Tribunal Judiciaire de Paris, 26 février 2021, n° 19/07309

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TJ Paris, 26 févr. 2021, n° 19/07309
Numéro(s) : 19/07309

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL

JUDICIAIRE

DE PARIS 1

3ème chambre JUGEMENT 2ème section rendu le 26 février 2021

N° RG 19/07309 – N° Portalis 352J-W-B7D-CQD5S

N° MINUTE :

Assignation du : 24 mai 2019

DEMANDERESSE

S.A.S.U. SANDRO ANDY 150 boulevard Y 75008 PARIS

représentée par Maître Julien CANLORBE de la SELARL MOMENTUM AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire

#G0343

DÉFENDERESSES

S.A.R.L. X FRANCE […]

S.A.S.U. X Y 54 boulevard Y 75009 PARIS

SOCIÉTÉ PUNTO FA C/ Mercaders 9-11 Pol. Ind. […]

représentées par Maître Louis DE GAULLE & Maître Serge LEDERMAN de la SAS DE GAULLE FLEURANCE & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS,vestiaire #K0035

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Florence BUTIN, Vice-Présidente Catherine OSTENGO, Vice-présidente Emilie CHAMPS, Vice-Présidente

assistées de Géraldine CARRION, Greffier lors des débats et de Caroline REBOUL, Greffier lors du délibéré.

Expéditions exécutoires délivrées le :

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Décision du 26 février 2021 3ème chambre 2ème section N° RG 19/07309 N° Portalis 352J-W-B7D-CQD5S

DÉBATS

A l’audience du 15 janvier 2021 tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La société SANDRO ANDY (ci-après « SANDRO »), immatriculée en 1984, a pour activité la commercialisation, l’importation et l’exportation d’articles de prêt-à-porter et d’accessoires de mode en France et à l’étranger. Elle exploite des boutiques et corners à l’enseigne « SANDRO », dans lesquels sont vendus des articles revêtus de la marquedu même nom qui sont également proposés sur son site de vente en ligne, accessible à l’adresse .

Elle revendique des droits d’auteur et de modèle non enregistré sur un sac en cuir lisse référencé « LOU », conçu pour la collection « Accessoires Printemps/Eté 2017 » et dont elle fournit les représentations suivantes :

Ce sac disponible en trois tailles était proposé à un prix public moyen de 195, 265 et 295 euros T.T.C. selon le format.

La société de droit espagnol PUNTO FA SL a pour activités principales la création, la fabrication et la distribution d’articles de prêt-à-porter et d’accessoires pour femme, homme et enfant, lesquels sont vendus sous les marques « X », « MNG » ou « H.E. BY X ». Elle

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exploite un site internet de vente en ligne accessible à l’adresse

dans plusieurs pays d’Europe. La société X FRANCE SARL, immatriculée le 3 janvier 1997, importe et distribue ces produits sur le territoire français. Ceux-ci sont vendus dans des boutiques à l’enseigne « X » parmi lesquelles notamment la SASU X Y, située 54 boulevard Y à Paris (75009).

Les trois sociétés précitées ( ci-après désignées « les sociétés X

») appartiennent au groupe espagnol X.

Estimant qu’un sac dit « Banane à rabat » notamment référencé sous le code « 43080809-PELAYO-LM » et commercialisé par les sociétés X dans différents coloris reproduisait les caractéristiques de son modèle référencé « LOU », la société SANDRO a fait établir des constats d’achat de ce produit d’abord sur le site internet

en date des 15 mars 2019 et 26 mars 2019 pour l’ouverture du colis, puis les 9 et 12 avril 2019 au sein des boutiques X Y et X située […] à Paris. Elle a enfin sollicité et obtenu par ordonnance rendue le 18 avril 2019 l’autorisation de faire procéder à des opérations de saisie-contrefaçon au siège de la société X FRANCE, lesquelles se sont déroulées le 25 avril 2019 et ont été suivies d’éléments d’information communiqués à l’huissier selon lesquels la commercialisation du produit sur le territoire français avait débuté le 1er décembre 2018, 1.133 exemplaires avaient été vendus en France – représentant un chiffre d’affaires de 15.052,85 euros – et 2.105 unités étaient comptabilisées en stock.

