Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 11 septembre 2020, n° 17/13698

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-3, 11 sept. 2020, n° 17/13698
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 17/13698
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Marseille, 29 juin 2017, N° F16/00429
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 11 SEPTEMBRE 2020

N° 2020/ 226

RG 17/13698

N° Portalis DBVB-V-B7B-BA5FC

E X

C/

SA HOPITAL PRIVE RESIDENCE DU PARC

Copie exécutoire délivrée le :

à :

-Me Caroline GRAS, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me L ALEMANY, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 30 Juin 2017 enregistré au répertoire général sous le n° F16/00429.

APPELANTE

Madame E X, demeurant […]

représentée par Me Caroline GRAS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Ziane OUALI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SA HOPITAL PRIVE RESIDENCE DU PARC, demeurant […]

représentée par Me L ALEMANY de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me H DEFAYE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 Septembre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Dominique DUBOIS, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Septembre 2020.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Septembre 2020

Signé par Madame Dominique DUBOIS, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

E X a été engagée par contrat de travail à durée déterminée à temps complet du 05 au 30 novembre 2012 par l’hopital privé Résidence du Parc en qualité de chef de bloc assistant, statut cadre, au motif 'd’un accroissement temporaire d’activité lié à la réorganisation complète des vacations opératoires des chirurgiens et anesthésistes'. L’hopital privé Résidence du Parc l’a ensuite recrutée par contrat à durée indéterminée en date du 7 janvier 2013 pour exercer en qualité de chef de bloc, statut cadre, groupe A, coefficient 345, moyennant une rémunération brute mensuelle de 4000€ outre une prime annuelle d’objectifs pouvant atteindre à objectifs atteints 4800€ brut pour 212 jours forfaitaires par an .

Le montant du salaire moyen de référence est débattu entre les parties (4765,83€ selon la salariée, 4672,08€ selon l’employeur).

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective de l’hospitalisation privée à but lucratif.

La société employait habituellement au moins 11 salariés au moment du licenciement

Par courrier du 27 novembre 2015 l’hopital privé Résidence du Parc lui a notifié un avertissement.

Le 9 décembre 2015 E X a été convoquée à un entretien préalable prévu le 22 décembre 2015 et a fait l’objet d’une mise à pied conservatoire.

Par lettre du 28 décembre 2015 l’hopital privé Résidence du Parc lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Saisi le 18 juillet 2016 par E X d’une contestation de son licenciement et de diverses demandes indemnitaires, le conseil de prud’hommes de Marseille, par jugement du 30 juin 2017, a :

— procédé à la requalification du contrat a durée déterminée de Madame E X en contrat à durée indéterminée à compter du 5 novembre 2012

— en conséquence, constaté la reprise d’ancienneté de Madame X au 5 novembre 2012

— condamné l’hôpital Privé Résidence du Parc à payer à Madame X la somme de 4 765,83 euros à titre d’indemnité de requalification du CCD en CDI

— condamné l’hôpital Privé Résidence du Parc à payer à Madame X la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile

— débouté Madame E X de l’ensemble de ses autres demandes

— débouté l’hôpital Privé Résidence du Parc de sa demande reconventionnelle

— dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire s’élève à la somme de 4 765,83 euros

— dit que le présent jugement bénéficiera de l’exécution provisoire de droit

— condamnée le défendeur aux entiers depens.

E X a interjeté appel du jugement par acte du 17 juillet 2017.

PRETENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 17 octobre 2017 E X, appelante, demande de :

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Marseille en date du 30 juin 2017 en ce qu’il a :

— requalifié le contrat de travail à durée déterminée de Madame E X en contrat à durée indéterminée à compter du 05 novembre 2012

— fixé la rémunération mensuelle moyenne de Madame E X à la somme de 4.765,83 euros bruts

— condamné l’Hôpital à verser à Madame E X une indemnité de requalification de 4.765,83 euros,

— condamné l’hôpital à verser à Madame E X la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile

— infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Marseille en date du 30 juin 2017 en ce qu’il a :

— débouté Madame E X de sa demande formulée au titre de l’indemnité d’irrégularité de la procédure

— débouté Madame E X de sa demande formulée à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du CDD

— débouté Madame E X de sa demande formulée au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés sur préavis

— débouté Madame E X de sa demande formulée au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement

— débouté Madame E X de sa demande formulée à titre de rappels de salaire sur mise à pied conservatoire et congés payés sur rappels de salaire sur mise à pied conservatoire

— débouté Madame E X de sa demande formulée à titre de dommages et intérêts licenciement abusif

— débouté Madame E X de sa demande formulée à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire

— débouté Madame E X de sa demande à titre de prime annuelle sur objectifs et congés payés sur prime annuelle sur objectifs.

En conséquence,

— condamner l’hôpital à verser à Madame E X, du fait de la requalification du CDD en CDI à compter du 05 novembre 2012 :

—  5.688,25 € bruts à titre de rappel de salaire du 01.12.2012 au 6.01.2013 outre 568,82 € bruts à titre de congés payés sur rappel salaire du 01.12.2012 au 6.01.2013

—  5.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du CDD,

—  14.927,50 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 1.429,75 € bruts au titre des congés payés sur préavis.

— condamner l’hôpital à verser à Madame E X, du fait du licenciement abusif :

—  3.002,47 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

—  3.177,72 € bruts à titre de rappels de salaire sur mise à pied conservatoire outre 317,77 € bruts à titre de congés payés sur rappels de salaire sur mise à pied conservatoire

—  14.927,50 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 1.429,75 € bruts au titre des congés payés sur préavis

—  48.000 € bruts titre de dommages et intérêts licenciement abusif,

—  14.297,50 bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire

— condamner l’hôpital à verser à Madame E X la somme de 11.275 € bruts à titre de prime annuelle sur objectifs outre 1.127,50 € bruts à titre de congés payés sur prime annuelle sur objectifs

— condamner l’hôpital à verser à Madame E X la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile

— condamner l’hôpital aux entiers dépens

— ordonner la délivrance d’une attestation Pôle emploi rectifiée ainsi que les bulletins de salaire et certificat de travail conformément aux condamnations judiciairement prononcées

— dire et juger que l’intégralité des sommes allouées à Madame E X produira intérêts de droit à compter de la demande en justice avec capitalisation, en application des articles 1343-2 et 1231-7 du Code civil

— ordonner le remboursement par l’hôpital des allocations Pôle emploi versées à Madame E X conformément à l’article L. 1235-4 du Code du travail.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 18 décembre 2018 la SA Hopital Privé Résidence du Parc, intimée, demande de :

— infirmer le jugement rendu le 30 juin 2017 par le Conseil de Prud’hommes de Marseille, en ce qu’il a requalifié le contrat de travail à durée déterminée de Madame E X en contrat de travail à durée indéterminée et par conséquent :

— débouter Madame X de sa demande de requalification de son CDD en CDI

— débouter Madame X de sa demande d’indemnisation au titre de l’article 700 du CPC

— confirmer le jugement rendu le 30 juin 2017, par le Conseil de Prud’hommes de Marseille, en ce qu’il a constaté le bien-fondé du licenciement pour faute grave de Madame X et débouté de ses autres demandes, et par conséquent :

— débouter Madame X des demandes salariales formulées pour la période du 1er décembre 2012 au 6 janvier 2013,

— dire et juger que le licenciement pour faute grave est parfaitement justifié.

