Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 23 septembre 2021, n° 18/04351

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 5, 23 sept. 2021, n° 18/04351
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/04351
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 15 février 2018, N° F15/12189
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le

 : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 5

ARRET DU 23 SEPTEMBRE 2021

(n° 2021/ , 14 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/04351 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5LTN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Février 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 15/12189

APPELANT

Monsieur H L X

[…]

[…]

né le […] à CAYENNE

Représenté par Me Marie-Ange KEREL, avocat au barreau de PARIS, toque : B0492

INTIMEE

EPIC RATP prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège sis

[…]

[…]

Représentée par Me Sophie MALTET, avocat au barreau de PARIS, toque : R062

INTERVENANT

LE DÉFENSEUR DES DROITS

[…]

[…]

Représenté par Me Laetitia BRAHAMI, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 03 Juin 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre,

Madame Nelly CAYOT, Conseillère

Madame Lydie PATOUKIAN, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

MINISTERE PUBLIC :

L’affaire a été communiquée au ministère public qui a fait connaître son avis par des observations écrites.

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente et par Madame Cécile IMBAR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

M. H X a été admis à l’EPIC Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP) à compter du 8 janvier 2001 en qualité d’élève agent des gares (RER A), niveau E3-échelon 1, puis il a été commissionné le 19 février 2002 en qualité d’agent de contrôle, niveau E5-échelon 2.

M. X a été victime de 4 accidents du travail, le dernier en date du 17 novembre 2004.

Par avis du 10 janvier 2006, le médecin du travail a indiqué que M. X était inapte définitif à son poste statutaire. Cet avis précise qu’il est placé en inaptitude provisoire depuis le 17 décembre 2004 et qu’il est apte à la qualification d’agent de manoeuvre.

Le 11 mars 2008, la qualité de travailleur handicapé a été reconnue à M. X.

Le 26 janvier 2011, l’allocation d’une rente accident du travail a été notifiée à M. X, une incapacité permanente de 10% lui étant reconnue au titre de séquelles d’un traumatisme psychologique suite à agression.

A la suite d’une formation professionnelle diplômante, M. X a obtenu le 30 juin 2011 un diplôme d’Etat Supérieur de la Jeunesse, de l’Education Populaire et du Sport (DESJEPS) et le 28 septembre 2012, une licence professionnelle Management des Organisations, spécialité secteur Associatif, dans le domaine des Sciences Humaines et Sociales.

M. X a bénéficié d’un congé sabbatique suivi d’un congé sans solde du 1er juin 2011 au 31 mai 2012.

Le 16 mai 2013, le médecin du travail a déclaré M. X apte avec aménagement de poste du 6 mai au 16 juillet 2013 en précisant 'pas de port de charges, pas de station assise ou debout prolongée, doit pouvoir changer de position (assis/debout) à revoir dans 2 mois' ; le 16 octobre 2013, il a rendu un avis d’aptitude avec aménagement de poste en indiquant ' pas de port de charge

>3kgs à revoir dans 3 mois'.

Le 9 septembre 2014, il a indiqué dans le cadre d’une visite de reprise : 'aptitude impossible à déterminer. Fiche de poste à fournir, pourrait être apte à un poste sans contact direct avec le public (contact téléphonique possible), n’obligeant pas au port de la tenue réglementaire, et ne le mettant pas en présence ou au contact des personnes avec qui il est en litige dans l’entreprise.'

Le 3 octobre 2014, le médecin du travail a rendu l’avis suivant : 'Inapte définitif (…) Confirmation de l’inaptitude définitive à son poste d’agent de contrôle prononcée le 10 janvier 2006. Apte à un poste dans contact direct avec le public (contact téléphonique possible), n’obligeant pas au port de la tenue réglementaire, et ne le mettant pas en présence ou au contact des personnes avec qui il est en litige dans l’entreprise (pole gardiennage, ancienne RH). Apte aux missions selon fiches de poste fournies : 'assistant aux chargés d’affaires ESO PE', 'agent courrier des UO', 'agent logistique et courrier SEM ligne A'. Je rappelle qu’un reclassement est à envisager le plus rapidement possible.' Le 17 octobre 2014, le médecin du travail a déclaré M. X inapte définitif à son poste d’agent de contrôle et a maintenu ses préconisations.

La RATP a proposé à M. X trois postes de reclassement par lettres des 9 janvier, 20 février et 26 mai 2015, propositions auxquelles il n’a pas répondu.

Par lettre du 11 juin 2015, la RATP l’a informé être 'dans l’impossibilité actuelle de procéder à (son) reclassement'.

M. X a été convoqué par lettre du 30 juillet 2015 à un entretien préalable fixé au 25 août.

Par lettre du 4 septembre 2015, il a été réformé de la RATP pour impossibilité de reclassement.

