Cour d'appel de Paris, 5 février 2016, n° 14/13733

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 5 févr. 2016, n° 14/13733
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 14/13733
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Créteil, 26 janvier 2014, N° 11/05505

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 2

ARRÊT DU 05 FÉVRIER 2016

(n° 2016-41, 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/13733

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Janvier 2014 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL – RG n° 11/05505

APPELANTS

Monsieur C, H Z

Né le XXX à BEAUPREAU

XXX

XXX

Représenté et assisté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Madame J-K Z née CUEVAS

Née le XXX à GENNEVILLIERS

XXX

XXX

Représentée et assistée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

INTIMES

Maître E X es-qualités de liquidateur Judiciaire de la Société A2AIRS

XXX

XXX

Représenté par Me Nicolas PINTO, avocat au barreau de PARIS, toque : C1408

A B prise en la personne de son représentant légal

XXX

XXX

Représentée par Me Jean-Marc ZANATI de la SCP COMOLET MANDIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0435

Assistée de Me Sylvia JACK de la SCP COMOLET MANDIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0435

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 décembre 2015, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Dominique GREFF-BOHNERT, présidente de chambre, chargée d’instruire l’affaire et Madame Annick HECQ-CAUQUIL,conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Dominique GREFF-BOHNERT, présidente de chambre

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère

Madame Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Malika ARBOUCHE

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Dominique GREFF-BOHNERT, présidente de chambre et par Monsieur Guillaume LE FORESTIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******

Par contrat du 2 avril 2008, la société A2airs a fourni et installé au domicile de M. et Mme C Z, situé XXX à XXX, une pompe à chaleur réversible au prix de 19 500 euros TTC. Des dysfonctionnements sont apparus lors de la mise en route du chauffage le 20 octobre 2008, faisant disjoncter l’installation électrique. Après une tentative d’expertise amiable, M. et Mme Z ont sollicité en référé une expertise judiciaire, confiée à M. Y par ordonnance du 7 septembre 2009. La mesure d’instruction a été étendue par ordonnance du 10 juin 2010 à Me X ès qualités de mandataire liquidateur de la société A2airs, nommé à ces fonctions par jugement du tribunal de Créteil du 17 février 2010. La même ordonnance a rendu l’expertise commune à la société A, assureur de la société A2airs, intervenue volontairement à ces opérations le 20 avril 2010. L’expert a déposé son rapport le 10 septembre 2011, en estimant que l’installation, destinée à produire l’eau chaude sanitaire et à concourir au chauffage de l’immeuble en alternance et en complément d’une chaudière à fuel existante, n’avait pas été réalisée dans les règles de l’art.

Les 29 décembre 2011 et 7 janvier 2012, M. et Mme Z ont assigné Me X ès qualités de mandataire liquidateur de la société A2airs et la société A, entendant être indemnisés de leur préjudice, sur le fondement à titre principal de l’article 1792 du code civil, à titre subsidiaire de l’article 1792-3 du code civil, et très subsidiairement des articles L. 241-1 et R. 243-2 du code des assurances et 1382 du code civil.

Par jugement du 27 janvier 2014, le tribunal de grande instance de Créteil a débouté Me X de sa demande de mise hors de cause, a débouté M. et Mme Z de leurs demandes à l’égard de la société A, a fixé leur créance au passif de la société A2airs à la somme de 24 704,67 euros, a débouté les parties des demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile, a condamné Me X ès qualités à supporter les dépens comprenant les frais d’expertise judiciaire, et a ordonné l’exécution provisoire. Pour rejeter les demandes dirigées contre la société A, le tribunal a retenu que la garantie de l’assureur n’avait vocation à s’appliquer qu’au titre de la responsabilité engagée sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, que la prestation réalisée ne constituait pas la construction d’un ouvrage au sens de l’article 1792, que la garantie de bon fonctionnement de l’article 1792-3 ne s’appliquait pas aux éléments d’équipement adjoints à un ouvrage préexistant comme c’était le cas de la pompe à chaleur, et que l’assureur n’était tenu d’aucune obligation de conseil à l’égard de la société A2airs pour la souscription d’une garantie supplémentaire. Faisant application de l’article 1147 du code civil, le tribunal a retenu que la responsabilité de la société A2airs était engagée au titre d’une installation qui n’avait pas été réalisée dans les règles de l’art, et a arrêté la créance de dommage des époux Z.