— dire et juger que Madame X a été rempli de ses droits au titre de la prime annuelle d’objectifs

— débouter Madame X de l’ensemble de ses demandes.

Et par conséquent :

— condamner Madame X à payer à l’hôpital privé Résidence du Parc la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 14 février 2020.

Sur la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

Mme X soutient que son embauche en CDD correspondait en réalité à un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Elle fait valoir que :

— il ne s’agissait pas d’une tâche occasionnelle et non durable, ni d’un pic d’activité et le motif invoqué de 'réorganisation complète des vacations opératoires des chirurgiens et anesthésistes’ n’était pas une mission temporaire circonscrite à une période de 4 semaines

— elle a occupé les mêmes fonctions en CDD et en CDI, la fonction de chef de bloc, même en qualité d’assistant est incompatible avec la notion de durée déterminée

— son recrutement visait à tester les compétences du nouveau chef de bloc ayant vocation à remplacer celle qui partait en retraite le 31 janvier 2013.

En réplique l’hôpital privé Résidence du Parc soutient que le CDD répondait parfaitement aux prescriptions légales. Il fait valoir que :

— la réorganisation totale des vacations du service du bloc opératoire engendrait un surcroît d’activité pour l’équipe qu’il fallait soulager et le surcroît d’activité temporaire n’implique pas que les tâches confiées au salarié en CDD soient différentes des tâches accomplies hors surcroît d’activité. Dans le cadre du CDD Mme X assistait le chef de bloc et n’accomplissait donc pas les mêmes fonctions dans le cadre des deux contrats, le fait qu’elle établissait déjà des plannings ne démontre pas qu’elle occupait un poste permanent et elle ne procède que par affirmation lorsqu’elle soutient que la réorganisation des vacations n’était pas achevée au bout des 4 semaines de son CDD. Par ailleurs aucune disposition légale, conventionnelle ou jurisprudentielle ne rend incompatible la fonction de chef de bloc assistant avec un CDD.

Sur les conséquences indemnitaires de la requalification

Mme X soutient être fondée à réclamer :

— une indemnité de requalification qui est de droit et équivalente au minima à un mois de salaire en application de l’article L1245-2 du code du travail

— un rappel de salaire inter contrat dès lors qu’elle a dû se tenir à la disposition de l’entreprise durant cette période, ce que sa disponibilité lors de la proposition de CDI démontre

— une indemnité pour irrégularié de la procédure de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité compensatrice de préavis, estimant que la requalification en CDI entraîne l’application à la rupture du CDD des règles régissant le licenciement, qui n’ont pas été respectées alors que la relation de travail a été interrompue plus d’un mois, qu’elle s’est trouvée dans une situation de précarité durant cette période et que l’indemnité de requalification et les indemnités liées à la rupture du contrat sont cumulables

L’employeur fait valoir à titre subsidiaire que :

— l’indemnité de fin de contrat n’a pas à être incluse dans le salaire de référence et la moyenne des salaires est de 4604,57€

— l’indemnité pour irrégularité de procédure n’est due qu’en cas de licenciement et non en cas de fin de contrat ni en cas de prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Par ailleurs la demande excède le montant d’un mois de salaire

— la salariée ne justifie pas d’un préjudice qui doit cependant être caractérisé comme toute demande indemnitaire conformément à l’article 9 du code de procédure civile et en l’espèce elle justifie d’autant moins d’un préjudice qu’elle a été embauchée en CDI dès le 7 janvier 2013

— si le salarié peut prétendre à aucun rappel de salaire inter contrats dans le cadre de plusieurs CDD successifs, tel n’est pas le cas lorsqu’un seul CDD est requalifié. Par ailleurs le salarié doit démontrer qu’il est resté à disposition de l’employeur, ce dont la salariée ne justifie pas et la seule perception d’une ARE ne le démontre pas.

Sur le licenciement pour faute grave

Rappelant qu’il incombe exclusivement à l’employeur de rapporter la preuve de la faute grave et que

le doute doit profiter au salarié, Mme X soutient que le motif réel de son licenciement est économique, que les griefs énoncés par l’employeur ne sont pas fondés, les faits retenus relevant de problématiques générales et structurelles de l’hôpital qui ne peuvent lui être imputées personnellement et ce d’autant que certaines tâches ne relevaient ni de ses fonctions, ni de son contrat.

Elle fait ainsi valoir que:

— elle avait la charge de la supervision de 44 ETP, de l’établissement de plusieurs plannings, dans un contexte d’organisation inadaptée de l’hopital au volume d’activité sans bénéficier d’ajoints, d’inadéquation des méthodes d’élaboration des planning pourtant imposées par la direction et de paramètres sur lesquels elle n’avait aucune maîtrise (programme des praticiens modifiés à la dernière minute, non respect des crénaux horaires, durée des interventions restant aléatoires, accès au serveur ouvert à tous, erreurs de saisie des cadres concernant la présence des personnels….), de bugs informatiques, privant d’efficacité et de fiabilité la planification, ce dont elle avait alerté, comme d’autres membres du personnel, la direction

— elle cumulait des tâches multiples et complexes (gestion des stocks de médicaments, du matériel chirurgical, élaboration et gestion des demandes de contrats de travail des personnels permanents du bloc, acheminement des prélèvements au laboratoire, recrutement des vacataires) et alertait systématiquement des dysfonctionnements

— elle a alerté l’inspecteur du travail à réception de sa lettre de licenciement de sa surcharge de travail rendant impossible de mener à bien ses missions, lequel a répondu que les éléments qu’elle évoquait sur sa surchage de travail étaient susceptibles d’être pris en compte dans l’appréciation des faits, objet du litige

