Tribunal de grande instance de Paris, 21 janvier 2022, 21/6239

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TJ Paris, ct0196, 21 janv. 2022, n° 21/6239
Numéro(s) : 21/6239
Importance : Inédit
Identifiant Légifrance : JURITEXT000045652983

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre 2ème section

No RG 21/06239 – No Portalis 352J-W-B7F-CULQR

No MINUTE :

Assignation du :
27 Avril 2021

JUGEMENT
rendu le 21 Janvier 2022
DEMANDERESSE

CONSORZIO MELINDA SOCIETA COOPERATIVA AGRICOLA (SCA)
Via TRENTO, 200/9,
[Adresse 5] (ITALIE)

domiciliée : chez Maître Myriam MOATTY
[Adresse 4]
[Localité 3]

représentée par Maître Myriam MOATTY de l’ASSOCIATION COUSIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0159

DÉFENDEURS

S.A.S. MYAMELHI
[Adresse 1]
[Localité 2]

défaillant

Monsieur [G] [B]
[Adresse 1]
[Localité 2]

défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Catherine OSTENGO, Vice-présidente
Elise MELLIER, Juge
Linda BOUDOUR, Juge

assisté de Quentin CURABET, Greffier

DÉBATS

A l’audience du 09 Décembre 2021, tenue en audience publique devant Catherine OSTENGO et Linda BOUDOUR, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seules l’audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 21 Janvier 2022.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Réputé contradictoire
en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La société de droit italien CONSORZIO MELINDA SOCIETA COOPERATIVA AGRICOLA a pour activité la production et la vente de fruits, notamment diverses variétés de pommes qu’elle commercialise en France.

Elle est titulaire de la marque de l’Union européenne semi-figurative « MELINDA » no 003 560 232, déposée le 23 décembre 2003, enregistrée le 26 juillet 2005, renouvelée le 5 janvier 2014, désignant notamment en classe 31 des « produits agricoles, horticoles ; fruits et légumes frais ; pommes ».

La SAS MYAMELHI, dont Monsieur [G] [B] est le président, a pour activité la vente au détail, demi-gros et gros de fruits et légumes et de tous produits alimentaires en magasin et sur les marchés. Elle a pour nom commercial et enseigne « MELINDA ITALIE PRIMEURS ».

Reprochant à la SAS MYAMELHI l’usage du signe « MELINDA » dans le cadre de son activité et reprochant à Monsieur [G] [B] l’usage du signe « MELINDA » sur le réseau social Facebook pour faire la promotion des activités de la SAS MYAMELHI, la société de droit italien CONSORZIO MELINDA SOCIETA COOPERATIVA AGRICOLA a fait procéder à un constat d’huissier sur internet dont le procès-verbal a été dressé le 15 mars 2021 par Maître Rémi CHAVAUDRET, huissier de justice à PARIS.

Par courriers recommandés du 16 mars 2021 reçus le 17 mars 2021, la société de droit italien CONSORZIO MELINDA SOCIETA COOPERATIVA AGRICOLA a, par l’intermédiaire de son conseil, mis en demeure la SAS MYAMELHI et Monsieur [G] [B] de cesser tout usage du signe « MELINDA » dans la vie des affaires, d’en cesser l’utilisation sur leurs sites internet et réseaux sociaux, de procéder à la destruction sous le contrôle d’un huissier de justice de tous produits, documentation commerciale, emballage, catalogues, documentation publicitaire ou commerciale revêtue du signe « MELINDA » et d’indemniser son préjudice.

La SAS MYAMELHI et Monsieur [G] [B] n’ont pas donné de suite à cette mise en demeure.

C’est dans ces circonstances que par exploit d’huissier du 27 avril 2021, la société de droit italien CONSORZIO MELINDA SOCIETA COOPERATIVA AGRICOLA a fait assigner la SAS MYAMELHI et Monsieur [G] [B] devant le tribunal judiciaire de PARIS.

