. La société LAFUMA MOBILIER fait valoir que la cour d’appel a refusé de mettre hors de cause ces sociétés. Compte tenu de ces constatations contradictoires, l’ensemble des défenderesses doivent, selon elle, être maintenues dans la cause. Les sociétés ALIBABA soutiennent quant à elles que certaines des sociétés défenderesses doivent être mises hors de cause, dans la mesure où elles n’interviennent aucunement dans l’exploitation du site <french.alibaba.com> sur lequel ont été constatés les actes litigieux.

En effet, la société ALIBABA FRANCE exerce une activité de médiation commerciale pour certaines activités du groupe ALIBABA en France (sans que cela concerne directement la plate-forme alibaba.com) et prospecte les sociétés françaises, notamment afin d’établir des partenariats avec elles, pour permettre la vente sur des plateformes chinoises comme Tmall, à destination des particuliers. Il convient de considérer l’activité réelle exercée et non pas celle mentionnée au Kbis. Le fait que son président, Timoty S (qui est également le dirigeant d’autres sociétés du groupe) ait réservé le nom de domaine <french.alibaba.com> est sans incidence. La société ALIBABA GROUP HOLDING LTD, immatriculée aux Iles Caïmans, exerce une simple activité de holding, sans lien avec l’administration du site litigieux. Le fait qu’elle soit titulaire du portefeuille de marques n’implique pas qu’elle intervienne dans la gestion du site. La société ALIBABA GROUP SERVICES LIMITED, immatriculée à Hong-Kong, fournit quant à elle des services de gestion et d’administration aux sociétés du groupe. Ainsi selon les défenderesses, ces trois dernières sociétés doivent être mises hors de cause et doivent seules demeurer comme parties au litige, la société ALIBABA. COM HONG-KONG, chargée de l’administration opérationnelle et technique du site, qui reçoit et traite les réclamations juridiques des tiers et qui a au demeurant réglé les sommes mises à la charge des sociétés ALIBABA par l’ordonnance

de référé, ainsi que la société ALIBABA SINGAPORE, contractuellement responsable à l’égard des utilisateurs inscrits sur le site et enregistrés ou résidant en France et qui est d’ailleurs intervenue volontairement à l’instance de référé. Sur ce,

— recevabilité de la demande de mise hors de cause La demande de mise hors de cause est fondée sur le défaut de qualité à défendre de certaines parties défenderesses, du fait, selon celles-ci, de leur absence d’implication dans la gestion du site internet sur lequel sont parues les annonces litigieuses et, s’agissant d’une fin de non- recevoir régie par les dispositions de l’article 122 du code de procédure civile, ce moyen peut être invoqué « en tout état de cause ». Il est donc recevable. — sur le bien-fondé de la demande de mise hors de cause En application des dispositions de l’article 19 de la Loi sur la Confiance en l’Économie Numérique (LCEN), la personne qui propose ou assure à distance et par voie électronique, la fourniture de biens ou de services « est tenue d’assurer à ceux à qui est destinée la fourniture de biens ou la prestation de services, un accès facile, direct et permanent utilisant un standard ouvert aux informations suivantes : 2° l’adresse où elle est établie, son adresse de courrier électronique, ainsi que des coordonnées téléphoniques permettant d’entrer effectivement en contact avec elle, (..) »

Les annonces litigieuses ont été constatées sur le site<french.alibaba.com> en juin 2017, juillet 2017 et septembre 2017 (pièces LAFUMA n°5, n°9 et 18), lequel ne comportait pas, en dépit des dispositions légales précitées, les mentions obligatoires quant aux coordonnées de l’éditeur du site (pièce LAFUMA n° 5 page 38/41). Le nom de domaine permettant l’accès au site litigieux a été réservé par Timoty Alexander Steinert, président de plusieurs sociétés du groupe ALIBABA (pièce LAFUMA n° 5 page 40). Les sociétés ALIBABA ont entretenu la confusion et désigné, au gré des contentieux, diverses entités du groupe comme responsables du site litigieux et ne sauraient dès lors, compte tenu des informations tardives et contradictoires communiquées par elles, se plaindre du maintien dans la cause de toutes, à défaut d’explications limpides et cohérentes et sans pouvoir invoquer un prétendu renversement de la charge de la preuve. En effet, les défenderesses désignent finalement dans le cadre de ce litige comme responsables, les sociétés ALIBABA Hong-Kong et ALIBABA Singapour, ainsi qu’il résulte des mentions du site

<french.alibaba.com> après sa modification le 25 octobre 2017 (pièce n°29), celles-ci se partageant la responsabilité du prestataire intermédiaire, en fonction du lieu de résidence.

