Cour d'appel de Bordeaux, 18 février 2016, n° 14/02366

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 18 févr. 2016, n° 14/02366
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 14/02366
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 3 mars 2014, N° 13/00806

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A


ARRÊT DU : 18 FEVRIER 2016

N° de rôle : 14/02366

SAS GERTHOFER

SOCIETE MUTUELLE D’ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS – SMABTP

c/

Société civile BUREAU D’ETUDES A ET PEYRES

SA ACTE IARD

Y CENTRE ATLANTIQUE

SA AXA FRANCE IARD (assureur de la Société BET A & PEYRES)

SAS QUALICONSULT

SA AXA FRANCE IARD (assureur de la SAS QUALICONSULT)

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 04 mars 2014 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 7°, RG : 13/00806) suivant déclaration d’appel du 17 avril 2014

APPELANTES :

SAS GERTHOFER, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis XXX

représentée par Maître Luc BOYREAU de la SCP LUC BOYREAU, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Jean CORONAT de la SCP AVOCAGIR, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

SOCIETE MUTUELLE D’ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS – SMABTP, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis XXX – XXX

représentée par Maître Luc BOYREAU de la SCP LUC BOYREAU, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Sylvie DE LESTRANGE, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

Société civile BUREAU D’ETUDES A ET PEYRES, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège XXX

représentée par Maître Clotilde CAZAMAJOUR de la SELAS CAZAMAJOUR & URBANLAW, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Benoît COUSSY, avocat plaidant au barreau de PARIS

SA ACTE IARD, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis Espace Européen de l’Entreprise – XXX – XXX

représentée par Maître Michel PUYBARAUD de la SCP MICHEL PUYBARAUD, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Sylvie FONTANIER, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE

Y CENTRE ATLANTIQUE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis XXX – XXX – XXX

représentée par Maître Olivier MAILLOT de la SELARL CABINET CAPORALE – MAILLOT – BLATT ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

SA AXA FRANCE IARD (assureur de la Société BET A & PEYRES), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis XXX – XXX

représentée par Maître Claire LE BARAZER de la SCP CLAIRE LE BARAZER & LAURÈNE D’AMIENS, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Blandine CACHELOU de la SCP EYQUEM BARRIERE – DONITIAN – CAILLOL -CACHELOU, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

INTERVENANTES :

SAS QUALICONSULT, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis XXX – XXX, et prise également en son établissement secondaire : avenue de l’Hippodrome – Techno Club – XXX

SA AXA FRANCE IARD (assureur de la SAS QUALICONSULT), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis XXX – XXX

représentées par Maître Claire LE BARAZER de la SCP CLAIRE LE BARAZER & LAURÈNE D’AMIENS, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistées de Maître SERRES substituant Maître LAUNAY de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocats plaidants au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 02 novembre 2015 en audience publique, devant la cour composée de :

Catherine FOURNIEL, président,

Jean-Pierre FRANCO, conseiller,

Catherine BRISSET, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

FAITS ET PROCEDURE :

1 ' Au cours des années 2000 et 2001, la société civile immobilière Verdet, aux droits de laquelle vient la société par actions simplifiée Sud SR3, a fait construire un bâtiment à usage industriel et commercial sur la commune d’Artigues (33). Cet immeuble a été donné à bail commercial à la société anonyme SAVRA, aux droits de laquelle se trouve la société anonyme DBF Bordeaux rive droite, qui y exploite une concession de véhicules automobiles de marque AUDI.

Sont notamment intervenus à l’acte de construire :

— la société anonyme Gerthofer, assurée auprès de la Société mutuelle d’assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), qui a réalisé les travaux de gros oeuvre ;

— la société Batidal, sous-traitante de la société Gerthofer pour des travaux de dallage ; cette société a disparu après une procédure de liquidation judiciaire ouverte le 09 juillet 2003 ; elle était assurée auprès de la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles, exerçant sous l’enseigne Y Centre Atlantique (le Y) ;

— la société civile Z A – H I, sous-traitante de la société Gerthofer pour les études de béton armé ; cette société a été assurée successivement auprès de la société anonyme Acte iard et de la société anonyme Axa France iard ;

— la société en nom collectif BDI Préfabrication, aux droits de laquelle se trouve la société KP1, sous-traitante de la société Gerthofer pour la réalisation de certains éléments en béton (longrines précontraintes et plancher ourdi) ;

— la société à responsabilité limitée Etudes Coordination Ingénierie (ECI), assurée auprès de la société anonyme Axa France iard, chargée d’une mission d’assistance et de coordination générale ;

— la société par actions simplifiée Qualiconsult, bureau de contrôle chargé d’une mission relative à la solidité des ouvrages et à la sécurité des personnes, également assurée auprès de la société anonyme Axa France iard.

La société Verdet avait souscrit une assurance 'dommages-ouvrage’ auprès de la compagnie AGF, devenue la société anonyme Allianz.

Aucun procès-verbal de réception n’a été établi, mais l’exploitation du site a commencé le 11 avril 2001.

Des désordres, consistant en des fissures évolutives sur les sols, étant apparus, le président du tribunal de grande instance de Bordeaux, par ordonnance de référé du 06 août 2001, a ordonné une expertise initialement confiée à F G, lequel a été remplacé, après son décès, par D E. Celui-ci a déposé son rapport le 31 mars 2008.

2 ' Le 08 avril 2004, pendant les opérations d’expertise, la société Verdet a fait assigner au fond l’assureur 'dommages-ouvrage', la compagnie AGF, devant le tribunal de grande instance de Bordeaux. Cette procédure a été enrôlée sous le numéro RG 04/4192. Ultérieurement, l’action a été reprise par la société Sud SR3, et la société DBF Bordeaux rive droite est intervenue volontairement à l’instance. Par ailleurs, au mois d’octobre 2005, la compagnie AGF a assigné en intervention forcée la société Gerthofer, la SMABTP, la société Qualiconsult et la société Axa France, prise en qualité d’assureur de cette société et de la société ECI, procédure qui a été enrôlée sous le numéro RG 05/10323. Le 27 janvier 2003, le juge de la mise en état a joint les deux dossiers sous le numéro RG 04/4192.

Au mois de février 2009, après le dépôt du rapport de l’expert, la société Gerthofer a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Bordeaux le Y, pris en sa qualité d’assureur de la société Batidal, la société A et I et la société KP1, venant aux droits de la société BDI Préfabrication, pour les faire condamner in solidum à la garantir de toutes condamnations pouvant être prononcées contre elle. Cette procédure a été enrôlée sous le numéro RG 09/2195. Au mois de septembre 2009, la société A et I a assigné ses deux assureurs successifs, les sociétés Acte iard et Axa France iard, ainsi que la société d’exercice libéral à responsabilité limitée Malmezat-Prat, prise en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Batidal, pour être relevée indemne de toutes les conséquences éventuelles de la mise en jeu de sa responsabilité. Cette procédure a été enrôlée sous le numéro RG 09/9016. Le 12 octobre 2010, la société Acte iard a fait assigner la société Qualiconsult en garantie de toute condamnation susceptible d’être prononcée contre elle. Cette procédure a été enrôlée sous le numéro RG 10/10284. Ces trois instances ont été jointes par le conseiller de la mise en état sous le numéro RG 09/2195, mais n’ont pas été jointes à l’instance principale numéro RG 04/4192.

Dans l’instance principale, le tribunal, par jugement du 27 octobre 2009, a statué sur les demandes des sociétés Sud SR3 et DBF Bordeaux rive droite et a renvoyé l’affaire à la mise en état afin que les parties concluent sur la recevabilité du recours en garantie de la société AGF, les dépens ayant été réservés. Cette décision a été frappée d’appel par la société Gerthofer et la SMABTP. Le 16 décembre 2010, la SMABTP, agissant en qualité d’assureur de la société Gerthofer, est intervenue volontairement dans le dossier RG 09/2195, en sollicitant un sursis à statuer jusqu’à ce que la cour se soit prononcée dans l’instance principale. Par ordonnance du 17 février 2012, le juge de la mise en état a fait droit à cette demande et a ordonné le retrait du rôle de l’affaire.

Par arrêt du 22 mars 2012, la présente cour a réformé pour partie le jugement du 27 octobre 2009. Elle a retenu le caractère décennal de l’ensemble des désordres affectant les zones 1, 3, 4 et 5 du bâtiment et a condamné, d’une part la société Allianz, prise en sa qualité d’assureur 'dommages-ouvrage', à payer à la société SUD SR3, au titre de ces désordres, une somme totale de 1 071 510,00 € HT indexée sur les variations de l’indice BT 01 entre le mois de juin 2006 et la date de la décision, avec intérêts au taux légal à compter de celle-ci, d’autre part in solidum la société Gerthofer et la SMABTP à payer à la société DBF Bordeaux rive droite, au titre du coût de l’aménagement d’une 'base de vie’ pendant la durée des travaux, une somme de 507 602 € HT indexée sur les variations de l’indice BT 01 entre le mois d’octobre 2005 et la date de l’arrêt, avec intérêts au taux légal à compter de celui-ci. La société Gerthofer et la SMABTP ont été condamnées in solidum aux dépens de l’appel. Elles ont formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt, dont elles se sont désistées le 31 juillet 2012.

