Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 29 juin 2021, n° 18/17182

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 1, 29 juin 2021, n° 18/17182
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/17182
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 25 janvier 2018, N° 16/02059
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRET DU 29 JUIN 2021

(n° 120/2021, 21 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général :18/17182 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6ANM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Janvier 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – 3e chambre – 2e section – RG n° 16/02059

APPELANTE

SAS LORIS AZZARO

Société au capital de 6 282 610 euros

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 672.009.420

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

R e p r é s e n t é e p a r M e M a t t h i e u B O C C O N G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Pascale THERAULAZ BENEZECH de la SELEURL Cabinet Pascale THERAULAZ-BENEZECH, avocat au barreau de PARIS, toque : D1891

INTIMÉES

SAS CLARINS FRAGRANCE GROUP nouvellement dénommée […]

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 380 363 754

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me G H-JUMEL de la SELEURL G H-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119

Assistée de Me Emmanuel DE MARCELLUS de la SELARL DE MARCELLUS & DISSER Société

d’Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : A0341

LA MASSE EN FAILLITTE E F représentée par l’OFFICE DES POURSUITES DU JURA BERNOIS DEPARTEMENT FAILLITES.

[…]

[…]

Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Assistée de Me Anne BESSONNET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0389 et avocat au barreau de FRIBOURG (SUISSE)

PARTIES INTERVENANTES

Société MGI LUXURY GROUP SA

Immatriculée sous le numéro CHE 107.179.219,

Prise en la personne de son président, Monsieur Y Z, domicilié audit siège en cette qualité

[…]

[…]

Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Assistée de Me Anne BESSONNET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0389 et avocat au barreau de FRIBOURG (SUISSE)

Société GROUPDOC SA

Immatriculée sous le numéro CHE-109.550.744,

Prise en la personne de son représentant légal Monsieur A B, domicilié audit siège en cette qualité

[…]

[…]

Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Assistée de Me Anne BESSONNET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0389 et avocat au barreau de FRIBOURG (SUISSE)

Société C D SA

Immatriculée sous le numéro CHE-109 352 552

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Assistée de Me Anne BESSONNET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0389 et avocat au barreau de FRIBOURG (SUISSE)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 mai 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre et Mme Déborah BOHÉE, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente

Mme Déborah BOHÉE, conseillère

Mme Agnès MARCADE, conseillère, en remplacement de Mme Françoise BARUTEL, conseillère empêchée

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

• contradictoire

• par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

• signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Carole TREJAUT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DU LITIGE

La société LORIS AZZARO SAS a été créée par le couturier Loris AZZARO pour développer et commercialiser ses lignes de couture et de prêt à porter. L’exploitation de ses marques a ensuite été scindée le 04 octobre 1990 entre, d’une part, le secteur de la mode et du prêt à porter, aujourd’hui exploité par la société LORIS AZZARO SAS et, d’autre part, le secteur des parfums, maroquinerie, montres, lunettes et bagages, exploité par la société LORIS AZZARO BV, société de droit hollandais appartenant au groupe CLARINS.

La société LORIS AZZARO SAS est désormais une société appartenant au groupe REIG CAPITAL GROUP NV développant toujours les activités de couture et mode d’AZZARO.

La société LORIS AZZARO BV, développant notamment les activités parfum, maroquinerie et

montres, a concédé à la société LORIS AZZARO SAS une licence exclusive d’exploitation des marques AZZARO pour les produits horlogers et instruments chronométriques de la classe 14.

La société CLARINS FRAGRANCE GROUP (ci-après «'CFG'») était, jusqu’au 31 mars 2020, une filiale du groupe CLARINS et est titulaire pour la France d’une licence sur les marques AZZARO concédée par la société LORIS AZZARO BV pour les parfums et produits cosmétiques relevant de la classe 3. Par acte du 31 mars 2020, la société CFG a été cédée à la société L’OREAL et se nomme désormais […]

La société LORIS AZZARO SAS a conclu le 1er janvier 2009 un contrat de licence avec la société E F, société de droit suisse ayant une activité de fabrication et de distribution de produits horlogers et en particulier de montres, confiant à cette dernière la licence exclusive mondiale de la marque AZZARO pour les produits horlogers et instruments chronométriques.

