Cour d'appel de Paris , Pôle 5, 2e ch.

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 2, 29 janv. 2021, n° 19/08989
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/08989
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 30 janvier 2019, N° 17/04479
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 31 janvier 2019, 2017/04479
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : JUKE ; UJUKE
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 10150852 ; 4194473
Classification internationale des marques : CL09 ; CL15 ; CL35 ; CL38 ; CL42
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Référence INPI : M20210030
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Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRÊT DU 29 janvier 2021

Pôle 5 – Chambre 2

(n°21, 12 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 19/08989 –  n° Portalis 35L7-V-B7D-B72VB Décision déférée à la Cour : jugement du 31 janvier 2019 – Tribunal de grande instance de PARIS -3ème chambre 4ème section – RG n°17/04479

APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE Société MEDIA SATURN HOLDING GmbH, société de droit allemand, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé Wankelstraβe 5 INGOLSTADT (85046) ALLEMAGNE Représentée par Me C P du Cabinet LAVOIX, avocat au barreau de PARIS, toque E 1626 Assistée de Me P M plaidant pour le Cabinet LAVOIX, avocat au barreau de PARIS, toque E 1626, Me A C plaidant pour le Cabinet LAVOIX, avocate au barreau de PARIS, toque E 1626 INTIMES AU PRINCIPAL et APPELANTS INCIDENTS M. R S S.A.R.L. INTERLUDE, anciennement KEO INTERACTIV FRANCE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé 3, boulevard de Sébastopol 75001 PARIS Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 452 629 637 S.A. KEO INTERACTIV GROUP, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé 3, boulevard de Sébastopol 75001 PARIS Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 493 567 622 S.A.R.L. KEO MULTIMEDIA, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé 3, boulevard de Sébastopol 75001 PARIS Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 490 135 845 Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Représentés par Me Matthieu BOCCON-GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque C 2477 Assistés de Me Louise LACROIX plaidant pour le Cabinet BOUCHARA AVOCATS, avocate au barreau de PARIS, toque C 594

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 décembre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Agnès MARCADE, Conseil ère, chargée d’instruire l’affaire, laquel e a préalablement été entendue en son rapport

Mme Agnès MARCADE a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Brigitte CHOKRON, Présidente Mme Laurence LEHMANN, Conseil ère Mme Agnès MARCADE, Conseil ère Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT ARRET: Contradictoire Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile Signé par Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 31 janvier 2019 par le tribunal de grande instance de Paris ;

Vu l’appel interjeté le 24 avril 2019 par la société Media Saturn Holding Gmbh ;

Vu les dernières conclusions (conclusions n°3) remises au greffe et notifiées par voie électronique le 4 septembre 2020 par la société Media Saturn Holding Gmbh, appelante principale et intimée à titre incident ;

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 9 septembre 2020 par la société Interlude (SARL) (anciennement Keo Interactiv France), la société Keo Interactiv Group (SA), la société Keo Multimédia (SARL) et M. R S, intimés principaux et appelants à titre incident ;

Vu l’ordonnance de clôture du 10 septembre 2020.

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

SUR CE, LA COUR, Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

La société Media Saturn Holding Gmbh (la société Media Saturn) est une société de droit al emand qui gère sur toute l’Europe une chaîne de magasins spécialisés dans l’électronique. El e exploite également, notamment en Al emagne, une plate-forme de divertissements sous la marque « Juke ». El e est titulaire d’un portefeuil e de marques dont la marque européenne verbale Juke n°10150852, déposée le 26 juil et 2011 et enregistrée le 21 juin 2014, désignant de nombreux produits et services en classes 9, 15, 35, 38 et 41.

La société Interlude, anciennement Keo Interactiv France, est une société française du groupe Keo Interactiv, dont l’activité exercée est, selon son extrait K-bis, la « commercialisation et distribution de logiciels et matériels informatiques ». Il ressort de son site Internet que « depuis sept ans, la société Keo Interactiv prend en charge le design sonore et l’affichage dynamique de plusieurs centaines de bars, hôtel, restaurants, magasins, centre de loisirs et autres points de vente, en France et partout dans le monde ».

