Tribunal Judiciaire de Paris, 28 février 2020, n° 18/07221

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TJ Paris, 28 févr. 2020, n° 18/07221
Numéro(s) : 18/07221

Texte intégral

18

TRIBUNAL

JUDICIAIRE

DE PARIS

3ème chambre 2ème section

N° RG 18/07221 -

N° Portalis

352J-W-B7C-CNEK

J

N° MINUTE :

Assignation du: 19 juin 2018

Expéditions exécutoires

délivrées le :15/02/20

Extraits des minutes du greffe du tribunal judiciaire de Paris

JUGEMENT rendu le 28 février 2020

DEMANDERESSE
Madame X A Z […]

[…]

INTERVENANTE FORCEE

S.A.R.L. PAULETTE DE BELLECHASSE

[…]

[…]

représentées par Maître Charles CUNY de l’AARPI PHI AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0026

DÉFENDERESSE

S.A.S. MAUBOUSSIN

[…]

[…]

[…]

représentée par Maître D E, avocat au barreau de

PARIS, vestiaire #C0500

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Florence BUTIN, Vice-Présidente

Catherine OSTENGO, Vice-présidente Guillaume DESGENS, Juge

assistée de Géraldine CARRION, greffier

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Décision du 28 février 2020

3ème chambre 2ème section

N° RG 18/07221 -

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DEBATS

A l’audience du 10 janvier 2020 tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

X A Z se présente comme une créatrice de bijoux et objets de luxe qui après avoir travaillé pour de grandes maisons de joaillerie, a repris une activité indépendante de conception de bijoux qu’elle exerce par l’intermédiaire de la SARL PAULETTE DE BELLECHASSE, laquelle vient aux droits de l’EURL X-A Z S.

La société MAUBOUSSIN se décrit comme une maison de joaillerie créée en 1827 qui a développé son activité en France comme à l’international, ayant notamment pour objectifs de favoriser la fabrication française et de rendre ses bijoux accessibles au plus grand nombre. Elle a notamment pour emblème une étoile asymétrique à quatre branches, représentée comme suit :

Le 24 septembre 2002, X-A Z a signé avec la société MAUBOUSSIN un contrat de collaboration aux termes duquel la société X A Z S devait sur la base de thèmes définis aux termes d’un cahier des charges annexé, développer des modèles de bijouterie, joaillerie et horlogerie soumis à la société MAUBOUSSIN susceptible d’y apporter des modifications ou corrections.

Exposant avoir dans ce cadre dessiné l’étoile à quatre branches asymétriques déclinée sur une collection de bijoux dite « String Star » et reprochant à la société MAUBOUSSIN d’avoir poursuivi sans autorisation l’exploitation de cette création sur de nouveaux supports, X A Z a par l’intermédiaire de son conseil, mis celle-ci en demeure de cesser ces utilisations et sollicité la réparation de son préjudice par courrier recommandée du 4 septembre 2017.

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Le 12 septembre suivant, la société MAUBOUSSIN a répondu en contestant tout acte de contrefaçon et le 8 décembre 2017, les parties se sont rencontrées en vue de trouver un terme amiable au différend les opposant, ce qui a donné lieu à des échanges postérieurs évoquant l’éventualité d’une nouvelle collaboration sans qu’un accord ne soit trouvé.

C’est dans ces conditions que par acte d’huissier en date du 21 juin 2018, X-A Z a fait assigner la société MAUBOUSSIN sur le fondement des dispositions relatives à la contrefaçon de droits d’auteur.

Par exploit du 6 septembre 2018, la société MAUBOUSSIN a fait assigner en intervention forcée la société PAULLETTE DE

BELLECHASSE aux fins d’obtenir sa garantie et les deux procédures ont été jointes le 8 novembre 2018.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 septembre 2019, X-A Z et la société

PAULLETTE DE BÉLLECHASSE présentent les demandes suivantes :

U X-A Z recevable et bien fondée en son action;

JUGER que le dessin de l’étoile à quatre branches exploité par la société MAUBOUSSIN est éligible à la protection instituée par le droit 1

d’auteur ;

JUGER que X-A Z est recevable à agir en tant qu’auteur et titulaire des droits sur l’œuvre litigieuse ;

REJETER l’appel en garantie formée par la société MAUBOUSSIN ;

En conséquence,

CONDAMNER la société MAUBOUSSIN à verser à X-A

Z la somme de 2.574.094 euros à titre de dommages et intérêts pour l’atteinte aux droits patrimoniaux de cette dernière ;

CONDAMNER la société MAUBOUSSIN à verser à X-A

Z la somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à son droit moral;

INTERDIRE à la société MAUBOUSSIN, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée, d’exploiter l’étoile dont X-A Z est l’auteur, à quelque titre que ce soit, notamment à titre de marque, à des fins publicitaires et marketing ;