A compter du mois de juillet 2013 la société E F n’a plus procédé au paiement régulier de ses redevances prévues par le contrat.

Ce contrat a été renouvelé le 1er octobre 2013 à compter du 1er octobre 2014 pour une durée de 5 ans. En outre, le 1er octobre 2014, un autre contrat de licence exclusive de la marque AZZARO a été conclu entre la société LORIS AZZARO SAS et la société E F concernant les stylos et instruments d’écriture et les boutons de manchette.

Par courrier daté du 13 janvier 2015, la société LORIS AZZARO SAS invoquant les retards de paiement de redevances depuis le mois de juillet 2013 et l’existence d’une dette à ce titre s’élevant à 133.098 euros, a mis en demeure la société E F d’apurer sa dette conformément à l’article 17 du contrat.

En réponse, par courrier daté du 27 janvier 2015, la société E F, reprochant au groupe CLARINS la distribution sur plusieurs sites internet de montres portant la marque AZZARO associées à la vente d’un parfum, caractérisant selon elle une atteinte à son droit exclusif, a sollicité une compensation financière «au minimum équivalente aux royalties et dépenses publicitaires des six dernières années».

C’est dans ce contexte qu’après avoir adressé une lettre de mise en demeure datée du 18 février 2015 rappelant le caractère selon elle incontestable de sa créance de redevances, et indiquant que la prétendue atteinte au droit exclusif ne saurait l’exonérer de façon unilatérale du paiement des redevances, la société LORIS AZZARO SAS a, par acte du 11 juillet 2015, fait assigner en référé devant le tribunal de commerce de Paris la société E F en paiement des redevances.

Par ordonnance du 24 septembre 2015, confirmée par la cour d’appel de Paris le 18 octobre 2016, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a condamné la société E F à payer à la société LORIS AZZARO SAS la somme de 142.348 euros avec intérêts légaux.

Le 25 janvier 2016, la société LORIS AZZARO SAS a fait assigner la société E F devant le tribunal de grande instance de Paris afin de faire constater le non-respect par cette dernière de ses obligations contractuelles et de voir prononcer en conséquence la résiliation du contrat de licence.

Le 9 décembre 2016, la société E F, faisant valoir l’existence d’un accord-cadre conclu entre les sociétés LORIS AZZARO BV, LORIS AZZARO SAS et CLARINS FRAGRANCE GROUP par lequel la société LORIS AZZARO BV a concédé une licence exclusive de la marque AZZARO à la société LORIS AZZARO SAS sur les produits horlogers, a fait assigner en intervention forcée la société CLARINS FRAGRANCE GROUP aux fins de jonction avec l’instance principale, qui a été prononcée le 19 janvier 2017.

Par ordonnance du tribunal régional JURA BERNOIS SEELAND, la société E F a été déclarée en faillite le 21 mars 2017.

Par acte du 24 avril 2017, la société LORIS AZZARO SAS a assigné en intervention forcée l’Office des poursuites et des faillites du SEELAND prise en la personne de M. X, es qualité de représentant légal de la Masse en faillite de la société E F. L’assignation a été jointe à l’instance principale le 1er juin 2017.