— l’hôpital était en pleine restructuration après son rachat par le groupe Ramsay Générale de Santé et dans une perspective de regroupement avec l’hôpital Clairval. Il connaissait de graves difficultés économiques. Après son départ le poste de 'chef de bloc’ a été supprimé et ses missions ont été réparties sur plusieurs salariés

— il ne peut lui être reproché une absence de planification le 3 décembre 2015, ayant dû faire face à l’absence inopinée d’une infirmière (IDE) en privilégiant dans l’urgence la sécurité du patient sur la base des pratiques courantes et avec les moyens en personnel dont elle disposait, soit en affectant au bloc l’infirmière vacataire initialement prévue en salle post-opératoire et en assurant au besoin, elle-même la présence infirmière en salle de réveil, ce dont elle justifie par deux attestations dont celle du chirurgien concerné

— s’agissant du grief relatif à l’absence de contrat de travail d’une infirmière vacataire, ses missions se limitaient à procéder aux demandes de contrats puis de les transmettre au service des ressources humaines, demande à laquelle elle avait procédé. Elle remet en cause les procédés en place en la matière (date de la demande de contrat pas prévue dans le formulaire, transmission dans une banette, difficultés à faire signer les contrats par les vacataires dans les délais…) et souligne que la problématique des contrats de travail des vacataires est ancienne, générale et structurelle

— sur le grief de l’affectation de l’infirmière vacataire pour assurer l’instrumentation du docteur Y, elle assure avoir dû trouver une organisation pour assurer la sécurité des patients, pour palier à l’absence de l’IDE initialement prévue, compte tenu du refus des membres du personnel sollicités

— ses compétences et qualités professionnelles sont établies par de nombreuses attestations de médecins et personnels

— si la cour considérait les manquements énoncés comme étant avérés et écartait les motifs économiques, les faits relèveraient non de la faute mais de l’insuffisance professionnelle puisqu’il lui est bien reproché une mauvaise exécution de son travail

En réplique l’hôpital privé Résidence du Parc soutient qu’en dépit de la charge de la preuve, dès lors qu’il énonce des griefs précis et circonstanciés, la salariée ne peut se contenter de nier ou rejeter la faute sur autrui mais doit justifier par des éléments sérieux et objectifs de ses contestations, ce que Mme X ne fait pas.

Il fait valoir que la salariée:

— qui avait la charge de l’organisation logistique du bloc opératoire en étant garante de la sécurité des patients, était manager des équipes de soins et responsable de l’unité avec une mission de contrôle et d’évaluation de l’activité du bloc a fait preuve d’une insubordination caratérisée et d’une gestion désinvolte de son service. Elle n’a pas contesté les manquements lors de l’entretien préalable mais en niait la gravité

— en violation des dispositions du décret du 5 décembre 1994 imposant la présence d’une IDE en salle de surveillance post-interventionnelle, la salariée a omis et même volontairement déprogrammé la présence d’une IDE le 3 décembre 2015 en salle de soins post-intervention et Mr Z, en contrat d’apprentissage d’infirmier non habilité à assurer la prise en charge des patients et dont la convention prévoyait expressément qu’il ne pouvait remplacer un salarié, s’est trouvé seul de 8h à 9h dans le service avec la responsabilité de la salle d’opération et des postes de réveil, avec une absence de directive. Elle ne peut se prévaloir de l’urgence puisque l’IDE titulaire était en arrêt maladie depuis le 13 novembre, qu’elle avait été informée par le chirurgien que son infirmière salariée était absente, que la pratique du remplacement d’une infirmière salariée par le praticien par une infirmière salariée par l’hôpital est interdite et qu’elle n’a pas assuré elle-même la présence infirmière dans la salle de réveil. Les attestations que la salariée produit ne viennent pas contredire ces éléments

— Mme X devait solliciter préalablement à tout recours de vacataire la conclusion d’un contrat de travail dans les 48 h de toute embauche, procédure dont elle avait connaissance (mail du 28 avril 2015 sur les nouvelles procédures, livret 'Process d’embauche) et qui avait déjà fait l’objet de plusieurs rappels sur le respect des procédures de recrutement, ce qu’elle n’a pas fait pour une vacataire Mme A informée dès le 1er décembre qu’elle serait en poste le 3 décembre sans qu’aucune demande ne soit transmise, la RH ayant dû relancer Mme X le 4 décembre, sans que cette dernière ne puisse se retrancher derrière le fait qu’elle n’était pas en charge de la gestion des ressources humaines, l’obligation qui était la sienne ne débordant pas du périmètre de ses fonctions

— Mme X a enfreint les directives de sa hiérarchie en affectant une vacataire de l’hôpital en qualité d’aide opératoire instrumentaliste au docteur Y, ce personnel devant rester à la charge financière du praticien

— de fréquents écarts ont été constatés entre le tableau de commission de bloc (résultant d’une réunion hebdomadaire pour adapter les besoins en personnel au bloc au regard des interventions de chaque chirurgien) et la retranscription sur les plannings et il avait été pointé le manque d’anticipation de Mme X rendant les plannings non fiables, ce qui avait nécessité la mise en place d’un rendez-vous quotidien avec Mme B pour l’aider dans la planification, directrice des soins infirmier ainsi qu’un tableau de suivi hebdomadaire. Mme X ne venait plus aux réunions hebdomadaires depuis le 8 septembre 2015, avait fait l’objet de mails de rappel et faisait preuve d’insubordination

— la salariée ne procède que par affirmation et tente de justifier ses manquements en invoquant des faits extérieurs et des motifs économiques non fondés

— Mme X présentait des antécédents disciplinaires et avait été alertée à plusieurs reprises : courrier du 15 janvier 2015, courrier du 29 mai 2015, avertissement du 27 novembre 2015 précédé d’un entretien du 19 novembre

Sur les demandes subséquentes

Mme X soutient être ainsi fondée à réclamer :

— un rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire du 9 décembre au 28 décembre 2015 sur la base d’un salaire de référence de 4765,83€

— une indemnité compensatrice de préavis de 3 mois compte tenu de son statut de cadre outre les congés payés afférents

— une indemnité conventionnelle de licenciement sur le fondement de l’article 47 de la convention collective

— une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au titre de l’article L1235-3 du code du travail devant tenir compte de son âge (55ans), de l’ostracisme dont elle a été victime dans le cercle des établissements de Marseille (ayant même dû adresser un courrier recommandé à son ancien employeur pour lui demander de cesser ses agissements) , de la difficulté à retrouver un emploi, ce qu’elle n’est parvenue à faire qu’en janvier 2017 à Tarbes (CDD dans une région éloignée de ses attaches personnelles et familiales) seulement jusqu’en octobre 2017 avant de se retrouver à nouveau sans emploi

— des dommages et intérêts pour préjudice distinct compte tenu du caractère vexatoire, brutal du licenciement à quelques jours de Noël avec privation de toute indemnité, pour des motifs non avoués, ce qui a choqué certaines collègues qui en atteste.

