Cour d'appel de Dijon, 2 juin 2016, n° 14/00413

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Dijon, 2 juin 2016, n° 14/00413
Juridiction : Cour d'appel de Dijon
Numéro(s) : 14/00413
Décision précédente : Tribunal d'instance de Chalon-sur-Saône, 2 février 2014

Sur les parties

Texte intégral

XXX

SCI X

C/

C-D B

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE DIJON

2 e chambre civile

ARRÊT DU 02 JUIN 2016

RÉPERTOIRE GÉNÉRAL N°14/00413

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 03 février 2014, rendue par le tribunal d’instance de Chalon sur Saône

APPELANTE :

SCI X prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domicilié de droit dit siège sis :

XXX

XXX

Représentée par Me C-vianney GUIGUE substitué par Me Véronique PARENTY-BAUT de la SCP ADIDA ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 38

INTIME :

Monsieur C-D B

XXX

XXX

Représenté par Me Claire GERBAY, substituée par Me Louis LEGENTIL, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 126

Assisté par Me Loïc DROUIN, avocat au barreau de LYON,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 07 Avril 2016 en audience publique devant la cour composée de :

Renée-Michèle OTT, Président de chambre, président, chargé du rapport

Michel WACHTER, Conseiller,

Sophie DUMURGIER, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER lors des débats : Elisabeth GUEDON,

DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 02 Juin 2016

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Renée-Michèle OTT, Président, et par Elisabeth GUEDON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par acte en date du 8 janvier 2013, la Sci X, qui avait confié à M. B, huissier de justice, la gestion d’un appartement situé à A de Bresse donné en location aux consorts Y – Boissard selon bail du 18 novembre 2000, a assigné M. C-D B, sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil, aux fins de paiement de la somme de 2 164,26 € au titre du remboursement des loyers et charges locatives dus pour la période du 1er juin à septembre 2006 et de 2 000 € à titre de dommages-intérêts, en invoquant les fautes commises par son mandataire pour ne pas avoir reversé en totalité les fonds perçus des locataires en dépit des démarches effectuées auprès des chambres départementale et nationale des huissiers, avoir ainsi détourné des fonds et par sa carence avoir empêché un arrêté des comptes ce qui a fait obstacle à toute intervention de l’assureur.

Le défendeur s’est opposé à la demande, relative à des loyers perçus du temps de l’administration de son étude à compter du 21 février 2006 par Me Z, qui ne peut donc le concerner. Il a excipé de la prescription tirée de l’article 2224 du code civil s’agissant de la récupération des charges locatives, portant sur les années 2000, 2001 et 2004. Subsidiairement, il a conclu au débouté.

Par jugement en date du 3 février 2014, le tribunal d’instance de Chalon sur Saône a :

constaté la prescription de l’action de la Sci X,

débouté la Sci X de toutes ses demandes,

débouté M. C-D B de sa demande en dommages-intérêts,

dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

condamné la Sci X aux entiers dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que M. C-D B a été suspendu provisoirement de ses fonctions par ordonnance en la forme des référés du président du tribunal de grande instance de Chalon sur Saône en date du 21 février 2006, Me Z étant désigné comme administrateur provisoire par cette même décision exécutoire sur minute. Il a ainsi considéré que les demandes faites au titre de loyers perçus après cette date ne le concernent plus, mais Me Claude Z.

Faisant application de l’article 2224 du code civil et du délai de prescription de 5 ans, le tribunal a relevé que l’assignation, délivrée le 8 janvier 2013, concernait des faits pour les plus récents remontant à septembre 2006 et il a en conséquence estimé prescrite l’action de la Sci X.

Par déclaration formée le 3 mars 2014, la Sci X a régulièrement interjeté appel du dit jugement.