V la société MAUBOUSSIN de l’ensemble de ses demandes ;

CONDAMNER la société MAUBOUSSIN à payer à X-A Z et à la société PAULETTE DE BELLECHASSE la somme de 5.000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

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PRONONCER l’exécution provisoire de la décision à intervenir;

CONDAMNER la société MAUBOUSSIN aux entiers dépens, dont distraction au profit de l’AARPI PHI AVOCATS, Avocat au Barreau de Paris, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

La société MAUBOUSSIN présente, aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 septembre 2019, les demandes suivantes :

Vu les articles L. 112-1, L. 113-2, al. 3, et L. 113-5 du code de la propriété intellectuelle,

Vu les articles 31, 32-1, 56, 517 et 519 du code de procédure civile,

Vu les articles 1240, 1626 et 2224 du code civil,

Vu l’article 1135 ancien du code civil,

Vu l’article 3.2 et l’article 12 de la directive n° 2004/48 du 29 avril

2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle,

A TITRE PRINCIPAL, SUR LA PRESCRIPTION,

DIRE ET JUGER que l’action de X-A Z est prescrite,

En conséquence,

-V X-A Z de l’intégralité de ses réclamations au titre de la contrefaçon de droit d’auteur,

A TITRE SUBSIDIAIRE, DIRE ET JUGER X-A

Z IRRECEVABLE,

A titre principal, DIRE ET JUGER que l’œuvre prétendument contrefaite n’est pas identifiée,

DIRE ET JUGER que X-A Z ne démontre pas l’originalité de ses S, DIRE ET JUGER que le dessin de l’étoile revendiqué par X-A Z est composé d’éléments qui, pris isolément, sont d’une grande banalité, tout comme leur combinaison,

DIRE ET JUGER que le dessin de cette étoile ne peut donc être considéré comme une œuvre de l’esprit protégeable par le droit d’auteur,

En conséquence, DIRE ET JUGER X-A Z irrecevable à agir en contrefaçon de droit d’auteur, V X-A Z de l’intégralité de ses réclamations au titre de la contrefaçon de droit

d’auteur,

A titre subsidiaire,

DIRE ET JUGER à titre principal que X-A Z ne démontre pas sa qualité d’auteur, DIRE ET JUGER qu’elle n’est pas l’auteur de l’étoile Mauboussin qui

a été dessinée par Madame B C, sur instructions de Mauboussin,

DIRE ET JUGER à titre subsidiaire que les dessins revendiqués par X-A Z sont des œuvres collectives, réalisées à

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l’initiative et sous la direction de la société MAUBOUSSIN, et avec le concours de plusieurs personnes intervenant dans le processus créatif, de sorte que la société MAUBOUSSIN était investie ab initio des droits d’auteur sur lesdites œuvres, dont le dessin de l’étoile Mauboussin,

DIRE ET JUGER à titre très subsidiaire que X-A Z a

cédé l'ensemble de ses droits patrimoniaux à la société MAUBOUSSIN, sans limitation quant aux modes d’exploitation, de sorte que la société MAUBOUSSIN pouvait librement exploiter les dessins réalisés par X-A Z, et notamment les déposer à titre de marque ou les exploiter sur des supports publicitaires, DIRE ET JUGER qu’une limitation de la cession serait contraire aux termes du contrat conclu le 24 septembre 2002, En conséquence,

DIRE ET JUGER X-A Z irrecevable à agir en contrefaçon de droit d’auteur, pour défaut de qualité à agir, et la V de l’intégralité de ses réclamations à ce titre,

A TITRE TRES SUBSIDIAIRE, SUR LES DEMANDES DE

REPARATION DE X-A Z:

DIRE ET JUGER que les demandes indemnitaires de X-A Z au titre de son prétendu préjudice sont totalement injustifiées et disproportionnées, DIRE ET JUGER que X-A Z ne subit aucun préjudice qu’elle ne prend même pas la peine de démontrer, ni s’agissant de la prétendue atteinte à ses droits patrimoniaux, ni s’agissant de la prétendue atteinte à son droit moral.

En conséquence,

V X-A Z de l’intégralité de ses demandes indemnitaires au titre de la contrefaçon,

Et

V la demanderesse de sa demande d’interdiction

d’exploitation sous astreinte totalement excessive et disproportionnée,

A TITRE RECONVENTIONNEL

DIRE ET JUGER que l’action engagée par la demanderesse est manifestement abusive en ce qu’elle constitue un abus de son droit d’ester en justice, de nature à engager sa responsabilité sur le fondement de l’article 1240 du code civil, CONDAMNER celle-ci à verser la somme de 10.000 euros à la défenderesse pour procédure abusive, ainsi que 5.000 euros d’amende civile,