Il est d’abord curieux que la société chinoise revendique une quelconque responsabilité, au titre du site accessible depuis la France, car selon ces mêmes mentions, sa responsabilité est limitée exclusivement aux internautes résidant à Hong-Kong et de Macao. Il convient de remarquer que la première se présentait initialement comme « simple sous-traitant chargé de l’administration opérationnelle et technique du site » et que la seconde a été désignée tardivement, mais ne figure pas comme responsable dans d’autres contentieux (pièce LAFUMA n° 17) et n’apparaît même pas comme une structure du groupe dans le rapport de la SEC en 2016 (pièce LAFUMA n° 24). La société ALIBABA FRANCE est, quant à elle, au vu de son Kbis (pièce LAFUMA n° 6) en charge de « la promotion et le marketing de la marque Alibaba afin de développer la marque et la communauté d’utilisateurs des plateformes de e-commerce d’Alibaba ; le développement des plateformes de e-commerce et services associés proposés par Alibaba ; la fourniture de services clients en lien avec les activités susvisées ainsi que tous autres services et activités s’y rapportant ». Mais il n’est aucunement justifié que l’activité réelle de cette société, comme alléguée, soit exclusivement celle de prospection de nouveaux clients, à destination de plateformes en Chine. En effet, son directeur général évoque clairement exercer une activité de e-commerce en attirant de « nouvelles marques vers nos [ses] plateformes », ainsi que le comprend d’ailleurs le journaliste qui fait l’interview : « Avez-vous d’autres activités en France en dehors de l’e- commerce ? » (pièce ALIBABA n°32). Le chiffre d’affaires de près de 3 millions réalisé en 2017 (pièce LAFUMA n°39) est difficilement compatible avec la seule activité de prospection. Cette même société a été destinataire de la mise en demeure le 17 juillet 2017 (pièce LAFUMA n°10), qu’elle a transmise sans émettre la moindre contestation. La société ALIBABA GROUP HOLDING est la société holding du groupe et est titulaire des marques Alibaba (pièce LAFUMA n° 40). La société ALIBABA GROUP SERVICES propose aux sociétés du groupe des services de gestion et d’administration. Mais en dépit de ces constatations, ces deux dernières ne peuvent être mises hors de cause, compte tenu de la confusion entretenue volontairement par les défenderesses sur leur rôle respectif. La demande de mise hors de cause des sociétés ALIBABA FRANCE, ALIBABA HOLDING ET ALIBABA GROUP sera donc écartée. 2- Sur la responsabilité des sociétés ALIBABA

