Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 1er septembre 2021, n° 21/00022

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 3, 1er sept. 2021, n° 21/00022
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 21/00022
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 15 décembre 2020, N° J202000483
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRET DU 01 SEPTEMBRE 2021

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00022 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC3JO

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Décembre 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° J202000483

APPELANTES ET INTIMÉES

Association ACTION LOGEMENT GROUPE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Assistée par Me Isabelle FORTIN, avocat au Barreau de PARIS, toque : L132

S.A. MA NOUVELLE VILLE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119

Assistée par Me Cécile REBIFFÉ, avocat au Barreau des Hauts de Seine

SAS ACTION LOGEMENT SERVICES prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Assistée par Me Thomas PICOT, avocat au barreau de PARIS, toque : T04

INTIMEE ET APPELANTE

S.A.S. MUTER LOGER RELOCATION prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Assistée par Me Christian BOREL, avocat au Barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 07 Juin 2021, en audience publique, rapport ayant été fait par M. Patrick BIROLLEAU, Premier Président de chambre conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Patrick BIROLLEAU, Premier Président de chambre

Carole CHEGARAY, Conseillère

Edmée BONGRAND, Conseillère

Greffier, lors des débats : Olivier POIX

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Patrick BIROLLEAU, Premier Président de chambre et par Olivier POIX, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*******

Le groupe Action Logement (jusqu’en 2009 '1% Logement') est un système paritaire ayant pour objectif de mener des actions dans le domaine du logement et notamment celui des salariés. Il est constitué de l’association Action Logement Groupe, holding qui détient notamment la filiale Action Logement Services, détenant elle-même Ma Nouvelle Ville, cette dernière étant spécialisée dans l’accompagnement des salariés en mobilité géographique et professionnelle (également appelé 'relocation').

La société Muter Loger Relocation ('Muter Loger') exerce une activité concurrente dans le domaine de la relocation.

Exposant qu’Action Logement Groupe, Action Logement Services et Ma Nouvelle Ville auraient commis un abus de position dominante et des actes de concurrence déloyale, la société Muter Loger Relocation a sollicité, par requête du 30 juillet 2019, du président du tribunal de commerce de Paris qu’il ordonne une mesure d’instruction aux sièges de ces sociétés. Par ordonnance du 30 juillet 2019, le juge des requêtes a rejeté la requête.

Le 9 septembre 2019, la société Muter Loger Relocation a déposé une nouvelle requête ayant le même objet.

Par ordonnance en date du 11 septembre 2019, le juge des requêtes a fait droit à cette demande et a commis la SELARL X Y Z, huissier de justice, ès qualité de

mandataire judiciaire, avec pour mission, notamment, de :

— se rendre dans les locaux d’ALS, de MNV et d’ALG ensemble situés au 19/21, quai d’Austerlitz, à Paris (75013) ou 'dans tout autre lieu qui s’avérerait nécessaire’ ;

— prendre copie 'd’éventuels courriers électroniques, offres commerciales, ou tous autres documents, créés, copiés, modifiés ou transformés depuis le 1 er novembre 2018 et jusqu’au 31 août 2019, contenant la combinaison de mots clés suivantes : 'Mobili-Pass’ et 'si vous souhaitez consulter 'Ma Nouvelle Ville', filiale d’Action Logement, contactez le 09 69 390 396 (de 9 heures à 18 heures) ou rendez-vous sur le site www.manouvelleville.fr’ ;

— prendre copie des 'justificatifs des montants versés par Action Logement Services à Ma Nouvelle Ville, depuis le 1er novembre 2018 et jusqu’au 31 août 2019 au titre de l’aide mobili-Pass, pour des salariés d’EDF et ses filiales et de La Poste et ses filiales'.

La mesure a été exécutée le 4 octobre 2019.

Par actes des 31 octobre et 4 novembre 2019, l’association Action Logement Groupe et les sociétés Action Logement Services et Ma Nouvelle Ville ont fait assigner la société Muter Loger Relocation devant le président du tribunal de commerce de Paris aux fins notamment d’obtenir la rétractation de l’ordonnance du 11 septembre 2019.

