Tribunal judiciaire de Paris, 28 juin 2023, 21/06366

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Sur la décision

Référence :
TJ Paris, ct0196, 28 juin 2023, n° 21/06366
Numéro(s) : 21/06366
Importance : Inédit
Identifiant Légifrance : JURITEXT000048550594

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 21/06366 – 
No Portalis 352J-W-B7F-CUMBK

No MINUTE :

Assignation du :
12 janvier 2018

JUGEMENT
rendu le 28 juin 2023
DEMANDEURS

S.A.R.L. Y&W
[Adresse 13]
[Localité 10]

Monsieur [D] [R]
Intervenant volontaire
[Adresse 2]
[Localité 11]

Monsieur [F] [H]
Intervenant volontaire
[Adresse 4]
[Localité 8]

représentés par Maître Franck BENHAMOU de la SELEURL FB AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B1099

DÉFENDEURS

Monsieur [I] [C]
[Adresse 3]
[Localité 7]

Monsieur [T] [Y] [V]
Alias [W]
[Adresse 6]
[Localité 9] – FRANCE

Monsieur [S] [V]
Alias [N]
[Adresse 5]
[Localité 14]'

Monsieur [P] [X]
Alias [U]
[Adresse 1]
[Localité 12]

représentés par Maîtres Isabelle VEDRINES et Nicolas HERZOG de l’AARPI H2O AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #A0077

______________________________

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjoint
Linda BOUDOUR, juge
Arthur COURILLON-HAVY, juge

assistés de Lorine MILLE, greffière,

DÉBATS

A l’audience du 30 mars 2023 tenue en audience publique devant Jean-Christophe GAYET et Linda BOUDOUR, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l’audience, et, après avoir donné lecture du rapport, puis entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 28 juin 2023.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

Magistrat signataire (article 456 du code de procédure civile) : Linda BOUDOUR, juge, le président Jean-Christophe GAYET étant empêché.

_____________________________

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Y&W, immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Paris le 13 septembre 2011 est une société de production phonographique et d’édition musicale.

2. MM. [D] [R] et [F] [H] sont fondateurs de la société Y&W.
3. MM. [I] [C], [T] [V], [S] [V] et [P] [X], sont tous les quatre auteurs interprètes et membres du groupe de musique dénommé "[J]".

4. Le 5 avril 2011, la SARL Y&W, en cours de formation, a signé des contrats d’artiste avec chacun des quatre défendeurs.

5. Les demandeurs affirment avoir pris l’initiative et financé l’enregistrement de 31 phonogrammes avec les défendeurs, entre avril et novembre 2011. Ils affirment également que les défendeurs ont, par la suite, exploité trois de ces morceaux sans leur autorisation.

6. Également en 2011, la SARL Y&W a déposé à l’INPI, la marque « 1.9.9.5 », no3830011 et la marque "[B]", no3830018. Par jugements du 2 mars 2012 et du 16 novembre 2012, le tribunal de grande instance de Paris a reconnu que ces dépôts étaient frauduleux et a ordonné leur transfert au profit des défendeurs.

7. Le 20 janvier 2012, les défendeurs ont envoyé une lettre recommandée avec accusé de réception à la SARL Y&W pour résilier les contrats les liant avec elle, aux motifs qu’elle avait manqué à ses obligations contractuelles et commis des manoeuvres frauduleuses du fait du dépôt des deux marques.

8. Le 8 février 2012, MM. [H] et [R] ont déposé une main courante pour dénoncer une diffamation des défendeurs à leur égard, les accusant d’avoir séquestré un autre membre du groupe "[J]".

9. Le 26 juin 2012, MM. [I] [C], [T] [V] et [P] [X] ont déposé une main courante alléguant de violences morales et physiques commises à leur encontre par MM. [D] [R] et [F] [H].