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

V X-A Z et la société PAULLETTE DE

BELLECHASSE de l’intégralité de leurs demandes. CONDAMNER la société PAULLETTE DE BELLECHASSE à garantir la société MAUBOUSSIN de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre dans le cadre du présent litige, V la demanderesse de sa demande irréversible d’exécution provisoire,

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A titre subsidiaire, et dans l’hypothèse où la défenderesse serait déboutée de son appel en garantie à l’encontre de la société PAULLETTE DE BELLECHASSE,

ORDONNER la constitution d’une garantie, consignée auprès de la Caisse des dépôts et consignations, par X-A Z, au profit de la défenderesse, qui ne saurait être inférieure à la moitié du montant des dommages et intérêts accordés,

CONDAMNER la demanderesse à payer à la défenderesse la somme de 30.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, CONDAMNER la même à payer les entiers dépens de la procédure qui pourront être directement recouvrés par le Cabinet D E dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 septembre 2019 et l’affaire a été plaidée le 10 janvier 2020.

Pour un exposé complet de l’argumentation des parties il est, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoyé à leurs dernières conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION:

1-prescription :

La société MAUBOUSSIN expose que l’action en contrefaçon de droit d’auteur est soumise aux conditions de prescription de droit commun prévu par l’article 2224 du code civil et que si la loi PACTE promulguée le 23 mai 2019 a bien aligné le point de départ de la prescription de telles actions fondées sur un droit de propriété industrielle désormais prescrites par 5 ans « à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître le dernier fait lui permettant de l’exercer », le législateur n’a pas entendu étendre ce régime aux actions fondées sur le droit d’auteur dans le cadre desquelles il y a donc lieu de rechercher quand son titulaire a eu ou aurait dû avoir connaissance des actes litigieux lui permettant de l’exercer.

Appliquant ce raisonnement au cas d’espèce, elle fait valoir que l’étoile en cause est utilisée sur les bijoux de la collection « Étoiles divines » depuis 2004 et à tout le moins depuis 2006 comme logo sur l’ensemble des supports de communication de la société MAUBOUSSIN, de sorte que c’est assurément à compter de cette période d’exploitation massive que le délai de prescription de 5 ans a commencé à courir pour être à ce jour largement expiré.

X-A Z répond que le délit de contrefaçon est complexe et continu, et que les dispositions de la loi PACTE d’une part, sont sans incidence sur le régime du droit d’auteur et d’autre part, ne concernent pas les actions engagées avant son entrée en vigueur. La demanderesse soutient qu’il appartient dès lors toujours à la jurisprudence d’apprécier si les actes de contrefaçon caractérisent un délit continu ou si chaque fait constitue le point de départ d’un nouveau délai de prescription, ce qui dans l’une ou l’autre de ces hypothèses conduit au constat que l’action engagée par X-A Z n’est

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pas prescrite puisqu’à supposer même qu’elle ait eu connaissance de certains actes commis depuis plus de 15 ans, chacun des faits constitutifs de contrefaçon fait indépendamment des autres courir la prescription. Elle en déduit qu’ayant découvert en 2017 l’utilisation de l’étoile objet du litige comme élément de décoration d’une boutique de la maison MAUBOUSSIN située sur les Champs-Élysées et comme ornement de nombreux produits commercialisés sur le site www.mauboussin.fr, elle est fondée à se prévaloir d’autant d’actes illicites constituant chacun le point de départ d’un délai de prescription qui lui est propre.

Sur ce,

En l’absence de dispositions spécifiques applicables à cette matière, l’action en contrefaçon fondée sur le droit d’auteur est soumise à la prescription de droit commun prévue par l’article 2224 du code civil aux termes duquel « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

Le point de départ de la prescription tel que défini par ce texte doit s’entendre comme la cessation d’une atteinte continue ou comme le dernier acte de contrefaçon dont a eu ou aurait dû avoir connaissance le titulaire des droits, ce qui se déduit des dispositions précitées et évite que l’auteur puisse paradoxalement se trouver privé de toute possibilité d’agir en raison de la persistance ou de la répétition des actes litigieux. 49

Dès lors que la demanderesse démontre avoir découvert en 2017 que la société MAUBOUSSIN utilisait l’étoile à quatre branches devenue son emblème dans la décoration de sa boutique établie sur les Champs Élysées ainsi que sur des articles et emballages, ce qui ressort de captures d’écran effectuée les 8 août 2017, 2 mai et 7 mai 2018 (pièces PHI 8 et 15) dont les dates et conditions de réalisation ne sont pas discutées, l’action de X-A Z ne peut être déclarée prescrite.