Par acte d’huissier en date des 24 et 31 mai 2019, la société SANDRO ANDY a fait assigner les sociétés PUNTO FA SL, X FRANCE et X HAUSMANN sur le fondement des règles relatives à la contrefaçon de droits d’auteur et de modèles communautaires non enregistrés, formulant aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 octobre 2020 les demandes suivantes :

Vu les dispositions des Livres I, III et V du Code de la propriété intellectuelle,

Vu les articles 4, 5, 6, 11, 14, 19 et 89 du Règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires,

Vu l’article 1240 du Code civil (anciennement 1382 du Code civil),

Vu les pièces versées aux débats,

DIRE ET JUGER la société SANDRO ANDY SAS recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions ;

A titre principal :

DIRE ET JUGER que le sac référencé « LOU » de la société SANDRO ANDY SAS est protégeable par les dispositions du Livre I du Code de la Propriété Intellectuelle concernant le droit d’auteur et par les dispositions du Livre V du Code de la Propriété Intellectuelle et le Règlement (CE) N°6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires concernant le droit de dessin ou modèle communautaire non enregistré ;

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DIRE ET JUGER qu’en fabriquant, détenant, important, offrant à la vente et commercialisant en France et partout ailleurs dans l’Union européenne, le produit « Banane à rabat » référencé sous le code « 43080809-PELAYO – LM » et toute référence correspondant à une déclinaison de ce produit dans une autre matière, tissu, couleur ou taille, les sociétés X FRANCE SARL, PUNTO FA S.L. et X Y SASU ont commis des actes de contrefaçon de droit d’auteur et de dessin ou modèle communautaire non enregistré ;

CONDAMNER la société X FRANCE SARL à verser à la société SANDRO ANDY SAS la somme de 170.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice commercial et moral résultant des actes de contrefaçon ;

CONDAMNER la société PUNTO FA S.L. à verser à la société SANDRO ANDY SAS la somme de 300.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice commercial et moral résultant des actes de contrefaçon ;

CONDAMNER la société X Y SASU à verser à la société SANDRO ANDY SAS la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice commercial et moral résultant des actes de contrefaçon ;

DIRE que l’exécution de ces condamnations pourra être poursuivie in solidum à l’encontre des sociétés X FRANCE SARL, PUNTO FA S.L. et X Y SASU ;

A titre subsidiaire :

DIRE ET JUGER que les sociétés X FRANCE SARL, PUNTO FA S.L. et X Y SASU ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société SANDRO ANDY SAS ;

CONDAMNER in solidum les sociétés X FRANCE SARL, PUNTO FA S.L. et X Y SASU à verser à la société SANDRO ANDY SAS la somme de 250.000 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaire, sauf à parfaire ;

En tout état de cause :

INTERDIRE aux sociétés X FRANCE SARL, PUNTO FA S.L. et X Y SASU la fabrication, l’importation, la commercialisation et l’offre au public en France et partout ailleurs dans l’Union européenne à quelque titre que ce soit, du produit « Banane à rabat » référencé « 43080809-PELAYO-LM » ou de toute référence correspondant à une déclinaison de ce produit dans une autre matière, tissu, couleur ou taille, sous astreinte de cinq-cents euros (500 €) par infraction constatée, à compter de la signification du jugement à intervenir, le Tribunal restant saisi pour statuer sur la liquidation de l’astreinte ;

ORDONNER aux sociétés X FRANCE SARL, PUNTO FA S.L. et X Y SASU de procéder à la destruction de

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l’intégralité du stock de produits « Banane à rabat » X référencé « 43080809-PELAYO-LM » ou de toute référence correspondant à une déclinaison de ce produit dans une autre matière, tissu, couleur ou taille, où qu’il se situe en France ou sur le territoire de l’Union européenne, sous astreinte de cinq mille euros (5.000 €) par jour de retard passé un délai de trente (30) jours à compter de la signification du jugement à intervenir, le Tribunal restant saisi pour statuer sur la liquidation de l’astreinte ;

AUTORISER la publication du jugement à intervenir, en entier ou par extraits, dans trois journaux périodiques ou magazines au choix de la société SANDRO ANDY SAS, aux frais avancés in solidum des sociétés X FRANCE SARL, PUNTO FA S.L. et X Y SASU, sans que le coût global de ces insertions ne puisse excéder la somme de douze-mille euros HT (12.000 €) ;

ORDONNER la publication du dispositif de la décision à intervenir en page d’accueil du site Internet et sur chacune des extensions territoriales sur lesquelles les produits litigieux ont été offerts à la vente sur le territoire de l’Union européenne, sur une surface égale à au moins 30% de celle-ci – ainsi que sur tous autres sites qui lui seraient substitués, aux frais avancés des sociétés X FRANCE SARL, PUNTO FA S.L. et X Y SASU pendant 3 mois et ce, sous astreinte de mille euros (1.000 €) par jour de retard, passé un délai de huit (8) jours à compter de la signification du jugement à intervenir, le Tribunal restant saisi pour statuer sur la liquidation de l’astreinte ;

CONDAMNER les sociétés X FRANCE SARL, PUNTO FA S.L. et X Y SASU à verser à la société SANDRO ANDY SAS la somme de vingt mille euros (20.000 €), au titre de l’article 700 du CPC ;

ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir en toutes ses dispositions, nonobstant appel et sans constitution de garantie ;

CONDAMNER in solidum les sociétés X FRANCE SARL, PUNTO FA S.L. et X Y SASU aux entiers dépens de l’instance.