***

Par cette assignation, à laquelle il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société de droit italien CONSORZIO MELINDA SOCIETA COOPERATIVA AGRICOLA demande au tribunal de :

— CONSTATER qu’en faisant usage de la dénomination « MELINDA » pour désigner des produits alimentaires, et notamment des fruits et légumes, la société MYAMELHI et Monsieur [G] [B] se rendent coupables de contrefaçon de la marque française antérieure no 3 560 232 dont est titulaire la société MELINDA, dans les termes des dispositions de l’article 9 du Règlement sur la Marque de l’Union Européenne et de celles des articles L. 713-2 et L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle ;
- FAIRE INTERDICTION à la société MYAMELHI et à Monsieur [B] de faire usage de la marque MELINDA, sous quelque forme que ce soit, et sur tous supports, notamment sur le conditionnement de leurs produits, sur leurs camions de transport, sur les tenues de travail de leurs employés, et dans leurs publicités, sur les réseaux sociaux et/ou sur leur site internet https://[07].eatbu.com, et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard postérieurement à la signification du jugement à intervenir et préciser que cette astreinte sera provisoire pendant une durée de deux mois à dater de la signification du jugement à intervenir et qu’il sera ensuite statué par la chambre du tribunal de céans qui aura rendu le jugement ;
- ORDONNER le retrait des circuits commerciaux et la destruction sous contrôle d’huissier aux frais in solidum de la société MYAMELHI et de Monsieur [G] [B] de tous les objets, emballages, étiquettes, flocages, décors de camions de transport, enseignes de magasin, cartes de visite, documents publicitaires et/ou commerciaux, tenues de travail de leurs employés, publications ou noms des comptes de réseaux sociaux, et affichages promotionnels revêtus de la mention « MELINDA » sous quelque forme que ce soit, détenus par les défendeurs au jour de la signification du jugement à intervenir et enjoindre les défendeurs de justifier d’un tel retrait et d’une telle destruction dans un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement à intervenir ;
- ENJOINDRE à la société MYAMELHI à modifier son nom commercial en supprimant le vocable MELINDA sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé un délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir ;
- ENJOINDRE la société MYAMELHI et Monsieur [G] [B] à modifier l’apparence et le décor de leurs camions de transport, tenues de travail de leurs employés, flocages, cartes de visite, enseignes de magasins, étiquettes, documents publicitaires, noms des comptes de réseaux sociaux, noms de domaine, et affiches commerciales en supprimant le vocable MELINDA sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé un délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir ;
- CONDAMNER in solidum la société MYAMELHI et Monsieur [G] [B] à payer à la société MELINDA la somme de 30.000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice moral subi ;
- CONDAMNER in solidum la société MYAMELHI et Monsieur [G] [B] à payer à la société MELINDA la somme provisionnelle de 50.000 euros de dommages et intérêts au titre de l’atteinte portée à sa marque MELINDA du fait de la contrefaçon ;
- ORDONNER la publication du dispositif du jugement à intervenir sur la page d’accueil du site internet https://[07].eatbu.com en haut de la page en police de caractère Times New Roman, en taille 13, et ce pour une durée de trois mois passé un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement intervenir, et ce sous astreinte définitive de 500 euros par jour de retard ou omis ;
- SE RÉSERVER la liquidation des astreintes précitées ;
- ORDONNER la publication du jugement à intervenir dans cinq journaux ou périodiques, aux frais in solidum de la société MYAMELHI et de Monsieur [G] [B], et au choix de la société MELINDA, et ce, à titre de complément de dommages intérêts, sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder 3.000 euros HT ;
- AUTORISER la société MELINDA à faire publier le dispositif du jugement à intervenir sur la page d’accueil du site internet [06]/ en haut de la page en police de caractère Times New Roman en taille 13, et ce pour une durée de trois mois à compter du jugement à intervenir ;
- CONDAMNER in solidum la société MYAMELHI et Monsieur [G] [B] à payer à la société MELINDA la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER in solidum la société MYAMELHI et Monsieur [G] [B] à rembourser à la société MELINDA tous les frais de constat de la présente procédure et en particulier la somme de 657,20 euros au titre du constat sur internet réalisé par huissier ;
- CONDAMNER in solidum la société MYAMELHI et Monsieur [G] [B] en tous les dépens de la présente instance et autoriser Me Myriam MOATTY à les recouvrer en application de l’article 699 du code de procédure civile ».

***Bien que régulièrement cités à domicile selon les modalités de l’article 655 du code de procédure civile, la SAS MYAMELHI et Monsieur [G] [B] n’ont pas constitué avocat. Le présent jugement sera alors réputé contradictoire.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 septembre 2021.