2-recevabilité de l’action fondée sur le droit d’auteur et originalité :

2-1- identification de l’œuvre :

La société MAUBOUSSIN soutient que X-A Z fait état de différentes étoiles sans à aucun moment identifier clairement celle qui serait contrefaite, en ce qu’elle produit des dessins sans date ni provenance certaine qui portent sur des étoiles symétriques – créées pour la collection String Star » – qu’elle relie sans plus d’explications à l’étoile asymétrique devenue emblématique de MAUBOUSSIN sans aucunement démontrer qu’elle serait à l’origine de cette dernière version actuellement exploitée. Elle estime que sa demande est ainsi insuffisamment déterminée et rend impossible la caractérisation de la contrefaçon exigeant une comparaison entre l’œuvre invoquée et celle prétendument contrefaisante, ce en vue de masquer le fait qu’elle n’est manifestement pas titulaire des droits revendiqués.

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X-A Z répond que l’étoile sur laquelle elle revendique des droits d’auteur est parfaitement identifiée comme s’agissant de la dernière version proposée durant sa collaboration, caractérisée par quatre branches asymétriques de longueur différente faisant écho au saphir étoilé. Elle soutient que ce dessin a été réalisé entre décembre 2002 et mai 2003 pour la collection « String Star » dont certaines pièces

- déposées le 14 avril 2004 en tant que modèles communautaires – sont ornées de ce motif.

Sur ce,

L’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création et dès lors qu’elle est originale, d’un droit de propriété incorporelle exclusif comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. L’originalité de l’oeuvre, qu’il appartient à celui invoquant la protection de caractériser, suppose qu’elle soit issue d’un travail libre et créatif et résulte de choix arbitraires révélant la personnalité de son auteur.

La reconnaissance de la protection par le droit d’auteur ne repose donc pas sur un examen de l’œuvre invoquée par référence aux antériorités produites, même si celles-ci peuvent contribuer à l’appréciation de la recherche créative.

L’originalité de l’œuvre peut résulter du choix des couleurs, des dessins, des formes, des matières ou des ornements mais également, de la combinaison originale d’éléments connus.

Lorsque la protection est contestée en défense, l’originalité doit être explicitée et démontrée par celui s’en prétendant auteur qui doit permettre l’identification des éléments au moyen desquels cette preuve est rapportée, ce pour chacune des œuvres au titre desquelles le droit est revendiqué.

Dans le cas d’espèce, la demanderesse ne peut se voir opposer une absence d’identification de l’objet du droit d’auteur dont elle se prévaut dès lors qu’elle désigne très clairement l’étoile à quatre branches asymétriques exploitée par la société MAUBOUSSIN, et affirme notamment que le croquis adressé par télécopie le 25 juin 2003 et portant la mention « X-A Z S – mai 2003 » (sa pièce n°16) démontre qu’elle est à l’origine de plusieurs dessins parmi lesquels celui de l’étoile en cause apparaissant sur un pendentif. Les réserves émises par la défenderesse sur la paternité de ces croquis et la confusion qu’elle dénonce relèvent en réalité de la discussion sur la titularité des droits invoqués.

2-2- originalité :

La société MAUBOUSSIN rappelle que la démonstration de l’originalité incombe à la demanderesse qui doit identifier les caractéristiques rendant l’œuvre éligible à la protection revendiquée, et que cette preuve n’est pas rapportée par l’évocation descriptive de quatre branches aux « proportions inhabituelles » ou d’une impression de mouvement qui « peut rappeler une mouette en vol » ou « davantage

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de légèreté », ou encore que les « lignes épurées » de l’étoile et sa « simplicité » la distinguent de motifs connus de la joaillerie. Elle affirme que de multiples exemples d’étoiles à quatre branches régulières ou non sont représentés par l’homme ou existent dans la nature, et qu’il s’agit d’un dessin minimaliste sans aucune originalité nonobstant l’impression de mouvement décrit ou encore la combinaison de ces différents éléments.

X-A Z répond que l’étoile qu’elle a créée se caractérise par ses quatre branches asymétriques de longueur différente faisant écho au saphir étoilé, par l’impression de mouvement qui se dégage de cette étoile du fait de ses proportions inhabituelles et qui peut rappeler une mouette en vol, tout en suscitant une impression de liberté, par le choix audacieux de la représentation d’une étoile à quatre branches, par les angles irréguliers et différents entre chaque branche de l’étoile lui conférant davantage de légèreté, par l’aspect légèrement bombé vers le haut des branches d’en haut à droite et d’en bas à gauche donnant rondeur et de douceur à l’étoile qui se démarque ainsi de la forme géométrique classique et enfin, par ses lignes minimalistes et épurées. Elle affirme que l’ensemble de ces caractéristiques reflète sa personnalité et traduit ses sources d’inspiration puisées dans la nature pour traduire un sentiment de liberté et de légèreté.