L’employeur s’oppose à titre principal aux demandes et à titre subsidiaire soutient que :

— le montant réclamé au titre de l’indemnité compensatrice de préavis est erroné puisqu’au regard de son salaire moyen de référence, elle ne peut revendiquer que 14 016, 24€ et 1401,62€ au titre des congés payés afférents

— l’indemnité conventionnelle de licenciement prévue à l’article 47 de la convention collective (1/5 de mois par année d’ancienneté et 2/5e au delà de 10 ans) doit être calculée sur le salaire de référence

— elle ne justifie pas d’un préjudice pouvant excéder les 6 derniers mois de salaire alors qu’elle n’a qu’une ancienneté de 3 ans, a retrouvé du travail dans le Tarn et réclame l’équivalent de 10 mois de salaire

— elle a été alertée de ses dysfonctionnements à plusieurs reprises et ne justifie pas d’un préjudice distinct alors que le préjudice allégué doit être né, certain et actuel, que la notion de préjudice nécessaire a été abandonnée.

Sur le rappel de prime sur objectifs

Mme X soutient ne pas avoir été remplie de ses droits à ce titre de 2012 à 2015 et en réclame le différentiel. Elle fait valoir que :

— l’article 5 de son contrat de travail prévoit le versement d’une prime annuelle de 10% de la rémunération brute, soit 4800€ 'si l’ensemble des objectifs fixés en début d’année sont atteints au terme de la période de référence'

— elle n’a rien perçu en 2012, la somme de 360€ au titre de l’année 2013, n’a rien perçu en 2014, la somme de 3565€ au titre de l’année 2015, soit un total de 3925€ durant la relation contractuelle sur les 15 200€ potentiels et même 7500€ pour l’atteinte de ses objectifs à 50%

— l’hôpital ne justifie par aucun élément objectif des sommes allouées et le tableau qu’il fournit ne peut en tenir lieu, ni les comptes rendu d’entretien annuel alors que ces objectifs comprennent des objectifs personnels mais également collectifs.

En réplique l’hôpital privé Résidence du Parc soutient qu’elle a été remplie de ses droits et n’a jamais fait de demande à ce titre durant la relation contractuelle. L’employeur fait valoir que :

— en application des règles de prescription (3 ans précédents la rupture du contrat de travail) elle ne peut réclamer un rappel de salaire antérieurement au 28 décembre 2012

— la prime annuelle est calculée pour 40% sur la base de l’objectif collectif correspondant au résultat d’exploitation et 60% sur la base de l’objectif individuel

— au titre de 2012 son CDD ne prévoyait pas de versement de prime et le contrat fait la loi des parties. Elle n’a été présente que 25 jours

— au titre de 2013 elle n’a atteint qu’une moyenne de 35% de ses objectifs individuels et l’objectif collectif n’a pas été atteint au regard du résultat négatif de l’hôpital

— au titre de 2014 elle n’a atteint qu’une moyenne de 31,25 % de ses objectifs individuels et l’objectif collectif n’a pas été atteint au regard du résultat négatif de l’hôpital

— au titre de 2015 elle n’a atteint qu’une moyenne de 45% de ses objectifs individuels et l’objectif collectif n’a pas été atteint au regard du résultat négatif de l’hôpital.

SUR CE

La demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée

En application des articles L1245-1 et L1245-2 du code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance de l’article L1242-1 ou de l’article L1242-12 alinéa 1 du même code et la qualification ouvre droit au salarié à une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

Selon l’article L1242-1 du code du travail, un contrat à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente.

C’est à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif d’accroissement temporaire de l’activité énoncé dans le contrat à durée déterminée.

Mais en l’espèce l’employeur ne fournit pas le moindre élément justificatif de la réorganisation complète des vacations opératoires des chirurgiens et anesthésistes alléguée, ni dans son existence ni dans ses conséquences sur la surcharge de travail qui en serait résulté. Ainsi faute de démontrer l’existence d’un événement occassionnel ayant nécessité un renfort temporaire, d’une tâche précisement définie et non durable, il en résulte que, nonobstant ses affirmations, l’hopital privé a bien recruté Mme X pour procéder à la gestion des vacations opératoires, en correspondance avec l’activité normale et permanente de l’entreprise.

L’employeur ayant eu irrégulièrement recours à un contrat à durée déterminée, il s’impose de

requalifier la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée et la salariée est fondée à obtenir une indemnité de requalification correspondant à la dernière moyenne de salaire mensuel perçue et pour le montant que les premiers juges ont exactement arrêté au vu des bulletins de salaire produits.

En revanche la relation contractuelle étant requalifié en contrat à durée indéterminée depuis le 5 novembre 2013 et ce, jusqu’à ce que l’employeur la licencie le 28 décembre 2015, la salariée n’est pas fondée à demander d’appliquer à la rupture intervenue le 30 novembre 2013 les règles régissant le licenciement. Elle doit en conséquence et par voie de confirmation être déboutée de ses demandes indemnitaires pour irrégularité de procédure, licenciement sans cause réelle et sérieuse et indemnité compensatrice de préavis.

Sur le rappel de salaire inter contrat entre le 1er décembre 2012 et le 6 janvier 2013 faute pour Mme X de rapporter la preuve qui lui incombe qu’elle s’est tenue à la disposition de l’employeur, le seul fait d’avoir été en capacité d’accepter le contrat à durée indéterminée ne suffisant pas, elle sera déboutée de ce chef de prétention par voie de confirmation.

La contestation du licenciement

Dès lors qu’un employeur, pour donner un effet immédiat à sa décision de rompre la relation de travail et se dispenser des obligations de délai-congé et d’indemnisation, a invoqué une faute grave du salarié, il lui incombe d’en rapporter la preuve dans les termes énoncés par la lettre de licenciement.

Les motifs de la faute doivent contenir des griefs précis, objectifs et matériellement vérifiables.