La société Keo Interactiv Group, autre société française du groupe Keo Interactiv, a pour domaine d’activité : « Holding gestion de participation, activité des sociétés de holding, gestion des participations, prestations de services aux filiales ».

La société Keo Multimedia est également une société française du groupe Keo qui opère dans le secteur d’activité du commerce de détail d’ordinateurs, d’unités périphériques et de logiciels en magasin spécialisé.

M. R S est le président directeur général de la société Keo Interactiv Group et le gérant des sociétés Keo Interactiv France et Keo Multimedia. Il a déposé le 4 juil et 2015 en son nom personnel, la marque française verbale Ujuke n°15 4 194 473 dans les classes 9, 35, 38 et 42.

La société Media Saturn a formé opposition le 24 septembre 2015 à l’enregistrement de cette marque sur la base de sa marque européenne antérieure précitée Juke n°l0l50852.

Le 24 mars 2016, le directeur général de l’Institut national de la propriété industriel e (INPI) a rendu une décision, désormais définitive, par laquel e l’opposition a été reconnue partiel ement justifiée, notamment pour les produits suivants : « logiciels (programmes enregistrés) » pour lesquels la demande d’enregistrement de la marque Ujuke n°15 4 194 473 a été rejetée. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

La société Media Saturn dit s’être aperçue que le signe Ujuke continuait d’être exploité en France par les sociétés du groupe Keo pour désigner une application mobile disponible sur smartphones via les boutiques virtuel es d’applications mobiles, comme « App Store » d’Apple, permettant à ses utilisateurs d’écouter gratuitement et en temps réel les playlists musicales diffusées chez les clients des sociétés Keo, à savoir dans des bars, brasseries et restaurants dont le groupe Keo gère le design sonore.

La société Media Saturn a fait adresser en vain par l’intermédiaire de son conseil une lettre de mise en demeure à M. R S, le 18 juil et 2016, pour lui demander de cesser toute utilisation du signe Ujuke.

Par actes en date du 14 février 2017, la société Media Saturn a fait assigner M. R S et les sociétés Keo Interactiv Group, Keo Interactiv France et Keo Multimedia (les sociétés du groupe Keo) en contrefaçon de sa marque de l’Union Européenne « JUKE » n°10150852.

Par jugement contradictoire en date du 31 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Paris a : mis hors de cause M. R S ;

- dit recevables mais débouté les sociétés du groupe Keo de leur
- demande reconventionnel e tendant à voir constater la nul ité de la marque n° 10150852 de la société Media Saturn pour défaut de distinctivité ; dit recevable mais débouté la société Media Saturn de toutes ses
- demandes envers les sociétés du groupe Keo fondées sur la contrefaçon par imitation de sa marque Juke ; condamné la société Media Saturn à verser aux trois sociétés du
- groupe Keo et à M. R S la somme globale de 10.000 euros (soit 2.500 euros pour chacun des quatre défendeurs) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; condamné la société Media Saturn aux entiers dépens ;

- ordonné l’exécution provisoire.

-

La société Média Saturn a relevé appel de cette décision et par ses dernières conclusions sol icite au fondement des articles R. 717-11 L. 713-3, L. 716-1, L. 717-1, L. 716-15 et L. 716-7-1 du code de la propriété intel ectuel e, des articles 9.2.b), 96 et 97 du Règlement (CE) n° 207/2009 du 26 février 2009 sur la marque communautaire, tel que modifié par le Règlement (UE) n°2017/1001, de l’article R. 211-7 du code de l’organisation judiciaire, de la cour de : Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

annuler la décision de première instance en ce qu’el e a mis hors de
- cause M. R S, annuler la décision de première instance en ce qu’el e a rejeté ses
- demandes en contrefaçon, annuler la décision de première instance en ce qu’el e l’a condamnée
- à payer aux sociétés Interlude SARL, Keo Interactiv Group SA, Keo Multimedia SARL et à M. R S la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens, confirmer la décision de première instance en ce qu’el e a reconnu
- distinctive et valable la marque de l’Union Européenne JUKE n°10150852 dont el e est titulaire, rejeter l’intégralité des demandes des sociétés Interlude SARL, Keo
- Interactiv Group SA, Keo Multimedia SARL et de M. R S comme irrecevables et infondées.