Sur ce,

Ainsi que le souligne à juste titre la société MAUBOUSSIN, le succès rencontré par l’étoile et le fait que celle-ci ait été adoptée comme emblème sur l’ensemble de ses supports de communication ne suffit pas à établir qu’elle est originale. Force est cependant de constater qu’elle n’est en mesure de fournir aucun exemple de dessin ou plus généralement de représentation comparable, ce qui comme il est dit plus haut n’est certes pas en soi un critère suffisant à établir l’originalité, mais constitue l’indice d’une démarche créative indépendante.

Les sources d’inspiration ayant abouti au dessin en cause sont par ailleurs précisément décrites, et le fait de vouloir traduire un sentiment de légèreté comme de mouvement en relation avec une évocation de la nature caractérise un parti-pris esthétique ainsi que des choix portant l’empreinte de la personnalité d’un auteur.

L’étoile asymétrique objet des droits revendiqués doit donc être considérée comme une œuvre originale.

2-3- titularité des droits invoqués et qualification d’œuvre collective :

La société MAUBOUSSIN soutient que X-A Z ne démontre pas être l’auteur du dessin de l’étoile revendiquée qui a été conçue par une autre créatrice, qu’elle a toujours travaillé sous sa direction de sorte que ses réalisations sont des œuvres collectives et qu’en tout état de cause, elle a cédé l’ensemble de ses droits à la défenderesse et n’est plus recevable à agir. Elle expose ainsi que la pièce 7 produite au soutien des demandes contient de multiples croquis sans date certaine, que la collection « String Star » de 2003 n’est composée que de bijoux où seule une étoile symétrique apparaît et surtout, qu’aucune de ces représentations ne correspond à l’étoile

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devenue son logo. Elle ajoute que le courrier électronique d’F G – président de la société MAUBOUSSIN et directeur de la création – daté du 22 décembre 2017 n’est pas plus probant en ce qu’il fait état d’une cession de droits sur « l’étoile » sans plus de précision permettant de rattacher cet échange à un dessin particulier.

Enfin elle expose que l’étoile litigieuse a en réalité été créée par B C alors directrice du développement de la production joaillière de MAUBOUSSIN, ce dont elle atteste, et que ce motif a été utilisé pour la première fois en 2004 pour les bijoux de la collection dite Étoiles divines », faisant en outre observer que cette paternité est corroborée par de nombreux autres témoignages.

Pour qualifier l’oeuvre revendiquée de collective, la société MAUBOUSSIN fait ensuite valoir que le contrat conclu le 24 septembre 2002 indique que la société X A Z S doit développer des S sous sa direction et selon ses instructions et qu’elle peut même « procéder à des modifications, corrections », ce qui est conforme au processus habituel de conception des bijoux qu’elle commercialise et réunit toutes les conditions posées par l’article L. 113-2 alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle en ce que l’étoile a été dessinée sur son initiative, dans le cadre d’une mission déterminée exécutée sous son contrôle, et qu’elle a été divulguée sous son nom. Elle ajoute enfin que l’étoile est le fruit d’un travail créatif d’ensemble impliquant de nombreux contributeurs, dans le cadre duquel l’intervention du dessinateur ne peut être isolée.

X-A Z oppose à ces arguments que « L’étoile Mauboussin » apparaît notamment sur le croquis représentant trois pendentifs signé de sa main et daté de mai 2003, indiquant que seule la position de l’étoile diffère alors que les courbes et proportions sont identiques.

Elle fait valoir en outre que B C n’avait pas de fonctions créatives au sein de la société MAUBOUSSIN, qu’elle ne fournit aucun élément précis sur les circonstances dans lesquelles elle aurait dessiné l’étoile asymétrique objet du débat et que les attestations adverses sur ce point sont peu précises outre qu’elles présentent certaines incohérences les privant de force probante. Elle ajoute que la défenderesse ne fournit aucune pièce tendant à démontrer l’existence d’un processus créatif permettant de qualifier l’œuvre litigieuse de

collective – - processus interne auquel elle n’était du reste pas soumise en qualité de collaboratrice extérieure – alors qu’elle-même communique une télécopie du 25 juin 2003 émanant de la société MAUBOUSSIN et sur laquelle figure le croquis du pendentif revêtu de l’étoile en cause qu’elle établit avoir réalisé en toute indépendance. Enfin X-A Z fait valoir qu’F G a explicitement reconnu qu’elle était à l’origine du dessin revendiqué dans un e-mail daté du 22 décembre 2017 lui rappelant qu’elle avait « en connaissance de cause (…) cédé les droits de l’étoile » ce qui constitue un aveu extrajudiciaire.

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Sur ce,

Selon l’article L.113-2 du code de la propriété intellectuelle « est dite collective l’œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé ».

Et en application de l’article L.113-5 « l’œuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. Cette personne est investie des droits de l’auteur ».

La qualification d’œuvre collective suppose d’une part, l’initiative et la direction d’une entreprise rsonne physique ou morale et d’autre part, une fusion des contributions – qu’elles soient ou non individualisables – ne permettant pas l’attribution de droits distincts.