3 ' A la suite de ce désistement, les sociétés SUD SR3 et DBF Bordeaux rive droite ont sollicité la réinscription du dossier RG 04/4192, qui avait été radiée par ordonnance du juge de la mise en état du 13 mai 2011, afin qu’il soit statué sur les frais irrépétibles et les dépens. L’affaire a été rétablie sous le numéro RG 12/11326. La société Allianz a alors formé une demande en garantie à l’encontre de la société Gerthofer et de la SMABTP, en indiquant avoir exécuté l’arrêt du 22 mars 2012. La société Gerthofer a elle-même engagé une action récursoire contre le Y, pris en qualité d’assureur de la société Batidal, contre la société KP1, la société A et I, la société Acte iard et la société Axa France iard, afin d’être relevée indemne de toutes les conséquences financières attachées au jugement du 27 octobre 2009, à l’arrêt du 22 mars 2012 et au jugement à intervenir.

Par jugement du 04 mars 2014 (RG 12/11326), le tribunal a d’abord fait droit à l’action en garantie de la société Allianz, en condamnant la société Gerthofer, avec la garantie de la SMABTP, à payer à cette société une somme de 1 313 345,39 €, avec intérêts au taux légal à compter du 07 mai 2012 sur la somme de 1 286 423,23 € et à compter du 21 décembre 2012 pour le surplus. Ensuite, il a déclaré irrecevable la société Gerthofer en son recours en garantie dirigé contre le Y, pris en qualité d’assureur de la société Batidal, en se fondant sur l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du 27 octobre 2009 et à l’arrêt du 22 mars 2012. Il l’a également déclarée irrecevable en son recours en garantie formé contre les sociétés KP1, A et I, Acte iard et Axa France iard, au motif que ces sociétés n’avaient pas été assignées dans le cadre de l’instance. Enfin, il a condamné in solidum la société Allianz, la société Gerthofer et la SMABTP à payer aux sociétés SUD SR3 et DBF Bordeaux rive droite une somme de 1 500,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter les dépens, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire.

La société Gerthofer et la SMABTP ont relevé appel de cette décision, en intimant seulement le Y. Par arrêt de ce jour (RG 14/2363), la cour a réformé le jugement du 04 mars 2014 (RG 12/11326) en ses dispositions relatives à cet assureur. Statuant à nouveau, elle a déclaré la société Gerthofer et la SMABTP recevables mais mal fondées en leur action directe. Elle les en a déboutées et les a condamnées aux dépens de l’appel.

4 ' L’instance en garantie, initialement enrôlée sous le numéro RG 09/2195, a été remise au rôle le 29 janvier 2013 sous le numéro RG 13/806. La société Axa France iard y est intervenue volontairement, en qualité d’assureur de la société Qualiconsult.

Par un second jugement du 04 mars 2014 (RG 13/806), le tribunal a donné acte à la SMABTP et à la société Axa France iard, ès-qualités, de leurs interventions volontaires. Il a déclaré irrecevable la demande en garantie de la société Gerthofer et de la SMABTP à l’encontre du Y, pris en qualité d’assureur de la société Batidal, en vertu de l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du 27 octobre 2009 et à l’arrêt du 22 mars 2012. Il a condamné la société A et I, avec la garantie de la société Acte iard, à relever indemne la société Gerthofer et la SMABTP à concurrence de 70 % des condamnations mises à la charge de la société Gerthofer au titre des secteurs 1, 3 et 5, soit de la somme de 751 102,23 € HT, avec intérêts légaux à compter du 07 mai 2012. Il a dit que la société Acte iard était fondée à opposer à la société Gerthofer et à la SMABTP ses plafonds de garantie et franchises contractuels. Il a mis hors de cause la société Axa France iard, prise en qualité d’assureur de la société A et I. Il a condamné la société KP1 à relever indemne la société Gerthofer et la SMABTP à concurrence de 70 % des condamnations mises à la charge de la société Gerthofer au titre du secteur 4, soit de la somme de 168 239,54 € HT, avec intérêts légaux à compter du 07 mai 2012. Il a condamné la société A et I, avec la garantie de la société Acte iard, à relever indemne la SMABTP à concurrence de 70 % de la part lui incombant au titre des condamnations mises à sa charge au profit de la société DBF Bordeaux rive droite par l’arrêt du 22 mars 2012, soit de la somme de 290 297,58 € HT, avec indexation sur les variations de l’indice BT 01 entre le mois d’octobre 2005 et la date de l’arrêt, et intérêts au taux légal à partir de celui-ci. Il a condamné la société KP1 à relever indemne la SMABTP à concurrence de 70 % de la part lui incombant au titre des condamnations mises à sa charge au profit de la société DBF Bordeaux rive droite par l’arrêt du 22 mars 2012, soit de la somme de 65 023,82 HT, avec indexation sur les variations de l’indice BT 01 entre le mois d’octobre 2005 et la date de l’arrêt, et intérêts au taux légal à partir de celui-ci. Il a dit que la société Gerthofer et la SMABTP seraient relevées indemnes par la société A et I, avec la garantie de la société Acte iard, et par la société KP1 à concurrence de 70 % des sommes mises à leur charge dans l’instance RG 12/11326 au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens et, sur cette base, à concurrence de 81,7 % par la société A et I, avec la garantie de la société Acte iard, et à concurrence de 18,3 % par la société KP1. Il a débouté cette société et la société Acte iard de toutes leurs demandes de garantie. Il a ordonné l’exécution provisoire. Il a dit n’y avoir lieu à condamnations sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Enfin, il a partagé les dépens entre, d’une part la société Gerthofer et la SMABTP, à concurrence de 30 %, d’autre part, pour les 70 % restants, entre la société A et I, avec la garantie de la société Acte iard, à hauteur de 81,7 % et la société KP1 à hauteur de 18,3 %.

Le 17 avril 2014, la société Gerthofer et la SMABTP ont relevé appel de cette décision, en intimant seulement la société A et I, les sociétés Acte iard et Axa France iard, prises en qualité d’assureurs de cette société, et le Y . Cette affaire a été enrôlée sous le numéro RG 14/2366. Par actes séparés des 18 et 19 septembre 2014, la société Acte iard a formé un appel provoqué à l’encontre de la société Qualiconsult et de la société Axa France iard, prise en qualité d’assureur de cette société.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

La société Gerthofer demande à la cour :

— en ce qui concerne le Y, pris en qualité d’assureur de la société Batidal, de dire qu’il n’y a pas autorité de la chose jugée au visa du jugement du 27 octobre 2009 et de l’arrêt du 22 mars 2012, de dire que la société Batidal a failli à son obligation contractuelle de résultat à son égard, de dire que le Y doit sa garantie, et de le condamner à la relever indemne de l’ensemble des sommes mises à sa charge en exécution tant de l’arrêt précité que du jugement du 04 mars 2014 (RG 12/11326) ;

— en ce qui concerne la société A et I et ses assureurs, de confirmer la part de responsabilité mise à la charge de cette société qui a failli à son obligation de résultat à son égard et qui doit la garantir, avec la société Acte iard, de l’ensemble des désordres et de leurs conséquences, objet des condamnations prononcées dans l’arrêt du 22 mars 2012 et le jugement du 04 mars 2014 (RG 12/11326), de dire qu’il sera fait application des conditions et plafonds éventuels des contrats d’assurance relatifs aux dommages matériels pour ce qui est des condamnations à paiement de travaux prononcées au profit du maître de l’ouvrage et des dommages immatériels pour les condamnations relatives à l’aménagement d’une base de vie prononcées au profit du locataire, à titre subsidiaire de dire que la société Axa France iard doit sa garantie, à titre très subsidiaire de la condamner, sur le fondement de l’article 1382 du code civil, à la garantir pour les mêmes sommes, enfin de débouter ses adversaires de leurs appels incidents ;

— en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens, de condamner in solidum le Y, la société A et I, la société Acte iard et la société Axa France iard, à lui payer une somme de 10 000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter la totalité des dépens, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire.