Par ordonnance contradictoire rendue le 16 décembre 2020, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :

— dit que la requête du 3 septembre 2019 est recevable ;

— ordonné la jonction des procédures diligentées à l’encontre de l’ordonnance du 11 septembre 2019 et enrôlées sous les numéros RG 2019061534, 2019061531 et 2019061531 devenant le RG J2020000483 ;

— dit que l’ordonnance du 11 septembre 2019 est conforme aux dispositions de l’article 145 et 493 du code de procédure civile, et déboutons l’association Action Logement Groupe, les sociétés Action Logement Services et Ma Nouvelle Ville de leur demande de rétractation de l’ordonnance du 11 septembre 2020 ;

— limité la mainlevée du séquestre et la communication à la société Muter Loger par la SELARL X Y Z, prise en la personne de Maître X Y Z, huissier de justice à Paris, des seuls documents dont la prise de copie était visée dans l’ordonnance sur requête rendue le 11 septembre 2019 par le président du tribunal de commerce de Paris, à savoir :

(i) les courriers électroniques, offres commerciales, ou autres documents, créés, copiés, modifiés ou

transformés depuis le 1er novembre 2018 et jusqu’au 31 août 2019, contenant la combinaison de mots clés suivantes : 'Mobili-Pass’ et 'si vous souhaitez consulter 'Ma Nouvelle Ville’ filiale d’Action Logement, contactez le 09 69 390 396 (de 9 heures à 18 heures) ou rendez-vous sur le site wvvvv.manouvelleville.fr'

(ii) les justificatifs des montants versés par l’association Action Logement Services à Ma Nouvelle Ville, depuis le 1er novembre 2018 et jusqu’au 31 aout 2019 au titre de l’aide mobili-pass, pour des salariés d’EDF et ses filiales et de La Poste et ses filiales ;

— dit que la levée de séquestre des pieces obtenues lors des opérations de constat par l’huissier instrumentaire doit se faire conformément aux articles R153-3 à R153-8 du code de commerce,

— dit que la procédure de levée de séquestres sera la suivante :

— demandé aux sociétés Action Logement Groupe, Action Logement Services et Ma Nouvelle Ville de faire un tri sur les fichiers des pièces séquestrées en trois catégories :

Catégorie 'A’ les piéces qui pourront être communiquées sans examen ;

Catégorie 'B’ les piéces qui sont concernées par le secret des affaires et que les défenderesses refusent de communiquer;

Catégorie 'C’ les pieces que les défenderesses refusent de communiquer mais qui ne sont pas concernées par le secret des affaires ;

— dit que ce tri sera communiqué à la SELARL X Y Z, prise en la personne de Maître X Y Z, pour un contrôle de cohérence avec le fichier initial séquestré ;

— dit que pour les pieces concernées par le secret des affaires, les sociétés Action Logement Groupe, Action Logement Services et Ma Nouvelle Ville, conformément aux articles R153-3 à R153-8 du code de commerce, communiqueront au Président 'un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires’ ;

— fixé le calendrier suivant : communication a la SELARL X Y Z, prise en la personne de Maître X Y Z, et au Président, les tris des fichiers demandés avant le 20 janvier 2021;

— renvoyé l’affaire, après controle de cohérence de la SELARL X Y Z, en personne de Maître X Y Z, à l’audience du 4 février 2021 à 14h30 en Cabinet 1er étage pour la réalisation de la levée de séquestre ;

— condamné les sociétés Action Logement Groupe, Action Logement Services et Ma Nouvelle Ville à payer à Muter Loger la somme de 5.000 euros ;

— débouté pour le surplus ;

— condamné l’Association Action Logement Groupe, les sociétés Action Logement Services et Ma Nouvelle Ville aux dépens.

La société Action Logement Services a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 23 décembre 2020, affaire enrôlée sous le numéro RG 21/00022. La société Ma Nouvelle Ville a également interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 4 janvier 2021, affaire enrôlée sous le numéro RG 21/00618.

Par ordonnance du 8 avril 2021, ces deux affaires ont fait l’objet d’une jonction sous l’unique numéro RG 21/00022.