L’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 9 décembre 2021 et mise en délibéré au 21 janvier 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Conformément aux dispositions de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

1- Sur les actes de contrefaçon

La société de droit italien CONSORZIO MELINDA SOCIETA COOPERATIVA AGRICOLA soutient que la SAS MYAMELHI utilise sans son autorisation le signe « MELINDA » à titre de nom commercial, sur son site internet accessible à l’adresse « www.[07].eatbu.com », sur ses réseaux sociaux, sur ses véhicules de transport de marchandises, à titre d’enseigne de son établissement secondaire sis à THIEZ (74300) et sur les tenues de travail de ses employés.

Elle expose que Monsieur [G] [B] fait usage sans son autorisation du signe « MELINDA » sur son compte Facebook.

SUR CE,

L’article 9 du Règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne dispose que :
1. L’enregistrement d’une marque de l’Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.
2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d’une marque de l’Union européenne, le titulaire de cette marque de l’Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe pour des produits ou services lorsque :
a) ce signe est identique à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée ;
b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque ;
c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’Union et que l’usage de ce signe sans justice motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l’Union européenne ou leur porte préjudice ;
3. Il peut notamment être interdit, en vertu du paragraphe 2 :
a) d’apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement ;
b) d’offrir les produits, de les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, ou d’offrir ou de fournir les services sous le signe ;
c) d’importer ou d’exposer les produits sous le signe ;
d) de faire usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d’un nom commercial ou d’une dénomination sociale ;
e) d’utiliser le signe dans les papiers d’affaires et la publicité.

Aux termes de l’article L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle, constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues aux articles 9, 10, 13 et 15 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne.

En l’espèce, il ressort du procès-verbal de constat d’huissier sur internet dressé le 15 mars 2021 par Maître Rémi CHAVAUDRET, huissier de justice à PARIS, que :
- La SAS MYAMELHI fait usage du signe « MELINDA ITALIE PRIMEURS » dans sa forme verbale sans élément figuratif, en page d’accueil de son site internet accessible à l’adresse « www.[07].eatbu.com » ;
- Les photographies publiées sur le compte « MELINDA THYEZ » sur le réseau social Facebook font état de :
·l’usage du signe « MELINDA ITALIE PRIMEURS », dont la lettre M du vocable « MELINDA » est représentée en forme de pomme stylisée revêtue de deux feuilles de végétaux, à titre d’enseigne de l’établissement sis à [Adresse 9]) ;
·l’usage du signe « MELINDA ITALIE PRIMEURS », dans sa forme verbale sans élément figuratif, sur les tenues de travail des employés de la SAS MYAMELHI ;
·l’usage du signe « MELINDA ITALIE PRIMEURS », dont la lettre M du vocable « MELINDA » est représentée en forme de pomme stylisée revêtue de deux feuilles de végétaux, sur les véhicules de transport de marchandises de la SAS MYAMELHI ;
- Une photographie publiée sur le compte « [G] [B] » sur le réseau social Facebook fait état de l’usage du signe « MELINDA », dans sa forme verbale sans élément figuratif, sur un véhicule de transport de marchandises ;
- Les photographies publiées sur les comptes « PLEIN FRUITS ITALIE PRIMEURS » et « ITALIEPRIMEURS » sur le réseau social Instagram font état de l’usage du signe « MELINDA ITALIE PRIMEURS », dont la lettre M du vocable « MELINDA » est représentée en forme de pomme stylisée revêtue de deux feuilles de végétaux, sur les véhicules de transport de marchandises de la SAS MYAMELHI.

1.1- Sur la contrefaçon par reproduction
Un signe est identique à la marque lorsqu’il reproduit, sans modification ni ajout, tous les éléments constituant la marque ou lorsque, considéré dans son ensemble, il recèle des différences si insignifiantes qu’elles peuvent passer inaperçues aux yeux du consommateur moyen.

En l’espèce, si le signe litigieux « MELINDA ITALIE PRIMEURS » reproduit les éléments figuratifs de la lettre M en forme de pomme stylisée de la marque semi-figurative de l’Union européenne « MELINDA » no3560232 dont la société de droit italien CONSORZIO MELINDA SOCIETA COOPERATIVA AGRICOLA est titulaire, cette reprise ne permet pas à elle seule de caractériser une contrefaçon par reproduction au sens des textes précités eu égard à l’ajout des mots « ITALIE PRIMEURS ».

Le signe litigieux ne constituant pas une reproduction à l’identique de la marque semi-figurative opposée, il convient alors d’examiner le moyen tiré de la contrefaçon par imitation invoquée par la demanderesse à titre subsidiaire.