Les sociétés PUNTO FA, X FRANCE et X Y présentent, aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 novembre 2020, les demandes suivantes :

Vu les articles 6 et suivants du Code de procédure civile, Vu le Règlement CE n° 06/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires, Vu les articles L111-1 et suivants, L. 331-1 à L. 331-4 et L.335-2 à L.335-10 du Code de la Propriété Intellectuelle,

DIRE ET JUGER que la société SANDRO échoue à démontrer la première date de divulgation du sac « Lou » de sorte qu’elle doit être déclarée irrecevable à agir sur le fondement des dessins et modèles communautaires non enregistrés ;

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DIRE ET JUGER que le sac « Lou » sur lequel la société SANDRO revendique des droits n’est pas original ni doté d’un caractère individuel, et ne saurait ainsi accéder à la protection par le droit d’auteur ni par le droit des dessins et modèles communautaires non enregistrés prévu par le Règlement CE n° 6/2002 ;

A titre subsidiaire :

DIRE ET JUGER qu’en tout état de cause, les actes de contrefaçon de droit d’auteur ainsi que de droit sur les dessins et modèles reprochés aux sociétés X FRANCE, X Y et PUNTO FA SL ne sont pas caractérisés ;

A titre encore plus subsidiaire :

DIRE ET JUGER que les sociétés PUNTO FA, X FRANCE et X Y n’ont commis aucun acte distinct de concurrence déloyale et/ou parasitaire au préjudice de la demanderesse;

En conséquence :

DEBOUTER la société SANDRO de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause :

CONDAMNER la société SANDRO à verser à chacune des sociétés X FRANCE, X Y, PUNTO FA SL et X ON LINE SA la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER la société SANDRO aux entiers dépens de la présente instance, dont distraction au profit de la SELAS DE GAULLE FLEURANCE & ASSOCIES, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Les données mentionnées plus haut relatives à la commercialisation du sac litigieux ont été actualisées en cours de procédure.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 décembre 2020 et l’affaire plaidée le 15 janvier 2021.

Pour un exposé complet de l’argumentation des parties il est, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoyé à leurs dernières conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION:

1-titularité des droits invoqués au titre des dessins et modèles non enregistrés :

Les défenderesses font valoir qu’en matière de modèle non enregistré, la date de divulgation – qui est essentielle à la détermination de la durée de la protection – ne saurait être approximative ou opportunément modifiée pour pallier une carence probatoire. Elles estiment à cet égard que les conditions dans lesquelles le sac « Lou » aurait été rendu public,

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qui consistent dans une succession d’événements précédant son exploitation effective, ne répondent pas aux exigences de l’article 11 du règlement 6/2002.

La société SANDRO répond que la preuve de la première divulgation d’un modèle non enregistré peut résulter d’un faisceau d’indices et que le sac en cause, destiné à une mise en commercialisation dans le cadre de la collection Printemps / Été 2017, a été exposé pour la première fois le 29 septembre 2016 au sein de son showroom lors d’une présentation à la presse organisée durant la Fashion Week de Paris. Elle précise que cet événement a été suivi de la transmission de son « Look book » aux agences de communication en octobre 2016, puis de parutions dites « grand public » dès février 2017, rappelant que la notion de « milieux spécialisés du secteur concerné » n’est pas réservée aux consommateurs.

Sur ce,

E n application de l’article 11 §1 du règlement (CE) n°6/2002 du 12 décembre 2001, un dessin ou modèle communautaire non enregistré qui remplit les conditions de nouveauté et de caractère individuel est protégé pendant une période de trois ans à compter de la date à laquelle il a été divulgué au public pour la première fois au sein de l’Union européenne. Le paragraphe 11§2 précise que « 2. Aux fins du paragraphe 1, un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué au public au sein de la Communauté s’il a été publié, exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière de telle sorte que, dans la pratique normale des affaires, ces faits pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans la Communauté. Toutefois, le dessin ou modèle n’est pas réputé avoir été divulgué au public uniquement parce qu’il a été divulgué à un tiers à des conditions explicites ou implicites de secret

».

La preuve de la divulgation requise en vue d’établir l’existence du droit invoqué, plus exigeante que celle d’une antériorité visant à combattre la validité du titre, suppose donc la démonstration de faits tels que dans la pratique normale des affaires, ceux-ci pouvaient être raisonnablement connus « des milieux spécialisés du secteur concerné », opérant dans l’Union. Sur ce point, la CJUE a dit pour droit que l’article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) no 6/2002 « doit être interprété en ce sens qu’il peut être considéré qu’un dessin ou modèle non enregistré pouvait, dans la pratique normale des affaires, être raisonnablement connu des milieux spécialisés du secteur concerné opérant dans l’Union européenne, dès lors que des représentations dudit dessin ou modèle avaient été diffusées auprès de commerçants opérant dans ce secteur, ce qu’il appartient au tribunal des dessins ou modèles communautaires d’apprécier au regard des circonstances de l’affaire dont il est saisi » soulignant dans les motifs de cette décision que « l’article 11, paragraphe 2, de ce règlement ne comporte pas de restriction quant à la nature de l’activité des personnes physiques ou morales pouvant être considérées comme faisant partie des milieux spécialisés du secteur concerné. En outre, il se déduit de la formulation de cette disposition, et en particulier du fait qu’il envisage l’utilisation dans le commerce comme un mode de divulgation parmi d’autres des dessins ou modèles non enregistrés au public et qu’il impose de tenir compte de la