Par conséquent,

— interdire aux sociétés Interlude (anciennement Keo Interactiv France), Keo Interactiv Group et Keo Multimedia et à M. R. S d’utiliser ou d’enregistrer, notamment à titre de marque, en France et dans toute l’Union Européenne, le signe Ujuke ou toute autre dénomination susceptible de créer une confusion avec sa marque antérieure « JUKE » et ce, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit pour l’ensemble des produits et services couverts, ceci sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée, dès la signification de l’arrêt à intervenir,

— interdire l’exploitation du signe Ujuke notamment sur les sites internet suivants, et leurs applications mobiles correspondantes : https://play.google.com/store/apps/details’id=org.keowebplayer&hl=fr https://itunes.apple.com/fr/app/ujuke/id563899119'mt=8 http://www.playthenext.fr https://www.app704.com/563899119 https://sensortower.com/ios/fr/keo-interactiv- group/app/ujuke/563899119/ http://www.infowebhotel erie-restauration.com/produit- 177126/UJUKE-INTERFACE.html http://www.infowebhotel erie-restauration.com/presse-176159/Avec- MYMUSICOM-les-professionnels-creent-leurs-playlists-audio-.html http://www.infowebhotel erie-restauration.com/presse- 176157/MYMUSICOM-presente-une-experience-musicale-sur- mesure-.html http://www.infowebhotel erie-restauration.com/produit- 177125/MYMUSICOM/UJUKE.html http://keosound.com/, Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

ordonner le rappel, la confiscation et la destruction de l’ensemble des
- produits, embal ages et documents revêtus du signe Ujuke, ainsi que de tout autre produit commercialisé ou support distribué par les sociétés Interlude (anciennement Keo Interactiv France), Keo Interactiv Group et Keo Multimedia et M. R. S, reproduisant ou imitant ses droits antérieurs sur la marque « JUKE », sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard dès la signification de l’arrêt à intervenir, condamner in solidum les sociétés Interlude (anciennement Keo
- Interactiv France), Keo Interactiv Group et Keo Multimedia et M. R. S à réparer le préjudice qu’el e a subi, au titre de la contrefaçon de ses droits sur la marque antérieure « JUKE », et donc de lui payer in solidum la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels, sauf à parfaire, ordonner, afin de déterminer l’origine et les réseaux de distribution
- de l’application mobile Ujuke contestée, aux sociétés Interlude (anciennement Keo Interactiv France), Keo Interactiv Group et Keo Multimedia et à M. R. S de produire tous documents ou informations qu’ils détiennent, en particulier un état du nombre de téléchargements de l’application mobile Ujuke, la liste des plateformes de distribution en ligne et un état des résultats financiers liés à l’exploitation de cette application mobile, jusqu’au jour du prononcé de l’arrêt à intervenir dans un délai de huit euros par jour de retard, dire que cette communication d’information, sera conduite, avant dire
- droit sur les dommages, sous le contrôle du conseil er de la mise en état, la cour restant saisie du litige de façon à pouvoir statuer sur le montant du préjudice par el e subi, renvoyer la procédure, avant dire droit sur la détermination des
- dommages, à la mise en état pour permettre le suivi et le contrôle de la procédure de communication et de reddition des comptes et pour ses conclusions ultérieures sur le préjudice par el e invoqué, ordonner la publication intégrale de l’arrêt à intervenir dans cinq
- périodiques de son choix dans la limite de 10.000 euros hors taxe par insertion, aux frais des sociétés Interlude (anciennement Keo Interactiv France), Keo Interactiv Group et Keo Multimedia et de M. R. S, ordonner la publication intégrale de l’arrêt à intervenir en haut de la
- page d’accueil du site internet des intimés disponible à l’adresse http://keosound.com/, sans avoir à dérouler ladite page d’accueil, sous un bandeau en Arial en caractère 20 minimum, intitulé « Condamnation de Keo Interactiv au profit de Media Saturn », pour une durée de deux mois, – ordonner aux sociétés Interlude (anciennement Keo Interactiv France), Keo Interactiv Group et Keo Multimedia et M. R. S à lui rembourser la somme de 10.000 euros qu’ils ont perçue en exécution du jugement dont appel, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, – condamner les sociétés Interlude (anciennement Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Keo Interactiv France), Keo Interactiv Group et Keo Multimedia et M. R. S à lui payer la somme de 80.000 euros, sauf à parfaire, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, condamner les sociétés Interlude (anciennement Keo Interactiv
- France), Keo Interactiv Group et Keo Multimedia et M. R. S à payer in solidum à la société Media Saturn-Holding GmbH l’ensemble des frais de justice qui seront recouvrés selon l’article 699 du code de procédure civile.