Considérant notamment qu’il avait été victime d’une discrimination et d’un harcèlement moral et que sa réforme était nulle, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 21 octobre 2015 qui, par jugement du 16 février 2018 auquel la cour renvoie pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties a :

— débouté M. X de l’ensemble de ses demandes ;

— débouté l’EPIC Régie Autonome des Transports Parisiens RATP de sa demande reconventionnelle ;

— condamné M. X aux dépens de l’instance.

M. X a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 19 mars 2018.

Par conclusions transmises et notifiées par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 13 août 2020 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, M. X demande à la cour d’infirmer le jugement et de statuant à nouveau :

A titre principal,

— dire sa réforme des effectifs de la RATP nulle et de nul effet ;

— ordonner sa réintégration dans l’entreprise avec reprise de son ancienneté, à des conditions de fonctions et de salaire aussi comparables que possible à celles dont il devait bénéficier après sa formation et l’obtention de ses derniers diplômes ;

— condamner la RATP à lui payer à titre de dommages et intérêts du fait de la nullité de la rupture la

somme de 2 017,17 euros par mois depuis sa réforme jusqu’à sa réintégration effective ;

— condamner la RATP à lui payer les sommes suivantes :

* 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour faits avérés de discrimination en considération de la santé et du handicap,

* 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour faits avérés de harcèlement moral,

* 70 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de carrière ;

A titre subsidiaire,

— dire sa réforme dépourvue de cause réelle et sérieuse ;

Ce faisant,

— condamner la RATP à lui payer les sommes suivantes :

* 6 051,51 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 605,15 euros au titre des congés payés afférents,

* 14 680,52 euros à titre d’indemnité spéciale de licenciement,

* 100 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination,

* 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

* 70 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de carrière ;

— débouter la RATP de toute demande contraire ;

— condamner la RATP à lui la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— la condamner aux entiers dépens.

Par conclusions transmises et notifiées par le RPVA le 29 septembre 2020 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, la RATP demande à la cour de :

— confirmer le jugement ;

Y faisant droit,

— prononcer l’absence de discrimination et de harcèlement moral à l’égard de M. X ;

En conséquence,

— débouter M. X de sa demande de nullité du licenciement et en conséquence le débouter de sa demande de réintégration ;

— constater la régularité de la procédure de reclassement menée par la RATP ;

— débouter M. X de ses demandes d’indemnisation à ce titre ;

— constater l’absence de tout préjudice prétendument subi par M. X ;

— le débouter de ses demandes à ce titre ;

En tout état de cause,

— le débouter intégralement de ses demandes ;

— condamner M. X aux dépens ;

— condamner M. X à la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par décision n° 2018-247 du 20 novembre 2018, le défenseur des droits a présenté des observations aux termes desquelles :

— il constate que la RATP n’a pas respecté les préconisations émises par la médecine du travail, ni rempli son obligation de reclassement ce qui est constitutif d’une discrimination en lien avec l’état de santé et le handicap de Monsieur X au sens des articles L. 1132-1, L. 1226-10 et L. 5213-6 du code du travail, mais aussi d’un manquement de l’employeur à son obligation de réentrainement et de rééducation professionnelles prévue à l’article L. 5213-5 du code du travail ;

— il considère que la réforme de M. X pour inaptitude n’était ni nécessaire, ni objective, ni appropriée et qu’elle encourt la nullité par application de l’article L. 1132-4 dudit code.

Par observations du 23 septembre 2020 communiquées aux parties le 25 septembre 2020, le ministère public considère qu’eu égard à l’importance des effectifs et au nombre des métiers de la RATP, les éléments apportés au dossier par la RATP ne suffisent pas à permettre de constater que le licenciement de Monsieur X était fondé sur un motif objectif et étranger à toute discrimination à raison de son état de santé. Il ajoute que le licenciement de M. X apparaît par conséquent constitutif d’une discrimination à raison de son état de santé et de son handicap.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 1er octobre 2020 et l’affaire a été évoquée à l’audience du 12 novembre 2020.

Par arrêt du 3 décembre 2020 et compte tenu de l’accord des parties pour entamer une médiation, la cour a ordonné une médiation et a dit que l’affaire serait rappelée à l’audience du 3 juin 2021.

Par un rapport de fin de mission du 1er juin 2021, la médiatrice a indiqué à la cour que la médiation n’avait pas abouti.

L’affaire a été appelée à l’audience du 3 juin 2021 à laquelle les débats ont été rouverts.

MOTIVATION

Sur la discrimination

M. X soutient que la rupture de son contrat de travail est l’aboutissement d’un processus discriminatoire en lien avec son état de santé et son handicap, destiné à l’évincer de l’entreprise. Il fait valoir que la gestion des décisions d’aptitude et les recherches de reclassement n’ont pas été

menées de manière objective et que la RATP n’a pas respecté son obligation de ré-entraînement au travail et de rééducation professionnelle du travailleur handicapé de sorte qu’elle ne démontre pas que sa décision de le réformer était nécessaire. Il ajoute que cette décision était inappropriée.