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« pratique normale des affaires » pour apprécier si les faits constitutifs de la divulgation pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés, que les commerçants n’ayant pas participé à la conception du produit en cause ne sauraient être en principe exclus du cercle des personnes pouvant être considérées comme faisant partie desdits milieux spécialisés » (C-479/12, 13 février 2014. H. Gautzsch Großhandel GmbH & Co. […] demande de décision préjudicielle, points 25 à 27).

C’est donc à juste titre qu’en application de ces principes jurisprudentiels, la société SANDRO se prévaut d’un « press day » organisé dans le contexte de la Fashion week de Paris en septembre 2016, la réalité de cet événement étant en outre suffisamment établie par une attestation de son directeur général qui comporte en annexe une invitation à la présentation de la collection en cause (« SS17 women’s collection », pièce DM 35). Compte-tenu des usages de l’industrie de la mode, il peut en effet être considéré que des journalistes travaillant pour des magazines dont l’objet est de relayer les tendances d’une saison appartiennent aux « milieux spécialisés du secteur concerné » au sens des dispositions précitées.

Il s’en déduit que la première divulgation du sac « LOU » est intervenue le 29 septembre 2016, ce qui fixe le point de départ de la protection revendiquée acquise à compter de cette date et jusqu’au 29 septembre 2019.

2-éligibilité à la protection par le droit d’auteur – originalité :

La société SANDRO fait valoir que contrairement à ce que suggèrent les défenderesses, l’éligibilité à la protection par le droit d’auteur n’est pas subordonnée à la démonstration de la « personnalité » de son créateur et le constat de l’originalité s’impose si l’examen des caractéristiques invoquées révèle une « physionomie propre » traduisant la mise en œuvre de choix libres et créatifs. Elle soutient que les défenderesses font abstraction d’une évolution jurisprudentielle selon laquelle l’originalité peut ainsi se déduire d’une analyse objective des caractéristiques d’une œuvre traduisant un parti pris esthétique de l’auteur, et ajoute qu’en tout état de cause, elle rapporte la preuve de l’originalité du sac LOU conformément à ces principes mais aussi en précisant en quoi, au-delà de considérations objectives, sa forme particulière résulte d’un travail reflétant l’empreinte personnelle de la styliste l’ayant conçu.

Les sociétés X répondent que si selon la jurisprudence de la CJUE citée par la demanderesse – (C-683/17 – Cofemel – Sociedade de Vestuário, SA/G-Star Raw CV, points 29 et 30) « pour qu’un objet puisse être regardé comme original, il est à la fois nécessaire et suffisant que celui-ci reflète la personnalité de son auteur, en manifestant les choix libres et créatifs de ce dernier » – la condition ainsi requise indépendamment d’une valeur esthétique ne saurait pour autant s’interpréter comme l’exigence d’une seule « physionomie propre

» alors que la protection par le droit d’auteur, qui se distingue de celle des dessins et modèles visant à rentabiliser des investissements sans entraver excessivement la concurrence, implique – selon une approche plus subjective – la notion d’ « œuvre » incarnant l’expression d’une personnalité.

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Les défenderesses estiment qu’au regard de ces critères, l’originalité du sac « LOU » n’est démontrée ni par sa description objective, ni par une prétendue inspiration tirée des motifs géométriques de carreaux de ciment qui à la supposer avérée, se retrouve dans des antériorités combinant un style géométrique minimaliste et des bords contrastés.

Sur ce,

L’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création et dès lors qu’elle est originale, d’un droit de propriété incorporelle exclusif comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. L’originalité de l’œuvre, qu’il appartient à celui invoquant la protection de caractériser, suppose qu’elle soit issue d’un travail libre et créatif et résulte de choix arbitraires révélant la personnalité de son auteur, lesquels peuvent se déduire de l’observation objective des caractéristiques de la création revendiquée sous réserve, toutefois, que celles-ci traduisent une telle empreinte personnelle.

La reconnaissance de la protection par le droit d’auteur ne repose donc pas sur un examen de l’œuvre invoquée par référence aux antériorités produites, même si celles-ci peuvent contribuer à l’appréciation de la recherche créative. L’originalité de l’œuvre peut résulter du choix des couleurs, des dessins, des formes, des matières ou des ornements mais également, de la combinaison originale d’éléments connus.

Lorsque la protection est contestée en défense, l’originalité doit être explicitée et démontrée par celui s’en prétendant auteur qui doit permettre l’identification des éléments au moyen desquels cette preuve est rapportée, ce pour chacune des œuvres au titre desquelles le droit est revendiqué.