Par leurs dernières conclusions, les sociétés du groupe Keo et M. R S demandent à la cour de :

À titre liminaire, confirmer le jugement en date du 31 janvier 2019 en ce qu’il a mis hors de cause M. R S en sa qualité de personne physique ;

À titre principal :

— infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande en nul ité pour défaut de caractère distinctif de la marque de l’Union européenne JUKE n° 10150852, pour les produits et services suivants :

'Enregistrés et programmes informatiques téléchargeables et Logiciels pour ordinateurs personnels et Consoles de jeu vidéo’ en classe 9,

'Fourniture de programmes informatiques et de logiciels téléchargeables pour ordinateurs personnels et consoles de jeu vidéo ainsi que de livres électroniques, livres audio et fichiers musicaux et vidéo’ en classe 41,

En conséquence :

— prononcer la nul ité de la marque n° 10150852 de la société Media Saturn pour défaut de distinctivité pour les produits et services suivants :

'Enregistrés et programmes informatiques téléchargeables et Logiciels pour ordinateurs personnels et Consoles de jeu vidéo’ en classe 9,

'Fourniture de programmes informatiques et de logiciels téléchargeables pour ordinateurs personnels et consoles de jeu vidéo ainsi que de livres électroniques, livres audio et fichiers musicaux et vidéo’ en classe 41, débouter la société Media-Saturn de l’ensemble de ses demandes,
- Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

condamner la société Media-Saturn à leur payer à chacun la somme
- de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

À titre subsidiaire :

— confirmer le jugement en ce qu’il a jugé qu’il n’existait pas de risque de confusion entre la marque Juke n° 10150852 et la dénomination Ujuke,

En conséquence : dire qu’il n’existe pas de risque de confusion entre la marque Juke
- n°10150852 et la dénomination Ujuke et/ou Ujuke (avec logo), débouter la société Media-Saturn de l’ensemble de ses demandes,
- condamner la société Media-Saturn à leur payer à chacun la somme
- de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, condamner la société Media-Saturn aux entiers dépens de première
- instance et d’appel dont distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

À titre infiniment subsidiaire : dire que la société Media-Saturn n’a subi aucun préjudice,
- confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Media-Saturn
- de sa demande de dommages et intérêts provisionnels, débouter la société Media-Saturn de sa demande de condamnation
- solidaire, confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Media-Saturn
- de sa demande de publication du jugement à intervenir.

Sur la mise hors de cause de M. S

La société Media Saturn considère que c’est à tort que le jugement entrepris a mis hors de cause M. S sans examen sur le fond alors que ce dernier est poursuivi en raison des actes qu’il a accompli personnel ement notamment en se rendant coupable d’actes de contrefaçon par le dépôt de la marque française 'UJUKE'.