La RATP soutient que M. X n’a pas été victime d’une discrimination en raison de son état de santé et de son handicap, qu’elle a au contraire fait preuve d’une grande bienveillance et d’une implication et que M. X a adopté un comportement difficile confinant à une mauvaise foi certaine. Elle fait valoir que l’appelant ne présente pas d’éléments de fait laissant supposer qu’il a été traité de manière moins favorable que ne l’a été une autre personne dans une situation comparable et en déduit que la discrimination invoquée par M. X n’est pas démontrée. Elle ajoute qu’elle n’a pas contrevenu aux dispositions de l’article L. 1133-3 du code du travail.

Le défenseur des droits considère que s’agissant de la période du 17 décembre 2004 au 3 octobre 2014, la RATP n’a pas respecté les dispositions du statut des agents RATP afférentes à l’inaptitude provisoire et que l’exception au principe de non-discrimination prévue à l’article L. 1133-3 du code du travail n’est pas applicable en l’espèce dans la mesure où l’inaptitude de M. X à son poste statutaire n’a pas été régulièrement constatée le 10 janvier 2006 et que la RATP n’a pas rempli son obligation de reclassement eu égard notamment à la qualité de travailleur handicapé reconnue à l’appelant à compter du mois de mars 2008. S’agissant de la période postérieure au 3 octobre 2014, le défenseur des droits observe qu’une des trois propositions de poste de reclassement n’était pas conforme aux préconisations du médecin du travail et que dès le 10 janvier 2006, la RATP aurait dû entreprendre de telles recherches. Il ajoute que l’employeur n’a pas respecté son obligation de réentraînement au travail et de rééducation professionnelle des travailleurs handicapés. Il considère que l’inexécution de l’obligation de reclassement a nécessairement pour conséquence de dégrader les conditions de travail et l’état de santé du salarié et que, dès lors, la réforme prononcée sur le fondement de l’inaptitude du réclamant constitue une discrimination et encourt la nullité.

Le ministère public considère que la RATP était tenue d’une obligation de reclassement à compter du 10 janvier 2006 et qu’elle n’a pas pleinement respecté cette obligation, que M. X s’est heurté à son refus de reconnaître les diplômes qu’il avait obtenus par formation interne et qu’elle n’apparaît pas avoir respecté son obligation de réentraînement au travail et de rééducation professionnelle du travailleur handicapé. Il observe que les éléments apportés par l’appelant peuvent laisser supposer l’existence d’une discrimination directe en raison de son état de santé et de son handicap et que les éléments apportés par la RATP ne suffisent pas à constater que le licenciement était fondé sur un motif objectif et étranger à toute discrimination à raison de son état de santé.

Aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008 -496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment en raison de son état de santé ou de son handicap.

L’article L. 1133-3 du même code dispose que les différences de traitement fondées sur l’inaptitude constatée par le médecin du travail en raison de l’état de santé ou du handicap ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectives, nécessaires et appropriées.

Aux termes de l’article L. 5213-6 du même code dans sa rédaction applicable au litige, afin de garantir le respect du principe d’égalité de traitement à l’égard des travailleurs handicapés, l’employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1° à 4° et 9° à 11° de l’article L. 5212-13 d’accéder à un

emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée. Ces mesures sont prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en oeuvre ne soient pas disproportionnées, compte tenu de l’aide prévue à l’article L. 5213-10 qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l’employeur. Le refus de prendre des mesures au sens du premier alinéa peut être constitutif d’une discrimination au sens de l’article L. 1133-3.

Il résulte des dispositions de l’article L. 1134-1 du code du travail que lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008 -496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Sur la gestion des décisions d’aptitude et les recherches en vue du reclassement de Monsieur X

A ce titre, M. X invoque des nombreuses irrégularités et négligences commises selon lui dans la gestion des décisions d’aptitude et des manquements de la RATP à son obligation de reclassement.

Sur les irrégularités et négligences commises dans la gestion des décisions d’aptitude

M. X soutient qu’il a été laissé en situation d’inaptitude provisoire au cours de la période du 17 décembre 2004 au 10 janvier 2006 ce en contravention des dispositions de l’article 105 du statut du personnel de la RATP, qu’il a été occupé à des emplois temporaires sans surveillance médicale renforcée et en dépit des avis contraires du médecin du travail. Il fait valoir que son inaptitude définitive n’a été régulièrement constatée que prés de 9 ans après un premier constat du 10 janvier 2006 de sorte qu’il est demeuré dans le flou, qu’aucune étude de poste n’a été réalisée dans des conditions satisfaisantes et qu’aucune recherche sérieuse de reclassement n’a été conduite par l’employeur celui-ci se contentant de l’affecter sur des missions temporaires et de courtes durées alors que le médecin du travail a indiqué que ces missions temporaires étaient préjudiciables à la consolidation de son état de santé.