La SMABTP, qui déclare s’associer à l’argumentation développée par la société Gerthofer, prie la cour de déclarer recevables ses demandes à l’encontre du Y, de dire que celui-ci sera tenu, solidairement avec la société KP1, à la relever indemne à hauteur de 70 % des condamnations mises à sa charge au titre du secteur 4, soit 168 239,54 € HT avec intérêts légaux à compter du 07 mai 2012, et de 70 % de la part lui incombant au titre des condamnations mises à sa charge au profit de la société DBF Bordeaux rive droite par l’arrêt du 22 mars 2012, soit 65 023,82 € HT avec indexation sur les variations de l’indice BT 01 entre le mois d’octobre 2005 et la date de l’arrêt, et intérêts au taux légal à partir de celui-ci, ainsi que de 18,3 % des sommes mises à sa charge au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens, de condamner in solidum le Y, la société A et I, la société Acte iard et la société Axa France iard à la relever indemne de l’intégralité des condamnations mises à sa charge par le jugement du 27 octobre 2009, l’arrêt du 22 mars 2012 et le jugement du 04 mars 2014 (RG 12/11326), de dire qu’il sera fait application des conditions et plafonds éventuels des contrats d’assurance relatifs aux dommages matériels pour ce qui est des condamnations à paiement de travaux prononcées au profit du maître de l’ouvrage et des dommages immatériels pour les condamnations relatives à l’aménagement d’une base de vie prononcées au profit de l’exploitant, enfin de condamner le Y, la société A et I, la société Acte iard et la société Axa France iard à lui payer une somme de 10 000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter les dépens.

Le Y Centre Atlantique demande à la cour, à titre principal de déclarer la société Gerthofer et la SMABTP irrecevables en leurs demandes à son encontre, en raison de l’autorité de la chose jugée, et de débouter la société A et I de son appel incident, à titre subsidiaire de débouter les trois sociétés précitées de toutes leurs prétentions dans la mesure où sa garantie n’est pas mobilisable car il n’assurait que les conséquences de la responsabilité décennale de la société Batidal, laquelle est intervenue en qualité de sous-traitante en l’espèce, en toute hypothèse de condamner in solidum ses trois adversaires à lui payer une somme de 4 000,00 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter les dépens, en ce compris les frais d’expertise et de référé.

La société A et I, qui conteste avoir été le sous-traitant de la société Gerthofer, soutient que les désordres sont imputables à des fautes commises lors de l’exécution des travaux, notamment par la société Batidal qui a ajouté un excès d’eau dans le béton et a mal positionné les armatures, et non à des fautes de conception, cette absence de faute de conception ayant déjà été reconnue par la cour dans son arrêt du 22 mars 2012 à l’occasion du rejet de l’action dirigée contre la société Qualiconsult. Elle en conclut que la preuve d’une faute de sa part et d’un lien de causalité entre une telle faute et les dommages n’est pas rapportée. Relevant appel incident, elle prie la cour d’infirmer le jugement et, statuant à nouveau, à titre principal de juger la responsabilité pleine et entière de la société Batidal, de dire que le Y relèvera cette société indemne des conséquences de la mise en jeu de sa responsabilité et de débouter la société Gerthofer et la SMABTP du surplus de leurs demandes, à titre subsidiaire de dire que sa part de responsabilité ne saurait excéder 10 %, de réduire à de plus justes proportions le montant du préjudice allégué par la société Gerthofer, de dire le rapport d’expertise judiciaire opposable à la société Acte iard, de dire que cette société et la société Axa France iard la relèveront indemne des conséquences de la mise en jeu de sa responsabilité, de dire que ces assureurs lui doivent leur garantie en précisant que les plafonds prévus dans les contrats couvrent l’ensemble des sommes auxquelles elle pourrait être condamnée et qu’ils lui sont en tout état de cause inopposables, en toute hypothèse de condamner la société Gerthofer, la SMABTP, la société Batidal et le Y à lui payer une somme de 10 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter les dépens, et d’ordonner la restitution des sommes versées par elle, avec intérêts au taux légal.

La société Acte iard conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il l’a déclarée fondée à opposer les plafonds de garantie et franchises contractuels à l’assuré comme aux tiers et en ce qu’il a exclu toute condamnation in solidum. Relevant appel incident, elle demande à la cour de réformer pour le surplus, de dire que le montant des condamnations s’élève à la somme de 903 094,15 €, et non à celle de 1 041 399,81 € retenue par erreur par le tribunal, de dire qu’elle-même est fondée à opposer la prescription biennale de l’article L. 114-1 du code des assurances à la société A et I, de dire qu’en vertu de l’article 16 du code de procédure civile, le rapport d’expertise judiciaire et les condamnations prononcées en résultant lui sont inopposables, de sorte qu’elle devra être mise hors de cause, d’exclure sa garantie au motif que le dommage était apparent à la prise de possession par le maître de l’ouvrage, d’exclure sa garantie pour les dommages à l’ouvrage et pour le coût d’aménagement d’une base de vie si ce coût est qualifié de dommage immatériel, de condamner, si sa garantie était retenue, la société Qualiconsult et son assureur, la société Axa France iard, à la relever indemne des condamnations prononcées contre elle, lesquelles, en toute hypothèse, ne devraient pas excéder un taux de 20 % de responsabilité pour la société A et I, de débouter la société Qualiconsult et son assureur de leurs demandes de dommages et intérêts et d’indemnisation de leurs frais irrépétibles, d’exclure de sa garantie les frais irrépétibles et les dépens de l’instance numéro RG 12/11326, enfin de condamner la société Gerthofer et la SMABTP à lui payer une somme de 5 000,00 € sur la base de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter les dépens.

La société Axa France iard, agissant en qualité d’assureur de la société A et I, conclut à la confirmation du jugement en ses dispositions la concernant et sollicite la condamnation in solidum de la société Gerthofer et de la SMABTP à lui payer une somme de 4 000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter les dépens. A titre infiniment subsidiaire, elle prie la cour de dire irrecevables les demandes en garantie formées par la société Gerthofer au titre des condamnations prononcées au profit de la société DBF Bordeaux rive droite (frais d’installation de la base de vie) et de dire qu’elle-même est fondée à opposer à son assuré et aux tiers ses plafonds et franchises contractuels revalorisés.

La société Qualiconsult et la société Axa France iard, agissant en qualité d’assureur de cette société, concluent à la confirmation du jugement en ses dispositions les concernant. Elles réclament la condamnation de la société Acte iard à leur payer une somme de 20 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et injustifié, outre une somme de 40 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter les dépens.

DISCUSSION :

/ Sur la procédure :

Selon l’article 445 du code de procédure civile, 'après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l’appui de leurs observations, si ce n’est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444'.

En l’espèce, postérieurement à la clôture des débats qui a eu lieu à l’audience du 02 novembre 2015, le conseil de la société A et I a adressé à la cour deux notes en délibéré les 25 novembre et 18 décembre 2015. Par messages électroniques des 27 et 30 novembre 2015, l’avocat du Y et celui des appelantes ont sollicité le rejet des débats de la première de ces notes. Par lettre du 18 décembre 2015, l’avocat des appelantes a réclamé le rejet de la seconde. En application du texte précité, il convient de déclarer ces deux notes irrecevables.

/ Sur les demandes de la société Gerthofer et de la SMABTP :

a) sur les demandes dirigées contre le Y :

Les demandes que la société Gerthofer et la SMABTP ont formées à l’encontre du Y dans le cadre de la présente instance sont exactement les mêmes que celles qu’elles ont présentées dans l’instance numéro RG 14/2363, née de leur appel à l’encontre du jugement du 04 mars 2014 (RG 12/11326). Cependant, par arrêt de ce jour (RG 14/2363), la cour, statuant sur cet appel, a réformé le jugement précité en ses dispositions relatives au Y, a débouté celui-ci de sa fin de non-recevoir prise de l’autorité de la chose jugée, a déclaré les demanderesses recevables en leur action directe à son encontre, mais les y a déclarées mal fondées, au motif qu’elles ne démontraient pas que le contrat d’assurance souscrit par la société Batidal ait comporté une garantie facultative de la responsabilité du sous-traitant, et les en a déboutées. Cette décision ayant 'dès son prononcé’ l’autorité de la chose jugée, ainsi qu’il est dit à l’article 480 du code de procédure civile, et le juge pouvant soulever d’office la fin de non-recevoir tirée de la chose jugée, conformément aux dispositions de l’article 125 alinéa 2 du même code, il convient, dans la présente instance, de confirmer, par substitution de motifs, le jugement en ce qu’il a déclaré la société Gerthofer et la SMABTP irrecevables en leurs demandes dirigées contre le Y.

b) sur les demandes dirigées contre la société A et I :

Le sous-traitant est contractuellement tenu, à l’égard de l’entrepreneur principal, de l’obligation de résultat de réaliser une prestation exempte de vice. Il peut s’exonérer en tout ou en partie de sa responsabilité par la preuve d’un cas de force majeure ou d’une faute de l’entrepreneur principal.