En l’espèce l’hôpital privé Résidence du Parc a articulé trois séries de motifs dans la lettre de licenciement qu’elle a notifié à E X le 28 décembre 2015.

Le premier motif a été rédigé comme suit :

'Nous avons été alertés de faits graves qui se sont produits le 3 décembre 2015 au sein du Bloc Opératoire de HP Résidence du Parc, dont vous avez la charge, relatifs d’une part à la mise en danger et à la sécurité de nos patients, et d’autre part à la responsabilité et à la sécurité du personnel paramédical et de la Direction de l’entreprise.

Particulièrement déstabilisés par l’existence d’une telle situation, nous avons pris le temps de l’investigation et de la réflexion. Le résultat est que nous sommes réellement choqués par de tels agissements et nous ne pouvons que déplorer le fait que votre responsabilité soit totalement engagée dans ce dysfonctionnement majeur.

En effet, le 3 décembre dernier, alors que des interventions en endoscopie étaient annoncées dans le programme opératoire dès 8H00 du matin, vous avez omis de planifier la présence d’une infirmière Diplômée d’Etat au sein de la Salle de Soins Post-lnterventionnelle.

Par conséquent, un étudiant infirmier alors présent et seul dans le service a pris la responsabilité de la préparation de la salle et des postes de réveils, avec une absence totale de directive. Cet infirmier n’étant pas encore diplômé, il n’était absolument pas habilité à assurer seul la prise en charge des patients en salle de réveil. Il s’est pourtant retrouvé 'livré à lui même’ de 8H00 à 8H55 et a dû faire face à la prise en charge intégrale de deux patients successifs.

Cette situation intolérable n’a cessée qu’à l’arrivée de l’infirmière Diplômé d’Etat titulaire qui devait prendre son poste à 9H00. Cette dernière a alors constaté les faits et vous a immédiatement alerté alors que vous étiez présente au sein du Bloc Opératoire et que vous avez laissé ces faits se produire à proximité!

Lors de l’entretien, vous avez reconnu ne pas avoir planifié l’affectation d’une infirmière Diplômé d’Etat entre 8 heures et 9 heures car vous étiez présente dans le Bloc Opératoire à cette heure-là et que selon vos propos, vous aviez prévu d’assurer vous -même une présence infirmière au sein de la salle de réveil. Or, vous avez reconnu ne pas avoir été présente entre 8 heures et 9 heures au sein de la salle de réveil. Vous nous avez également affirmé que personne, ni l’étudiant infirmier, ni le brancarclier, ni l’infirmière du bloc ne vous avez alerté lors de l’arrivée des patients en salle de réveil et qu’en conséquence, vous n’avez pas pu vous rendre disponible pour prendre en charge ces patients.

Or, vous n’aviez laissé aucune consigne en ce sens ce matin-la. Vous comprendrez qu’il est dans ce cas incontestable que votre responsabilité soit entièrement engagée dans la défaillance manifeste de la qualité de la prise en charge des patients entre 8 heures et 9 heures, ce matin du 3 décembre 2015.

En votre qualité de cadre de soins, cette situation est totalement inacceptable et nous ne pouvons tolérer que vous soyez responsable d’un tel manquement aux règles de sécurité.

En effet, de par les missions qui vous sont confiées, vous devez en tant que Chef de Bloc mettre tous les movens en 'uvre pour assurer la sécurité de nos patients et de notre personnel. Or, vous ne pouvez ignorer qu’en application du décret du 5 décembre 1994, vous devez vous assurer de la présence d’au moins une infirmière Diplômée d’Etat au sein

de la Salle de Soins Post-Interventionnelle. Force est constater que vous avez fait preuve d’une grave négligence en laissant cet étudiant seul responsable de cette salle. Fort heureusement pour nos patients, leur réveil n’a pas présenté de complications particulières, mais les conséquences auraient pu être d’ordre vital s’il y avait eu le moindre problème. Lors de l’entretien, votre réaction nous a particulièrement interpelés car vous n’avez pas semblé prendre la mesure de la gravité du risque encouru. En effet, vous nous avez malheureusement informés que ce n’était pas la première fois que ce tvpe d’événement se produisait au Bloc Opératoire, et que ponctuellement mais régulièrement vous constatiez l’absence d’infirmier Diplômé d’Etat en Salle de Soins Post-Interventionnelle et que dans ce cas, vous pouviez intervenir si nécessaire mais sans être systématiquement présente dans la salle, événement que ne pouvons pas accepter. Par ailleurs, selon vos propos, 'il ne s’agissait que de réveil suite à des endoscopies’ laissant suggérer que ce type d’intervention ne présentait pas de risque particulier, alors que comme vous l’a souligné votre Responsable Hiérarchique et comme vous l’avez par la suite admis, toutes les interventions comportent un risque et

nécessitent une prise en charge adaptée et sécurisée.

Ce comportement critique et ces faits sont d’autant plus graves que l’absence de l’infirmière Diplômé d’Etat en Salle de Soins Post Interventionnelle n’était pas une absence inopinée, de 'dernière minute’ ou liée à un événement exceptionnel qui se serait produit ce matin-là. Au contraire, vous ne pouviez ignorer qu’il n’y aurait pas de personnel habilité lors de l’ouverture de la salle ce matin-là. L’infirmière diplômée d’état titulaire était en absence maladie depuis le 13 novembre 2015. Dès le mardi 1er décembre 2015, vous aviez demandé à l’infirmière Diplômé d’Etat vacataire (en remplacement de la salariée titulaire en arrêt maladie) dont la présence en salle de réveil était initialement prévue à l’ouverture le jeudi 3 décembre à 8heures et affichée comme tel dans les plannings, de ne pas se rendre dans la salle de réveil mais d’assurer l’instrumentation du Docteur Y dès sa prise de poste. Nous ne pouvons que constater qu’après avoir donné cette consigne le 1er décembre 2015, vous ne vous étes pas occupée d’affecter un autre Infirmier Diplômé d’Etat sur le planning du 3 décembre 2015, ce qui a engendré ce dysfonctionnement intenable.

Votre défaillance est d’autant plus grave qu’un simple contrôle de votre part, à priori, aurait suffit afin de rétablir immédiatement la situation et prendre les décisions qui s’imposaient. Votre légèreté professionnelle est bien inquiétante.'

L’employeur justifie d’abord de l’exigence d’une présence permanente d’au moins un infirmier diplômé d’Etat formé à la surveillance post-interventionnelle dans la salle de surveillance post-interventionnelle pendant sa durée d’utilisation, prévue à l’article D712-49 du code de la santé publique issu du décret 94-1050 du 5 décembre 1994.