Par jugement rendu le 26 janvier 2018 dont appel, le tribunal de grande instance de Paris a rendu la décision suivante :

— REJETTE la fin de non-recevoir opposée par la société CLARINS FRAGRANCE GROUP';

— PRONONCE la résiliation du contrat de licence conclu le 1er janvier 2009 et renouvelé le 1er octobre 2013 aux torts partagés entre la société LORIS AZZARO SAS et la société E F';

— CONDAMNE la société E F à payer à la société LORIS AZZARO SAS les sommes de':

—  133.498 euros au titre des redevances dues jusqu’au 1er trimestre 2015 inclus pour le contrat de licence des produits horlogers, avec intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 2015,

—  822, 91 euros au titre des royalties arrêtées au 22 mars 2016 dues pour le contrat relatif aux stylos et boutons de manchette, avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2016';

— CONDAMNE la société LORIS AZZARO SAS à payer à la masse en faillite de la société E F la somme de 100.000 euros en réparation de son préjudice d’image';

— REJETTE les demandes complémentaires de dommages-intérêts formées par la société LORIS AZZARO SAS;

— DEBOUTE la société E F de ses demandes de production de l’original du contrat produit en pièce 21 et de l’état certifié des ventes de parfums, ainsi que de ses demandes des dommages-intérêts complémentaires;

— CONDAMNE la société LORIS AZZARO SAS et la société E F à payer par moitié les dépens;

— DIT que les parties conserveront la charge de leurs frais irrépétibles;

— ORDONNE l’exécution provisoire.

Le 7 mars 2019, une cession des droits de la Masse en faillite de la société E F a été réalisée en faveur de trois sociétés créancières, à savoir les sociétés C D SA, MGI LUXURY GROUP SA et GROUPDOC SA qui sont intervenues volontairement en cause d’appel.

La société LORIS AZZARO SAS a interjeté appel de ce jugement le 29 mars 2019.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 20 janvier 2020 par la société LORIS AZZARO SAS, appelante et intimée incidente, qui demande à la cour de:

— Recevant la société LORIS AZZARO SAS dans ses moyens et demandes,

— Juger les cessions des droits intervenues entre la masse en faillite de la société E F en date du 7 mars 2019 inopposables à la société LORIS AZZARO SAS,

— Déclarer irrecevables les interventions volontaires des sociétés ci-après désignées et les prétentions de ces dernières :

— La société MGI LUXURY GROUP SA, immatriculée sous le […], dont le siège social est sis […],

— La société C D SA, immatriculée sous le […], dont le siège social est […],

— La société GROUPDOC SA, immatriculée sous le […], dont le siège social est […] à 2504 Bienne ; (dirigée par l’ancien dirigeant de la société E F)

Réformant partiellement la décision critiquée ;

— DIRE que la société E F a manqué à ses obligations contractuelles en ne versant pas ses redevances depuis 2013 en infraction aux dispositions du contrat de Licence et de son avenant,

— DIRE qu’il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 17 du contrat de Licence de Marque liant les parties,

— PRONONCER la résiliation du contrat de Licence de Marque aux torts exclusifs de la société E F,

— CONDAMNER la société E F à verser à la société LORIS AZZARO SAS la somme de 208.331,00 € au titre des redevances garanties dues du 1er juillet 2013 au 13 janvier 2016 avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 13 janvier 2015 ainsi qu’à la somme de 221.900 € correspondant aux redevances dues jusqu’à la fin du contrat et immédiatement exigibles de par le prononcé de la résiliation fautive du contrat, soit au total la somme de 430.231 €uros.

— CONDAMNER la société E F à verser à la société LORIS AZZARO SAS la somme de 822,91 € au titre des redevances dues sur le contrat Boutons et Manchettes avec intérêts à compter de la mise en demeure adressée à la société E F le 17 mai 2016.

— CONDAMNER la société E F à verser à la société LORIS AZZARO SAS une somme de 40.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de ses manquements contractuels et de sa rétention abusive.

EN TOUTES CAUSES,

— DEBOUTER les société E F, MGI LUXURY GROUP SA, C D SA et GROUPDOC SA de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

— CONDAMNER la société E F à verser à la société LORIS AZZARO SAS la somme de 15.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC.