En l’espèce, la société Gerthofer et la SMABTP soutiennent que la société A et I était le sous-traitant de la société Gerthofer et qu’elle a engagé sa responsabilité contractuelle parce qu’elle a failli à son obligation de résultat.

1 ' Pour conclure à la réformation du jugement et au débouté de ses adversaires, la société A et I fait d’abord valoir qu’elle n’est pas intervenue en qualité de sous-traitante de la société Gerthofer, mais 'aux côtés’ de cette société, 'pour le compte du maître d’ouvrage’ (page 3, paragraphe 2 de ses dernières écritures du 13 octobre 2015). A titre de preuve de ses affirmations, elle invoque l’historique de l’affaire, ainsi relaté dans le rapport d’expertise judiciaire : 'Le maître d’ouvrage s’est également, pendant cette phase de consultation des entreprises et de mise au point des marchés, rapproché du bureau d’études A, sans signer de contrat direct avec le B.E.T. Il a par la suite demandé par courrier du 5 octobre 2000 à la société Gerthofer Ets Feydel « d’assurer la prestation » Bureau d’Etudes A « honoraires béton » pour une rémunération de 60 000 frs HT venant en complément du marché initial de la SA Gerthofer Ets Feydel, qui s’est vu confier le lot gros oeuvre’ (page 27 du rapport d’expertise, troisième et deuxième paragraphes avant la fin).

Cependant, il résulte de l’historique qui précède, d’une part que le maître de l’ouvrage, la société Verdet, n’a signé aucun contrat avec la société A et I, d’autre part qu’il a demandé à la société Gerthofer de faire assurer les études de béton armé par le bureau A et I pour un montant de 60 000 frs HT (9 146,94 €). Ceci correspond parfaitement à ce que la société A et I a toujours indiqué dans ses écritures antérieures, en se présentant comme le sous-traitant de la société Gerthofer. C’est ainsi qu’elle a précisé, dans ses assignations du mois de septembre 2009, que 'Le bureau d’études A I est, quant à lui, intervenu en qualité de sous-traitant de la société Gerthofer Ets Feydal afin de réaliser les études béton que cette dernière devait ensuite exécuter’ (page 4, paragraphe 1 de ces actes). Elle a confirmé ce rôle dans ses dernières conclusions devant le tribunal, remises par voie électronique le 12 décembre 2013 ('La société Gerthofer a sous-traité l’exécution du dallage à la société Batidal, assurée auprès de la compagnie Y, les études béton au bureau d’études A-I, et la fourniture de divers matériaux à la société KP1' : page 2 desdites conclusions). La qualité en laquelle elle est intervenue aux opérations de construction se trouve au demeurant démontrée par les trois factures de ses prestations, en date des 31 août, 1er octobre et 26 octobre 2000, qui sont établies à l’ordre de la société Gerthofer, et non à celui du maître de l’ouvrage, pour un montant total de 60 000 frs HT (9 146,94 €). Le moyen selon lequel elle n’aurait pas été le sous-traitant de la société Gerthofer n’est donc pas fondé. Il s’ensuit qu’elle se trouvait soumise, à l’égard de cette société, à l’obligation de résultat de réaliser une prestation exempte de vice.

2 ' L’expert judiciaire a indiqué, au vu de l’analyse d’un sapiteur, Wolfgang Jalil, de calculs réalisés par un bureau d’études, le bureau Séchaud et Metz, et d’essais effectués par le CEBTP, que la cause des désordres provenait du fait que l’entreprise et son bureau d’études n’avaient pas respecté les prescriptions des documents techniques unifiés BPEL (béton précontraint) et X (béton armé), en ne prenant pas en compte les charges roulantes dans les zones concernées, ni les efforts des variations linéaires dues à différentes actions, telles que le retrait du béton bridé à ses extrémités, le fluage des longrines précontraintes, la variation uniforme de température et le gradient thermique pour certaines zones (page 34 de son rapport). Il a précisé que le défaut de conformité des calculs de la société A et I pour les secteurs 1, 3 et 5 du bâtiment était 'la cause principale de l’apparition des désordres rencontrés’ (idem, page 43), ajoutant que deux autres causes avaient concouru à la production des dommages, à savoir un mauvais positionnement des aciers supérieurs qui avaient été écrasés lors du coulage de la dalle, défaut imputable à la société Gerthofer et à son sous-traitant, la société Batidal, et la mise en place d’un béton trop mouillé, défaut imputable à la seule la société Batidal (idem, pages 43 et 44).

La société A et I conteste formellement l’avis du technicien, en soutenant que les désordres ont été exclusivement dus aux deux fautes d’exécution susmentionnées, et non à des fautes de conception qu’elle aurait commises, et que sa mission de conception ne pouvait inclure l’hypothèse d’erreurs de réalisation. Elle invoque à ce sujet un avis du sapiteur Jalil, en réponse à un dire n° 8 de la société Qualiconsult du 26 janvier 2007, qui insiste sur le fait que les ajouts d’eau sur le chantier n’étaient pas conforme à la norme applicable, et une étude réalisée pour le compte de la société Qualiconsult par B C, professeur en pathologie des constructions en béton armé, qui attribue la survenance des désordres à un excès d’eau de gâchage et à une cure insuffisante du béton (pages 5 et 26 de cette étude, annexée au dire précité). Elle se prévaut également d’un rapport d’essais de la dalle en béton du 28 mai 2002, établi à la demande du premier expert judiciaire, F G, qui conclut à une résistance du béton à la compression de 22 MPa, au lieu de 25 MPa recommandée par elle-même. Enfin, elle produit la copie d’une lettre de la société Gerthofer du 15 mai 2001, adressée à la société ECI, dans laquelle il est indiqué que sur cinq toupies, il y a eu des rajouts de 80 ou 100 litres d’eau.

Toutefois, si dans sa réponse au dire de la société Qualiconsult, le sapiteur Jalil critique l’ajout d’eau sur le chantier en indiquant qu’il était 'non conforme à la norme NF EN 206-1 (§ 7,4)' (page 54 du rapport d’expertise) et qu’il a 'joué un rôle certain d’aggravation de la fissuration’ (idem, page 55), et s’il précise également 'qu’au stade de la conception, nul ne pouvait ou devait intégrer ces malfaçons d’exécution de l’entreprise dans le dimensionnement ou la vérification de la structure’ (idem, page 54), il n’en maintient pas moins son analyse sur le fait que le bureau d’études n’a pas respecté notamment l’article B.5,6 du X (idem, page 55). Par ailleurs, l’expert judiciaire, qui a eu connaissance de l’étude de B C, ainsi que d’un long dire technique de la société A et I du 28 décembre 2006, n’en a pas adopté les conclusions en totalité, sans que la société précitée démontre, par un avis technique postérieur au dépôt du rapport, que celui contienne une analyse erronée. Le rapport d’essais du 28 mai 2002 n’est pas exploitable, dans la mesure où les préconisations du bureau d’études, en matière de résistance du béton à la compression ne sont pas connues. Enfin, la lettre de la société Gerthofer du 15 mai 2001 démontre que de l’eau a été ajoutée dans le béton par la société Batidal, ce qui a été reconnu lors des opérations d’expertise et n’est pas contesté.

Il résulte de ce qui précède que les études de béton réalisées par la société A et I pour les secteurs 1, 3 et 5 du bâtiment comportent des défauts de conformité aux normes en vigueur, et donc des erreurs de conception, qui sont à l’origine des désordres survenus. C’est à tort que cette société le conteste en faisant valoir que la cour aurait reconnu l’absence de toute faute de conception dans son arrêt du 22 mars 2012, en rejetant l’action récursoire dirigée contre la société Qualiconsult. En effet, ce rejet a été fondé sur le fait que cette société n’avait été chargée que d’une mission de contrôle relative à la solidité des ouvrages et qu’aucune atteinte à cette solidité, au sens de l’article 1792 du code civil, n’avait été constatée en l’espèce, mais seulement des impropriétés à la destination des lieux. En définitive, il apparaît que la responsabilité de la société A et I, dont la prestation n’était pas exempte de vice, se trouve engagée de plein droit envers l’entrepreneur principal, la société Gerthofer.

3 ' La société A et I soutient à titre subsidiaire que sa responsabilité, à la supposer établie, ne saurait excéder 10 %, dans la mesure où les fautes de la société Batidal et de la société Qualiconsult ont largement concouru à l’apparition des désordres.