Il rapporte également la matérialité de l’absence d’un infirmier diplômé d’Etat le 3 décembre 2015 mais d’un seul infirmier stagiaire dans la salle de soins post-opérationnelle de 8h à 8h45/9h pour assurer l’accueil et la surveillance de deux patients ayant subi une endoscopie sous anesthésie. Il résulte en effet de l’attestation de K-L Z, étudiant en 2e année de soins infirmiers en stage dans l’établissement depuis le 15 septembre 2015, de celle de M-N O, infirmière, de celle d’Alexa D, directeur des opérations, que la salle de surveillance post-interventionnelle a été ouverte, mise en fonctionnement et gérée par Mr Z qui n’avait pas qualité pour le faire. Au demeurant l’absence d’un infirmier diplôme d’Etat durant ce laps de temps est admise par la salariée.

Il établit enfin que ces faits ne résultent pas d’un événement inopiné puisqu’il résulte des plannings produits que l’infirmière titulaire au service SSPI (comprenant quatre infirmières) normalement prévue à 8h le 3 décembre 2015 était en arrêt maladie depuis le 12 novembre et de l’attestation de Mme A, infirmière de bloc vacataire, qu’elle avait reçu consigne de Mme X le 1er décembre d’aller assister le 3 décembre le docteur Y au lieu d’effectuer sa vacation en salle post-opératoire. Elle indiquait ainsi sans être démentie par la salariée appelante que : 'le mardi 1er décembre 2015 à 9h15 j’ai reçu un appel de la cadre du bloc E X qui me demandait si pouvais venir aider le Pr Y à qui il manquait une instrumentiste… je suis donc allée l’aider ce jour-là jusqu’à 11h30. A la fin de ce programme Mme X m’a informé que ma vacation du jeudi 3/12/15 en SSPI de 8h à 20h était maintenue mais qu’elle me sortait de la salle de réveil le matin le temps du programme de Mr Y. Le jeudi j’ai donc appliqué ce qu’elle m’avait demandé et je suis allée directement en salle 11 sur la première intervention à 8h. Je ne me suis pas rendue en SSPI et je pensais que la cadre avait modifié l’organisation de la SSPI pour palier à mon déplacement du matin et pour assurer l’ouverture de la SSPI. Ce n’est qu’à 12h que j’ai pu rejoindre mon poste en salle de réveil et que j’ai appris que l’élève infirmier de 2e année avait ouvert la SSPI et l’avait tenu seul de 8h à 9h c’est à dire jusqu’à l’arrivée de la deuxième infirmière à 9h. Le programme d’endoscopie avait démarré à 8h15 et l’élève a dû prendre en charge le réveil'.

Il s’ensuit qu’en sa qualité de chef de bloc, responsable aux termes de sa fiche de poste de l’organisation logistique en matériel et personnel, garant de la sécurité des patients, Mme X n’a pas seulement omis de programmer une infirmière diplômée d’Etat conformément à la réglementation mais a délibérément positionné celle qui était prévue en remplacement de la titulaire en arrêt maladie depuis plus de 15 jours, sur une autre fonction, sans pourvoir la salle de post- intervention du personnel qualifié obligatoire.

Et les circonstances alléguées par la salariée appelante en ce qu’elle ne disposait pas des moyens nécessaires à l’accomplissement des tâches qui lui étaient dévolues, ne sont pas de nature à excuser le manquement retenu.

En effet Mme X fait d’abord valoir en premier lieu la complexité de sa tâche. Mais quand bien même celle-ci est avérée, cela ne prive pas de caractère fautif le manquement caractérisé à la réglementation impérative justifiée par l’objectif de sécurisation des patients.

Elle invoque ensuite sa charge de travail mais sans démontrer par les pièces produites qu’elle excédait le périmètre des fonctions définies dans sa fiche de poste et contractuellement acceptées, y compris l’absence d’adjonction d’un adjoint.

Enfin elle fait valoir les aléas, modification de plannings et dépassements des durées prévues des interventions, imputables aux patriciens et auxquelles elle était exposée comme l’ensemble des services. Si elle justifie de difficultés récurrentes et d’incessants ajustements notamment par la production d’échanges de mails avec les médecins, d’alertes, et de ce qu’elle devait couramment interpeller les intervenants pour recueillir des informations fiables à partir desquelles il lui fallait organiser les plannings du bloc, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une problématique connue, identifiée, pour une part inhérente à ce secteur d’activité et dont l’invocation générale est sans effet sur les faits en cause, qui ne relèvent pas comme il a été dit d’un événement imprévisible mais d’une absence déclarée depuis le 12 novembre 2015 et qui permettait une anticipation.

Dans le deuxième motif l’employeur a énoncé le grief suivant:

'll reste que la liste des griefs qui vous sont imputables n’est malheureusement pas close.

En effet, après vérification, cette infirmière vacataire est venue travailler alors que vous n’aviez pas fait de demande préalable de contrat de travail validée auprés de votre hiérarchie et ce n’est que le 4 décembre 2015, après relance du service ressources humaines qui avait vu la salariée dans notre établissement, que vous avez régularisé à posteriori la situation et avait fait votre demande de contrat pour un remplacement en salle de réveil alors que la salariée avait instrumenté tout la matinée du 3 décembre pour le Docteur Y.

Pourtant, selon les procédures en vigueur dans l’établissement et au sein du groupe, vous ne pouvez ignorer que toute embauche doit faire l’objet d’un accord préalable et qu’un contrat de travail à durée déterminée doit être signé avec chaque salarié au plus tard dans les 48 heures suivant son entrée dans l’entreprise. Malgré nos différents rappels à l’ordre et l’accompagnement de votre hiérarchie et du service ressources humaines pour vous aider dans la gestion de vos plannings, vous n’avez pas réussi à mettre en oeuvre une gestion optimisée des effectifs et vous avez manqué de rigueur dans la gestion des demandes de contrat de travail. Nous ne pouvons accepter que par votre gestion désinvolte, vous engagiez la responsabilité de l’entreprise sur le plan judiciaire.'

L’employeur justifie de ce que Mme X avait bien la responsabilité de procéder à des demandes d’autorisation d’embauche au moyen d’un formulaire spécifique. Il résulte en effet du mail de la responsable RH du 28 avril 2015 et du document 'process d’autorisation d’embauche’ qu’avait été mise en place une procédure d’autorisation pour le recrutement du personnel dans un objectif d’adaptation 'aux baisses tarifaires décidées par les pouvoirs publics’ et que dans ce schéma élargi au personnel soignant, les responsables de services, dont Mme X, devaient soumettre une demande d’autorisation d’embauche aux fins de signature du contrat dans les 48 heures de l’embauche.