Il produit l’avis d’inaptitude définitif du 10 janvier 2006 faisant état d’une inaptitude provisoire au 17 décembre 2004, les deux avis d’inaptitude définitive des 3 et 17 octobre 2014 et des recommandations du docteur Y, médecin du travail.

Sur les manquements de la RATP à son obligation de reclassement

M. X soutient que par application des dispositions de l’article L. 1226-10 du code du travail, la RATP aurait dû dès l’avis d’inaptitude provisoire rechercher un poste de reclassement, le soumettre aux délégués du personnel et au médecin du travail ; qu’elle devait le faire en tout état de cause à compter de l’avis d’inaptitude définitive du 10 janvier 2006. Il fait valoir que bien qu’ayant été affecté sur des missions temporaires de 2007 à 2013, les avis du médecin du travail et des délégués du personnel n’ont pas été recueillis. Il ajoute que l’employeur a refusé ses candidatures à trois postes compatibles avec les qualifications acquises au terme de sa formation diplômante et qu’elle a continué à l’affecter à des missions temporaires. Il souligne que si l’employeur a pour la première fois mis en oeuvre une recherche de reclassement après les deux avis d’inaptitude des 3 et 17 octobre 2014, ces démarches n’étaient pas conformes aux exigences légales en raison d’irrégularités de fond en ce que tous les délégués du personnel n’ont pas été consultés et la RATP ne leur pas fourni toutes les informations nécessaires, les propositions de reclassement lui ont été adressées séparément et le dernier poste proposé n’était pas compatible avec les préconisations du médecin du travail. Il ajoute que la RATP ne démontre pas avoir recherché un reclassement auprès de toutes les sociétés et

associations du groupe auquel elle appartient.

Il produit aux débats les avis d’inaptitude, des recommandations du médecin du travail, des affectations sur des postes temporaires, deux attestations d’agents de la RATP (M. Z et M. A), des recherches d’emploi sur la bourse de l’emploi, une lettre du 23 avril 2013 par laquelle il sollicite un poste en relation avec ses derniers diplômes, des propositions de reclassement des mois de janvier, février et mai 2015, des pièces afférentes à la consultation des délégués du personnel et à sa formation diplômante.

Sur le manquement à l’obligation de ré-entraînement au travail et de rééducation professionnelle du travailleur handicapé

M. X soutient que la formation diplômante qu’il a suivie, n’exonérait pas l’employeur de cette obligation et qu’il appartient à la RATP de démontrer qu’elle avait épuisé toutes les solutions pour parvenir à son maintien dans l’entreprise avant de prendre la décision de le réformer de sorte que sa réforme n’était pas à ce stade nécessaire au sens de l’article L. 1133-3 du code du travail.

Sur le caractère inaproprié de la décision de le réformer

M. X fait valoir que la RATP n’a pas respecté les dispositions de l’article 99 de son statut car en sa qualité de bénéficiaire d’une rente accident du travail, l’impossibilité de reclassement faute de poste disponible ne lui étant pas opposable.

Il produit les dispositions du statut, les recommandations du médecin du travail, des courriers de sa part et sa demande sur la bourse de l’emploi.

Il déduit de ces éléments que les mesures prises à son égard n’étaient ni objectives, ni nécessaires et appropriées au sens de l’article L. 1133-3 du code du travail.

La cour retient que M. X présente ainsi des éléments de fait qui pris dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’une discrimination. Au vu de ces éléments, il incombe à la RATP de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Sur la gestion des décisions d’aptitude et les recherches en vue du reclassement de Monsieur X

Sur les irrégularités et négligences commises dans la gestion des décisions d’aptitude

La RATP ne fait pas d’observations sur l’inaptitude provisoire et sur le fait que l’inaptitude définitive de M. X a été constatée en 2014.

La cour constate que si l’avis d’inaptitude provisoire du 17 décembre 2004 évoqué n’est pas produit aux débats, il n’est pas contesté par les parties et il est mentionné sur l’avis d’inaptitude du 10 janvier 2006.

Aux termes de l’article 105 du statut de la RATP, tout agent faisant l’objet, après avis du médecin du travail, d’une décision d’inaptitude provisoire à son emploi statutaire est utilisé dans un autre emploi pendant la durée de cette inaptitude. Cette durée ne peut excéder six mois. Elle peut être prolongée au delà de six mois par périodes au plus égales à trois mois, sans que le total puisse toutefois dépasser douze mois consécutifs. A l’expiration des douze mois consécutifs d’inaptitude provisoire, le médecin du travail doit se prononcer sur la reprise de l’emploi statutaire ou sur l’inaptitude définitive audit emploi.