— CONDAMNER la société E F aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES représentée par Maître Matthieu BOCCON-GIBOD.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 11 mai 2020 par la société CLARINS FRAGRANCE GROUP, intimée et appelante incidente, qui demande à la cour de:

— DÉCLARER la société CLARINS FRAGRANCE GROUP (nouvellement dénommée […]) recevable et bien fondée en son appel incident ;

— INFIRMER le jugement rendu le 26 janvier 2018 en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir opposée par la société CLARINS FRAGRANCE GROUP (nouvellement dénommée […]) ;

En conséquence,

— DECLARER irrecevable la demande d’intervention forcée de la société E F à l’encontre de la société CLARINS FRAGRANCE GROUP et mettre hors de cause la société CLARINS FRAGRANCE GROUP (nouvellement dénommée […]);

— DIRE ET JUGER que la loi suisse, en qualité de loi de procédure, ne produit pas d’effet en France, car le jugement suisse, faisant application de cette loi, n’est pas reconnu en France ;

En conséquence,

— DECLARER irrecevable la Masse en faillite en ses demandes,

— DECLARER irrecevables les interventions volontaires des sociétés MGI LUXURY GROUP SA, C D SA et GROUPDOC SA venant aux droits de la Masse en faillite de la société E F ;

— DECLARER irrecevables les demandes formées par les intervenants volontaires ;

En tout état de cause,

— DECLARER irrecevables les demandes de condamnation de la Masse en faillite de la société E F et des sociétés MGI LUXURY GROUP SA, C D SA et GROUPDOC SA venant aux droits de la Masse en faillite de la société E F à l’encontre de la société CLARINS FRAGRANCE GROUP (nouvellement dénommée […]) en ce qu’elles sont nouvelles en cause d’appel ;

— DEBOUTER la Masse en faillite E F SA de toutes ses demandes, celles ci étant mal fondées ;

— CONDAMNER la Masse en faillite E F SA et les sociétés MGI LUXURY GROUP SA, C D SA et GROUPDOC SA à verser à la société CLARINS FRAGANCE GROUP (nouvellement dénommée […]) la somme de 20.000 € pour procédure abusive ;

— CONDAMNER la Masse en faillite E F SA et les sociétés MGI LUXURY GROUP SA, C D SA et GROUPDOC SA à verser à la société CLARINS FRAGANCE GROUP (nouvellement dénommée […]) la somme de 20.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— CONDAMNER la Masse en faillite E F SA aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maitre G H Jumel, avocat aux offres de droit.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 13 octobre 2020 par la Masse en faillite de la société E F SA, intimée et appelante incidente, et par les sociétés MGI LUXURY GROUP SA, C D SA et GROUPDOC SA, intervenantes volontaires, qui demandent à la cour de:

[…]

— Dire et Juger la société LORIS AZZARO irrecevable et mal fondée en son exception d’irrecevabilité,

L’en débouter, en toutes fins qu’elle comporte.

— Dire et Juger opposable aux sociétés LORIS AZZARO SAS et CLARINS FRAGRANCE GROUP SA la cession des droits de la Masse en faillite de la société E F dans le cadre de la présente instance, intervenue le 7 mars 2019 au profit des créanciers MGI LUXURY GROUP SA, C D SA, et GROUPDOC SA,

— Dire et Juger la société MGI LUXURY GROUP SA recevable et bien fondée en son intervention volontaire à la présente procédure d’appel, en sa qualité de cessionnaire des droits de la Masse en Faillite de la société E F dans le cadre de cette instance et dans les conditions strictes et exclusives des articles 260 et suivants LP (loi fédérale suisse sur la poursuite pour dette et la faillite), selon acte de cession en date du 7 mars 2019,

— Dire et juger la société C D SA recevable et bien fondée en son intervention volontaire à la présente procédure d’appel, en sa qualité de cessionnaire des droits de la Masse en Faillite de la société E F dans le cadre de cette instance et dans les conditions strictes et exclusives des articles 260 et suivants LP, selon acte de cession en date du 7 mars 2019,