La société Ma Nouvelle Ville, par dernières conclusions remises le 23 avril 2021, demande à la cour, au visa des articles 145, 496 et 874 du code de procédure civile, de :

— infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau,

— déclarer irrecevable la requête présentée par la société Muter Loger Relocation le 9 juillet 2019 ;

— juger que la société Muter Loger Relocation ne justifiait pas d’un motif permettant de déroger au principe du contradictoire ;

— juger que la société Muter Loger Relocation ne justifiait pas d’un motif légitime pour solliciter les mesures d’instructions litigieuses, lesquelles ne sont ni pertinentes ni utiles pour établir un quelconque abus de position dominante ;

en conséquence,

— ordonner la rétractation de l’ordonnance sur requête rendue le 11 septembre 2019 par le président du tribunal de commerce de Paris ;

— prononcer la nullité des opérations intervenues en exécution de l’ordonnance ;

— ordonner la restitution à la société Ma Nouvelle Ville de l’ensemble des pièces séquestrées par la SELARL X Y Z, huissier de justice, à la suite des opérations intervenues en exécution de l’ordonnance sur requête du 11 septembre 2019 ;

— débouter la société Muter Loger Relocation de toutes ses demandes, fins et conclusions.

— condamner la société Muter Loger Relocation à payer à la société Ma Nouvelle Ville la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Elle fait tout d’abord valoir que la requête présentée par Muter Loger le 9 septembre 2019 était irrecevable, dès lors qu’une requête sur les mêmes faits et mêmes griefs avait déjà été présentée (et rejetée par une ordonnance du 30 juillet 2019 ayant autorité de chose jugée au provisoire) et que la nouvelle requête ne présente pas de circonstances nouvelles.

Elle prétend ensuite que la dérogation au principe du contradictoire n’était pas justifiée : aucun élément précis ne venait étayer le risque de dépérissement des preuves mis en avant dans l’ordonnance ; elle précise que, contrairement à ce qu’a retenu l’ordonnance, certains documents recherchés sont d’ordre comptable, contractuel ou financier et que pour les autres, s’agissant d’e-mails échangés avec des demandeurs d’aide Mobili-Pass, ils ne pourraient être volontairement supprimés en raison du nécessaire suivi de telles demandes ; elle estime enfin que l’effet de surprise n’était pas qualifié dès lors qu’elle connaissait les griefs portés à son encontre.

Elle invoque également l’absence de motif légitime, les affirmations de Muter Loger quant à un abus de position dominante étant infondées et l’action qu’elle souhaite engager vouée à l’échec, celle-ci n’ayant pour objectif que d’interdire à Action Logement d’exercer une activité concurrentielle dans le domaine de la relocation. Elle indique que, malgré qu’elle ait affirmé détenir les preuves lui permettant d’exercer une action au fond – ce qui s’oppose à une mesure d’instruction ayant

précisément ce but – aucun commencement de preuve d’un comportement fautif n’est avancé par Muter Loger. De plus, elle souligne que l’argument selon lequel elle détiendrait une position dominante en ayant atteint une part de marché de 30 % en un an est infondé en ce que, d’une part, 30 % de parts de marché ne sont pas constitutives d’une position dominante et, d’autre part, elles ne se sont pas construites en un an car Ma Nouvelle Ville est en réalité issue de la réunion de 27 sociétés actives depuis 25 ans dans la relocation et, enfin, Muter Loger ne fait état d’aucune diminution du chiffre d’affaires qui aurait été causée par le prétendu abus. Plus spécifiquement, elle indique que son afiliation au groupe Action Logement ne saurait constituer un abus per se, ni même le fait que cette information soit mentionnée, comme dans l’e-mail dont Muter Loger fait état et dans lequel Action Logement évoque les prestations proposées dans le groupe tout en préservant la liberté de choix des bénéficiaires en indiquant que d’autres prestataires existent. Elle expose n’avoir détourné aucun marché (concernant notamment La Poste, EDF, SNCF), les salariés de ces entreprises étant libres de s’adresser à elle. Elle déclare également qu’aucune confusion n’est caractérisée entre Ma Nouvelle Ville et Action Logement, même si elles officient dans les mêmes locaux, dès lors que les employés sont différents (tout comme leurs adresses e-mails et leurs numéros) et que les salariés bénéficiaires ne se déplacent que très rarement en agence.

Elle considère enfin que les mesures ordonnées ne sont ni utiles ni pertinentes, puisque les preuves recherchées ne sont pas à même de fonder l’action envisagée par Muter Loger.