Par ses dernières écritures du 17 septembre 2014, la Sci X demande à la cour, vu les articles 1134, 1147, 1991 et 1992 du code civil, la loi du 17 juin 2008, en réformant en toutes ses dispositions le jugement entrepris, de :

condamner M. C-D B à payer à la Sci X les sommes suivantes :

—  2 164,26 € à titre de dommages-intérêts en principal,

—  2 000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, pertes de temps et tracasseries,

—  3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

débouter M. C-D B de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

condamner M. C-D B en tous les dépens, dont distraction est requise au profit de la SCP Adida & associés, société d’avocats aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par ses dernières écritures du 25 juillet 2014, M. C-D B demande à la cour, vu les articles 31 et suivants du code de procédure civile et 2224 du code civil, de :

rejeter l’appel de la Sci X comme irrecevable, injustifié et infondé,

recevoir l’appel incident de M. C-D B, le déclarer justifié et bien fondé,

condamner la Sci X à payer à M. C-D B la somme de 2 000 € à titre de dommages-intérêts,

condamner la même à lui payer la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner la Sci X en tous les dépens de l’instance.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 novembre 2015.

SUR CE :

Vu les dernières écritures des parties auxquelles la Cour se réfère ; vu les pièces ;

Attendu qu’à titre liminaire, il sera observé que si l’intimé aux termes du dispositif de ses conclusions demande à la cour de déclarer l’appel de la Sci X irrecevable, il n’explicite dans ses écritures aucune fin de non-recevoir affectant l’appel formé par la Sci X, se contentant d’indiquer que 'la Sci X est donc dépourvue de tout droit à agir à l’encontre de Monsieur B. Elle sera déboutée de son appel comme étant irrecevable en ses demandes’ ;

sur la recevabilité des demandes :

sur le défaut de droit à agir :

Attendu que la société appelante fait valoir que sa demande, dirigée contre la bonne personne, est parfaitement recevable et ne souffre d’aucun défaut de droit à agir, dès lors que Me Z a effectué toutes les diligences utiles pour tenter d’effectuer un arrêté des comptes de l’étude de M. B et en a été empêché par le fait de ce dernier qui a tout mis en oeuvre pour que cet arrêté des comptes ne puisse être réalisé et ainsi empêcher ses créanciers de faire une quelconque réclamation au titre des sommes reçues en vertu de mandats ;

que pour prétendre à l’irrecevabilité des demandes de la Sci X, qui serait dépourvue de tout droit d’agir à son encontre, l’intimé fait valoir que la société ne sollicite le règlement que de loyers postérieurs à la désignation de Me Z le 21 février 2006 comme administrateur provisoire de son étude, de sorte que lui-même ne peut être tenu pour des loyers échus postérieurement à la désignation de l’administrateur provisoire qui doit seul en répondre ;

Mais attendu que ce qui est contesté par l’intimé sous couvert d’un défaut de droit à agir relève en réalité de l’examen du bien fondé ou non de la demande en ce qu’elle est dirigée par la Sci X à l’encontre de M. B, de sorte qu’il n’y a ici aucune cause d’irrecevabilité des demandes de la SCI ;

sur la prescription :

Attendu que la société appelante critique la décision entreprise qui a retenu la prescription, alors que sa demande en dommages-intérêts est fondée sur la responsabilité contractuelle de M. B en vertu du mandat qui lui était confié, et ce à raison de la faute commise par le mandataire en l’absence de reddition de compte ; qu’elle se prévaut de la prescription trentenaire en la matière selon l’article 2262 ancien du code civil et ajoute que, suite à la réduction du délai de prescription par la loi du 17 juin 2008 et en application des dispositions transitoires de cette loi, la prescription ne pouvait être acquise qu’au 17 juin 2013 ; que l’assignation étant en date du 8 janvier 2013, son action ne se trouve donc pas prescrite ;

que l’intimé, relevant que les réclamations concernent des créances des années 2000, 2001 et 2004, réplique que la prescription de 5 ans résultant de l’article 2224 du code civil est acquise, puisqu’elle a commencé à courir dès août 2007, lorsque la Sci X a constaté un retard dans le versement des loyers et charges, ayant ainsi dès 2007 une parfaite connaissance des faits lui permettant d’exercer ses droits et puisque l’assignation n’a été délivrée que tardivement le 8 janvier 2013 ;