La cour retient en conséquence que l’inaptitude provisoire a été d’une durée supérieure à un an.

La cour relève en outre que si l’inaptitude définitive de M. X a été constatée le 10 janvier 2006, la RATP n’a pas organisé de deuxième visite de reprise. Or conformément aux dispositions de l’article R. 241-51 du code du travail alors en vigueur et comme le font valoir à juste titre le défenseur des droits et M. X, l’inaptitude définitive d’un salarié à son poste de travail ne pouvait être constatée par le médecin du travail qu’après une étude de ce poste et des conditions de travail dans l’entreprise, à la suite de deux examens médicaux espacés de deux semaines ou en un seul examen en raison d’un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers.

Il sera en conséquence retenu que la RATP ne présente pas d’élément objectif quant aux décisions d’inaptitude.

Sur les manquements de la RATP à son obligation de reclassement

Il convient de distinguer la période antérieure aux deux avis d’inaptitude des 3 et 17 octobre 2014 de la période postérieure.

Sur la période antérieure aux deux avis d’inaptitude des 3 et 17 octobre 2014

La RATP fait valoir qu’entre le mois de janvier 2007 et le mois de juin 2013, elle a proposé à M. X 6 postes.

Il résulte d’un courriel du 16 janvier 2006 (pièce 11 de la RATP) que M. X a été reçu en entretien le même jour et qu’une 'orientation agent de manoeuvre' a été évoquée. Il est également établi par la production par la RATP des pièces 12, 13 et 14 qu’un emploi d’agent de filière D chargé de la logistique du Khéops de Bobigny lui a été proposé le 14 février 2007 et qu’il a accepté cette proposition. Il résulte des dires concordants des parties, qu’il s’est rétracté.

La RATP produit aux débats un courriel de M. X du 4 octobre 2012 par lequel il refuse ' la mission d’archivage de dossiers datant de 2005 au sein de l’entité CAE à Nation(…)'. Elle verse aux débats également un document établi par Mme I C, responsable Mobilité, Inaptitude, Insertion et Handicap SEM Pôle RH (pièce 32). Aux termes de cet écrit, elle affirme qu’un poste de contrôleur des ventes a été proposé à l’agent en février et en juin 2013, qu’une mission lui a été proposée au département Val en mars 2013 et qu’une autre mission lui a été proposée au sein de la cellule Qualité de Service et Traitement de la Mesure du département SEM au mois d’avril 2013. L’employeur verse également aux débats une attestation de M. B, responsable de la cellule de contrôle de la mesure qui affirme avoir reçu en avril 2013 M. X afin de lui présenter le poste de superviseur à la cellule de contrôle de la mesure du département SEM.

Contrairement à ce que soutient M. X à défaut d’avoir organisé une deuxième visite de reprise, les dispositions de l’article L. 1226-10 du code du travail ne s’imposaient pas à la RATP. Cependant, après la visite médicale du 10 janvier 2006, le contrat de travail n’était plus suspendu de sorte que la RATP qui a fait reprendre le travail à M. X, devait respecter les préconisations du médecin du travail et rechercher dans ce cadre un poste de reclassement, cette recherche devant être loyale, sérieuse et précise.

Or, en premier lieu, la RATP ne justifie pas par des éléments objectifs d’une recherche de reclassement structurée en relation avec les préconisations du médecin du travail. Ainsi, hormis pour l’emploi d’agent de filière D chargé de la logistique du Khéops de Bobigny, il ne résulte pas des pièces précédemment citées, que des propositions de reclassement claires, assorties de descriptions de poste ont été adressées à M. X. En second lieu, les descriptifs de poste proposés ne sont pas produits de sorte qu’il n’est pas justifié de leur caractère sérieux et en adéquation avec les préconisations du médecin du travail. Dès lors, il ne peut pas être déduit du courriel de M. X du 4 octobre 2012 qu’il répondait à une offre sérieuse étant observé au surplus qu’un salarié peut refuser une offre de reclassement. Enfin, l’écrit de Mme C ne constitue pas un élément

objectif alors qu’il n’est pas daté, que son destinataire n’est pas mentionné et qu’il n’est pas corroboré par des éléments objectifs. A cet égard, l’attestation de M. B, salarié de la RATP placé sous un lien de subordination, n’est pas conforme aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile en ce que notamment il n’est pas indiqué que son auteur a connaissance de sa production en justice. Elle ne peut en conséquence pas constituer l’élément objectif requis.

La RATP fait valoir ensuite qu’elle a pris en charge une formation coûteuse à hauteur de 52 200 euros à la demande de M. X, sa demande étant soutenue par le médecin du travail et qu’il a bénéficié d’un congé sabbatique puis d’un congé sans solde. Elle soutient qu’elle n’avait pas l’obligation de proposer au salarié un poste en adéquation avec cette formation à son retour ce d’autant que son activité relève du secteur du transport et non du loisir.