La société Action Logement Services, par dernières conclusions remises le 19 mars 2021, demande à la cour, au visa des articles 16, 54, 57, 145, 455, 496, 497, 699, 700 et 901 code de procédure civile, de :

— la déclarer recevable en son appel et bien fondée en toutes ses demandes, fins et prétentions ;

— annuler l’ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris en date du 16 décembre 2020 en ce que ladite ordonnance est affectée d’une insuffisance de motivation et de non réponse à conclusions, en violation des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ;

— infirmer l’ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris en date du 16 décembre 2020 ;

— en ce que la requête de la société Muter Loger Relocations en date du 9 septembre 2019 était en toute hypothèse irrecevable, faute de 'circonstances nouvelles’ par rapport à sa précédente requête rejetée par ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris en date du 30 juillet 2019 ;

— et en ce que les conditions exigées pour le prononcé de mesures d’instruction au titre de l’article 145 du code de procédure civile n’étaient pas réunies ;

statuant à nouveau,

— constater que la mission confiée à l’huissier instrumentaire par l’ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris en date du 11 septembre 2019 n’était justifiée par aucun motif légitime et portait une atteinte injustifiée au principe du contradictoire ;

— prononcer la rétractation, en toutes ses dispositions, de l’ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris en date du 11 septembre 2019 ;

— annuler toutes les mesures d’instruction subséquentes qui ont été diligentées le 4 octobre 2019 par la SELARL X Y Z, huissiers de justice, et/ou tout autre huissier l’ayant assisté, en exécution de ladite ordonnance du 11 septembre 2019, en ce compris les procès-verbaux et tout autre document dressé par lesdits huissiers ;

— ordonner la restitution immédiate à la société Action Logement Services de l’ensemble des éléments saisis et informations recueillies lors des mesures d’instruction réalisées le 4 octobre 2019 par la SELARL X Y Z, Huissiers de Justice, et/ou tout autre huissier l’ayant assisté, sur le fondement de l’ordonnance rétractée ;

en tout état de cause,

— condamner la société Muter Loger Relocations à verser à la société Action Logement Services la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction pour ces derniers au profit de Me François Teytaud, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Elle conclut tout d’abord à l’insuffisance de motivation de l’ordonnance quant à la caractérisation du motif légitime et au défaut de réponse à conclusions concernant la dérogation au principe du contradictoire, et en particulier la nécessité d’un effet de surprise de l’ordonnance entreprise.

Elle fait valoir que la requête présentée par Muter Loger le 9 septembre 2019 était irrecevable, dès lors qu’une requête sur les mêmes faits et mêmes griefs avait déjà été présentée (et rejetée par une ordonnance du 30 juillet 2019) et que la nouvelle requête ne présente pas de circonstances nouvelles.

Sur le fond, elle fait valoir en substance les mêmes moyens que la société Ma Nouvelle Ville. En effet, elle met en exergue l’absence de motif légitime en ce que les éléments recherchés n’auraient pas été utiles à démontrer des pratiques d’abus de position dominante ou d’actes de concurrence déloyale. Elle fait grief au premier juge d’avoir donné crédit aux allégations infondées de Muter Loger concernant le rapport de l’inspection générale des finances de janvier 2020, qui ne souligne aucune pratique illicite. Elle souligne par ailleurs que l’activité concurrentielle des entités du groupe Action Logement, comme Ma Nouvelle Ville, est parfaitement licite. Elle expose que les pièces produites par Muter Loger à l’appui de sa requête n’étaient aucunement en mesure d’étayer ses affirmations quant à des comportements irréguliers. De plus, elle souligne qu’elles ne concernent pas la société Action Logement Services et ne pouvaient donc en aucune manière venir étayer un motif légitime de demander à l’encontre de cette société des mesures d’instruction, tout comme les allégations concernant les marchés publics. S’agissant de la dérogation au principe du contradictoire, elle fait également valoir les mêmes moyens que Ma Nouvelle Ville.