10. Deux procédures judiciaires ont déjà eu lieu entre les parties. L’une a abouti à un jugement du conseil des prud’hommes de Paris qui a jugé que M. [I] [C] était salarié de la SARL Y&W du fait d’un contrat de travail du 5 avril 2011.

11. L’autre a abouti à un arrêt du 2 mars 2018 de la cour d’appel de Paris, confirmé par un arrêt de la Cour de cassation du 10 juin 2020. Ces deux juridictions ont reconnu qu’au moment de la signature des contrats du 5 avril 2011, la SARL Y&W n’avait pas de personnalité juridique et ne pouvait donc pas conclure de contrat, en précisant que rien ne prouve que MM. [R] et [H] ont agi au nom et pour le compte de la SARL Y&W.

12. Par acte d’huissier du 12 janvier 2018, la SARL Y&W a assigné M. [A] en vue d’engager sa responsabilité contractuelle.

13. Par conclusions en intervention volontaire du 30 novembre 2018, MM. [D] [R] et [F] [H] sont intervenus à l’instance en formulant les mêmes demandes que la SARL Y&W.

14. Par ordonnance du 21 juin 2019, il a été sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt de la Cour de cassation du 10 juin 2020. L’affaire a été renvoyée au fond le 21 janvier 2021.

15. L’affaire a été radiée le 15 avril 2021 pour défaut de diligence des parties puis rétablie sur demande de la SARL Y&W et de MM. [H] et [R].

16. Par actes d’huissier des 8, 11 et 12 octobre 2021, les demandeurs ont assigné en intervention forcée MM. [T] [V], [S] [V] et [P] [X]. L’affaire a été jointe à la présente instance par ordonnance du 20 janvier 2022.

17. L’instruction a été close par ordonnance du 19 mai 2022 et l’affaire fixée à l’audience du 30 mars 2023 pour être plaidée.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

18. Dans leurs dernières conclusions au fond, notifiées par voie électronique le 24 mars 2022, la SARL Y&W, MM. [D] [R] et [F] [H] ont demandé au tribunal de :
- constater que MM. [R] et [H] ne sont pas prescrits en leur action et les déclarer en conséquence recevables en leurs demandes ;
- constater que MM. [R] et [H] disposent de la qualité à agir et les déclarer en conséquence recevables en leurs demandes ;
- entériner les contrats en date du 5 avril 2011 comme actes créateurs de droits et d’obligations réciproques à l’égard, d’une part, de MM. [R] et [H] et, d’autre part, de MM. [I] [C], [P] [X], [T] [V] et [S] [V] ;
- reconnaître la qualité de producteurs de phonogrammes de MM. [R] et [H] sur les enregistrements suivants : « Fin de semaine », 3 min 22, « Hommage aux petites graines », 3 min 38, « J’aurai dû continuer le rap », 4 min, « J’élargis mes racines », 3 min 10, « J’ignore », 2 min 08, « Joint de culotte », 3 min 14, « Je ne crois plus en l’homme », 3 min 23, « L’éclosion du mal », 3 min 23, « L’équimose », 3 min 51, « Les parisiennes », 1 min 47, « Ma maman m’a dit », 4 min 04, « Plus fort que moi », 2 min 26, « Princesse de feu », 4 min 34, « Les filles de Paris », 2 min 16, « Le mauvais rap ne me rattrapera pas », 3 min 40, « Compte sur nous », 3 min 27, « Funk », 2 min 54, « Mon 75 », 3 min 25, « Dans ta réssoi », 4 min 44, « Chicha menthe », 3 min 19, « Du vécu », 5 min 5, « Les filles de Paris », 3 min 20, « Jungle urbaine », 3 min 36, « L’heure tourne », 5 min 25, « Nique les clones », 2 min 55, « On est ensemble », 5 min 36, « Vorace », 3 min 43, « Quand le soleil se lève », 4 min 14, « Steve Jobs », « Pilote de l’air », 3 min 01, « Enfants de la patrie », 4 min 53 ;
- dire et juger que MM. [I] [C], [P] [X], [T] [V] et [S] [V] ont violé l’ensemble des obligations leur incombant au titre du contrat en date du 5 avril 2011 ;
- constater que la résiliation anticipée des contrats en date du 5 avril 2011 a été opérée de manière brutale et en violation du principe de bonne foi contractuelle ;
- dire et juger que MM. [I] [C], [P] [X], [T] [V] et [S] [V] ont procédé à l’exploitation illicite des titres « Compte sur nous », « L’heure tourne » et « Vorace » produits par MM. [R] et [H] ;
En conséquence, condamner in solidum MM. [I] [C], [P] [X], [T] [V] et [S] [V] à payer à MM. [R] et [H] :
> 54 597 euros au titre des frais exposés pour l’enregistrement des 31 phonogrammes litigieux susvisés ;
> 2 660 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à ses inexécutions contractuelles s’agissant de ses albums solos ;
> 287 280 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à leurs inexécutions contractuelles s’agissant des albums du groupe [J] ;
> la somme forfaitaire de 50 000 euros au titre de la contrefaçon des enregistrements « Compte sur nous », « L’heure tourne » et « Vorace » ;
> 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance ;
- ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

19. Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 mars 2022, MM. [I] [C], [T] [Y] [V], [S] [V] et [P] [X] ont demandé au tribunal de :
- à titre principal, constater que MM. [D] [R] et [F] [H] sont prescrits dans leur actions ;
- en conséquence, déclarer MM. [D] [R] et [F] [H] irrecevables en leurs demandes ;
- à titre subsidiaire, constater que MM. [D] [R] et [F] [H] ne disposent pas de la qualité à agir ;
- en conséquence, déclarer MM. [D] [R] et [F] [H] irrecevables en leurs demandes ;
- à titre infiniment subsidiaire
> constater que MM. [I] [C] (alias [B]), [T] [Y] [V] (alias [W]), [S] [V] (alias [N]) et [P] [X] (alias [U]) n’ont commis aucun manquement contractuel et que le contrat a été résilié à leur initiative ;
> constater que MM. [R] et [H] sont dans l’incapacité de rapporter la preuve d’un quelconque préjudice consécutif à des inexécutions contractuelles de MM. [I] [C] (alias [B]), [T] [Y] [V] (alias [W]), [S] [V] (alias [N]) et [P] [X] (alias [U]) ;
> constater que MM. [R] et [H] ne sont pas recevables à solliciter le versement de dommages et intérêts du fait de prétendues inexécutions contractuelles prétendument imputables à MM. [I] [C] (alias [B]), [T] [Y] [V] (alias [W]), [S] [V] (alias [N]) et [P] [X] (alias [U]) et de revendiquer, dans le même temps, des dommages et intérêts sur le fondement d’une prétendue contrefaçon ;
> en conséquence, débouter MM. [R] et [H] de l’intégralité de leurs demandes à l’encontre de MM. [I] [C] (alias [B]), [T] [Y] [V] (alias [W]), [S] [V] (alias [N]) et [P] [X] (alias [U]) ;
- en tout état de cause, condamner MM. [D] [R] et [F] [H] à payer, chacun, à MM. [I] [C] (alias [B]), [T] [Y] [V] (alias [W]), [S] [V] (alias [N]) et [P] [X] (alias [U]) :
> quinze mille euros (15 000 €), chacun, pour procédure abusive
> quinze mille euros (15 000 €), chacun, au titre de l’article 700 du code de procédure civile
- condamner MM. [D] [R] et [F] [H] aux entiers dépens d’instance.