La RATP justifie de la prise en charge de la formation qui a permis à M. X d’obtenir une licence professionnelle Management des Organisations-secteur Associatif dans le domaine des Sciences Humaines et Sociales et un diplôme d’Etat Supérieur de la Jeunesse, de l’Education Populaire et du Sport (DESJEPS).

Cependant, cette action n’est pas de nature en soi à suppléer une recherche de reclassement interne à l’entreprise. S’il est constant que l’employeur ne s’est pas engagé à proposer à M. X un poste en rapport avec ses diplômes à l’issue de sa formation, elle devait prendre en compte ses nouvelles qualifications dans la recherche d’un reclassement. Or elle ne produit aucun élément objectif à l’appui d’une absence de poste de reclassement en rapport avec la qualification obtenue étant observé que M. X a accompli dans le cadre de cette formation un stage au sein de la Fondation d’Entreprise appartenant au groupe RATP comme le démontre le document produit par l’employeur (pièce 73), dont l’activité avait nécessairement un lien avec les diplômes objet de celle-ci, la convention régularisée (pièce 24) évoquant une convention d’alternance en structure et énonçant en page 3 des engagements en relation directe avec la formation. En outre, la cour relève que dans une note produite par la RATP (pièce 21) établie par le département gestion et innovation sociale et évoquant le projet de DESJEPS, il est indiqué que le diplôme impose de trouver un stage dans l’environnement de la RATP, que la Fondation d’Entreprise paraît tout à fait adaptée aux exigences du stage mais qu’il pourrait l’effectuer avec une autre Association liée à la RATP 'dont l’objet est en cohérence avec le projet de formation'. Il ressort des candidatures de M. X formulées entre le mois de janvier et le mois de septembre 2013 sur le site 'bourse de l’emploi opérateurs’ que 3 ont été refusées dont une au poste de tuteur/formateur du disposif d’insertion 'Emplois d’Avenir’ secteur de l’exploitation en lien avec sa formation diplômante. La RATP ne produit pas d’éléments sur ces postes et les motifs de refus d’affectation de l’agent sur ceux-ci. Enfin, la cour relève qu’il a été indiqué sur ce site par la RATP à M. X s’agissant de sa candidature à un poste de contrôleur des ventes refusée, 'Devant l’éloquence de votre candidature et avec les aptitudes au management que vous détaillez, vous pouvez légitimement avoir d’autres prétentions que celle d’aspirer à un poste de contrôleur des ventes qui ne pourrait générer que des frustrations (…).'

La RATP invoque ensuite le comportement de M. X qu’elle qualifie de difficile et confinant à la mauvaise foi et cite à ce titre son refus du poste d’agent de filière D chargé de la logistique du Khéops de Bobigny sans explication, la fin anticipée et sa démission du stage afférent à sa formation, la survenue d’un malaise lors d’un rendez-vous relatif à la mission de contrôleur des ventes et l’envoi en pleine nuit de menaces suicidaires. Toutefois, ces éléments ne sont pas de nature à exonérer l’employeur de son obligation de rechercher un reclassement ce d’autant qu’il lui appartenait s’il estimait les refus du salarié abusifs d’en tirer les conséquences. En outre, la cour relève que le comportement de M. X était en lien avec son état de santé. Or le médecin du travail a indiqué le 16 juillet 2013 à l’employeur ' Dans la mesure du possible, il serait préférable, afin d’éviter une rechute, d’éviter de le déplacer trop souvent sur des missions différentes', le 18 octobre 2013 ' depuis presque 8 ans donc il n’a toujours pas été reclassé et cela engendre chez lui une grande souffrance. Afin d’éviter une altération plus grave encore de sa santé, je pense qu’il est urgent de trouver pour lui un poste de reclassement', le 19 décembre 2013 ' j’ai donc vu Mr H X, actuellement en arrêt de travail, ce matin. Comme je vous l’ai dit dans mon précédent mail du 18/10, il est en grande souffrance, et il est très urgent que sa situation se stabilise, c’est à dire qu’il soit employé sur un poste stable, et surtout qu’il soit reclassé.(…)'. En outre, elle ne peut invoquer valablement comme elle le fait son absentéisme et les difficultés qu’il engendrerait pour rechercher un poste de reclassement alors d’une part que l’obligation de reclassement perdure pendant les arrêts de travail et que ces arrêts de travail étaient justifiés par l’état de santé du salarié.