La société SANDRO expose que le sac « LOU » présente une identité visuelle bien spécifique « issue de la combinaison d’un ensemble d’éléments originaux » énumérés comme suit :

-un sac en cuir lisse dont le corps forme une pointe allant du bas vers son milieu ;

-une construction du corps du sac composée de deux morceaux de cuir bord franc se rejoignant en leurs milieux, de la face au dos du sac ;

-une double surpiqûre ton sur ton centrale et continue de la face jusqu’au dos du sac ;

-un jeu de poches intérieures aux découpes triangulaires ;

-une poche plaquée au dos ;

-une fermeture top magnétique discrète placée sous le rabat ;

-une inspiration bijoux des œillets, chaînes et barres métalliques ;

-un rabat aux lignes arrondies qui se rejoignent pour former une pointe au niveau de la surpiqûre centrale ;

-un parallélisme entre les lignes du rabat et celles de la partie basse du sac ;

-des bords francs ;

-des teintures de tranches contrastées ;

-une doublure en suède et coton ; exposant que la combinaison de ces éléments traduit la personnalité de sa styliste ZI RV qui indique s’être notamment

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inspirée des carreaux de ciment présents dans certains halls d’immeubles parisiens pour créer une géométrie entre les lignes du rabat et celles du corps du sac, ce qui lui donne une particularité et en révèle le caractère original. Elle ajoute que cette source d’inspiration ressort du profil Instagram de l’intéressée montrant des photos prises par celle-ci et centrées sur la représentation de décors de sols ou murs carrelés.

Il est toutefois permis de relever que cette démonstration s’appuie en grande partie sur la conception d’un sac tricolore qui n’est pas celui revendiqué.

Il ressort en outre des pièces communiquées en défense que l’essentiel des caractéristiques invoquées sont présentes dans des sacs commercialisés antérieurement, tels qu’un article B C D en forme de pentagone (pièce DFD 5.1) des sacs tammyandbenjamen et Ferragamo ayant un rabat en pointe (pièces DFD 5.5, 5.6, 5.7), une pochette Sidonie Larizzi, un sac COACH et un sac Z A dont le même rabat est parallèle aux contours de la partie inférieure du sac (pièces 5.8, 5.11, 5.12 DFD), des modèles Crossbody Bag également en forme de pentagone ou plus généralement géométrique (pièces DFD 5.10 et 5.13). De même, l’offre existante sur le marché à l’époque de la divulgation comporte des sacs dont la face avant est divisée par une ligne verticale, se prolongeant ou non sur le côté opposé (pièces DFD 7.1, 7.2, 7 bis). Dans ces conditions, étant souligné que la source d’inspiration évoquée porte uniquement sur l’aspect épuré et « géométrique » du sac dont il est démontré plus haut qu’il existe dans des exemples précédemment commercialisés, la combinaison de cette caractéristique avec les autres éléments énumérés – dont notamment la ligne centrale formée d’une double surpiqûre et des bords francs, un cuir lisse et rigide se retrouvant sur d’autres produits, un aspect « bijou » procuré par des éléments métalliques, des teintures de tranche contrastées – procède d’un travail de recherche stylistique efficace mais ne peut être considérée, au regard de l’offre existante, comme issue d’un effort créatif suffisant pour qualifier le sac référencé « LOU » d’œuvre originale.

Les prétentions au titre du droit d’auteur ne peuvent en conséquence être accueillies.

3- protection au titre du dessin et modèle non enregistré – caractère individuel :

La société SANDRO rappelle que le caractère individuel d’un modèle communautaire est une notion distincte de l’originalité et que la CJUE interprète la condition posée par l’article 6 du règlement n°6/2002 comme exigeant que l’impression globale du dessin ou modèle revendiqué produite sur l’utilisateur averti soit différente de celle procurée sur un tel utilisateur, non par une combinaison d’éléments isolés tirés de plusieurs dessins ou modèles antérieurs, mais par un ou plusieurs de ceux-ci pris individuellement. Se référant à ces principes et ajoutant que les défenderessses se méprennent sur la définition de l’utilisateur averti qui suppose un niveau d’attention élevé, elle estime qu’aucune des antériorités versées aux débats ne permet de remettre en cause le caractère individuel du sac invoqué.

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Les sociétés X répondent que l’utilisateur averti correspond à une femme s’intéressant aux produits de maroquinerie et notamment les sacs à main, ayant une connaissance du secteur et dotée d’une attention moyenne. Elle fait valoir que l’élément stylistique mis en avant pour justifier le caractère propre du sac « Lou » – soit sa forme et son rabat en pointe – est en réalité une caractéristique utilisée par de nombreuses autres marques depuis plusieurs dizaines d’années, y compris en association avec une bandoulière en chaîne métallique lui conférant un aspect précieux, de sorte que la référence “LOU” de SANDRO procurera sur l’utilisatrice avertie des tendances de la mode une impression de “déjà vu” excluant la protection revendiquée.