Pour démontrer sa qualité d’auteur, X-A Z communique une série de croquis parmi lesquels ceux de trois pendentifs revêtus d’une mention manuscrite indiquant < X-A Z S – mai 2003 » (sa pièce 7). Les mêmes représentations se retrouvent sur un support communiqué par télécopie le 25 juin 2003 faisant apparaître les coordonnées de la société MAUBOUSSIN telles qu’elles apparaissent dans les mentions légales de son site (pièces 16 et 17). Confrontée à l’absence de tout document établissant la preuve de l’existence d’un autre dessin qui serait de la main de B C, ces éléments concordants suffisent à démontrer que la demanderesse est bien à l’origine des croquis en cause qui comportent bien, sur le pendentif situé le plus à droite du dessin, la représentation d’un pendentif orné d’une étoile à quatre branches asymétriques, comme le montrent les extraits des pièces 7 et 16 reproduits ci-dessous:

Farve A P Q […].

Les attestations versées aux débats par la société MAUBOUSSIN ne contredisent pas utilement ces observations, en ce que celle de M. Y indique uniquement que l’étoile asymétrique a été utilisée pour la collection de bijoux « Etoile divine » et non «< String Star » (pièce CC 9), que le témoignage de H I reste peu précis sur les circonstances de la prétendue « commande » d’F G à B C, qu’J K est actuellement

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salarié de la défenderesse – ce qui relativise fortement la portée de son témoignage – et enfin, que L M et N O se contentent d’évoquer des faits qui n’excluent pas l’hypothèse d’une exploitation d’un précédent croquis de X-A Z en mentionnant un travail « sur le principe d’une étoile dynamique » dès 2003 comme élément d’une charte graphique, ce qui ne correspond pas à ce qu’expose B C pour situer le contexte de son intervention dans un champ d’activité qui n’est en principe pas le sien (pièces CC 4, 5, 10, 11 et 12).

La société MAUBOUSSIN ne peut en outre être suivie lorsqu’elle

affirme queles croquis précités et datés de 2003 ne contiennent pas les caractéristiques de l’étoile asymétrique actuellement exploitée, alors qu’il s’agit bien d’une étoile asymétrique à quatre branches présentant des angles irréguliers et des lignes légèrement bombées, seule l’orientation de l’étoile étant différente comme l’illustre parfaitement le rapprochement effectué dans les conclusions de la demanderesse (page 25):

A ces éléments s’ajoute le fait que si la société MAUBOUSSIN décrit précisément le processus habituel de conception et de développement de ses S, elle n’établit pour autant ni l’existence de directives précises, ni l’apport d’autres contributions permettant d’aboutir au dessin litigieux.

Enfin et contrairement à ce que soutient la défenderesse, le courrier électronique adressé par F G à X-A Z le 22 décembre 2017 ne peut pas s’interpréter autrement que comme faisant référence à l’étoile désormais exploitée comme logo et emblème de la société MAUBOUSSIN, dès lors qu’il répond à une proposition de collaboration émise par cette dernière en vue de restaurer un « équilibre

-> rompu par « le développement et l’utilisation du motif étoile 'star’ bien au-delà de sa destination première » et perdurant à ce jour, ce qui correspond nécessairement aux revendications du présent litige portées à la connaissance de la société MAUBOUSSIN par courrier du 4 septembre 2017 qui mentionne clairement l’étoile « désormais utilisée

à titre de marque » (pièce PHI 9).

Il se déduit de l’ensemble de ce qui précède d’une part, que le croquis daté de 2003 est attribuable à X-A Z et ne peut être qualifié d’œuvre collective, et d’autre part, qu’il contient les éléments caractéristiques de l’étoile asymétrique devenue le logo de la société MAUBOUSSIN.

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2-4- les effets du contrat de cession du 24 septembre 2002 :

La société MAUBOUSSIN fait valoir à titre subsidiaire qu’un contrat de cession de droits a été conclu le 24 septembre 2002 entre elle-même et X-A Z S, ce qui suppose que X-A Z a préalablement cédé ses droits à sa propre société qui à son tour les a cédés à la société MAUBOUSSIN. Elle estime que la seule existence de ce contrat implique que la demanderesse n’est plus titulaire des droits patrimoniaux d’auteur qu’elle invoque, du fait de cette double cession.

Sur le champ d’application du contrat, la société MAUBOUSSIN soutient que si l’EURL X-A Z S – alors en cours de constitution – était effectivement chargée de dessiner des bijoux, la cession conclue portait sur les dessins réalisés sans aucune limitation quant à la destination de leur exploitation, ce qui ressort sans ambiguïté de la rédaction de l’article 4 de l’acte. Elle ajoute qu’une clause de cession très générale est tout à fait valable entre personnes morales, que le principe d’interprétation stricte des droits cédés ne peut bénéficier qu’à l’auteur et non à une personne morale cessionnaire de ces mêmes droits et enfin, que l’absence de limitation des exploitations envisagées résulte de la commune intention des parties qui se déduit de la grande diversité des activités de la société MAUBOUSSIN.