Toutefois, dans ses relations avec l’entrepreneur principal, le sous-traitant ne peut être exonéré de sa responsabilité que par la preuve d’un cas de force majeure ou d’une faute de son donneur d’ordres. En l’espèce, la société A et I n’invoque aucun cas de force majeure. En revanche, l’expert a expressément retenu comme autres causes ayant concouru à la production des désordres un mauvais positionnement des aciers et la mise en place d’un béton trop mouillé. Il a imputé ces fautes à la société Gerthofer et à son sous-traitant, la société Batidal, en ce qui concerne la première et à la société Batidal seule en ce qui concerne la seconde. L’entrepreneur principal répondant de ses fautes et de celles de ses autres sous-traitants, c’est à bon droit que le tribunal, tenant compte du caractère prépondérant, en terme de causalité, des défauts de conformité des calculs de la société A et I, a déchargé celle-ci de 30 % de sa responsabilité seulement envers la société Gerthofer. Cette décharge partielle étant conforme aux conclusions de l’expert et n’étant d’ailleurs pas contestée par la SMABTP, il convient de confirmer le jugement sur ce point.

4 ' Compte tenu de la part de responsabilité retenue, les premiers juges ont d’abord condamnée la société A et I à relever indemne la société Gerthofer et la SMABTP à concurrence de 70 % des condamnations mises à la charge de la société Gerthofer au titre des secteurs 1, 3 et 5, soit de la somme de 751 102,23 € HT, avec intérêts légaux à compter du 07 mai 2012. La société A et I demande à la cour de réduire ce montant à de plus justes proportions. De son côté, la société Acte iard soutient que la condamnation est entachée d’une erreur matérielle et qu’elle aurait dû être fixée à la somme de 612 796,56 €. Elle en sollicite la rectification.

Le tribunal n’a pas expliqué en détail comment il était parvenu à la somme de 751 102,23 € HT. Cependant, les éléments du dossier permettent de reconstituer son raisonnement. Les premiers juges sont partis du montant total du coût des travaux de réfection des quatre secteurs du bâtiment atteints de désordres, tel que ce coût avait été déterminé par l’expert judiciaire et repris par la cour dans la condamnation prononcée contre l’assureur 'dommages-ouvrage', la société Allianz, par l’arrêt du 22 mars 2012, à savoir la somme de 1 071 510,00 € HT. Ensuite, ils ont déterminé le montant des travaux afférents aux secteurs 1, 3 et 5, pour lesquels ils avaient retenu la responsabilité de la société A et I, soit la somme de 875 410,00 € (371 140,00 € + 308 170,00 € + 196 100,00 €, selon le détail donné par l’expert à la page 38 de son rapport), le surplus, c’est-à-dire la somme de 196 100,00 €, concernant le secteur 4, pour lequel ils avaient retenu la responsabilité de la société KP1, autre sous-traitant de la société Gerthofer. Après cela, ils ont calculé le pourcentage de ces deux sommes dans le coût total des travaux et ont abouti à une part de 81,7 % pour la société A et I, et à une part de 18,3 % pour la société KP1. Puis ils ont appliqué le pourcentage de 81,7 % sur le montant de la condamnation prononcée, dans le premier jugement du 04 mars 2014 (RG 12/11326), au profit de la société Allianz, contre la société Gerthofer et la SMABTP, à savoir la somme de 1 313 345,39 €, ce qui leur a donné un résultat de 1 073 003,18 €. Enfin, ils ont appliqué à ce montant le pourcentage de responsabilité retenu pour la société A et I, c’est-à-dire 70 %, obtenant un résultat de 751 102,23 €. C’est à cette dernière somme qu’ils ont fixé la condamnation prononcée, dans le second jugement du 04 mars 2014 (RG 13/806), au profit de la société Gerthofer et de la SMABTP, contre la société A et I.

Il ne résulte de ce qui précède, ni que le tribunal ait fixé un montant excessif, ni qu’il ait commis l’erreur matérielle qui lui est reprochée. Son raisonnement est cohérent et abouti à une parfaite indemnisation de la société Gerthofer et de la SMABTP. Du reste, ces sociétés ne critiquent pas le montant de la condamnation qui a été prononcée à leur avantage. Par ailleurs, la société Acte iard n’indique pas à quoi correspond, selon elle, le montant de 612 796,56 € qu’elle propose à la cour de substituer à celui de 751 102,23 €. Il y a donc lieu de confirmer le jugement en sa disposition précitée.

Le tribunal a également condamné la société A et I à relever indemne la SMABTP à concurrence de 70 % de la part lui incombant au titre des condamnations mises à sa charge au profit de la société DBF Bordeaux rive droite par l’arrêt du 22 mars 2012, soit de la somme de 290 297,58 € HT, avec indexation sur les variations de l’indice BT 01 entre le mois d’octobre 2005 et la date de l’arrêt, et intérêts au taux légal à partir de celui-ci. Pour parvenir à ce montant, les premiers juges ont appliqué le pourcentage de 81,7 % sur la condamnation prononcée dans l’arrêt de la cour du 22 mars 2012 à l’encontre de la société Gerthofer et de la SMABTP au titre de l’aménagement d’une 'base de vie’ pendant la durée des travaux (507 602,00 € HT), obtenant un résultat de 414 710,83 €, somme sur laquelle ils ont appliqué le pourcentage de responsabilité retenu pour la société A et I, c’est-à-dire 70 %, ce qui leur a donné un résultat de 290 297,58 €. Ce calcul ne faisant l’objet d’aucune critique et étant justifié, le jugement sera confirmé sur ce point.

c) sur les demandes dirigées contre la société Acte iard :

La société Acte iard a été l’assureur de la société A et I, selon un 'Contrat d’assurance de la responsabilité des professions libérales du B.T.P.' n° 2 607700, qui a été souscrit à effet du 1er janvier 1996 et résilié à la date du 31 décembre 2000. Cette convention contient une garantie facultative de la responsabilité du sous-traitant, ainsi énoncée en son article 3, 112-2 : 'lorsque l’assuré est titulaire d’un contrat de sous-traitance, la société garantit, dans les conditions et limites posées par l’article 1792 du code civil, le paiement des travaux de réparation de la construction relevant des ouvrages de bâtiment, à la réalisation de laquelle il a contribué, lorsque sa responsabilité est recherchée, en sa qualité de sous-traitant, en vertu de l’obligation contractuelle de droit commun à laquelle il peut être tenu vis-à-vis du locateur d’ouvrage titulaire du marché ou d’un sous-traitant'. Le tribunal, après avoir constaté que la déclaration préalable d’ouverture de chantier avait été signée le 10 juillet 2000 et que les prestations exécutées en sous-traitance par la société A et I avaient été accomplies aux mois d’août et d’octobre 2000, c’est-à-dire avant la résiliation du contrat d’assurance, a condamné cette société, au profit de la société Gerthofer et de la SMABTP, 'avec la garantie de la SA Acte iard'. Celle-ci relève appel incident de cette disposition, en contestant sa garantie.

1 ' En premier lieu, la société Acte iard rappelle qu’elle oppose à la société A et I la prescription biennale prévue à l’article L. 114-1 du code des assurances. Elle soutient que le tribunal ne pouvait la condamner sans trancher cette question, qu’elle lui avait soumise dans le dispositif de ses conclusions.

Cependant, l’action directe de la victime à l’encontre de l’assureur du responsable du dommage n’est pas soumise à la prescription biennale du code des assurances, mais à la prescription de droit commun. La société Acte iard n’invoquant à l’encontre de la société Gerthofer et de la SMABTP que la prescription biennale qu’elle oppose à son assuré, son moyen de défense est dépourvu de portée à l’égard de ces sociétés. Par ailleurs, elle ne critique pas les motifs par lesquels le tribunal a estimé que les demanderesses à l’action directe avaient agi avant toute prescription, en concluant contre elle avant l’expiration du délai décennal (page 11, paragraphe 4 du jugement). Le moyen tiré de la prescription n’est donc pas fondé.

2 ' En deuxième lieu, la société Acte iard estime que le rapport de l’expert judiciaire ne lui est pas opposable, car elle n’a pas été appelée aux opérations du technicien. Elle ajoute que ce rapport est la seule pièce versée aux débats comme élément de preuve de la responsabilité de son assuré. Elle sollicite en conséquence sa mise hors de cause, sur le fondement de l’article 16 du code de procédure civile, invoquant en outre un arrêt de la Cour de cassation aux termes duquel 'le juge, tenu de faire respecter et de respecter lui-même le principe de la contradiction, ne peut se fonder exclusivement, pour déterminer le montant de l’obligation d’une partie, sur un rapport d’expertise non contradictoire à son égard, dont celle-ci soutenait expressément qu’il lui était inopposable’ (1re chambre civile, 24 avril 2013, pourvoi n° 12-15246).