Sur ce,

L’article 4 alinéa 1er du Règlement (CE) n° 6/2002 du 12 décembre 2001 précité dispose que « la protection d’un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n’est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel ».

Et en application de l’article 6 dudit Règlement, « 1. Un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public: a) dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire non enregistré, avant la date à laquelle le dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée a été divulgué au public pour la première fois ; (…) Pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle ».

Pour bénéficier de la protection des droits de dessins et modèles communautaires non enregistrés, la société SANDRO ANDY doit donc revendiquer un modèle dépourvu d’antériorité pouvant être raisonnablement connu des professionnels du secteur concerné et conférant une même impression visuelle d’ensemble chez l’utilisateur averti, ce qui implique qu’au moins un des éléments essentiels du modèle revendiqué soit distinct par rapport à l’état de l’art divulgué.

L’utilisateur averti est défini par la jurisprudence de l’Union européenne comme étant doté non pas d’une attention moyenne mais d’une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré (CJUE C-281/10 P, 20 oct 2011 – PepsiCo Inc. c/ Grupo Promer Mon Graphic SA et OHMI, point 53). Cette définition de l’utilisateur de référence implique que « lorsque cela est possible, il procédera à une comparaison directe des dessins ou modèles en cause » même si « il ne peut cependant pas être exclu qu’une telle comparaison soit infaisable ou inhabituelle dans le secteur concerné, notamment du fait de circonstances spécifiques ou du fait des caractéristiques des objets que les dessins ou modèles en cause représentent » (point 55).

La société X souligne à juste titre que dans le cas d’espèce, l’utilisateur averti – qui est ici une femme s’intéressant aux produits de maroquinerie, qui a une certaine connaissance de l’offre du marché dans ce secteur et est attentive aux tendances de la mode – sera en mesure de

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procéder à une comparaison directe du modèle invoqué avec ceux de l’art antérieur dont aucun n’associe notamment, à partir d’un cuir lisse et rigide donnant au sac un aspect général épuré renforcé par des lignes géométriques parallèles et une teinture des bords formant un net contraste, une poche et un rabat en pointe avec une structure composée de deux morceaux en cuir bord franc se rejoignant en une surpiqûre verticale en partie centrale de la face avant, ce que démontre clairement le tableau comparatif figurant aux pages 16 à 18 des conclusions de la société SANDRO qui à cet égard, s’est livrée à un examen comparatif exhaustif des antériorités les plus pertinentes opposées par les défenderesses. Or contrairement à ce que soutiennent les sociétés X, les détails précités ne peuvent être qualifiés de négligeables ni même de secondaires, en ce qu’ils contribuent de manière significative à l’apparence globale du modèle invoqué.

Dans ces conditions le sac « LOU », qui présente des lignes épurées et une structure à juste titre qualifiée de « géométrique » dont l’effet visuel est accentué par des bords francs, des lignes parallèles, une double surpiqûre centrale se prolongeant des deux côtés, des teintures de tranches contrastées, l’ensemble combiné à des éléments métalliques et à un jeu de poches se retrouvant à l’identique sur les faces avant et arrière du sac, procure sur l’utilisateur averti défini plus haut une impression visuelle d’ensemble différente de celle procurée par les modèles antérieurement divulgués.

Il bénéficie en conséquence, pour une durée de 3 ans à compter de sa divulgation, de la protection conférée par les dessins et modèles communautaires non enregistrés.

3-actes de contrefaçon (dessin ou modèle non enregistré) :

La société SANDRO fait valoir que la protection du dessin ou modèle communautaire non enregistré n’exclut pas l’hypothèse d’une reproduction partielle, la notion de « copie » à laquelle se réfère l’article 19 du règlement signifiant uniquement que les ressemblances existantes entre les modèles en conflit ne doivent pas résulter d’un travail de création indépendant qui serait avéré. Elle soutient que les sacs en présence produisent une même impression visuelle d’ensemble sur l’observateur averti en ce que comme le modèle LOU, le sac X est en cuir lisse, a un corps formant une pointe allant du bas vers son milieu et présentant une construction composée de deux morceaux de cuir bord franc se rejoignant en leurs milieux, de la face au dos du sac, une double surpiqûre ton sur ton centrale et continue de la face jusqu’au dos du sac, une fermeture top magnétique discrète placée sous le rabat dont les lignes arrondies se rejoignent pour former une pointe au niveau de la surpiqûre centrale, des bords francs et des teintures de tranches contrastées. Elle conclut que le sac X n’est manifestement pas le produit d’un travail de création indépendant.