Il n’est pas discuté que M. S a déposé la marque française 'UJUKE’ sous le n°15 4 194 473 le 4 juil et 2015 pour désigner divers produits et services.

Cette demande d’enregistrement de marque a fait l’objet d’une opposition le 4 juil et 2015 formée par la société Media Saturne sur le Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

fondement de la marque verbale de l’Union européenne JUKE n° 1015085 dont el e est titulaire. Par décision en date du 24 mars 2016, antérieure à l’acte introductif de la présente instance du 14 février 2017, le directeur général de l’INPI a reconnu partiel ement justifiée cette opposition et rejeté en conséquence partiel ement la demande d’enregistrement de marque contestée. Cette décision n’a fait l’objet d’aucun recours et la marque UJUKE a été enregistrée pour les services suivants : 'Bureaux de placement ; portage salarial relations publiques ; Agences de presse ou d’informations (nouvel es) ; Évaluations et estimations dans les domaines scientifiques et technologiques rendues par des ingénieurs ; recherches scientifiques et techniques ; recherche et développement de nouveaux produits pour des tiers ; études de projets techniques ; architecture ; décoration intérieure ; contrôle technique de véhicules automobiles ; services de conception d’art graphique ; stylisme (esthétique industriel e) ; authentification d’œuvres d’art ; audits en matière d’énergie'. La société Média Saturn dit poursuivre M. S pour les actes de contrefaçon qu’il a commis à titre personnel et non en qualité de dirigeant des sociétés du groupe Keo, invoquant à ce titre le dépôt de la marque UJUKE précitée qui a été partiel ement rejeté par décision définitive du directeur général de l’INPI à la suite de l’opposition qu’el e a formée. En conséquence, l’appelante ne démontre ni n’al ègue qu’à la date de l’assignation les services pour lesquels la marque UJUKE est enregistrée sont similaires aux produits et services qu’el e invoque dans la présente instance et par conséquent que l’acte préparatoire réalisé avec l’objectif d’obtenir un avantage économique et intervenant dans la vie des affaires, porte atteinte aux droits antérieurs dont el e est titulaire, ni que M. S utilise personnel ement le signe UJUKE pour désigner l’application sur smartphones critiquée.

M. S doit donc être mis hors de cause et la décision du tribunal doit être confirmée de ce chef.

Sur la validité de la marque JUKE

Les sociétés du groupe Keo et M. S sol icitent la nul ité de la marque verbale de l’Union européenne JUKE déposée le 26 juil et 2011 aux motifs qu’el e serait dépourvue de caractère distinctif pour les produits et services suivants : ' Enregistrés et Programmes informatiques téléchargeables et Logiciels pour ordinateurs personnels et Consoles de jeu vidéo ; Fourniture de programmes informatiques et de logiciels téléchargeables pour ordinateurs personnels et consoles de jeu vidéo ainsi que de livres électroniques, livres audio et fichiers musicaux et vidéo'.

Néanmoins, le terme 'Juke’ n’apparaît pas avoir de signification pour le public pertinent européen qui est le consommateur moyen de programmes informatiques téléchargeables et logiciels pour Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

ordinateurs personnels, de consoles de jeux vidéos ainsi que de la fourniture de services proposant lesdits produits. Les éléments fournis aux débats par les intimés tels des extraits de dictionnaires de langue anglaise montrent qu’il s’agit d’un terme qui a eu une signification parlée aux États-Unis pour désigner un établissement où l’on joue de la musique ou l’action de danser, sans pour autant établir que ces significations sont cel es communément admises par le public pertinent européen.

De même, il n’est nul ement établi par les éléments fournis au débat par les intimés que, dans l’esprit dudit public pertinent, ce terme renvoie nécessairement au juke-box dont il sera perçu comme le diminutif, les intimés ne pouvant à cet égard utilement se prévaloir d’autres marques déposées par la société Media Saturn qui comprennent un élément figuratif pouvant évoquer la forme d’un juke- box. Il convient en outre de relever que les extraits de dictionnaires fournis ne confirment nul ement que le terme 'Juke’ est une abréviation usuel e du mot 'juke-box'.