Mais attendu que si la Sci X a évalué son préjudice financier au total de 2 164,26 € en se référant dans son décompte à des loyers de 2006 et 2007, ainsi que des charges des années 2000, 2001 et 2004, la Sci X réclame le paiement de dommages-intérêts en réparation des conséquences dommageables causées par la faute de son mandataire et recherche ainsi la responsabilité contractuelle de son mandataire, M. C-D B, suite au mandat confié à celui-ci en 2000 ;

que réclamant des dommages-intérêts et non le paiement d’un arriéré de loyers ou de charges locatives, la prescription quinquennale résultant de l’article 2277 ancien du code civil ne pouvait trouver à s’appliquer ;

qu’or la prescription en matière de responsabilité contractuelle courant à compter de la réalisation du dommage, l’action de l’appelante se trouvait donc soumise aux dispositions de l’article 2262 ancien du code civil énonçant que toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans ;

Attendu que certes la loi du 17 juin 2008 a modifié les règles en matière de prescription en réduisant à cinq ans le délai de prescription pour les actions personnelles ou mobilières par l’article 2224 du code civil visé par le tribunal ;

que cependant, les dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 en son article 26 ont prévu que 'les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour d’entrée en vigueur de la présente loi sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure’ ;

qu’il s’ensuit que la Sci X disposait pour agir en responsabilité contractelle d’un délai de 5 ans à compter de l’entrée en vigueur de cette loi, soit jusqu’au 18 juin 2013, lequel délai n’était pas expiré lors de l’assignation délivrée par elle le 8 janvier 2013 ;

que c’est donc à tort que le premier juge a constaté la prescription de l’action de la Sci X, le jugement entrepris devant être infirmé de ce chef ;

au fond :

Attendu que l’appelante, qui pour conclure à la recevabilité de sa demande invoquait la faute commise par le mandataire en l’absence de reddition de compte, fait valoir sur le fondement des articles 1191 et 1192 du code civil que M. B a sciemment subtilisé certains fonds de son étude, comprenant notamment les loyers et charges locatives devant lui être reversés, que l’intimé a tout mis en oeuvre pour empêcher qu’un arrêté de compte puisse être réalisé, que la faute est établie notamment au vu du courrier du président de la chambre départementale des huissiers de justice faisant apparaître que M. B n’a pas rempli sa mission de gérant d’immeubles comme il se doit ;

qu’elle soutient que sa créance est établie et qu’il appartient à l’intimé, s’il estime erronés les dires du président de la chambre des huissiers dans ce courrier, de prouver qu’il a géré en bon père de famille l’appartement confié en gestion, en établissant notamment un arrêté de compte jusqu’à la nomination de l’administrateur provisoire ;

Attendu que l’intimé a opposé, à titre de fin de non-recevoir comme vu précédemment, qu’il ne peut être recherché pour des loyers échus postérieurement à la nomination de l’administrateur provisoire de son étude ; qu’il conteste la créance alléguée par la Sci X qui s’appuie sur une copie d’une lettre qu’elle a elle-même adressée au président départemental de la chambre des huissiers le 24 février 2009, alors que nul ne peut se constituer de preuve à lui-même ;

Mais attendu qu’il n’est pas contesté que M. C-D B avait reçu de la Sci X mandat pour la gestion locative de l’appartement, propriété de la SCI, le bail d’habitation du 18 novembre 2000 produit par l’appelante ayant d’ailleurs été établi par 'la Sci X représentée par Maître B, mandataire’ et signé de celui-ci sous le timbre 'J.J B… régie d’immeubles’ ;

Attendu que conformément à l’article 1991 du code civil, le mandataire est tenu d’accomplir le mandat tant qu’il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution ;