Les sociétés X répondent que la contrefaçon n’est susceptible d’être caractérisée qu’en cas d’impression visuelle globale similaire dans l’appréciation de laquelle il ne peut être tenu compte des emprunts communs au domaine public ou des ressemblances dues à la reprise d’une même idée ou d’un genre. Elles estiment en conséquence que la reprise doit porter sur les « éléments identificateurs » du modèle invoqué et ajoutent qu’en matière de dessins et modèles

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communautaires non enregistrés, l’atteinte n’est constituée qu’en présence d’une copie excluant tout apport personnel du contrefacteur allégué. Elles soutiennent enfin que les produits en conflit présentent des différences significatives tenant à leur style – sac élégant d’un côté et sacoche utilitaire de l’autre – mais aussi à leurs éléments caractéristiques résidant notamment dans la forme ainsi que les proportions du rabat et la bandoulière.

Sur ce,

L’article 10 du règlement (CE) 6/2002 dispose que : « 1- la protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s’étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l’utilisateur averti une impression visuelle globale différente.

2. Pour apprécier l’étendue de la protection, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle ».

Et selon l’article 19 : « 1. Le dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire le droit exclusif de l’utiliser et d’interdire à tout tiers de l’utiliser sans son consentement. Par utilisation au sens de la présente disposition, on entend en particulier la fabrication, l’offre, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation ou l’utilisation d’un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes fins.

2. Le dessin ou modèle communautaire non enregistré ne confère cependant à son titulaire le droit d’interdire les actes visés au paragraphe 1 que si l’utilisation contestée résulte d’une copie du dessin ou modèle protégé. L’utilisation contestée n’est pas considérée comme résultant d’une copie du dessin ou modèle protégé si elle résulte d’un travail de création indépendant réalisé par un créateur dont on peut raisonnablement penser qu’il ne connaissait pas le dessin ou modèle divulgué par le titulaire ».

Comme le souligne à juste titre la société SANDRO, la notion de « copie » ne se rapporte pas à la fidélité ou au caractère servile de la reproduction en cause mais à l’autonomie du concepteur – dont elle constitue un indice – le critère d’appréciation prérequis de la contrefaçon étant que l’impression visuelle d’ensemble du produit litigieux sur l’utilisateur averti ne doit pas être différente de celle dégagée par le modèle invoqué.

Or dans le cas d’espèce, force est de constater que des éléments considérés par la société SANDRO elle-même comme participant à la singularité de son sac ne se retrouvent pas le produit X, à savoir l’aspect élégant et le côté « bijou » de cet accessoire, la forme « enveloppante » du rabat se terminant en pointe selon des lignes parallèles à l’extrémité basse du sac, l’agencement de la poche arrière, et le système d’attache du sac qui est une bandoulière fine pour le produit SANDRO contre une ceinture en simili cuir dans le cas de la référence incriminée, comme le montrent les représentations suivantes (extraits des pages 37 des conclusions de la demanderesse et 31 des sociétés X ) :

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Il est de même permis de relever que le sac « banane » de X a une forme sensiblement plus bombée, ce qui contribue à lui conférer un style s’écartant nettement de celui d’une pochette élégante portée à la main à laquelle la société SANDRO suggère d’assimiler son produit.

L’impact de ces caractéristiques, qui portent sur des éléments principaux de chacun des sacs et affectent significativement leur apparence globale, n’est pas atténué par la double surpiqûre centrale que les deux produits ont en commun ni par la forme en pointe de la partie basse, lesquelles même associées à des bords francs et à une teinture de tranche en dessinant les lignes, procurent une impression d’ensemble différente.

La contrefaçon de dessin ou modèle communautaire non enregistrée n’est donc pas constituée.

4- actes de concurrence déloyale et parasitaire :

La société SANDRO soutient à titre subsidiaire que des actes de concurrence déloyale et parasitaire ont été commis à son préjudice, rappelant que cette qualification n’exige pas de relever un fait matériellement distinct de ceux invoqués au titre de la contrefaçon qui est caractérisée par application d’autres critères. Elle expose que l’imitation déloyale fautive n’exige pas l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public sur l’origine des produits en conflit, dès lors que la proximité de leur apparence peut conduire à les associer, qu’elle engage des investissements conséquents pour soutenir son positionnement sur un marché très concurrentiel et que le modèle « LOU », qui a fait l’objet d’une promotion massive assurant sa visibilité, s’est maintenu avec succès sur le marché dans les années suivant son lancement en 2017. Elle ajoute qu’une clientèle commune – susceptible de connaître le sac LOU du fait de sa très grande exposition – associera sans peine cet article couture à la banane « PELAYO » commercialisé par X à un prix inférieur.