X-A Z oppose à ces arguments qu’en application de l’article L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle, la transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine de leur exploitation soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et à sa durée, et que conformément au principe d’interprétation stricte en faveur de l’auteur, il ne doit pas être étendu au-delà de la lettre de la convention.

Elle estime qu’en l’espèce, le cessionnaire des droits a incontestablement méconnu la destination de l’œuvre telle que convenue en exploitant à des fins publicitaires le dessin en cause qui devait initialement être utilisé pour « la bijouterie, la joaillerie et l’horlogerie », affirmant que cette affectation se déduit tant de l’objet du contrat que de l’activité de sa société qui n’est pas une agence de communication.

Elle ajoute que la protection dont bénéficie l’auteur a vocation à s’appliquer nonobstant l’existence d’une entité intermédiaire co contractante, en ce que celle-ci était en cours d’immatriculation au moment de la signature de l’acte et reste une entreprise unipersonnelle.

Sur ce,

En application de l’article L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle, la transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée.

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Lorsque des circonstances spéciales l’exigent, le contrat peut être valablement conclu par échange de télégrammes, à condition que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité conformément aux termes du premier alinéa du présent article.

Les cessions portant sur les droits d’adaptation audiovisuelle doivent faire l’objet d’un contrat écrit sur un document distinct du contrat relatif à l’édition proprement dite de l’œuvre imprimée.

Le bénéficiaire de la cession s’engage par ce contrat à rechercher une exploitation du droit cédé conformément aux usages de la profession et à verser à l’auteur, en cas d’adaptation, une rémunération proportionnelle aux recettes perçues.

X-A Z a exercé son activité au moyen d’une EURL qui était en cours de formation à la date de conclusion du contrat et il est acquis aux débats que la SARL PAULETTE DE BELLECHASSE vient aux droits de la société X-A Z S, étant à ce titre appelée en garantie (pièce CC 6). Cette entité – qui n’avait pas acquis la personnalité morale à la date de conclusion du contrat – ne peut cependant être considérée comme un intermédiaire justifiant d’écarter la protection instituée par le droit contractuel d’auteur, dès lors que ces dispositions ont pour objectif de pallier le déséquilibre existant entre le titulaire des droits agissant à titre individuel et celui qui va les exploiter.

X-A Z n’étant plus admise à contester la validité du contrat en cause, elle estime qu’il doit pour les raisons précédemment exposées être interprété de façon restrictive.

Sur l’objet de la cession, l’article 4 intitulé « cession des droits » stipule que « l’élaboration par la société X-A Z S pour le compte de Mauboussin Joailliers de tous travaux, S lorsqu’ils sont retenus par la société Mauboussin Joailliers implique la cession automatique à Mauboussin Joailliers moyennant le versement des honoraires forfaitaires définis à l’article 3 de la présente. Il est convenu que la société X-A Z S cède à la société Mauboussin Joailliers ses droits de reproduction, représentation et d’adaptation pour la France et le monde, et ce pour la durée des droits d’auteur sur les dessins, esquisses et modèles résultant de la collaboration entre les parties.

Un dessin sera réputé retenu et donc cédé lorsque le modèle aura été approuvé par la Direction artistique, puis il sera transmis au service juridique.

Il est précisé que la société Mauboussin Joailliers se réserve le droit d’exploiter lesdits dessins, esquisses et modèles de manière très importante pendant plusieurs années ou encore de cesser ou d’interrompre leur exploitation. La société X-A Z AB pour chaque dessin cédé que son œuvre sera originale et qu’elle n’aura jamais fait l’objet d’une contestation. Au cas où une contestation concernant les droits sur une ou des S serait émise par un tiers ou un salarié et notamment (Mme X-A Z) la société X-A Z S fera son affaire de toute réclamation sans que la société Mauboussin Joailliers ne puisse être inquiétée ».

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En acceptant une cession de « ses droits de reproduction, représentation et d’adaptation pour la France et le monde, et ce pour la durée des droits d’auteur sur les dessins, esquisses et modèles résultant de la collaboration entre les parties », la société co contractante n’a pas entendu limiter celle-ci à une exploitation pour des articles de bijouterie, joaillerie et horlogerie qu’elle était chargée de développer mais l’étendre à toute utilisation en relation avec l’activité de la défenderesse, ce qui ne peut exclure que le motif d’un bijou devenu emblématique puisse ensuite être adopté comme élément d’identification pour promouvoir ses collections et la représenter, étant souligné que la clause précité telle que rédigée envisageait expressément toute adaptation de l’oeuvre ainsi qu’une éventuelle utilisation massive.