L’association Action Logement Groupe, par dernières conclusions remises le 24 mars 2021, demande à la cour, au visa des articles 145 et 493 du code de procédure civile, de :

— infirmer l’ordonnance de référé du 16 décembre 2020 ;

— ordonner la rétractation de l’ordonnance en date du 11 septembre 2019 et l’annulation des actes

subséquents ;

— rejeter les demandes de la société Muter Loger Relocation ;

— condamner la société Muter Loger Relocation à verser entre les mains d’Action Logement Groupe la somme de 30.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la société Muter Loger Relocation aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de Me François Teytaud, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient principalement que la requête présentée par Muter Loger Relocation le 9 septembre 2019 était irrecevable, dès lors qu’elle avait déjà présenté une requête (rejetée par une ordonnance à

laquelle est attachée l’autorité provisoire de chose jugée) sur les mêmes faits et mêmes griefs, en y ajoutant simplement deux justifications supplémentaires à la dérogation au principe du contradictoire (qu’elle aurait très bien pu invoquer dès la première requête), et ce sans rapporter de circonstances nouvelles.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que Muter Loger ne disposait d’aucun motif légitime à solliciter une mesure d’instruction la visant, puisque les griefs qu’elle formule visent exclusivement Action Logement Services et Ma Nouvelle Ville ; et que la confusion avancée n’existe pas.

Elle considère également que la dérogation au principe de la contradiction n’était pas justifiée. Elle affirme en effet que le motif qu’elle avait invoqué au soutien de sa première requête est inopérant car ayant déjà été rejeté par le premier juge. Elle indique que les autres ne la concernent pas ou son péremptoires. Elle souligne que Muter Loger n’était pas fondée à ne pas appeler ALG aux débats, dès lors qu’elle l’a informée de ses griefs plusieurs mois avant l’introduction de son action.

La société Muter Loger Relocation, par dernières conclusions remises le 27 mai 2021, demande à la cour, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, de :

— débouter les sociétés Ma Nouvelle Ville, Action Logement Groupe et Action Logement Service de leurs appels comme infondés ainsi que de l’intégralité de leurs demandes ;

— confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du tribunal de commerce de Paris du 16 décembre 2020 ;

en tout état de cause,

— débouter les sociétés Ma Nouvelle Ville, Action Logement Groupe et Action Logement Service de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

— condamner solidairement les sociétés Ma Nouvelle Ville, Action Logement Groupe et Action Logement Service à payer chacune à la société Muter Loger Relocation la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens de l’instance.

Elle conclut en premier lieu à la validité de l’ordonnance du 16 décembre 2020, qui selon elle est suffisamment motivée et a répondu aux conclusions d’Action Logement Services.

Elle avance que sa requête du 9 septembre 2019 était parfaitement recevable dès lors qu’elle mentionnait le rejet de sa première requête, en raison du manque de justification quant à la dérogation au principe du contradictoire, et le président du tribunal de commerce qui a rendu l’ordonnance du 11 septembre 2019 l’a donc fait en parfaite connaissance de cause et dans le respect des dispositions de l’article 497 du code de procédure civile. Elle ajoute que les arguments et jurisprudences invoqués pour soutenir le contraire par les parties adverses ne sont pas pertinents.

Par ailleurs, elle prétend justifier d’un motif légitime au vu :

— des différentes actions en justice qu’elle pourrait intenter à l’encontre d’Action Logement : elle affirme en effet pouvoir agir sur le fondement des pratiques anticoncurrentielles en ce que la société Action Logement Services oriente directement les personnes qui sollicitent l’aide Mobili-Pass vers sa filiale Ma Nouvelle Ville (via, entre autres, une mise en avant par courriel, la transmission directe des dossiers, une confusion entre la maison-mère et sa filiale) ; mais également en concurrence déloyale (utilisation par Ma Nouvelle Ville de données en provenance d’Action Logement Services, confusion entre la qualité de distributeur de l’aide Mobili-Pass et de prestataire de relocation,

violation du droit de Muter Loger de bénéficier des marchés publics dont elle est attributaire) ;

— de la confusion opérée entre les sociétés du groupe Action Logement, notamment par le partage des locaux ou des serveurs, justifiant ainsi l’exercice d’une mesure à l’encontre d’Action Logement Groupe, sachant qu’il est admis qu’une personne supporte une mesure sans être défendeur potentiel au futur procès.