Les sociétés X répondent qu’un article libre de droits peut être reproduit licitement par tout opérateur du marché et qu’une action en

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concurrence déloyale ne saurait prospérer à défaut d’établir l’existence d’une recherche manifeste et délibérée d’un risque de confusion quant à l’origine des produits, lequel doit être apprécié in concreto au regard des circonstances de l’espèce, et ajoute sur le grief de parasitisme que celui-ci suppose d’établir l’existence d’une valeur économique individualisée constituée d’une notoriété acquise ou d’investissements. Elle estime que la seule ressemblance – au demeurant insuffisante à caractériser la contrefaçon – des modèles en cause ne peut en soi être jugée fautive, et que les deux opérateurs concernés visent un segment de marché différent. Elle fait observer que l’essentiel des parutions presse versées aux débats représentent le sac dans sa version polychrome, que les frais publicitaires mentionnés se rattachent à un ensemble de produits et enfin, que le sac « LOU » n’était plus commercialisé dès 2019 de sorte qu’il ne peut lui être reproché de s’être placée dans le sillage du succès d’un sac qui serait « iconique ».

Sur ce,

La concurrence déloyale et le parasitisme identiquement fondés sur l’article 1240 du code civil sont caractérisés par application de critères distincts, la concurrence déloyale l’étant au regard du risque de confusion avec l’activité ou les produits du concurrent et les agissements parasitaires consistant à s’approprier de façon injustifiée la valeur économique acquise par autrui au moyen d’un savoir-faire, d’un travail de création, de recherches ou d’investissements, de façon à en retirer un avantage concurrentiel. Dans les deux cas doivent être relevés des actes fautifs à l’origine d’un préjudice.

L’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage ou encore la notoriété de la prestation copiée.

Au cas d’espèce, il ressort des développements qui précèdent que les articles en cause, s’ils présentent des ressemblances indéniables quant à leur couleur, à la structure générale du corps du sac et à des détails de conception tels que les bords francs et la teinture des tranches, diffèrent par des éléments importants visuellement tels que la forme du rabat et surtout, le système d’attache qui est dans un cas, une bandoulière chaînée et dans l’autre, une ceinture large en simili cuir se plaçant autour de la taille. Du fait de ces différences, le sac invoqué est un accessoire élégant pouvant être associé à une tenue de soirée alors que le produit X évoque une « besace » beaucoup plus fonctionnelle ne se destinant pas au même usage. Ces styles respectifs ressortent de la présentation des articles en cause (pièces M 8.1 et 11). A ces considérations s’ajoute le fait que compte tenu du prix pratiqué pour chaque référence – entre 200 et 300 euros pour le sac LOU contre 15,99 euros pour la référence X – le report de clientèle ne pourrait être que très marginal voire inexistant dans le cas de produits ne pouvant au surplus être considérés comme substituables.

Enfin comme le font observer les défenderesses sans être utilement contredites sur ce point, les données relatives à la commercialisation du sac LOU (pièce S 13) sont fournies jusqu’en mars 2019 sans qu’il ne soit établi que cet article, lancé au début de l’année 2017 et objet d’une

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campagne publicitaire à cette période, aurait bénéficié depuis lors d’un succès continu.

Ces circonstances considérées ensemble conduisent à exclure tout risque de confusion ainsi que la caractérisation d’actes parasitaires, lesquels supposent d’une part, l’identification d’une valeur économique identifiée à la date des faits reprochés – qui ne ressort pas des parutions presse communiquées (pièces S 15 et 16), concentrées sur les 4 premiers mois de 2017 et visant essentiellement la version tricolore du sac LOU – et d’autre part, l’appropriation de celle-ci qui dans le cas d’espèce, n’apparaît pas susceptible de s’opérer en présence de produits qui nonobstant leurs points de ressemblances, diffèrent tant par leur style que par l’usage auquel ils sont destinés.

Les demandes indemnitaires présentées à ce titre ne peuvent donc pas plus être accueillies.

5-demandes relatives aux frais du litige et aux conditions d’exécution de la décision:

La société SANDRO ANDY, partie perdante, supportera la charge des dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile et doit en outre être condamnée à verser aux parties défenderesses, qui ont dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir leurs droits, une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 15 000 euros.

L’exécution provisoire étant justifiée au cas d’espèce et compatible avec la nature du litige, elle sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

ECARTE la fin de non recevoir tirée du défaut de titularité des droits invoqués au titre des dessins et modèles communautaires non enregistrés ;

DIT que le sac « LOU » ne bénéficie pas de la protection par le droit d’auteur ;

DIT que le sac « LOU » bénéficie de la protection en tant que dessin ou modèle communautaire non enregistré à compter du 29 septembre 2016 pendant une durée de 3 ans ;

DEBOUTE la société SANDRO ANDY de ses demandes fondées sur la contrefaçon de dessin ou modèle communautaire nonenregistré ;

DEBOUTE la société SANDRO ANDY de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire ;

CONDAMNE la société SANDRO ANDY à payer aux sociétés PUNTO FA SL, X FRANCE et X HAUSMANN une somme de 15.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

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CONDAMNE la société SANDRO ANDY aux dépens qui seront recouvrés par la SELAS DE GAULLE FLEURANCE & ASSOCIES conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

ORDONNE l’exécution provisoire

Fait et jugé à Paris le 26 février 2021.

Le greffier Le Président

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Tribunal Judiciaire de Paris, 26 février 2021, n° 19/07309