La société LAFUMA soutient que l’offre à la vente sur le site litigieux, de meubles identiques aux siens, avec la reproduction des marques dont elle est titulaire, qui a perduré jusqu’en novembre 2017, en dépit de l’assignation en référé, caractérise la contrefaçon, ce que les défenderesses ont reconnu, puisqu’elles indiquent avoir pris « des mesures préventives propres à éviter de nouvelles atteintes commises ». Elle indique que ses adversaires ne peuvent se prévaloir d’une jurisprudence prononcée sous l’empire d’un texte qui n’est plus en vigueur et soutenir n’avoir qu’une activité de mise en relations ou d’intermédiaires, alors que les défenderesses ont maintenu la diffusion des annonces en toute connaissance de cause. Les sociétés ALIBABA ne peuvent pas plus invoquer une dérogation à leur responsabilité, au motif qu’elles sont établies dans un pays tiers. Elles ne peuvent revendiquer la qualité d’hébergeur et l’application du régime dérogatoire attaché à cette qualité alors qu’elles ont eu un rôle actif, quant au traitement des données, quant à la maîtrise du contenu des annonces, exploitées dans le cadre d’un service marketing, visant à organiser et optimiser les offres de vente, dont elles ont tiré profit. Leur responsabilité en qualité d’éditeur doit donc être retenue. A toutes fins, la société LAFUMA estime que la responsabilité des sociétés ALIBABA doit être retenue en qualité d’hébergeur, puisqu’après mise en demeure le 17 juillet 2017 d’avoir à retirer les contenus litigieux, le retrait n’est intervenu que le 19 octobre 2017, sous la pression d’une action en référé et les faits se sont poursuivis jusqu’après le 21 novembre 2017, étant souligné que le « IP joint force System » organisé par les défenderesses est aussi illusoire qu’inefficace et ne saurait pallier la notification légale prévue par la LCEN. Les sociétés ALIBABA exposent que l’éditeur d’un site internet n’est pas responsable automatiquement et n’a pas d’obligation de contrôle général du contenu. Elles soutiennent qu’il n’y a pas lieu à condamnation pour « contrefaçon ». En effet, la responsabilité de l’éditeur est étrangère au droit des marques, lequel suppose un usage à titre de marque, pour les besoins de la communication commerciale de l’éditeur. Or en l’espèce, l’usage des signes protégés est fait par les clients vendeurs de la plate-forme et non pas par les sociétés ALIBABA, qui créent les conditions techniques et offrent un service permettant à leurs clients de faire apparaître sur le site des signes correspondant à des marques, sans pour autant faire un usage à titre de marque, tel qu’il est exigé par les règlements 207/2009 et 2015/ 2424, et ce, quand bien même les sociétés ALIBABA sont rémunérées

Les sociétés ALIBABA ne commettent aucun acte d’offre à la vente, de vente, d’exportation ou d’importation et l’offre et la fourniture de

services accessoires (assurances, marketing, logistique et paiement) ne sont pas plus des usages à titre de marque. Les sociétés ALIBABA affirment avoir eu un rôle passif et dénient par ailleurs avoir eu, de quelconque façon, une connaissance et un contrôle sur le contenu des annonces, exposant que, quand bien même elles ont été rémunérées, elles n’ont pas fourni une aide personnalisée à la rédaction, se contentant de fournitures de services payants optionnels, de divulgation de renseignements d’ordre général et de fixation des modalités de fonctionnement du site. Elles ne contestent pas avoir eu la qualité d’hébergeur, indiquant toutefois que leur responsabilité ne saurait être mise en cause, alors que la preuve de la persistance des annonces litigieuses postérieurement au 07 juillet 2017 n’est pas rapportée par leur adversaire et qu’elles ont fourni un formulaire de plainte. Elles ne peuvent être tenues pour responsables du fait que la société LAFUMA s’est adressée à la mauvaise filiale et n’a jamais daigné communiquer les adresses URL des annonces litigieuses. Sur ce, Les procès-verbaux de constat des 07 juillet 2017 (pièce LAFUMA n° 9 pages 15 et s.) et les captures d’écran des 27 septembre 2017 et 09 octobre 2017 (pièce LAFUMA n°18-1 et 18-2) établissent la parution sur le site <alibaba.com> accessible depuis le territoire français, d’annonces portant sur des « fauteuils Lafuma », obtenues sur requête dans le moteur de recherche, avec le mot « Lafuma » et comportant la représentation d’un siège et la présence du terme « Lafuma ». La qualification de la contrefaçon suppose l’usage par le contrefacteur de signes déposés, sans le consentement de leur titulaire, à titre commercial et pour les besoins de son activité commerciale. Une place de marché numérique qui permet à ses clients de faire apparaître, au sein d’annonces, des signes déposés, quand bien même elle est rémunérée en contrepartie, ne fait pas une utilisation illicite du signe ni un usage de celui-ci à titre de marque. Le litige doit en réalité être examiné, non pas sous l’angle de la contrefaçon, qui n’est pas en l’espèce constituée, et au titre de laquelle les prétentions doivent être rejetées, mais sous celui de la responsabilité des prestataires intermédiaires, et il convient de rechercher si les sociétés ALIBABA sont intervenues de manière pro- active et intellectuelle au stade de la rédaction et de la sélection des contenus des offres litigieuses reproduisant les marques LAFUMA, ou si elles peuvent bénéficier du régime de responsabilité atténuée, qui est celui de l’hébergeur. En l’occurrence, les sociétés ALIBABA fournissent une plate-forme numérique de transaction en ligne et des services auxiliaires, permettant aux utilisateurs inscrits sur les sites Alibaba de conclure