Elle expose que la mesure sollicitée présente une utilité probatoire dès lors qu’elle permet de confirmer ou d’infirmer les abus de position dominante, de vérifier si les sociétés du groupe Action Logement ont conclu des contrats avec EDF, La Poste et SNCF en l’absence d’attribution de marchés publics, d’apprécier l’ampleur des détournements et du manque à gagner qui en résulte, et d’améliorer la situation probatoire. Enfin, elle fait valoir la nécessité de déroger au principe du contradictoire en ce que le risque de disparition et de destruction des preuves était réel (documents détenus sur support informatique, risque de concertation de sociétés opérant à la même adresse, volonté de ne pas révéler l’existence de pratiques anticoncurrentielles) et que l’efficacité de la mesure était subordonnée à l’effet de surprise.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la requête du 9 septembre 2019

Les sociétés Ma Nouvelle Ville, Action Logement Services et Action Logement Groupe concluent à l’infirmation de l’ordonnance critiquée au motif de l’irrecevabilité de la seconde requête déposée par la société Muter Loger Relocation le 9 septembre 2019, celle-ci ayant été précédée d’une première requête tendant à obtenir une mesure d’instruction in futurum sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, qui reposait sur les mêmes faits et les mêmes griefs, et rejetée par le juge des requêtes.

Aux termes de l’article 496 du code de procédure civile, 'S’il n’est pas fait droit à la requête, appel peut être interjeté à moins que l’ordonnance n’émane du premier président de la cour d’appel. Le délai d’appel est de quinze jours. L’appel est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse. / S’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance.'

Il se déduit de ces dispositions que le requérant qui entend critiquer l’ordonnance doit et ne peut que relever appel de la décision, selon les règles prévues à l’article 950 du code de procédure civile auquel renvoie l’article 496, sans pouvoir saisir une nouvelle fois le juge de la requête de la même demande, la présentation de moyens nouveaux au soutien de la dérogation au principe du contradictoire ne pouvant s’inscrire que dans le cadre de la procédure d’appel.

Il est constant que :

— par ordonnance du 30 juillet 2019, le juge des requêtes a rejeté la première requête de la société Muter Loger Relocation au motif d’une insuffisante justification de la nécessité de déroger au principe du contradictoire ;

— il n’a pas été interjeté appel de cette ordonnance ;

— la société Muter Loger Relocation a, le 3 septembre 2019, saisi le juge des requêtes d’une nouvelle requête reposant sur les mêmes faits, Muter justifiant, dans cette nouvelle requête, de la dérogation au principe du contradictoire d’une part, par un risque de concertation liée au fait que ALG, ALS et

MNVavaient une adresse identique, d’autre part, par des répercussions sur le plan politique liées au monopole d’ALS dans la collecte de fonds publics.

La deuxième requête du 3 septembre 2019 est fondée sur les mêmes griefs que la première requête et tend aux mêmes fins, peu important que la société Muter Loger Relocation ait apporté des justifications supplémentaires à la dérogation au principe du contradictoire.

La seule voie ouverte par l’article 496 du code de procédure civile en cas de rejet d’une requête étant l’appel, voie de recours que n’a pas exercée Muter Loger Relocation, celle-ci ne pouvait saisir le même juge des requêtes d’une nouvelle requête reposant sur les mêmes faits et tendant aux mêmes fins que celle remise le 30 juillet 2019. Dans ces conditions, la requête du 3 septembre 2019 n’était pas recevable et le juge ne pouvait y donner une suite favorable.

En conséquence, la cour infirmera l’ordonnance entreprise, dira irrecevable la requête du 3 septembre 2019, rétractera l’ordonnance du 11 septembre 2019 et annulera toutes les mesures d’instruction subséquentes.

PAR CES MOTIFS

Infirme l’ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau ;

Dit irrecevable la requête du 3 septembre 2019 ;

Rétracte l’ordonnance du 11 septembre 2019 ;

Annule toutes les mesures d’instruction subséquentes qui ont été diligentées le 4 octobre 2019 par la SELARL X Y Z, huissiers de justice, et/ou tout autre huissier l’ayant assisté, en exécution de ladite ordonnance du 11 septembre 2019, en ce compris les procès-verbaux et tout autre document dressé par lesdits huissiers ;

Ordonne la restitution immédiate à la société Action Logement Services de l’ensemble des éléments saisis et informations recueillies lors des mesures d’instruction réalisées le 4 octobre 2019 par la SELARL X Y Z, huissiers de justice, et/ou tout autre huissier l’ayant assisté, sur le fondement de l’ordonnance rétractée ;

Condamne la société Muter Loger Relocation aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

La condamne à payer à chacune des sociétés Ma Nouvelle Ville, Action Logement Services et à L’association Action Logement Groupe la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
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Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 1er septembre 2021, n° 21/00022