Toutefois, 'l’assureur qui, en connaissance des résultats de l’expertise dont le but est d’établir la réalité et l’étendue de la responsabilité de son assuré qu’il garantit, a eu la possibilité d’en discuter les conclusions, ne peut, sauf s’il y a eu fraude à son encontre, soutenir qu’il lui est inopposable’ (3e chambre civile, 2 mars 2011, pourvoi n° 10-10317). En l’espèce, la société Acte iard, si elle indique que la carence de son assuré et des autres parties ne lui a pas permis de présenter des observations à l’expert, n’invoque pour autant aucune fraude à son encontre. Par ailleurs, ayant été assignée au fond au mois de septembre 2009, elle a été en mesure de discuter depuis cette date les conclusions de l’expert, mais n’a produit aucun élément de nature à les contester. C’est donc à bon droit que le tribunal a indiqué, dans les motifs de sa décision, qu’elle n’était pas fondée à soutenir que le rapport lui était inopposable.

3 ' En troisième lieu, la société Acte iard fait valoir que selon l’article 3, 112-2 des conditions générales de son contrat, la responsabilité de son assuré, agissant en qualité de sous-traitant, n’est garantie que 'dans les conditions et limites posées par l’article 1792 du code civil'. Elle indique qu’en l’espèce, les désordres affectant les secteurs 3 et 5 étaient apparents à la réception, que le maître de l’ouvrage avait d’ailleurs émis des réserves encours de chantier, et qu’aucune réception n’a été prononcée. Elle en conclut qu’il n’était pas possible de caractériser une réception tacite, en l’absence de vices cachés comme d’une volonté non équivoque du maître de l’ouvrage d’accepter celui-ci, de sorte que sa garantie n’est pas due.

Cependant, les désordres affectant le secteur 1 (hall d’exposition au standard AUDI) ne sont apparus qu’après la prise de possession des lieux par le maître de l’ouvrage et mise en service de l’immeuble (pages 31 à 33 du rapport d’expertise). S’il est exact que les fissures affectant les secteurs 3 et 5 (ateliers et magasins d’une part, sous-sol à usage de locaux du personnel, d’archives et de zone de lavage d’autre part) sont apparues vers le 29 mars 2001, date à laquelle il en est fait mention pour la première fois dans les comptes rendus de chantier, c’est-à-dire une douzaine de jours avant la prise de possession par le maître de l’ouvrage qui a eu lieu le 11 avril 2001, l’expert a noté que leur caractère évolutif, leur gravité et leurs causes structurelles n’avaient été perçus qu’après cette prise de possession (idem, pages 33 et 34). Il s’ensuit que ces désordres présentaient bien un caractère caché lors de celle-ci. Par ailleurs, s’il est vrai que les comptes rendus de chantiers mentionnent qu’une réception définitive devait avoir lieu le 05 avril 2001, puis qu’une vérification de l’exécution des travaux aurait lieu le 11 avril 2001 (idem, page 33), et qu’aucun procès-verbal de réception n’a en définitive été établi, il n’en demeure pas moins que le maître de l’ouvrage a pris possession des locaux le 11 avril 2001, que le prix des travaux a été payé puisque aucune contestation n’a été ultérieurement soulevée sur ce point, et que l’exploitation par le locataire commerçant a aussitôt commencé. C’est donc avec raison que dans les motifs du jugement du 27 octobre 2009, le tribunal a estimé que ces éléments caractérisaient une volonté du maître de l’ouvrage de recevoir celui-ci. Certes, cette décision n’a aucune autorité de la chose jugée puisqu’elle a seulement été exprimée dans les motifs du jugement, sans être tranchée dans le dispositif. Néanmoins, la cour peut reprendre ce raisonnement dans le cadre de la présente instance. Il apparaît ainsi que le moyen pris du défaut de réception n’est pas fondé.

4 ' En quatrième lieu, la société Acte iard fait valoir que la garantie de la responsabilité de la société A et I intervenant en qualité de sous-traitant était une garantie facultative, qui faisait l’objet d’une exclusion, en cas de résiliation de la convention, énoncée en ces termes à l’article 6, 212-1 des conditions générales : 'les garanties seront maintenues sans paiement de cotisation subséquente pour les dommages survenus postérieurement à la date de cessation du contrat et engageant la responsabilité contractuelle ou quasi délictuelle de l’assuré, à l’exclusion toutefois de tous dommages à l’ouvrage et de tous dommages immatériels consécutifs'. Elle soutient que s’agissant d’une exclusion de garantie formelle, limitée et rédigée en termes apparents, le tribunal aurait dû l’appliquer et exclure sa garantie.

Toutefois, la garantie de la responsabilité de l’assuré, agissant en qualité de sous-traitant, prévue à l’article 3, 112-2 des conditions générales, fait l’objet d’une disposition spéciale, ainsi énoncée à l’article 6, 12 de ces mêmes conditions : 'après la résiliation du contrat, la garantie afférente aux travaux visés aux articles 3, 112 à 3, 112-3 est maintenue pendant dix ans à compter de la réception des travaux, sans paiement de cotisation subséquente'. La clause invoquée par la société Acte iard concerne 'les autres responsabilités professionnelles’ de l’assuré, ainsi qu’il est dit à la ligne 6, 2, et non la responsabilité que celui-ci peut encourir en qualité de sous-traitant. Il s’ensuit que, comme l’a justement estimé le tribunal, le moyen pris de l’exclusion de garantie prévue à l’article 6, 212-1 n’est pas fondé.

5 ' En cinquième lieu, la société Acte iard reproche au tribunal d’avoir retenu sa garantie pour partie des sommes mises à la charge de la SMABTP au profit de la société DBF Bordeaux rive droite par l’arrêt du 22 mars 2012, sommes qui représentaient le coût de la création d’une 'base de vie’ pendant la durée des travaux de réfection. Elle soutient que ces indemnités, accordées non au maître de l’ouvrage mais à son locataire commerçant, ne correspondent pas à un dommage matériel et qu’elles n’entrent pas non plus dans la définition du dommage immatériel figurant à l’article 1, 116 des conditions générales du contrat d’assurance. Elle sollicite la réformation du jugement et le débouté de ses adversaires de ce chef.

Le dommage matériel est défini à l’article 1, 117 du contrat d’assurance comme 'toute détérioration, destruction ou perte d’une chose ou substance ou toute atteinte physique à des animaux'. En l’espèce, les sommes allouées par la cour à la société DBF Bordeaux rive droite dans l’arrêt du 22 mars 2012 correspondaient au coût de l’installation d’une base de vie et de trois chapiteaux, pendant six mois, afin de permettre la poursuite de l’exploitation de la concession automobile durant la réalisation des travaux de réfection, ainsi qu’à des frais de gardiennage. Dans le jugement déféré, le tribunal a condamné la société A et I, avec la garantie de la société Acte iard, à relever indemne la SMABTP d’une partie de ces sommes, au motif qu’elles faisaient partie des frais de réparation des dommages matériels (page 13, dernier paragraphe du jugement). Cependant, ces indemnités, qui ne compensent pas une détérioration, une destruction ou la perte d’une chose ou d’une substance, n’entrent pas dans la définition contractuelle du dommage matériel. Sur un plan plus général, la Cour de cassation a jugé que 'la construction de bâtiments provisoires ne pouvait être assimilée à des travaux de réfection réalisés sur l’ouvrage affecté de désordres ou à la remise en état des ouvrages ou éléments d’équipement de l’opération de construction endommagés à la suite d’un sinistre’ (3e chambre civile, 15 janvier 2014, pourvoi n° 11-28781). C’est donc à tort que le tribunal a retenu la garantie de la société Acte iard au titre d’un dommage matériel.

Le dommage immatériel est défini à l’article 1, 116 du contrat d’assurance comme 'tout préjudice pécuniaire résultant de la privation de jouissance d’un droit, de l’interruption d’un service ou de la perte d’un bénéfice'. Le contrat souscrit par la société A et I contient une garantie facultative des dommages immatériels, ainsi que cela résulte des conditions particulières qui prévoient un plafond de 2 000 000,00 frs (304 898,03 €) pour ceux concernant des ouvrages de bâtiment (pièce 22 de la société Acte iard, page 4). Les frais de création et de surveillance d’une 'base de vie’ pendant les travaux s’analysent en un préjudice pécuniaire résultant de la privation de jouissance, subie par le locataire commerçant, de son droit sur les locaux loués, atteints de désordres. En outre, ces frais ont eu pour objet de permettre la continuité de l’exploitation et de réduire, voire de supprimer, les pertes financières qui seraient résultés d’un arrêt de celle-ci et qui auraient incontestablement constitué un dommage immatériel au sens du contrat. Il y a donc lieu, par motifs substitués, de confirmer le jugement en ce qu’il a retenu la garantie de la société Acte iard au titre de ces frais.