Sur la période postérieure aux deux avis d’inaptitude des 3 et 17 octobre 2014

Aux termes de l’article L. 1226-10 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise. Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation destinée à lui proposer un poste adapté. L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

La recherche des possibilités de reclassement du salarié s’apprécie à l’intérieur du groupe auquel appartient l’employeur parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation lui permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

La RATP justifie avoir consulté les délégués du personnel conformément aux dispositions de l’article L. 1226-10 du code du travail en produisant les avis de réception de courriers qui leur ont été adressés au sujet du reclassement de M. X sur deux postes, agent courrier des UO au contrôle des ventes sur le site Jules Vallès et agent logistique et courrier sur la ligne A à Vincennes, l’employeur pouvant proposer au salarié un nouveau poste de reclassement sans avoir à soumettre cette proposition aux délégués du personnel si le salarié a refusé les propositions précédentes ce qui est le cas en l’espèce, M. X n’ayant pas répondu aux deux premières propositions de poste de reclassement qui lui ont été adressées.

La RATP soutient qu’elle a adressé à l’ensemble des structures du groupe une recherche de reclassement. Cependant, elle produit uniquement aux débats les réponses de ces structures ce qui à défaut de production de registres du personnel ne permet pas d’établir l’inexistence de postes de reclassement.

Sur le manquement à l’obligation de ré-entraînement au travail et de rééducation professionnelle du travailleur handicapé et sur le caractère inaproprié de la décision de le réformer

Si l’inaptitude à l’emploi, pour une raison d’ordre médical, n’empêche pas en soi l’employeur de rompre le contrat de travail d’un salarié handicapé, l’exécution de son obligation de reclassement doit toutefois être appréciée en considération de l’obligation que l’article L. 5213-6 du code du travail précité met à sa charge et de l’aide financière dont il peut bénéficier.

Il appartient à la RATP de justifier avoir pris les mesures appropriées pour permettre à M. X qui avait la qualité de travailleur handicapé, d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à sa qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à ses besoins lui soit dispensée.

Il est constant que la RATP disposait des moyens suffisants pour mettre en oeuvre ces mesures.

Si à juste titre elle invoque le fait qu’elle a assuré à l’agent une formation professionnelle qualifiante, il a été précédemment retenu qu’elle ne justifiait pas avoir recherché un reclassement en prenant en compte cette nouvelle qualification professionnelle et qu’elle avait refusé la candidature de M. X à un poste adapté à sa nouvelle qualification sans produire pour autant d’éléments justificatifs étant observé que par courrier du 23 avril 2013, il lui avait demandé expressément un reclassement en lien avec cette formation. En outre, la cour a précédemment retenu que la RATP ne justifiait pas avoir rempli son obligation de reclassement.

En l’espèce, au terme de cette analyse, la cour retient que la RATP ne justifie pas par des éléments objectifs avoir rempli son obligation de reclassement de sorte que la réforme de M. X n’est pas nécessaire, objective et appropriée et ne peut constituer en soi une exception à la discrimination en raison de l’état de santé ou du handicap au sens de l’article L. 1133-3 du code du travail précité.

La RATP ne prouve pas que sa décision de réforme est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Dès lors, la cour retient que M. X a été victime d’une discrimination en raison de son état de santé et de son handicap.

Sur le harcèlement

M. X soutient qu’il a été victime d’un harcèlement moral car il a été selon lui maintenu pendant 9 ans sur des emplois temporaires de courte durée, préjudiciables à son état de santé et contre l’avis du médecin du travail. Il ajoute que l’absence de reconnaissance de ses diplômes a contribué à la dégradation de sa santé mentale.

La RATP conteste tout fait de harcèlement.

Aux termes de l’article L. 1152-1 du même code, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Conformément aux dispositions de l’article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, il appartient au salarié d’établir des faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il juge utiles.

Il a été précédemment retenu que M. X présentait des éléments afférents à une absence de reclassement pendant plusieurs années. Il produit à l’appui de son allégation concernant son affectation sur des missions temporaires des courriels les évoquant et les courriels du médecin du travail outre deux attestations de M. A et de M. D. S’agissant de la dégradation de son état de santé, il produit une attestation de Mme E, psychologue, un certificat médical du docteur F, médecin psychiatre, un rapport d’assistance et de recours établi à sa demande par le docteur K G, médecin psychiatre.