M. et Mme Z ont relevé appel de ce jugement le 30 juin 2014. Par conclusions d’incident des 9 décembre 2014 et 3 février 2015, ils ont saisi le magistrat chargé de la mise en état afin de faire juger irrecevables comme tardives en application des articles 908, 909 et 910 du code de procédure civile les conclusions signifiées les 9 et 15 décembre 2014 par la société A compte tenu de leurs premières conclusions d’appelant signifiées le 29 septembre 2014. Par ordonnance du 26 février 2015, le magistrat de la mise en état a prononcé l’irrecevabilité des conclusions de la société A.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 2 février 2015, M. et Mme Z demandent de confirmer la décision en ce qu’elle a reconnu la société A2airs responsable de leur préjudice, mais de l’infirmer pour le surplus. Ils entendent faire prononcer la condamnation de la société A à garantir la société A2airs et à leur verser, en vertu de l’action directe, la somme de 40 576,31 euros en réparation de leur préjudice, comprenant le remplacement de la pompe à chaleur (20 237,01 euros), une surconsommation d’énergie (15 396,64 euros), la réparation de la porte du garage (900 euros), la détérioration d’un ordinateur (915 euros), l’intervention d’un électricien (127,66 euros), les troubles de jouissance (3 000 euros). Ils sollicitent en outre le versement de la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent que la pompe à chaleur constitue un ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil, dont le dysfonctionnement rend l’immeuble impropre à sa destination, et qu’elle fait en tout état de cause indissociablement corps avec l’ouvrage en application de l’article 1792-2 du même code puisque sa dépose a abîmé la porte du garage, de sorte que la garantie due par l’assureur au titre de la responsabilité décennale de l’entreprise s’impose. Ils font également valoir qu’elle relève à défaut de la garantie biennale de bon fonctionnement édictée par l’article 1792-3 du même code. A titre subsidiaire, si l’assurance garantissant l’activité «installation thermique de génie climatique» de la société A2airs était jugée inapplicable, ils invoquent un manquement de l’assureur à son obligation de conseil et de renseignement en application des articles L. 241-1 et R. 243-2 du code des assurances, pour n’avoir pas conseillé à son assuré de souscrire une police responsabilité civile contractuelle, engageant de ce fait sa responsabilité délictuelle envers eux. Sur le préjudice, ils font valoir qu’ils avaient acheté l’appareil dans le but de faire des économies d’énergie qu’ils n’ont pu réaliser, ont été contraints d’acheter une nouvelle pompe, ont exposé des frais, et n’ont pu jouir de l’installation.

Formant appel incident, Me X ès qualités de liquidateur de la société A2airs demande dans ses dernières conclusions notifiées le 1er décembre 2014 de réformer le jugement en toutes ses dispositions, de constater que M. et Mme Z ne formulent aucune demande à son encontre, de le mettre en conséquence hors de cause, de dire sur le montant des condamnations prononcées que la créance au titre du remplacement de la pompe à chaleur ne saurait être fixée à une somme supérieure au prix du marché initial de 19 500 euros, que la réalisation d’économie d’énergie par l’installation litigieuse n’est pas une disposition contractuelle de la société A2airs, que les époux Z ne démontrent pas le préjudice de jouissance allégué, et en conséquence de les débouter de l’ensemble de leurs demandes. Reconventionnellement, il sollicite la condamnation des époux Z à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Il soutient au visa des articles L. 124-3 du code des assurances, 5 du code de procédure civile et 1371 du code civil que le tribunal a statué ultra petita en retenant une responsabilité contractuelle de la société A2airs sur le fondement de l’article 1147 du code civil qui n’avait pas été invoqué, et en fixant une créance au passif de la société A2airs alors que les époux Z, dont l’action directe n’est pas subordonnée à la mise en cause de l’assuré, sollicitaient seulement la condamnation de la société A au visa de l’article 1792 du code civil. Il ajoute que le montant de la créance fixée par le tribunal n’est pas justifié, et que les époux Z ne peuvent réclamer en appel une somme complémentaire au titre des économies d’énergie qui auraient pu être réalisées au cours des années 2010, 2011, 2012 et 2013, puisque la société a été placée en liquidation judiciaire le 17 février 2010.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En fixant la créance de dommage au passif de la société A2airs, le tribunal n’a pas statué au-delà des limites du litige dont il était saisi, puisque cette prétention était expressément formulée dans les dernières conclusions du 18 avril 2013 des époux Z qui demandaient, selon le dispositif intégralement reproduit au jugement, de condamner la société A à les indemniser de leur préjudice et «de fixer au passif de la société A2airs en la personne de Me X les sommes susvisées».