MOTIFS DU JUGEMENT

I – Sur la prescription des demandes de MM. [R] et [H]

Moyens des parties

20. MM. [I] [C], [T] [Y] [V], [S] [V] et [P] [X] font valoir que les demandes de MM. [R] et [H] sont prescrites, dès lors qu’elles ont été présentées le 30 novembre 2018, soit plus de cinq ans après le 20 janvier 2012, date à laquelle ces derniers ont été informés de leur volonté de s’opposer à la divulgation du l’album de musique intitulé « Black Album » contenant quinze chansons dont ils sont les auteurs. Ils considèrent que l’action introduite antérieurement par la SARL Y&W n’a pas pu avoir pour effet d’interrompre la prescription dans la mesure où elle a été introduite par une personne morale distincte et sur des fondements juridiques différents de ceux de la présente instance.

21. La SARL Y&W et MM. [R] et [H] opposent que le délai de prescription de leur action a été interrompu entre le 16 septembre 2016, date de l’introduction par la SARL Y&W d’une instance tendant au même but que la présente instance, et le 10 juin 2020, date de l’arrêt de la Cour de cassation ayant rendu définitive l’analyse selon laquelle cette société n’avait pas pu conclure les contrats du 5 avril 2011 litigieux avec chacun des défendeurs.

Réponse du tribunal

22. Conformément à l’article 2224 du code civil, « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

23. La prescription d’une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 9 juillet 2009, 08-10.820).

24. Aux termes de l’article 2241 du même code, "la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Il en est de même lorsqu’elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure".

25. Les articles 2242 et 2243 du même code ajoutent que « l’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance » et que « l’interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l’instance, ou si sa demande est définitivement rejetée ».

26. Il résulte de ces dispositions que si, en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre, il en est autrement lorsque deux actions, quoiqu’ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but, de telle sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 8 juillet 2020, no18-24.441).

27. Toutefois, seule une initiative du créancier de l’obligation peut interrompre la prescription et lui seul peut revendiquer l’effet interruptif de son action et en tirer profit (en ce sens pour l’exclusion de l’identité de parties à un assureur, Cour de cassation, 2ème chambre civile, 23 novembre 2017, no16-13.239 ; pour la même exclusion appliquée à un appel en garantie, 3è chambre civile, 19 mars 2020, 19-13.459).

28. Néanmoins, l’effet interruptif de l’action en justice peut être valablement invoqué par les héritiers du créancier ou le créancier subrogé dans ses droits (en ce sens Cour de cassation, 3ème chambre civile, 14 février 1996, no94-13.445), ou encore en cas d’action oblique (en ce sens Cour de cassation, 3ème chambre civile, 17 novembre 2021, no20-10.389).

29. Au cas présent, l’instance introduite le 30 décembre 2013 et conclue par arrêt du 10 juin 2020 de la Cour de cassation, l’a été par la seule SARL Y&W (pièces des défendeurs no8) et se fondait sur les contrats d’artistes conclus le 5 avril 2011 (pièces des demandeurs no19 et 21).

30. Pour autant, la cour d’appel de Paris, infirmant le jugement du 16 septembre 2016 sur ce point, a retenu que la SARL Y&W n’avait pas pu valablement signer les contrats litigieux faute d’être constituée de la personnalité morale à cette date et en l’absence de reprise de ces contrats lors de sa constitution (pièce des demandeurs no19), analyse que la Cour de cassation a approuvée (pièce des demandeurs no21).

31. Les statuts de la SARL Y&W déposés le 13 septembre 2011 mentionnent qu’elle est constituée par MM. [M] [H], [D] [R], [G] [R] et [F] [H] (pièce des demandeurs no3).

32. Si MM. [R] et [H] avancent, désormais, que les contrats litigieux du 5 avril 2011 ont été signés en leurs noms propres, ils ne sauraient valablement se prévaloir que cette instance ait pu interrompre à leur profit la présente action, dans la mesure où, d’une part, ils n’invoquent pas que leur qualité d’associé de la SARL Y&W puisse leur conférer ce droit et où, d’autre part, cette seule qualité ne saurait justifier, en l’espèce, qu’ils puissent en bénéficier en leurs noms propres.