1.2- Sur la contrefaçon par imitation

Il y a lieu plus particulièrement de rechercher si, au regard d’une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les produits et/ou services désignés, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public concerné.

En l’espèce, le public pertinent pour apprécier l’existence d’une contrefaçon est le consommateur de fruits et légumes.

Sur la comparaison des produits

Au soutien de son action en contrefaçon, la société de droit italien CONSORZIO MELINDA SOCIETA COOPERATIVA AGRICOLA n’oppose à la SAS MYAMELHI que les produits de la classe 31, en particulier les « produits agricoles, horticoles ; fruits et légumes frais ; pommes ».

Il ressort du procès-verbal de constat d’huissier sur internet du 15 mars 2021 que la SAS MYAMELHI fait usage du signe « MELINDA ITALIE PRIMEURS » pour son activité de vente au détail, demi-gros et gros de fruits et légumes en magasin et sur les marchés. Ce signe est utilisé à titre de nom commercial, à titre d’enseigne de son établissement sis à [Adresse 9]), en page d’accueil de son site internet accessible à l’adresse « www.[07].eatbu.com », sur ses véhicules de transport de marchandises, sur les tenues de travail de ses employés et sur la devanture de ses étals de fruits et légumes. Ces usages du signe « MELINDA ITALIE PRIMEURS » sont donc étroitement liés à la commercialisation des fruits et légumes.

Au regard des produits visés dans l’enregistrement de la marque semi-figurative opposée par la société CONSORZIO MELINDA SOCIETA COOPERATIVA AGRICOLA et des produits commercialisés par la SAS MYAMELHI, les produits en cause seront considérés comme identiques.

Sur la comparaison des signes

La marque semi-figurative de l’Union européenne no3560232 opposée par la société CONSORZIO MELINDA SOCIETA COOPERATIVA AGRICOLA se compose de la dénomination « MELINDA » en lettres blanches, dont la lettre M est représentée en forme de pomme stylisée revêtue de deux feuilles de végétaux, associée à un rectangle aux bords ronds de couleur bleue.

Les signes litigieux portent, d’une part, sur la dénomination « MELINDA ITALIE PRIMEURS » dont la lettre M du vocable « MELINDA » est représentée en forme de pomme stylisée revêtue de deux feuilles de végétaux et, d’autre part, sur la dénomination « MELINDA ITALIE PRIMEURS » sous une forme verbale sans élément figuratif.

L’imitation nécessite la démonstration d’un risque de confusion entre les signes, lequel doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants.

Sur le plan visuel, si les signes en cause « MELINDA » et « MELINDA ITALIE PRIMEURS » ne présentent ni la même structure ni la même longueur, ces signes ont en commun l’élément « MELINDA », placé en position d’attaque dans le signe litigieux « MELINDA ITALIE PRIMEURS », dont la lettre M est représentée en forme de pomme stylisée revêtue de deux feuilles de végétaux. Par ailleurs, « MELINDA » est l’élément dominant du signe « MELINDA ITALIE PRIMEURS » dès lors que les termes « ITALIE PRIMEURS » apparaissent secondaires puisque inscrits sur les supports en dessous de l’élément « MELINDA » en de plus petits caractères.

Sur le plan phonétique, les signes « MELINDA » et « MELINDA ITALIE PRIMEURS » sont prononcés selon un rythme différent, le signe litigieux présentant une prononciation en huit syllabes et la marque opposée une prononciation en trois syllabes. Les signes en cause ont toutefois en commun la sonorité d’attaque « MELINDA ».

Sur le plan conceptuel, les signes en cause ont en commun l’élément « MELINDA », qui est un prénom, dont la lettre M est représentée en forme de pomme stylisée revêtue de deux feuilles de végétaux qui renvoie à la vente de primeurs. Par ailleurs, l’élément central « ITALIE » et l’élément final « PRIMEURS » du signe litigieux sont respectivement évocateurs de l’origine italienne des produits de la société CONSORZIO MELINDA SOCIETA COOPERATIVA AGRICOLA et de la caractéristique des produits vendus à savoir des fruits et légumes.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’outre l’identité des produits concernés, la similitude entre les signes en cause pris dans leur ensemble entraîne un risque de confusion pour le consommateur d’attention moyenne.