Selon l’article 1792 du code civil fondant à titre principal les prétentions des époux Z, tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître de l’ouvrage des dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropres à sa destination. En l’espèce, la pompe à chaleur air/eau installée par la société A2airs sur l’immeuble existant avait vocation à relayer la chaudière à fuel alimentant les radiateurs en fonte de l’habitation et à assurer le réchauffage de l’eau sanitaire par un ballon. Même si l’installation venait en relève de la chaudière à fuel, elle était bien conçue pour couvrir l’ensemble des besoins en chauffage et en eau chaude de la maison. Elle s’analyse dès lors en un élément d’équipement de l’ouvrage, participant à la viabilité de l’habitation. Or, l’expert a mis en évidence que l’installation était inadaptée compte tenu de la surface de chauffe des radiateurs en place, et qu’elle présentait des malfaçons tenant à un positionnement dans le garage ne permettant pas un fonctionnement correct du fait du recyclage entre l’aspiration et le rejet d’air, à un branchement monophasé sur l’alimentation triphasée de la maison, à l’absence de ballon tampon, et à l’absence de régulation du ballon d’eau chaude sanitaire. Le sous dimensionnement et les malfaçons ainsi constatés ont conduit l’expert à affirmer que l’installation était inapte à assurer le chauffage correct de la maison. Ces constatations ne sont combattues par aucun élément de preuve contraire, la société A2airs s’étant elle-même engagée au cours des opérations d’expertise à réaliser les modifications nécessaires et à remplacer la pompe à chaleur. L’inaptitude de l’installation à remplir sa fonction est encore illustrée par les interventions répétées de la société A2airs les 24 et 29 octobre et 2 décembre 2008 et de SOS chauffage le 24 novembre 2008 pour la remise en service de la chaudière au fuel. Ces désordres, qui affectent un élément d’équipement de l’ouvrage, et qui font obstacle à une occupation normale de l’immeuble, rendent celui-ci impropre à sa destination au sens des dispositions précitées. Ils engagent la responsabilité décennale de la société A2airs, ainsi que la garantie de l’assureur souscrite à ce même titre. Le jugement qui a écarté l’application de ces dispositions et débouté les époux Z de leurs demandes dirigées contre la société A sera en conséquence infirmé.

La réparation à laquelle les époux Z peuvent prétendre ne peut être que de la perte qu’ils ont faite et du gain dont ils ont été privés. C’est à tort que le tribunal a pris en compte dans l’indemnisation qui leur est due le montant d’un devis de remplacement de l’installation par un matériel «haute température», mieux adapté, au lieu des seuls frais de l’installation inutilement exposés pour un montant de 19 500 euros TTC. La surconsommation d’électricité et de fuel comparée à celle attendue ne peut être davantage retenue, s’agissant d’un préjudice hypothétique, calculé suivant une dépense théorique et un gain supposé, qui n’entraient pas dans les prévisions du contrat puisque la simulation à laquelle a procédé la société A2airs a expressément précisé : «ces estimations sont faites sur des critères et ne peuvent être considérées comme contractuelles». D’autre part, la détérioration du matériel informatique de M. Z ne peut, de l’avis même de l’expert, être attribuée avec certitude aux coupures d’électricité provoquées par la pompe à chaleur plutôt qu’à d’autres perturbations électriques. En revanche, c’est à juste titre que le tribunal a retenu, au titre des conséquences dommageables des malfaçons, pour un montant de 900 euros la remise en état de la porte du garage dans laquelle la société A2airs a créé des grilles de ventilation pour tenter d’améliorer le fonctionnement du matériel ainsi que l’a relevé l’expert, et pour 127,66 euros les frais de l’intervention d’un électricien appelé le 5 novembre 2008 pour vérifier l’installation. Le préjudice de jouissance est enfin caractérisé par les désagréments et les multiples démarches occasionnés par le dysfonctionnement de l’installation dont les époux Z ont inutilement payé le prix, et sera estimé à la somme de 2 000 euros.

Sur ces bases, l’indemnisation des époux Z s’établit à la somme de 22 527,66 euros. Leur créance, régulièrement déclarée entre les mains du mandataire, sera fixée pour ce montant au passif de la liquidation judiciaire de la société A2airs. La société A est tenue au paiement de cette somme dans les limites de sa garantie.

Il est équitable de compenser à hauteur de 3 000 euros à la charge de la société A les frais non compris dans les dépens que les époux Z ont été contraints d’exposer.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Et, statuant à nouveau,

Dit que la responsabilité décennale de la société A2airs est engagée au titre des désordres affectant l’installation de pompe à chaleur réalisée dans le bien immobilier de M. et Mme C Z situé XXX à XXX,

Fixe à la somme de 22 527,66 euros la créance de M. et Mme C Z au passif de la liquidation judiciaire de la société A2airs,

Condamne la société A, dans les limites de sa garantie, à indemniser M. et Mme C Z du montant de leur créance,

Condamne en outre la société A à payer à M. et Mme C Z la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Me X ès qualités de mandataire liquidateur de la société A2airs et la société A aux dépens de première instance et d’appel,

Déboute les parties de leurs autres demandes.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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