6 ' En sixième et dernier lieu, la société Acte iard indique qu’en toute hypothèse, ses franchises et plafonds de garantie sont opposables à son assuré comme aux tiers, et prie la cour de mentionner leurs montants dans le dispositif de son arrêt. La société Gerthofer et la SMABTP ne contestent ni cette opposabilité, ni les montants invoqués. La société A et I ne conteste pas l’opposabilité de la franchise contractuelle qu’elle déclare avoir d’ailleurs payée, mais soutient que les plafonds de garantie ne lui sont pas opposables, au motif que de tels plafonds sont illicites en matière d’assurance obligatoire de responsabilité décennale, qui impose à l’assureur de garantir la totalité des travaux de réfection, et que, de surcroît, la société Acte iard a violé dans son contrat les dispositions de l’article A 243-1 du code des assurances en ne revalorisant pas ses garanties chaque année, pour tenir compte de l’évolution des coûts de construction entre la date de la souscription du contrat et celle de la réparation du sinistre.

Selon l’article L. 112-6 du code des assurances, 'l’assureur peut opposer au porteur de la police ou au tiers qui en invoque le bénéfice les exceptions opposables au souscripteur originaire'. Il se déduit de ce texte que les franchises et plafonds de garantie sont opposables tant à l’assuré qu’au tiers exerçant une action directe, ce que la société Gerthofer et la SMABTP ne contestent pas. S’il est exact que les plafonds de garantie sont interdits ou limités en matière d’assurance obligatoire, il convient de noter qu’en l’espèce, ce n’est pas la responsabilité décennale de la société A et I qui est mise en jeu, mais sa responsabilité contractuelle de droit commun, puisqu’elle est recherchée en qualité de sous-traitante de la société Gerthofer. La responsabilité du sous-traitant faisant l’objet d’une garantie facultative, la stipulation d’un plafond de garantie y est licite. Par ailleurs, les clauses de revalorisation invoquées, actuellement codifiées dans les annexes I et II à l’article A 243-1 du code précité, ne concernent que les assurances obligatoires de responsabilité décennale et de dommage ouvrage, qui ne sont pas mises en jeu en l’espèce. Il s’ensuit que les moyens soulevés par l’assurée ne sont pas fondés.

Il convient en définitive de confirmer le jugement en toutes ses dispositions relatives aux franchises et plafonds de garantie, sans qu’il soit nécessaire d’en indiquer les montants, clairement précisés dans les conditions particulières du contrat. Il conviendra seulement de dire, ainsi que le demandent la société Gerthofer et la SMABTP à titre principal et la société A et I à titre subsidiaire, qu’il y aura lieu à application des deux plafonds de garantie prévus par le contrat de la société Acte iard, celui relatif aux dommages matériels sur la condamnation prononcée au titre des travaux de réfection et celui relatif aux dommages immatériels sur celle prononcée au titre de la 'base de vie'.

d) sur les demandes dirigées contre la société Axa France iard, prise en qualité d’assureur de la société A et I :

La société Acte iard a été l’assureur de la société A et I, selon un contrat 'Multigaranties technicien de la construction’ n° 33376900093387, qui a été souscrit à effet du 1er janvier 2001, après l’exécution des prestations de l’assuré dans le cadre du présent dossier.

La société Gerthofer ne conclut contre la société Axa France iard qu’à titre subsidiaire, pour le cas où les dispositions du jugement relatives à la société Acte iard ne seraient pas confirmées. Dans la mesure où ces dispositions sont confirmées, les prétentions de la société Gerthofer deviennent sans objet. Il n’y a pas lieu de les examiner.

La SMABTP conclut en revanche à titre principal contre la société Axa France iard, en faisant valoir que le contrat de cet assureur comporte une clause de reprise du passé, notamment dans les articles 14.1, 14.2 et 14.3.2 de ses conditions générales, ainsi qu’en son article 9 pour ce qui est des dommages immatériels. Elle sollicite sa condamnation, in solidum avec la société A et I et la société Acte iard, à la relever indemne de toutes les sommes mises à sa charge.

Cependant, il résulte des clauses visées par la SMABTP que si le contrat d’assurance souscrit auprès de la société Axa France iard garantit la responsabilité du sous-traitant pour des travaux de bâtiment en cas de dommage de nature décennale (article 2), ainsi que les dommages immatériels consécutifs (article 9), il est expressément précisé que 'ne sont pas garantis les sinistres portant sur des missions réalisées avant la prise d’effet du contrat’ (article 14.2.2, dernier paragraphe). Par ailleurs, s’il est exact que l’article 14.3.2 des conditions générales prévoit une garantie de la responsabilité du sous-traitant pouvant être étendue, par dérogation à l’article 14.2.2, aux sinistres relatifs à des missions réalisées avant la prise d’effet du contrat, c’est 'sous condition de validation aux conditions particulières et paiement de la cotisation correspondante'. En l’espèce, la mission de la société A et I, facturée à la société Gerthofer les 31 août, 1er octobre et 26 octobre 2000, a été accomplie avant le 1er janvier 2001, date de prise d’effet du contrat de la société Axa France iard, et il ne ressort pas des conditions particulières de cette convention (pièce 1 de l’assureur) qu’une extension de la garantie de la responsabilité du sous-traitant par reprise du passé ait été souscrite, ni qu’une cotisation ait été payée à ce titre. C’est donc à bon droit que le tribunal a mis hors de cause la société Axa France iard, prise en qualité d’assureur de la société A et I. Sa décision sera confirmée sur ce point.

/ Sur les demandes de la société A et I :

a) sur les demandes dirigées contre la société Batidal et le Y :

La société A et I prie la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de déclarer la société Batidal entièrement responsable, de dire que le Y relèvera cette société indemne des conséquences de la mise en jeu de sa responsabilité, et de condamner cette société et son assureur à lui verser une somme d’argent sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter les dépens.

Toutefois, la société A et I n’a pas formé d’appel provoqué contre la société Batidal, qui était représentée en première instance par son liquidateur judiciaire, mais qui n’a pas été intimée par les appelantes principales, de sorte qu’elle n’est pas partie à l’instance d’appel. Les demandes formées à son encontre sont donc irrecevables.

La société A et I ne précise pas le fondement juridique sur lequel elle prétend engager la responsabilité de l’assuré du Y. Dans la mesure où elle recherche la responsabilité d’un autre sous-traitant, avec lequel elle n’a eu aucun lien contractuel, elle ne peut agir que sur un fondement quasi délictuel. Cependant, le Y produit les conditions personnelles d’un 'Contrat d’assurance de responsabilité décennale des constructeurs’ souscrit auprès de lui par la société Batidal à effet du 1er janvier 1995. Les garanties accordées sont les suivantes : 'Responsabilité civile décennale ouvrage du bâtiment, Dommage avant achèvement des travaux, Catastrophes naturelles, Dommages immatériels après réception, Défense et recours'. Il est précisé que 'La cotisation annuelle, hors taxes est de 6.875,00 F. dont 5.001,00 F. correspondant à l’assurance décennale obligatoire et 5,00 F. à la protection juridique'. Il ne résulte pas de ces éléments que le contrat ait eu un objet autre que l’assurance décennale obligatoire en matière de construction et une assurance de protection juridique, en particulier qu’il ait comporté une garantie de la responsabilité civile de l’assuré pour les dommages causés à des tiers. S’agissant de l’existence de la garantie, et non d’une exception de non-garantie ou d’une exclusion de garantie, la charge de la preuve incombe au demandeur à l’action directe. Il s’ensuit que la société A et I ne démontre pas que la garantie du Y lui soit acquise en l’espèce. Il y a donc lieu de la débouter de ses prétentions à l’encontre de cet assureur.

b) sur les demandes dirigées contre la société Acte iard :

La société A et I demande à la cour de dire que la société Acte iard devra la relever indemne de toutes les conséquences de la mise en jeu de sa responsabilité. La société Acte iard oppose à cette prétention la prescription biennale prévue à l’article L. 114-1 du code des assurances. Elle expose à ce sujet que la société A et I a été attraite aux opérations d’expertise par le maître de l’ouvrage selon assignation du 18 janvier 2002, qu’elle lui a déclaré le sinistre le 24 avril 2003, et qu’un refus de garantie lui a été notifié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 07 mai 2003, reçue le 12 mai 2003. Elle soutient que comme, dans les deux ans qui ont suivi, son assuré n’a pas contesté le refus de garantie et ne l’a attraite aux opérations de l’expert, son action s’est trouvée éteinte à compter du 18 janvier 2004.