Aussi, le terme 'Juke’ qui n’a pas de signification particulière même s’il peut évoquer la danse ou la musique pour un certain public particulièrement informé, n’indique nul ement au public moyen une caractéristique ou une qualité des produits et services informatiques désignés au dépôt et doit être considéré comme distinctif.

La décision déférée est confirmée en ce qu’el e a rejeté la demande de nul ité de la marque européenne 'Juke’ n°10150852.

Sur la contrefaçon

Selon les dispositions de l’article L. 717-1 du code de la propriété intel ectuel e, 'constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues aux articles 9, 10, 11 et 13 du règlement (CE) 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire’ (devenu règlement 2017/1001 du 14 juin 2017).

La société Media Saturn fait valoir que l’usage par les intimés du signe 'Ujuke’ dans le cadre de la commercialisation et la promotion d’une application mobile téléchargeable sur smartphones porte atteinte à sa marque antérieure JUKE qui désigne les 'programme informatique téléchargeable et logiciel pour ordinateurs personnels'. El e reproche à la décision entreprise qui a rejeté ses demandes au titre de la contrefaçon de marque d’avoir dénaturé les usages du signe verbal 'Ujuke’ qu’el e reproche aux sociétés du groupe Keo.

Les intimés ne discutent pas la similarité retenue par le tribunal entre l’application mobile qu’el e commercialise et les produits et services 'programme informatique téléchargeable et logiciel pour ordinateurs Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

personnels’ désignés dans la marque antérieure. Ils opposent toutefois à l’appelante l’absence de risque de confusion entre les signes en cause arguant utiliser la dénomination 'Ujuke’ sous une forme semi-figurative, le terme Ujuke étant précédé d’un grand U stylisé inscrit dans un carré de couleur rouge.

Ainsi que l’a pertinemment retenu le tribunal, il convient de comparer la marque antérieure 'JUKE’ tel e qu’enregistrée sous forme verbale et le signe 'UJUKE’ tel qu’exploité au vu des procès-verbaux de constat dressés à la requête de l’appelante.

La société Media Saturn a fait dresser trois procès-verbaux de constat les 9 décembre 2016, 9 mars 2018 et 5 septembre 2019 sur les pages internet suivantes : https://play.google.com/store/apps/details’id=org.keowebplayer&hl=fr https://itunes.apple.com/fr/app/ujuke/id563899119'mt=8 http://www.playthenext.fr https://www.app704.com/563899119 https://sensortower.com/ios/fr/keo-interactiv- group/app/ujuke/563899119/ http://www.infowebhotel erie-restauration.com/produit- 177126/UJUKE-INTERFACE.html http://www.infowebhotel erie-restauration.com/presse-176159/Avec- MYMUSICOM-les-professionnels-creent-leurs-playlists-audio-.html http://www.infowebhotel erie-restauration.com/presse- 176157/MYMUSICOM-presente-une-experience-musicale-sur- mesure-.html http://www.infowebhotel erie-restauration.com/produit- 177125/MYMUSICOM/UJUKE.html https://appadvice.com/app/ujuke:563899119, https://sensortower.com/Ios/US/keo-interactiv- group/app/ujuke/563899119/overview, https://appbrain.com/app/ujuke/org.keowebplayer, http://keo- interactiv.com/. Il ressort des constatations des huissiers de justice que l’application logiciel e des intimés qui offre un service de streaming musical, est identifiée sur les sites tels que GooglePlay, iTunes, AppStore, sensortower, appadvice, appbrain sous la dénomination 'Ujuke’ parfois seule mais le plus souvent associée au logo ci-dessous reproduit :

Ainsi que le font valoir les intimées les signes en présence 'JUKE’ pour la marque antérieure et 'Ujuke’ associé la plupart du temps à un logo en forme de U stylisé pour le signe argué de contrefaçon, n’étant pas identiques, il convient de rechercher s’il existe entre eux un risque de confusion, incluant le risque d’association, qui doit être apprécié globalement à la lumière de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuel e, auditive ou conceptuel e des marques en cause, Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques en tenant compte notamment des éléments distinctifs de cel es-ci.