Cependant l’employeur ne vise dans la lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige, que le défaut de transmission du contrat de l’infirmière vacataire Mme A.

Or s’il résulte bien du mail en date du 4 décembre 2015 à 10h04 que lui adresse H F, du service gestion/paie dans l’organigramme produit, que Mme A est passée au service RH pour signer son contrat du 3 décembre, ce qui n’a pas pu être fait faute de transmission préalable de demande de contrat, Mme X lui répond qu’elle le faxe le 4 décembre 2015 à 10h08, ce qu’elle fait effectivement à 10h11.

Il s’ensuit que le délai n’avait pas expiré pour la signature du contrat de travail, sans que le fait que l’initiative de la transmission de la demande préalable n’en revienne pas à Mme X, n’emporte la caractérisation de l’insubordination alléguée ni de la faute grave énoncée.

Il en résulte également que l’employeur ne peut se référer à un manque d’anticipation au regard du remplacement d’une salariée en arrêt maladie depuis le 12 novembre 2015 alors que la vacataire

n’était engagée qu’en fonction des stricts besoins sur des missions ponctuelles d’une journée, en tout état de cause s’agissant du contrat concernant le 3 décembre.

Et comme le souligne la salariée, le circuit de signature mis en place présentait des insuffisances que l’employeur tentait encore de corriger en décembre 2015, ce dont elle justifie par l’attestation d’une vacataire Mme C qui affirmait que les contrats n’étaient pas signés dans les 48 heures étant envoyés par la poste à son domicile, faute de temps pour aller les signer durant les missions et par les échanges de mails qu’elle avait avec Mme B les 2 et 7 décembre 2015 sur les correctifs à mettre en place pour assurer l’effectivité de la signature des contrats dans les délais.

Par ailleurs l’employeur énonce des griefs plus généraux relatifs au manque de gestion optimisée des effectifs dans l’élaboration des plannings, de rigueur dans la gestion des contrats des demandes de contrats de travail et encore plus généralement de la gestion désinvolte susceptible d’engager la responsabilité de l’établissement sur le plan judiciaire en dépit de l’accompagnement de sa hiérarchie et des rappels à l’ordre.

Sur l’accompagnement de la hiérarchie, l’employeur se réfère pour l’essentiel à l’action de Mme B, directeur des soins. Dans son attestation celle-ci affirme avoir procédé à un accompagnement en étant 'présente aux réunions de service pour la soutenir dans ses prises de décision', en organisant 'une formation spécifique auprès du service RH', en mettant en place en avril 2015 'un point hebdomadaire individuel..afin d’identifier l’ensemble des axes d’amélioration à mettre en oeuvre … auquel elle a cessé de venir à partir de la mi-septembre 2015", rendez-vous qui ressortait dans son mail du 13 mai 2015 adressé à Mme D, directeur des opérations comme étant quotidien ('suite aux difficultés chroniques en RH au bloc opératoire, j’ai informé E que nous nous verrions pour un point quotidien à 12h') et actions dont le contenu n’est assorti d’aucune précision concrète et tangible.

S’agissant des rappels à l’ordre, ils résultent effectivement des mails de Mme B:

— 'ces écarts sont inacceptables' mail du 8 décembre 2014 faisant suite à la remontée de remarques de la responsable paie Mme F

— interpellation par mail du 13 octobre 2015 en demandant pourquoi les praticiens n’avaient pas été prévenus de ce qu’il allait manquer une salle pour les opérations du jour alors que l’activité correspondait à celle qui avait été prévue lors de la commission de bloc, 'Ce manque d’anticipation met l’équipe du bloc et les praticiens en difficulté et surtout donne une image négative de nos organisations',

— mail des 3 et 4 décembre 2015 relatifs au manque de fiabilité dans l’élaboration des plannings du bloc présentant des discordances avec les tableaux de la commission de bloc et notamment 'ce type d’erreur que j’ai à de nombreuses reprises évoqué avec toi valide le discours de tes équipes qui considèrent que le 'planning est toujours faux'

Cependant le contenu même des griefs énoncés, leur étendue, hormis ce qui est ci-dessus rapporté au moyen d’appréciations du supérieur hiérarchique, n’est pas objectivé, ni corroboré par des éléments concrets.

Et la production du mail lapidaire adressé à Mme D par le docteur I J le 6 novembre 2015 'il est difficile d’être plus inefficace au niveau de l’organisation du bloc, c’est un désastre' qui n’est pas circonstancié se trouve dès lors dépourvu d’intérêt sur l’imputabilité du reproche à Mme X.

Surtout il ne résulte pas des pièces produite par l’employeur, qui s’est placé sur le terrain disciplinaire et non de l’insuffisance professionnelle, la preuve d’une faute précise et matériellement vérifiable.

L’employeur a présenté le troisième grief comme suit :

'Enfin, ces faits sont d’autant plus regrettables qu’ils n’auraient d’autant du jamais se produire si vous aviez respecté les consignes de votre hiérarchie. En demandant à cette infirmière vacataire d’instrumenter pour le Dr Y, vous alliez délibérément à l’encontre des directives qui vous avaient été données par la Directrice des Opérations. En effet, préalablement au 3 décembre 2015, cette dernière vous avait demandé de ne plus affecter d’infirmière salariée de l’établissement à la mission d’instrumentation de Monsieur Y, ce personnel devant rester à la charge financière du praticien (hors astreinte d’instrumentation). Encore une fois, nous déplorons le fait que vous ayez tout simplement ignoré cette consigne !'

La matérialité de l’affectation auprès du docteur Y par Mme X de l’infirmière vacataire Mme A le 3 décembre 2015 qui avait été recrutée aux termes de la demande d’embauche pour service de post-intervention, est établie par les pièces produites et au demeurant non contestée par la salariée.

En revanche l’employeur ne rapporte pas, par la seule affirmation de Mme D à l’occasion de l’attestation produite aux débats, que Mme X a enfreint les consignes de la direction prohibant la mise à disposition du personnel de l’établissement auprès des chirurgiens au motif que ceux-ci doivent garder à leur charge financière le personnel d’instrumentation. Il n’est pas produit de schéma d’organisation et de répartition des charges entre les praticiens et l’établissement ni de formalisation des consignes alléguées, pas plus que de les avoir, comme elle l’affirme, clairement signifiées à Mme X plusieurs semaines auparavant.