des transactions en ligne pour l’achat de produits ou de services sur ceux-ci (pièce LAFUMA n° 34 : préambule et article 1-2). Elles se réservent différents pouvoirs en ce qui concerne la gestion des transactions en ligne et l’utilisation des services sur Alibaba.com, notamment la vérification des données commerciales ou personnelles des utilisateurs (pièce LAFUMA n°28), la faculté de « modifier, mettre à niveau, conditionner, suspendre ou interrompre les services » (article 2-4), celle de « refuser la demande d’enregistrement d’un utilisateur pour une raison quelconque » (article 4-1) ou encore « le droit, à son entière discrétion de supprimer, modifier ou rejeter tout contenu utilisateur » (article 6-1). Elles fournissent un moteur de recherche, permettant la sélection à l’aide de mots-clefs d’annonces commerciales ciblées et proposent, moyennant finance, la souscription d’abonnements « Premium » (Gold suppliers), permettant aux bénéficiaires d’obtenir une présentation plus favorable de leurs offres telles que la mise en avant des offres ou l’accès à une boutique personnalisée. Elles mettent en œuvre une publicité ciblée, en considération des recherches précédentes de l’utilisateur et proposent divers services logistiques et financiers (assurance, paiement, crédit, logistique). Elles tirent incontestablement profit de leurs activités, puisqu’elles « factur[ent] des frais de services pour les transactions effectuées en ligne » et « des frais de service pour d’autres types de transactions effectuées en ligne » et perçoivent les cotisations annuelles de leurs adhérents et une commission sur les ventes.

Toutefois, l’ensemble des services qui sont proposés, pour certains payants, inhérents au demeurant aux places de marché en ligne, n’ont qu’une finalité technique et logistique, pour permettre le fonctionnement du site et garantir à l’internaute, grâce à la structure et l’organisation du site et ses fonctionnalités, d’y trouver ce qu’il cherche. Mais ils ne permettent pas d’établir un quelconque rôle actif de la plate- forme, dans la rédaction du libellé et le contenu des annonces, alors que ALIBABA n’est pas partie aux contrats conclus entre les vendeurs et acheteurs mis en relation et n’intervient aucunement dans la transaction qui se noue, que ce soit quant à la fixation du prix ou les modalités de remise du bien. La responsabilité des sociétés Alibaba ne saurait donc être retenue en qualité d’éditeur du site, dès lors qu’il n’est pas démontré leur rôle éditorial, leur connaissance et leur contrôle du contenu des annonces. En ce qui concerne une intervention en qualité d’hébergeur, en application des dispositions de l’article 6-I-7 de la LCEN, celui-ci n’est pas soumis à une obligation générale de surveillance des informations qu’il transmet ou stocke, ni à une obligation générale de recherche des faits ou des circonstances révélant des activités illicites et il n’engage sa responsabilité, conformément à l’article 6-I-2 que si, ayant pris connaissance du caractère illicite des données stockées à la demande