Dans le signe dont l’usage est critiqué par l’appelante, l’élément dominant est le terme 'Ujuke', l’élément figuratif constitué d’un U stylisé figurant soit à gauche du terme 'Ujuke', soit au-dessus et avec lequel il ne se fond pas, ce logo apparaissant surtout comme l’icône informatique permettant d’accéder à l’application, ne fait pas perdre au terme 'Ujuke’son caractère dominant, étant le seul élément par lequel le consommateur désignera l’application ainsi qu’il résulte des constatations de l’huissier de justice sur les plateformes de téléchargement où seule la dénomination 'Ujuke’ est utilisée pour désigner l’application.

Le signe contesté et la marque antérieure sont constitués des termes 'UJUKE’ et 'JUKE’ qui présentent de grandes similitudes visuel es étant de longueur comparable, composés de quatre lettres communes (J,U,K,E) placées dans le même ordre. A ces grandes ressemblances visuel es s’ajoute une quasi identité phonétique, les deux termes étant prononcé de manière très proche, le U du signe argué de contrefaçon bien que placé en position d’attaque ne faisant que répliquer le son U présent au sein de la dénomination JUKE ce quand bien même la première lettre est prononcée 'You’ à l’anglo saxonne.

Ainsi qu’il a été précédemment relevé, il n’est nul ement établi que la dénomination 'Juke’ est perçue par le public pertinent comme l’abréviation de juke-box, cel e-ci étant appréhendée comme un signe arbitraire et non comme un signe faiblement distinctif ainsi que le soutiennent à tort les intimés. Les différences conceptuel es relevées par les intimés et reprises par le tribunal tenant à considérer que le signe 'Ujuke’ sera appréhendé par le public comme signifiant 'ton juke- box’ ne sont donc pas caractérisées, ce quand bien-même l’application est présentée à l’utilisateur comme lui permettant de prendre 'le contrôle musical de son bar favori'.

Aussi, les grandes ressemblances visuel es et phonétiques précédemment relevées sont suffisantes à caractériser un risque de confusion ou d’association dans l’esprit du public entre les signes en présence, celui-ci étant susceptible de rattacher les deux signes en cause à une même entreprise ou à des entreprises économiquement liées.

La contrefaçon de la marque de l’Union européenne 'Juke’ par l’usage du signe 'Ujuke’ pour des services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement de la marque est ainsi caractérisée.

Le jugement déféré est en conséquence infirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de la société Media Saturn fondées sur la contrefaçon de la marque Juke.

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Sur les mesures sol icitées par la société Media Saturn

L’article L. 716-14 du code de la propriété intel ectuel e prévoit que : «Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intel ectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits. [] ». Il est établi au vu du procès-verbal réalisé par huissier de justice le 5 septembre 2019 que l’utilisation du signe 'Ujuke’ sur divers sites pour désigner une application pour smartphones se poursuit, ce qui montre un usage du signe contesté ainsi qu’une atteinte à la marque antérieure sur plus de trois années.

Il ressort également des procès-verbaux de constat du 9 décembre 2016 et du 9 mars 2018 ainsi que de celui établi le 21 avril 2020 sur les sites keosound.com et keosound.com/lagence/que ce service est offert par la société Keo Interactiv Group et que cette application est peu téléchargée.

Ainis que le relèvent les intimés, la société Media Saturn n’explique pas en quoi la société Keo Interactiv France devenue Interlude SARL et la société Keo Multimedia SARL ont participé aux actes de contrefaçon de la marque en cause. Sa demande de condamnation in solidum de ces sociétés à réparer le préjudice qu’el e a subi est rejetée.