Attendu qu’il convient de relever que le préjudice invoqué par l’appelante correspond pour l’essentiel à des loyers échus de juin à septembre 2006 qui ne lui auraient pas été reversés, de sorte que le fait générateur d’un tel dommage ne peut être que postérieur à la suspension de M. C-D B dans ses fonctions d’huissier ordonnée le 21 février 2006 par le président du tribunal de grande instance de Chalon sur Saône, qui a désigné Me Z en qualité d’administrateur provisoire de l’étude ;

que si le mandat confié par la Sci X à M. B ressort de l’activité accessoire de ce dernier, de 'régie d’immeubles', à son activité principale d’huissier, il n’est ni prétendu par l’appelante, ni encore moins démontré, que l’intimé aurait, postérieurement à sa suspension comme huissier, continué son activité accessoire de gestion immobilière ;

que la circonstance, que l’intimé ait pu faire obstacle à l’arrêté de compte de l’étude prescrit par l’ordonnance de suspension provisoire, ne permet pas d’établir et de retenir qu’il a perçu des fonds du locataire, au titre du mandat confié par la Sci X, postérieurement à sa suspension prenant effet au 21 février 2006, s’agissant d’une décision exécutoire sur minute ; que l’appelant ne rapporte pas la preuve de la prétendue faute du mandataire postérieure au 21 février 2006 en relation directe avec le préjudice invoqué ;

que se trouvant de fait déchargé à compter du 21 février 2006 du mandat qui ne pouvait être à cette date que tout au plus exercé par l’administrateur provisoire, M. C-D B ne peut être recherché au titre de sa responsabilité contractuelle pour des faits survenus après son dessaisissement ; qu’il s’ensuit que la demande de la Sci X est mal fondée de ce chef ;

Attendu que par application de l’article 1993 du code civil, tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion et de faire raison au mandant de tout ce qu’il a reçu en vertu de sa procuration ;

que c’est au mandataire, débiteur de cette obligation de reddition de compte, de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à son obligation ;

qu’or attendu que l’intimé n’apporte aucun élément justificatif établissant qu’il a satisfait à cette obligation en reversant intégralement à la Sci X les fonds perçus des locataires pour le compte de cette dernière antérieurement à sa suspension ; qu’il convient dès lors de faire droit à la demande de la Sci X, bien fondée à concurrence de la somme de 311,22 € au titre du préjudice matériel, l’intimé qui ne rapporte pas la preuve qui lui incombe étant mal venu de critiquer le décompte établi par son mandant ;

que la Sci X, par les démarches multiples qu’elle a dû accomplir suite au manquement de son mandataire, a subi un préjudice distinct, moral, qui sera réparé par l’allocation d’une somme de 500 € ;

que le jugement entrepris sera infirmé en ce sens ;

sur les autres demandes :

Attendu que le succès, même partiel, de l’action en responsabilité exercée par la Sci X doit conduire à débouter M. C-D B de sa demande reconventionnelle en dommages-et-intérêts particulièrement mal fondée, le jugement entrepris étant confirmé de ce seul chef ;

Attendu que l’intimé qui succombe sur l’appel doit être condamné aux entiers dépens d’appel et de première instance ;

Attendu qu’il est inéquitable de laisser à la charge de l’appelante les frais exposés à hauteur de cour et non compris dans les dépens ; qu’il convient de lui allouer la somme de 1 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

la Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Déclare les appels, principal et incident, réguliers en la forme ;

Confirme le jugement du tribunal d’instance de Chalon-sur-Saône en date du 3 février 2014, en ce qu’il a débouté M. C-D B de sa demande en dommages-et-intérêts ;

Infirme en toutes ses autres dispositions le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau :

Rejette les fins de non-recevoir soulevées par M. C-D B, tenant tant à la prescription qu’au défaut de droit à agir ;

Dit que M. C-D B a commis une faute contractuelle en ne rendant pas compte à son mandant, la Sci X, des sommes perçues pour le compte de celui-ci;

Condamne M. C-D B à payer à la Sci X à titre de dommages-et-intérêts les sommes de 311,22 € et 500 € ;

Condamne M. C-D B à payer à la Sci X la somme de 1 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la Sci X du surplus de sa demande ;

Condamne M. C-D B aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel ;

Autorise la SCP Adida & associés, avocats, à recouvrer conformément à l’article 699 du code de procédure civile ceux des dépens dont avance a été faite sans avoir reçu provision.

Le greffier le président,

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