d’un annonceur ou des activités illicites de celui-ci, il n’a pas promptement retiré ou rendu inaccessibles ces données. Par lettre recommandée adressée le 17 juillet 2017 et parvenue le lendemain, (pièce LAFUMA n°10), la société LAFUMA a mis en demeure la société ALIBABA FRANCE de procéder au retrait des annonces litigieuses, lequel n’est intervenu que le 19 octobre 2017 selon le procès-verbal établi par les défenderesses (pièce ALIBABA n°4), qui reconnaissent ainsi à tout le moins que les parutions ont persisté jusqu’à cette date. Il ne peut être reproché à la société LAFUMA d’avoir sollicité la société ALIBABA FRANCE, qui constituait le seul interlocuteur possible, alors que le site marchand concerné ne disposait pas de mentions légales conformes, lesquelles n’ont été mises en œuvre que le 25 octobre 2017. Ainsi, la neutralisation des annonces illicites dans un délai de trois mois, intervenue sous la pression d’une procédure en référé initiée le 28 septembre 2017, ne constitue pas une prompte réponse de l’hébergeur, qui engage de ce fait sa responsabilité, l’absence de communication par la société LAFUMA des adresses URL correspondantes ne constituant pas une impossibilité d’y procéder. Les sociétés ALIBABA ont donc engagé leur responsabilité en leur qualité d’hébergeur. 3- sur la concurrence déloyale La société LAFUMA soutient que la reproduction de ses produits, l’usage du terme « Lafuma » à titre de mots-clés et de méta-tags génère un risque de confusion dans l’esprit du public qui associera les vendeurs comme ses partenaires, porte atteinte à son nom commercial et à son circuit de distribution et démontre la volonté de ses adversaires de se placer dans son sillage. La violation des obligations légales, tant au titre des mentions légales, que de l’utilisation des données personnelles au mépris des dispositions de la loi informatique et liberté et du RGPD, permettant le transfert de données à caractère personnel vers un état tiers à l’Union européenne ne présentant pas un niveau de protection suffisant de la vie privée, fausse le jeu normal de la concurrence et est constitutif de concurrence déloyale. Les sociétés ALIBABA soulèvent l’irrecevabilité de ces prétentions, en l’absence de faits distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon. Elles soutiennent n’avoir aucune responsabilité dans le contenu des annonces et ne peuvent être considérées par le consommateur ni comme intervenant en qualité de vendeur, ni comme un concurrent de LAFUMA portant atteinte au nom commercial de cette société ou exerçant une pratique commerciale ou une publicité trompeuses. Il n’est pas démontré qu’elles aient fait usage du signe LAFUMA à titre de méta-tags.

Quant au non-respect de la législation, les sociétés ALIBABA exposent qu’en l’absence de concurrence entre elles, la société LAFUMA ne peut se prévaloir de la prétendue violation de la LCEN et que les législations invoquées au titre de la protection des données, ont pour but de protéger la vie privée des personnes physiques, de telle sorte que la demanderesse n’a ni qualité, ni intérêt à se plaindre des éventuels manquements des sociétés ALIBABA aux dispositions légales en matière d’information des utilisateurs d’une place de marché en ligne et/ou de traitement des données à caractère personnel de ces utilisateurs, et qu’aucun acte de concurrence déloyale ne peut en résulter à son encontre, alors au surplus qu’elles respectent les dispositions légales en la matière, sauf à confondre « collecte » et « transfert ». Sur ce, Dès lors que les prétentions sur le fondement de la contrefaçon ont été écartées ainsi qu’il a été dit précédemment, la question de la recevabilité des demandes au titre de la concurrence déloyale pour absence de faits distincts n’est pas pertinente. En l’absence de toute responsabilité des sociétés ALIBABA sur le contenu des annonces, il ne peut être considéré que celles-ci aient commis des agissements contraires aux usages loyaux des affaires, constitutifs d’une atteinte au nom commercial de la société LAFUMA, d’une publicité trompeuse ou de parasitisme. L’utilisation du terme « Lafuma » à titre de méta-tags n’est pas rapportée, en l’absence de la communication du code source des pages concernées et résulte d’une fonctionnalité algorithmique de recherche portant sur la concordance entre le terme recherché et le texte des annonces, qui est inhérente au fonctionnement automatique de tout moteur de recherche et n’a rien en soi de déloyal ou d’illicite. Par ailleurs, la société LAFUMA ne peut invoquer la violation par les sociétés ALIBABA des dispositions relatives à la protection des données (loi de 1978 et RGPD), s’agissant d’une réglementation ayant pour objet la protection des personnes physiques, lesquelles peuvent seules se prévaloir d’un manquement à leurs droits. Certes, il demeure que les sociétés ALIBABA n’ont pas respecté les obligations quant aux mentions légales du site internet, ce qui a nécessairement généré un préjudice pour la société LAFUMA puisque les annonces litigieuses ont été maintenues pendant trois mois, ce qui est, non pas déloyal, ni susceptible d’être sanctionné au titre de la concurrence déloyale, mais ce qui constitue un manquement des défenderesses à leurs obligations de prestataires intermédiaires. 4- sur les mesures de réparation Outre des mesures de cessation de l’usage du signe « LAFUMA », l’obligation de faire figurer les mentions légales du site, l’obligation de se conformer aux dispositions de la loi informatique et liberté et RGPD,