En conséquence, au vu des éléments dont dispose la cour, et sans qu’il soit besoin d’ordonner aux intimés de produire les pièces sol icitées par la société Media Saturn, prenant en considération les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits de l’appelante dont le manque à gagner en raison de l’usage de la dénomination contrefaisante sur plus de trois ans, le préjudice moral qu’el e a subi du fait de la banalisation et de la dépréciation de la marque en cause et les bénéfices réalisés par l’intimée qui comprennent les économies d’investissements intel ectuels, matériels et promotionnels retirés de l’atteinte par la société Keo Interactiv Group, il sera al oué à la société Media Saturn la somme totale et définitive de 20.000 euros de dommages et intérêts en indemnisation de son entier préjudice.

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Il sera fait droit en outre aux mesures d’interdiction selon les modalités précisées au dispositif qui suit.

En revanche les mesures de rappel, confiscation et destruction des produits contrefaisants seront rejetées comme non justifiées.

La demande de publication judiciaire de la société Media Saturn n’apparaît pas plus justifiée au vu des circonstances du litige et sera rejetée.

Sur les autres demandes

Les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles sont infirmées.

La société Media Saturn demande que soit ordonnée la restitution de la somme de 10.000 euros qu’el e a versée au titre des frais irrépétibles en vertu du jugement assorti de l’exécution provisoire.

Cependant le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de la société Media Saturn.

Partie perdante, les sociétés du groupe Keo sont condamnées aux dépens de première instance et d’appel et à payer à la société Media Saturn, en application de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 15.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a mis hors de cause M. R S et débouté les sociétés Interlude (SARL) (anciennement Keo Interactiv France), Keo Interactiv Group (SA), Keo Multimédia (SARL) et M. R S de leur demande reconventionnel e tendant à voir constater la nul ité de la marque n°010150852 de la société Media Saturn Holding Gmbh pour défaut de distinctivité,

Infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,

Interdit à la société Keo Interactiv Group (SA) d’exploiter le terme 'Ujuke’ pour désigner l’application pour smartphones ainsi dénommée notamment sur les sites internet suivants, et leurs applications mobiles correspondantes : Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

https://play.google.com/store/apps/details’id=org.keowebplayer&hl=fr https://itunes.apple.com/fr/app/ujuke/id563899119'mt=8 http://www.playthenext.fr https://www.app704.com/563899119 https://sensortower.com/ios/fr/keo-interactiv- group/app/ujuke/563899119/ http://www.infowebhotel erie-restauration.com/produit- 177126/UJUKE-INTERFACE.html http://www.infowebhotel erie-restauration.com/presse-176159/Avec- MYMUSICOM-les-professionnels-creent-leurs-playlists-audio-.html http://www.infowebhotel erie-restauration.com/presse- 176157/MYMUSICOM-presente-une-experience-musicale-sur- mesure-.html http://www.infowebhotel erie-restauration.com/produit- 177125/MYMUSICOM/UJUKE.html http://keosound.com/,

dans le mois de la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte passé ce délai de 1.000 euros par infraction constatée pendant deux mois à l’expiration desquels il pourra à nouveau être statué ;

Condamne la société Keo Interactiv Group (SA) à payer à la société Media Saturn Holding Gmbh la somme de 20.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son entier préjudice subi par les actes de contrefaçon,

Rejette les autres demandes de la société Media Saturn Holding Gmbh,

Vu l’article 700 du code de procédure civile, Condamne in solidum les sociétés Interlude (SARL) (anciennement Keo Interactiv France), Keo Interactiv Group (SA), Keo Multimédia (SARL) à payer à la société Media Saturn Holding Gmbh la somme de 15.000 euros,

Condamne in solidum les sociétés Interlude (SARL) (anciennement Keo Interactiv France), Keo Interactiv Group (SA), Keo Multimédia (SARL) aux dépens de première instance et d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

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