La demanderesse n’apporte par ailleurs aucun élément laissant apparaître qu’elle aurait été surprise ou émue de cette nouvelle forme d’exploitation dont il est avéré qu’elle a débuté dès 2006, l’étoile asymétrique étant à compter de cette période utilisée comme logo sur les catalogues de la société MAUBOUSSIN (pièces CC 13-4 et 13-5). Dès lors qu’elle n’a manifesté son désaccord que plus de 10 années après l’utilisation de son dessin comme signe distinctif de la société MAUBOUSSIN et parallèlement à des discussions engagées dans la perspective d’une nouvelle collaboration, son absence de toute forme de réclamation durant cette période vient confirmer l’intention commune des parties de ne pas circonscrire l’utilisation des dessins réalisés pendant leur collaboration dans des limites ne ressortant pas littéralement des termes de la convention.

Les actes de contrefaçon invoqués par X-A Z ne sont en conséquence pas constituées.

Il n’existe pas non plus d’atteinte portée à son droit moral dès lors que les seuls actes invoqués à ce titre sont précisément le fait d’avoir réservé au dessin en cause une destination autre que celle envisagée dans le cadre contractuel précité, ce qui comme il vient d’être dit ne peut être retenu.

Les demandes présentées sur ce fondement ne peuvent donc qu’être également écartées.

3-demandes reconventionnelles (procédure abusive, garantie):

La société MAUBOUSSIN soutient que la procédure engagée par X-A Z est abusive en ce qu’elle n’établit pas la titularité de ses droits, a faussement prétendu n’avoir pas signé le contrat de cession de droits qui lui était opposé et a laissé pendant quinze ans se développer l’usage d’un signe dont elle demande aujourd’hui l’interdiction d’exploitation, ce qui caractérise une intention manifeste de nuire à la défenderesse qui dans le contexte d’une opération de rachat en cours, s’est trouvée contrainte de provisionner des sommes tenant compte des indemnités exorbitantes réclamées.

X-A Z répond que l’enjeu du litige porte uniquement sur l’appréciation d’une clause de cession de droits et des exploitations autorisées ou non, et que son action ne procède d’aucun comportement fautif ni d’une intention de nuire.

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Sur ce,

Les arguments adverses fondés sur un défaut de titularité des droits et

d’éligibilité de l’œuvre à la protection revendiquée étant écartés, X A Z ne peut se voir reprocher l’engagement d’une procédure abusive en ce qu’elle a pu de bonne foi se méprendre sur les effets attachés au contrat litigieux.

La demande indemnitaire présentée à ce titre par la société MAUBOUSSIN n’a pas lieu d’être accueillie.

La demande de garantie dirigée contre la société PAULETTE DE BELLECHASSE est devenue sans objet dès lors que les prétentions de X-A Z sont jugées non fondées.

4- demandes relatives aux frais du litige et aux conditions

d’exécution de la décision:

X-A Z, partie perdante, supportera la charge des dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Elle doit en outre être condamnée à verser à la société MAUBOUSSIN, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 5.000 euros.

L’exécution provisoire n’étant pas justifiée au cas d’espèce, elle n’a pas lieu d’être ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

DIT que les demandes de X-A Z au titre de la contrefaçon de droit d’auteur ne sont pas prescrites ;

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de l’absence d’identification de

l’œuvre revendiquée ;

DIT que l’œuvre dite « étoile MAUBOUSSIN asymétrique à quatre branches » est originale et éligible à la protection par le droit d’auteur ;

DIT que X-A Z démontre être l’auteur du dessin de

l’étoile dite « étoile MAUBOUSSIN asymétrique à quatre branches » ;

DIT que le dessin dit « étoile MAUBOUSSIN asymétrique à quatre branches » n’est pas une œuvre collective;

DEBOUTE X-A Z de ses demandes fondées sur la contrefaçon de son droit patrimonial d’auteur ;

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DEBOUTE X-A Z de ses demandes au titre du droit moral;

DIT n’y avoir lieu de statuer sur les demandes réparatrices et indemnitaires de ces chefs ;

DIT sans objet la demande de garantie dirigée contre la société PAULETTE DE BELLECHASSE ;

DEBOUTE la société MAUBOUSSIN de sa demande au titre de la procédure abusive;

CONDAMNE X-A Z à payer à la société MAUBOUSSIN la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE X-A Z aux dépens de la procédure qui pourront être directement recouvrés par le Cabinet D E dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

DIT n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 28 février 2020.

Le Greffier Le Président

Оре

Cepie certi forme l’original DE

Le Greffer

FRANCESS

2020-0428

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Tribunal Judiciaire de Paris, 28 février 2020, n° 18/07221