la publication du présent jugement, par voie de presse et sur affichage sur les sites internet des défenderesses, la société LAFUMA sollicite la condamnation in solidum de ses adversaires, au paiement des sommes de 190.000 euros et de 100.000 euros, en réparation respectivement du préjudice matériel et moral résultant de la contrefaçon de marques, ainsi que la condamnation des mêmes, au paiement d’une somme de 200.000 euros, pour l’indemnisation des faits de concurrence déloyale. Les sociétés ALIBABA soutiennent que la société demanderesse n’établit pas l’existence d’un quelconque préjudice, que les demandes de publication ne sont pas justifiées, que les mesures de blocage et de publication excèdent les limites autorisées en ce qu’elles confèrent à l’hébergeur une obligation générale de surveillance qu’il ne saurait adopter et les remèdes sollicités sont des mesures indéterminées d’ordre général et hypothétiques et futures, ni équitables et ni proportionnées, contraires à l’article 5 du code civil, aux considérants 3 et 11 de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 dite IPRED relative au respect des droits de propriété intellectuelle et aux dispositions de l’article 6-1 de la loi LCEN.

Sur ce, Les prétentions indemnitaires fondées sur la réparation des actes de contrefaçon de marques, non retenus, doivent être écartées, tout comme celles de mise en conformité au regard de la loi Informatique et Liberté et du RGPD, également rejetée. Le maintien pendant trois mois des annonces litigieuses en dépit de la demande de retrait, ont causé un préjudice à la société LAFUMA, mais les prétentions indemnitaires ne sont formées à ce titre par la société LAFUMA que sur la concurrence déloyale et parasitaire qui vient d’être précédemment écartée. L’usage litigieux ayant cessé, la demande d’interdiction d’usage ne peut prospérer, sauf à ordonner une mesure disproportionnée au regard d’une infraction future et hypothétique. De même en ce qui concerne l’injonction de mise en conformité du site au regard de l’article 19 de la loi sur la confiance en l’économie numérique, puisque désormais figurent les mentions légales nécessaires. Enfin, la publication par voie de presse et sur les pages d’accueil des sites n’apparaît pas justifiée, compte tenu de l’ancienneté des faits et de leur cessation. 5— sur les autres demandes Les sociétés ALIBABA dont les manquements à leurs obligations en tant qu’hébergeurs ont été constatés, supporteront les dépens et leurs propres frais. En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante, est

condamnée au paiement d’une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Les sociétés ALIBABA seront condamnées in solidum à payer à la société LAFUMA la somme de 25.000 euros au titre des frais irrépétibles. Aucune circonstance particulière ne justifie le prononcé de l’exécution provisoire qui n’apparaît ni nécessaire ni compatible avec la nature de l’affaire. PAR CES MOTIFS Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort, Déclare recevable la demande de mise hors de cause formée par les sociétés ALIBABA FRANCE ALIBABA GROUP HOLDING et ALIBABA GROUP SERVICES, Rejette les demandes de mise hors de cause de ces défenderesses, Déboute la société LAFUMA MOBILIER de ses prétentions au titre de la contrefaçon de marques, Dit que les sociétés ALIBABA n’ont pas la qualité d’éditeur du site <french.alibaba.com>,

Dit que les sociétés ALIBABA ont, en leur qualité d’hébergeur, manqué à leur obligation de prompt retrait des contenus litigieux, Dit que les actes de concurrence déloyale ne sont pas constitués,

Condamne in solidum les sociétés ALIBABA FRANCE, ALIBABA GROUP HOLDING LTD, ALIBABA GROUP SERVICES LTD, ALIBABA. COM Hong-Kong et ALIBABA. COM SINGAPORE E- COMMERCE PRIVATE LTD aux dépens, Condamne in solidum, les sociétés ALIBABA FRANCE, ALIBABA GROUP HOLDING LTD, ALIBABA GROUP SERVICES LTD, ALIBABA. COM Hong-Kong et ALIBABA. COM SINGAPORE E- COMMERCE PRIVATE LTD, à payer à la société LAFUMA MOBILIER la somme de 25.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal Judiciaire de Paris, 3e chambre, 10 janvier 2020, n° 2018/00171