Il établit ainsi des faits qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la RATP de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La cour a précédemment retenu que la RATP ne produisait pas d’élément objectif de nature à démontrer qu’elle avait rempli son obligation de reclassement seule solution pour procurer à M. X un emploi stable en relation avec sa qualification. Il résulte des courriels que ses affectations sur des missions temporaires se sont faites de manière peu structurées, des services le recevant et évoquant des postes. Il est établi par les courriels du médecin du travail cités précédemment auxquels s’ajoutent des courriels du 27 novembre 2013 et du 20 octobre 2014 que son état de santé s’est dégradé. Ainsi dans le premier courriel, le médecin du travail indique ' Je rappelle que par mail du 16/07/13, j’avais demandé à l’encadrement de Mr X, dans la mesure du possible, et afin d’éviter une rechute, d’éviter de le déplacer trop souvent sur des missions différentes. Le 29/10, suite à la consultation, j’ai à nouveau alerté sur la souffrance psychologique de Mr X, et sur la nécessité de lui trouver un poste stable et un reclassement.' ; dans le second, elle précise : ' (…) Il est urgent de trouver enfin une solution pérenne, un poste de reclassement, afin d’éviter une nouvelle aggravation de son état de santé.(…)'. Dans son attestation du 15 juin 2015, Mme E indique que son état s’est aggravé suite à une situation d’octobre 2013. Il n’y a pas lieu d’écarter des débats le certificat du docteur F qui relate le ressenti de M. X en le présentant en tant que tel. Dans son rapport du 29 mai 2014, le docteur G, psychiatre, relève ' un état de stress post traumatique avec angoisse massive, qui s’est ensuite chronicisé et s’est aggravé sur un mode d’état dépressif majeur où prédominent repli, idées d’inutilité, douleur morale intense. Cette évolution pathologique réactionnelle à sa situation de souffrance au travail va nécessiter une prise en charge psychothérapeutique et un traitement par psychotropes poursuivis à ce jour.(…)'.

En conséquence, la cour retient que M. X a été victime d’un harcèlement moral.

Sur la réforme

Il résulte de l’article L. 1132-4 du code du travail que toute disposition ou tout acte pris à l’égard d’un salarié en méconnaissance des dispositions relatives au principe de non-discrimination est nul et de l’article L. 1152-3 du même code que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du même code, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

En conséquence, la réforme de M. X est nulle.

Le salarié licencié en raison de son état de santé ou de son handicap qui demande sa réintégration, a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration.

En conséquence, M. X sollicitant sa réintégration, il sera ordonné à la RATP de le réintégrer dans l’entreprise avec reprise de son ancienneté, à des conditions de fonctions et de salaire aussi comparables que possible à celles dont il devait bénéficier après sa formation et l’obtention de ses derniers diplômes.

La RATP sera en outre condamnée à lui payer à titre de dommages et intérêts du fait de la nullité de la rupture la somme de 2 017,17 euros par mois depuis sa réforme jusqu’à sa réintégration effective.

La décision des premiers juges sera infirmée.

Sur les dommages et intérêts pour discrimination

M. X a subi du fait de la discrimination en raison de son état de santé et de son handicap pendant plusieurs années un préjudice qui sera indemnisé par l’allocation de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts au paiement de laquelle la RATP sera condamnée.

La décision des premiers juges sera infirmée.

Sur les dommages et intérêts pour harcèlement moral

Les faits de harcèlement moral retenus précédemment ont engendré un préjudice distinct caractérisé notamment par une atteinte à sa dignité, un repli sur soi et des idées d’inutilité.

Il sera alloué à ce titre à M. X la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts au paiement de laquelle la RATP sera condamnée.

La décision des premiers juges sera infirmée.

Sur le préjudice de carrière

M. X soutient qu’en raison de l’accident du travail dont il a été victime en 2004, sa carrière n’a pas pu connaître une évolution normale faute d’un reclassement pérenne.

La cour retient qu’il ne justifie pas suffisamment de l’existence d’un préjudice distinct de celui déjà indemnisé au titre de la discrimination.

En conséquence, M. X sera débouté de sa demande à ce titre.

La décision des premiers juges sera confirmée sur ce chef de demande.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Partie perdante, la RATP sera condamnée au paiement des dépens. Le jugement sera infirmé en ce qu’il a mis les dépens à la charge de M. X.

La RATP sera condamnée à payer à M. X la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la décision des premiers juges étant infirmée à ce titre. La société RATP sera déboutée de sa demande afférente aux frais irrépétibles en cause d’appel et la décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement sauf en ce qu’il a débouté M. X de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice de carrière et l’EPIC Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP) de sa demande au titre des frais irrépétibles,

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

DIT que M. H X a été victime d’une discrimination en raison de son état de santé et de son handicap et qu’il a été victime d’un harcèlement moral,

PRONONCE la nullité de la réforme de M. H X,

ORDONNE à l’EPIC Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP) de réintégrer M. H X dans l’entreprise avec reprise de son ancienneté, à des conditions de fonctions et de salaire aussi comparables que possible à celles dont il devait bénéficier après sa formation et l’obtention de ses derniers diplômes,

CONDAMNE l’EPIC Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP) à payer à M. H X à titre de dommages et intérêts du fait de la nullité de la rupture la somme de 2 017,17 euros

par mois depuis sa réforme jusqu’à sa réintégration effective,

CONDAMNE l’EPIC Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP) à payer à M. H X les sommes suivantes :

—  10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination ;

—  10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

Y ajoutant,

CONDAMNE l’EPIC Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP) à payer à M. H X la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

CONDAMNE l’EPIC Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP) aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 23 septembre 2021, n° 18/04351