Dès lors, constituent des actes de contrefaçon par imitation l’usage par la SAS MYAMELHI, à titre d’enseigne de son établissement sis à [Adresse 9]) et sur ses véhicules de transport de marchandises, du signe « MELINDA », même en association avec les termes « ITALIE PRIMEURS », dont l’élément d’attaque reprend les éléments figuratifs de la lettre M de la marque semi-figurative de l’Union européenne « MELINDA » no3560232 dont la société CONSORZIO MELINDA SOCIETA COOPERATIVA AGRICOLA est titulaire.

Par ailleurs, l’élément verbal « MELINDA » de la marque semi-figurative de l’Union européenne « MELINDA » no3560232 étant dominant et clairement distinctif pour désigner des fruits et légumes, et les éléments figuratifs de ladite marque étant essentiellement décoratifs, l’usage par la SAS MYAMELHI du vocable « MELINDA » dans le signe « MELINDA ITALIE PRIMEURS » dans sa forme verbale sans élément figuratif, à titre de nom commercial, sur son site internet accessible à l’adresse « www.[07].eatbu.com » et sur les tenues de travail de ses employés, est également constitutif d’une contrefaçon par imitation de la marque semi-figurative opposée par la demanderesse dont les produits sont identiques.

Quant à la contrefaçon par imitation alléguée à l’égard de Monsieur [G] [B], dans l’assignation la société CONSORZIO MELINDA SOCIETA COOPERATIVA AGRICOLA se contente d’exposer laconiquement que ce dernier « utilise le signe MELINDA sous une forme verbale pour faire la promotion de son activité sur les réseaux sociaux, en publiant notamment des photographies promotionnelles de ses camions revêtus du nom MELINDA ».

Faute d’avoir caractérisé en quoi les faits qu’elle allègue à l’égard de Monsieur [G] [B] seraient eux-mêmes constitutifs d’actes de contrefaçon par imitation de sa marque semi-figurative, la société CONSORZIO MELINDA SOCIETA COOPERATIVA AGRICOLA sera déboutée de ses demandes formées à l’encontre de Monsieur [G] [B].

2- Sur les mesures réparatrices

Au titre de la contrefaçon par imitation de la marque semi-figurative de l’Union européenne « MELINDA » no3560232, la société CONSORZIO MELINDA SOCIETA COOPERATIVA AGRICOLA sollicite la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral en raison de l’atteinte portée à l’image de sa marque par des publicités à caractère sexiste apposées sur les camions de la SAS MYAMELHI et la dépréciation de sa marque.

La demanderesse sollicite en outre le paiement d’une indemnité provisionnelle de 50.000 euros au titre du préjudice économique « compte tenu des bénéfices probables générés par la vente des produits contrefaisants et des économies d’investissements promotionnels, intellectuels et matériels dont les défendeurs ont profité ».

La société CONSORZIO MELINDA SOCIETA COOPERATIVA AGRICOLA sollicite également des mesures d’interdiction, de retrait des circuits commerciaux, de destruction, de suppression, de modification du nom commercial « MELINDA ITALIE PRIMEURS » de la SAS MYAMELHI, ainsi que la publication du jugement.

SUR CE,

L’article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle dispose que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon ;
Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

En l’espèce, l’imitation de la marque semi-figurative « MELINDA » cause à la société CONSORZIO MELINDA SOCIETA COOPERATIVA AGRICOLA un préjudice moral, résultant de l’atteinte à l’image et l’avilissement de sa marque par l’utilisation du signe contrefaisant sur des photographies à caractère sexuel voire sexistes, qui sera indemnisé à hauteur de la somme de 10.000 euros.

En revanche, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de provision de la société CONSORZIO MELINDA SOCIETA COOPERATIVA AGRICOLA au titre du préjudice économique dès lors qu’aucun élément n’est apporté à cet égard. La demanderesse n’a d’ailleurs pas fait valoir son droit d’information pour pallier cette carence tandis qu’elle sollicite le paiement d’une somme provisionnelle. Sa demande sera en conséquence rejetée.

Il sera fait droit à la demande d’interdiction selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision.

Le préjudice moral de la société CONSORZIO MELINDA SOCIETA COOPERATIVA AGRICOLA étant suffisamment réparé par l’octroi de dommages et intérêts, les demandes de retrait des circuits commerciaux, de destruction et de publication du jugement apparaissent disproportionnées et seront par conséquent rejetées.

Quant aux modifications et suppressions sollicitées par la société CONSORZIO MELINDA SOCIETA COOPERATIVA AGRICOLA, il n’y a pas lieu de les ordonner dès lors que la SAS MYAMELHI est tenue d’y procéder dans le cadre de la mesure d’interdiction.