L’article L. 114-1 alinéa 1 du code des assurances énonce que 'toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance'. L’alinéa 3 de ce texte ajoute que 'quand l’action de l’assuré contre l’assureur a pour cause le recours d’un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l’assuré ou a été indemnisé par ce dernier'. En l’espèce, s’il est exact que la société A et I n’a pas contesté le refus de garantie que lui a opposé la société Acte iard à la suite de l’assignation en référé-expertise délivrée le maître de l’ouvrage et s’il est vrai qu’elle n’a pas appelé son assureur aux opérations du technicien, il n’en demeure pas moins que le 17 février 2009, elle a été assignée au fond devant le tribunal de grande instance de Bordeaux à la requête de la société Gerthofer et que le 08 septembre 2009, elle a fait signifier cette assignation à la société Acte iard et l’a attraite à la cause pour être relevée indemne de toute éventuelle mise en jeu de sa responsabilité. Cette assignation, délivrée dans les deux ans de celle de la société Gerthofer, a interrompu la prescription biennale que la signification de cet acte avait fait courir. Il y a lieu de souligner en outre que le refus de garantie opposé dans la lettre du 07 mai 2003 ne concernait que la garantie de la responsabilité décennale de l’assuré que l’assureur estimait ne pas être due en l’absence de réception, et non la garantie de la responsabilité contractuelle de l’assuré, agissant en qualité de sous-traitant, qui n’était pas recherchée par le maître de l’ouvrage. En définitive la fin de non-recevoir n’apparaît pas fondée. Il convient de la rejeter et de déclarer la société A et I recevable en ses demandes en garantie dirigées contre la société Acte iard, sous réserve de l’application des franchises et plafonds de garantie contractuels.

c) sur les demandes dirigées contre la société Axa France iard :

La société A et I prie la cour, si elle ne retenait pas la garantie de la société Axa France iard sur le fondement des conditions générales du contrat, de le faire en application de l’article 1382 du code civil, pour défaut de conseil et d’information, dans la mesure où l’assureur ne démontre pas lui avoir proposé le bénéfice de la garantie en semi-répartition, option pourtant mentionnée dans les conditions générales de la convention.

Toutefois, il est indiqué aux articles 14.1 et 14.2 des conditions générales du contrat souscrit auprès de la société Axa France iard, d’une part que les prestations de l’article 1 et de l’article 2 alinéa 2.2 sont 'garanties en « semi-capitalisation »', d’autre part que les prestations de l’article 2 alinéa 2.1 et des articles 3, 5, 6, 7, 8, 9 et 11 sont 'garanties en « semi-répartition »'. Il semble donc bien que la société A et I bénéficie de ces deux modes de garantie selon la nature des prestations, c’est-à-dire des différentes responsabilités susceptibles d’être mises en jeu. En toute hypothèse, à supposer que l’assureur ait commis un manquement à son devoir d’information et de conseil, l’assurée ne démontre pas qu’il en serait résulté un dommage pour elle, ni qu’il existerait un lien de causalité entre une telle faute et le présent litige. Il y a donc lieu de la débouter de sa demande fondée sur l’article 1382 du code civil.

d) sur l’action en répétition :

La société A et I déclare avoir réglé les causes du jugement en s’acquittant de la franchise. Elle en sollicite la restitution, avec intérêts au taux légal à compter de la date de son versement. Néanmoins, dans la mesure où les condamnations prononcées contre elle par le tribunal sont confirmées, cette demande n’est pas fondée. Il y a lieu de la rejeter.

/ Sur les demandes de la société Acte iard :

La société Acte iard soutient que la société Qualiconsult a commis une faute en ne décelant pas, lors de son contrôle, les anomalies de calcul reprochées à la société A et I. Elle prie en conséquence la cour, sur le fondement de l’article 1382 du code civil, de condamner cette société et son assureur, la société Axa France iard, à la garantir de toutes les condamnations prononcées contre elle.

La société Qualiconsult et son assureur ne produisent pas la convention de contrôle technique conclue le 18 août 2000 entre la société Qualiconsult et la société SAVRA. Cependant, ce contrat avait été versé aux débats lors de l’instance ayant donné lieu à l’arrêt du 22 mars 2012 et la cour avait alors noté que la mission qui avait été confiée au bureau de contrôle concernait seulement la solidité des ouvrages et la sécurité des personnes (missions L et STI), ce que la société Acte iard confirme dans ses conclusions. Or, si l’expert judiciaire a noté à deux reprises dans son rapport que les non-conformités des calculs de la société A et I aux prescriptions des documents techniques unifiés BPEL et X 'n’ont pas été relevées par le bureau de contrôle’ (pages 34 et 43), il n’en demeure pas moins qu’aucune atteinte à la solidité des ouvrages, au sens de l’article 1792 du code civil, n’a été constatée dans le délai de la garantie décennale, qui est un délai d’épreuve maintenant expiré, le caractère décennal des désordres ayant seulement été dû au fait que les fissures rendaient les locaux atteints impropres à leur destination. Il s’ensuit que la preuve d’une exécution défectueuse de la mission limitée confiée à la société Qualiconsult, susceptible d’engager la responsabilité quasi délictuelle de cette société à l’égard de la société Acte iard, n’est pas rapportée. Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté cet assureur de ses appels en garantie.

La société Qualiconsult et la société Axa France iard sollicitent une somme de 20 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive. Toutefois, il ne résulte pas des éléments de la cause que l’exercice du droit d’agir en justice de la société Acte iard ait dégénéré en abus. Il convient de rejeter ce chef de demande.

/ Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La société Gerthofer sollicite la condamnation de ses adversaires en tous les dépens de première instance, en ce inclus les frais d’expertise judiciaire. Cependant, c’est avec raison que le tribunal a statué sur les dépens comme il l’a fait, en tenant compte des différentes parts de responsabilité retenues par lui. Sa décision sera confirmée sur ce point.

La société Gerthofer et la SMABTP succombant en toutes leurs prétentions à l’encontre du Y, elles seront condamnées aux dépens d’appel de cette partie. De même, la société Acte iard succombant en son appel provoqué à l’égard de la société Qualiconsult et de la société Axa France iard, elle conservera à sa charge les dépens de ce recours. Le surplus des dépens de l’appel sera mis à la charge de la société A et I, avec la garantie de la société Acte iard, ces deux sociétés succombant en toutes leurs autres prétentions.

Il serait inéquitable que la société Gerthofer, la SMABTP, le Y, la société Qualiconsult et la société Axa France iard conservent à leur charge la totalité des frais irrépétibles exposés par eux devant la cour. Il sera fait droit à leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’il sera précisé dans le dispositif.

PAR CES MOTIFS

LA COUR :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Reçoit la société Gerthofer et la SMABTP en leur appel, la société A et I en son appel incident, et la société Acte iard en ses appels provoqué et incident ;

Déclare irrecevables les deux notes en délibéré de la société A et I des 25 novembre et 18 décembre 2015 ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 04 mars 2014 (RG 13/806) par le tribunal de grande instance de Bordeaux ;

Y ajoutant :

Dit que les frais de création et de surveillance d’une 'base de vie’ durant les travaux de réfection constituent un dommage immatériel au sens des conditions générales du 'Contrat d’assurance de la responsabilité des professions libérales du B.T.P.' n° 2 607700 souscrit par la société A et I auprès de la société Acte iard ;

Dit en conséquence qu’il y aura lieu à application des deux plafonds de garantie prévus par le contrat précité, celui relatif aux dommages matériels sur la condamnation prononcée au titre des travaux de réfection et celui relatif aux dommages immatériels sur celle prononcée au titre de la 'base de vie’ ;

Déclare la société A et I irrecevable en ses demandes dirigées contre la société Batidal ;

Déboute la société A et I de son action directe à l’encontre du Y Centre Atlantique ;

Déclare la société Acte iard mal fondée en sa fin de non-recevoir, prise de la prescription biennale de l’article L. 114-1 du code des assurances ; l’en déboute ;

Déclare la société A et I recevable en ses demandes de garantie dirigées contre la société Acte iard, sous réserve de l’application des franchises et plafonds de garantie contractuels ;

Déboute la société A et I de sa demande dirigée contre la société Axa France iard sur le fondement de l’article 1382 du code civil ;

Déboute la société A et I de son action en répétition de la franchise contractuelle ;

Déboute les sociétés Qualiconsult et Axa France iard de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne la société A et I, avec la garantie de la société Acte iard, à payer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile :

— à la société Gerthofer, une somme de 6 000,00 €,

— à la SMABTP, une somme de 6 000,00 € ;

Condamne in solidum la société Gerthofer et la SMABTP à payer au Y Centre Atlantique une somme de 3 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Acte iard à payer à la société Qualiconsult et à la société Axa France iard, ensemble, une somme de 4 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Gerthofer et la SMABTP aux dépens d’appel du Y Centre Atlantique ;

Condamne la société Acte iard aux dépens de son appel provoqué ;

Condamne la société A et I, avec la garantie de la société Acte iard, aux surplus des dépens de l’appel ;

Dit que les dépens de l’appel et de l’appel provoqué pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Le présent arrêt a été signé par Madame Catherine FOURNIEL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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Cour d'appel de Bordeaux, 18 février 2016, n° 14/02366