Enfin dans le quatrième et dernier motif, l’hopital privé Résidence du Parc a conclu la lettre de licenciement en ces termes :

'Particulièrement déstabilisés par le fait que vous avez pu être responsable de tels agissements et de tels dysfonctionnements au sein du Bloc opératoire de notre établissement, allant jusqu’à mettre en danger nos patients qui sont aussi nos clients, mais aussi jusqu’à mettre en difficulté notre personnel par votre négligence, il nous est ainsi désormais impossible de vous maintenir plus longtemps au sein de nos effectifs.

De plus, cette situation porte un préjudice à l’image de notre hôpital auprès du personnel soignant, sans compter qu’en cas de contrôle des autorités compétentes, les constats afférents aux différents manquements précités auraient sans doute entrainé des sanctions administratives lourdes avec toutes les conséquences qui en seraient résulté en terme d’image et de pertes économiques.

Vous êtes restée sur votre position et les explications que vous avez fournies au cours de notre entretien ne sont absolument pas de nature à modifier notre décision. Nous constatons que nous n’arrivons pas à rapprocher nos positions. Les agissements qui vont sont ainsi imputables ruinent le lien de confiance nécessaire à toute relation contractuelle pérenne.

Nous considérons que ces faits sont inacceptables et ne nous permettent pas la poursuite de votre contrat de travail, même pendant le préavis et sont constitutifs d’un licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnités de rupture.'

Mais l’employeur intimé n’apporte aucun élément précis au soutien de ce dernier grief énoncé en outre dans des termes restant généraux.

Il en résulte en définitive que l’employeur ne satisfait à son obligation probatoire que pour la faute énoncée au premier motif de la lettre de licenciement.

Mais il établit néanmoins que la salariée appelante, qui avait peu de temps auparavant fait l’objet

d’une sanction disciplinaire non contestée mettant notamment en cause sa gestion dans le flux des prélèvements au bloc opératoire et dans l’incident survenu, a commis une faute en organisant l’effectif de la salle de soins post-opératoire le 3 décembre 2015 de 8h à 9h avec la seule présence d’un élève infirmier de 2e année, sans y affecter d’infirmière diplômée d’Etat dont la présence constante est pourtant obligatoire dès lors que des patients, dont la sécurité était de la responsabilité de l’établissement, y étaient accueillis au sortir de leur intervention sous anesthésie.

Bien que ponctuelle et isolée cette faute, qui ne peut être excusée par les circonstances et moyens dont disposait la salariée pour accomplir ses missions et qui est incompatible avec la sécurité d’un établissement de santé, présente un caractère de gravité rendant impossible son mantien dans l’établissement, y compris durant la durée du préavis.

En conséquence et par voie de confirmation, la salariée sera déboutée de ses demandes subséquentes d’indemnité compensatrice de préavis, de rappel de salaire durant la mise à pied conservatoire, d’indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages et intérêts en application de l’article L1235-3 du code du travail et pour préjudice distinct outre les demandes de délivrance des documents de fin de contrat rectifiés et de remboursement des sommes versées par Pôle Emploi.

Les rappels de salaire au titre de la prime sur objectifs

Les parties étaient tenues par les stipulations du contrat de travail prévoyant le versement d’une prime annuelle variable pouvant atteindre 10% de la rémunération fixe brute annuelle plafonnée à 4800€ en fonction des objectifs atteints par la salariée.

La salariée qui ne conteste pas que les objectifs étaient fixés de manière claire, précise, réaliste et avant chaque période de référence, se limite à affirmer qu’elle les a toujours atteint sans recevoir la prime qui lui était due et que les sommes versées à ce titre (360€ au titre de l’année 2013 et 3565€ au titre de l’année 2015) ne sont justifiées par aucun élément objectif alors qu’il appartient à l’employeur de démontrer l’atteinte totale, partielle ou le défaut d’atteinte des objectifs fixés.

Concernant l’année 2012, le contrat de travail à durée déterminée a été requalifié en contrat à durée indéterminée aux conditions de ce dernier. Mais le contrat de travail ayant été rompu le 28 décembre 2015, en application des règles de la prescription, les demandes portant sur la période antérieure au 28 décembre 2012 sont prescrites.

Pour le surplus, il résulte des compte rendu d’entretien d’appréciation des années 2014, 2015 et 2015/2016 produits par l’employeur que la part variable de la rémunération s’établissait à 40 % sur la base d’un objectif collectif et à 60% sur la base d’objectifs individuels qualitatifs, précisément déterminés avec leur poids en pourcentage. Chacun des comptes rendus présente d’une part une appréciation de la performance de l’année passée par rapport aux objectifs fixés et d’autre part les nouveaux objectifs pour l’année à venir.

Les comptes rendus énoncent bien pour chacun des objectifs le niveau d’atteinte auquel est parvenue la salariée donné en pourcentage associé à une appréciation litérale ainsi qu’une appréciation globale d’ensemble, en l’espèce de niveau 2 correspondant à des objectifs partiellement atteints.

Mais d’une part il n’est produit aucun élément d’appréciation sur l’objectif collectif annuel et d’autre part ces comptes rendus sont insuffisants à rapporter des conditions de calcul vérifiables, ce que les fluctuations et les montants des sommes effectivement versées au titre de la prime annuelle sans concordance avec les appréciations portées vérifient.

En conséquence et par voie d’infirmation, il sera fait droit à la demande de la salariée dans la limite de trois années, déduction faite des sommes déjà versées, soit 10 475€.

Les dispositions accessoires

En application de l’article 700 du code de procédure civile, il est équitable que chacune des parties supporte ses frais irrépétibles. E X et l’hôpital privé Résidence du Parc seront déboutées de leurs demandes respectives à ce titre.

En application de l’article 696 du même code, il échet de mettre les dépens d’appel à la charge de l’employeur qui succombe en son appel incident et supporte une nouvelle condamnation.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, en matière prud’homale,

Déclare recevables l’appel principal et l’appel incident,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté E X de sa demande de rappel de salaire au titre de la prime sur objectifs,

Statuant à nouveau dans cette limite, y ajoutant,

Condamne l’hôpital privé Résidence du Parc à verser à E X la somme de 10 475€ à titre de rappel de salaire de prime sur objectifs

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions

Condamne l’hôpital privé Résidence du Parc à supporter les dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 11 septembre 2020, n° 17/13698