33. Par ailleurs, il n’est pas contesté par MM. [R] et [H] qu’ils ont eu personnellement connaissance du courrier du 20 janvier 2012 du conseil de MM. [C], [V] et [X] de mettre fin aux contrats litigieux du 5 avril 2011 (leurs conclusions pages 4, 8 et 9).

34. Il s’ensuit que MM. [R] et [H] disposaient jusqu’au 20 janvier 2017 pour introduire leur action envers les défendeurs et, en conséquence, leurs demandes introduites par conclusions d’intervention volontaire du 30 novembre 2018 sont prescrites et seront déclarées irrecevables.

II – Sur la procédure abusive

Moyens des parties

35. MM. [I] [C], [T] [Y] [V], [S] [V] et [P] [X] estiment que le caractère tardif des demandes indemnitaires de MM. [R] et [H] ne procèdent que de leur volonté de leur nuire et de s’enrichir à leurs dépens, l’abus étant caractérisé par l’acharnement dont ils font preuve, alors même qu’ils ont parfaitement conscience du caractère infondé de leurs demandes.

36. La SARL Y&W et MM. [R] et [H] n’ont pas répondu à cette demande.

Réponse du tribunal

37. L’article 1240 du code civil prévoit que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

38. En application de l’article 32-1 du code de procédure civile, "celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 € sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés".

39. Le droit d’agir en justice participe des libertés fondamentales de toute personne. Il dégénère en abus constitutif d’une faute au sens de l’article 1240 du code civil lorsqu’il est exercé en connaissance de l’absence totale de mérite de l’action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant l’autre partie à se défendre contre une action que rien ne justifie sinon la volonté d’obtenir ce que l’on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté (en ce sens Cour de cassation, 3ème chambre civile, 10 octobre 2012, no 11-15.473).

40. En l’occurrence, la seule circonstance que MM. [R] et [H] soient déclarés irrecevables en leurs demandes n’est pas de nature à faire dégénérer leur action en abus et MM. [C], [V] et [X] ne démontrent aucun préjudice distinct des frais engagés pour leur défense, lesquels sont indemnisés au titre des frais non compris dans les dépens.

41. Leur demande à ce titre sera, en conséquence, rejetée.

III – Sur les dispositions finales

III.1 – S’agissant des dépens

42. Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

43. La SARL Y&W et MM. [R] et [H], étant parties perdantes, ils seront condamnés aux dépens.

III.2 – S’agissant de l’article 700 du code de procédure civile

44. L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

45. Conformément à la demande, MM. [R] et [H], parties condamnées aux dépens, seront condamnés, chacun, à payer 5000 euros à MM. [C], [V] et [X], au titre des frais non compris dans les dépens.

46. Les demandes à ce titre de MM. [R] et [H] seront rejetées.

III.3 – S’agissant de l’exécution provisoire

47. Aux termes de l’article 515 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable à la date de l’assignation, "hors les cas où elle est de droit, l’exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d’office, chaque fois que le juge l’estime nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, à condition qu’elle ne soit pas interdite par la loi.
Elle peut être ordonnée pour tout ou partie de la condamnation".

48. Eu égard aux termes du jugement, l’exécution provisoire, nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

DÉCLARE irrecevables comme prescrites les demandes de MM. [D] [R] et [F] [H] ;

DÉBOUTE MM. [I] [C], [T] [Y] [V], [S] [V] et [P] [X] de leur demande au titre de la procédure abusive ;

CONDAMNE MM. [D] [R] et [F] [H] aux dépens ;

CONDAMNE, d’une part, M. [D] [R] et, d’autre part, M. [F] [H] à payer, chacun, 5000 euros à M. [I] [C], 5000 euros à M. [T] [Y] [V], 5000 euros à M. [S] [V] et 5000 euros à [P] [X] en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE MM. [D] [R] et [F] [H] de leur demande en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNE l’exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 28 juin 2023

La greffière Le président

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