3- Sur les demandes accessoires

3.1- Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

L’article 699 du code de procédure civile dispose que les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision. La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens.

La SAS MYAMELHI, qui succombe à l’instance, sera condamnée aux dépens dont distraction au profit de Maître Myriam MOATTY, avocat au Barreau de PARIS, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Les dépens ne comprennent que les seuls débours relatifs à des actes ou procédures judiciaires.

Dès lors, le procès-verbal de constat d’huissier sur internet du 15 mars 2021 de Maître Rémi CHAVAUDRET, huissier de justice à PARIS, n’ayant pas été dressé sur autorisation judiciaire, les frais exposés ne constituent pas des dépens au sens de l’article 695 du code de procédure civile, mais des frais irrépétibles indemnisés au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

3.2- Sur l’article 700 du code de procédure civile

L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

En l’espèce, l’équité commande de condamner la SAS MYAMELHI à payer à la société de droit italien CONSORZIO MELINDA SOCIETA COOPERATIVA AGRICOLA la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais du procès-verbal de constat d’huissier sur internet dressé le 15 mars 2021 par Maître Rémi CHAVAUDRET, huissier de justice à PARIS.

3.3- Sur l’exécution provisoire

Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

En l’espèce, la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire et il n’y a pas lieu d’y déroger.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,

DIT qu’en utilisant, à titre d’enseigne de son établissement sis à [Adresse 9]) et sur ses véhicules de transport de marchandises, le signe « MELINDA ITALIE PRIMEURS » dont l’élément d’attaque « MELINDA » reprend les éléments figuratifs de la lettre M de la marque semi-figurative de l’Union européenne « MELINDA » no3560232 dont la société de droit italien CONSORZIO MELINDA SOCIETA COOPERATIVA AGRICOLA est titulaire, la SAS MYAMELHI a commis des actes de contrefaçon par imitation ;

DIT que l’utilisation par la SAS MYAMELHI du vocable « MELINDA » dans le signe « MELINDA ITALIE PRIMEURS » dans sa forme verbale sans élément figuratif, à titre de nom commercial, sur son site internet accessible à l’adresse « www.[07].eatbu.com » et sur les tenues de travail de ses employés, est également constitutive d’une contrefaçon par imitation de la marque semi-figurative de l’Union européenne « MELINDA » no3560232 dont la société de droit italien CONSORZIO MELINDA SOCIETA COOPERATIVA AGRICOLA est titulaire ;

CONDAMNE la SAS MYAMELHI à payer à la société de droit italien CONSORZIO MELINDA SOCIETA COOPERATIVA AGRICOLA la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral résultant de la contrefaçon ;

DÉBOUTE la société de droit italien CONSORZIO MELINDA SOCIETA COOPERATIVA AGRICOLA de sa demande en paiement d’une indemnité provisionnelle au titre du préjudice économique ;

FAIT INTERDICTION à la SAS MYAMELHI d’utiliser dans la vie des affaires, sur le territoire de l’Union européenne, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, y compris à titre de nom commercial et d’enseigne, le signe « MELINDA » pour offrir à la vente ou commercialiser des fruits et légumes, et ce à l’expiration du délai de six semaines à compter de la signification du présent jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, l’astreinte courant pendant trois mois ;

DIT que le tribunal se réserve la liquidation de l’astreinte ;

DÉBOUTE la société de droit italien CONSORZIO MELINDA SOCIETA COOPERATIVA AGRICOLA de ses demandes de retrait des circuits commerciaux, de destruction, de suppression, de modification et de publication ;

DÉBOUTE la société de droit italien CONSORZIO MELINDA SOCIETA COOPERATIVA AGRICOLA de l’intégralité de ses demandes formées à l’encontre de Monsieur [G] [B] ;

CONDAMNE la SAS MYAMELHI à payer à la société de droit italien CONSORZIO MELINDA SOCIETA COOPERATIVA AGRICOLA la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais du procès-verbal de constat d’huissier sur internet dressé le 15 mars 2021 par Maître Rémi CHAVAUDRET, huissier de justice à PARIS ;

CONDAMNE la SAS MYAMELHI aux dépens, dont distraction au profit de Maître Myriam MOATTY, avocat au Barreau de PARIS, conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Fait et rendu à [Localité 8] le 21 Janvier 2022

Le GreffierLe Président

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Tribunal de grande instance de Paris, 21 janvier 2022, 21/6239