— Dire et juger la société GROUPDOC SA recevable et bien fondée en son intervention volontaire à la présente procédure d’appel, en sa qualité de cessionnaire des droits de la Masse en Faillite de la société E F dans le cadre de cette instance et dans les conditions strictes et exclusives des articles 260 et suivants LP, selon acte de cession en date du 7 mars 2019,

SUR L’APPEL PRINCIPAL :

— Dire et juger la société LORIS AZZARO SAS irrecevable et mal fondée en son appel principal,

— L’en débouter en toutes fins qu’il comporte.

SUR L’APPEL L’INCIDENT :

— Dire et juger la Masse en faillite de la société E F SA, les sociétés MGI LUXURY GROUP SA, C D SA, GROUPDOC SA, cessionnaires des droits de procédure de la Masse en faillite de la société E F dans la présente instance, recevables et bien fondées en leur appel incident,

CE FAISANT :

— Prononcer la résiliation du contrat de licence de marque du 1er janvier 2009 aux torts de la société LORIS AZZARO SAS,

— Constater la collusion entre les sociétés LORIS AZZARO SAS et CLARINS FRAGANCE GROUP SA au préjudice des droits de la société E F SA.

— Condamner conjointement et solidairement la société LORIS AZZARO SAS et la société CLARINS FRAGANCE GROUP SA à régler la somme de : 21.918.671,82 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique :

— en priorité aux sociétés MGI LUXURY GROUP SA, C D SA et GROUPDOC

SA venant aux droits de la Masse en faillite de la société E F SA dans la présente instance et dans les conditions strictes et exclusives des articles 260 et suivants de la loi fédérale suisse sur la poursuite pour dette et la faillite, ce, à concurrence de leurs créances colloquées respectives,

— puis, pour le solde, à la Masse en faillite de la société E F SA.

— Condamner conjointement et solidairement la société LORIS AZZARO SAS et la société CLARINS FRAGANCE GROUP SA à régler la somme de : 300.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d’image :

en priorité aux sociétés MGI LUXURY GROUP SA, C D SA et GROUPDOC SA venant aux droits de la Masse en faillite de la société E F SA dans la présente instance et dans les conditions strictes et exclusives des articles 260 et suivants de la loi fédérale suisse sur la poursuite pour dette et la faillite, ce, à concurrence de leurs créances colloquées respectives,

puis, pour le solde, à la Masse en faillite de la société E F SA.

— Condamner la société LORIS AZZARO SAS à régler la somme de : 50.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du comportement particulièrement exempt de bonne foi':

en priorité aux sociétés MGI LUXURY GROUP SA, C D SA et GROUPDOC SA venant aux droits de la Masse en faillite de la société E F SA dans la présente instance et dans les conditions strictes et exclusives des articles 260 et suivants de la loi fédérale suisse sur la poursuite pour dette et la faillite, ce, à concurrence de leurs créances colloquées respectives,

puis, pour le solde, à la Masse en faillite de la société E F SA.

— Ordonner à la société LORIS AZZARO de produire aux débats l’original du prétendu contrat dont copie a été communiquée aux débats sous pièce n° 21.

— Dire et juger la société CLARINS FRAGANCE GROUP SA irrecevable et mal fondée en sa demande d’indemnisation pour procédure abusive,

— L’en débouter.

— Condamner conjointement et solidairement la société LORIS AZZARO SAS et la société CLARINS FRAGANCE GROUP SA à régler la somme de : 15.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile :

en priorité aux sociétés MGI LUXURY GROUP SA, C D SA et GROUPDOC SA venant aux droits de la Masse en faillite de la société E F SA dans la présente instance et dans les conditions strictes et exclusives des articles 260 et suivants de la loi fédérale suisse sur la poursuite pour dette et la faillite, ce, à concurrence de leurs créances colloquées respectives,

puis, pour le solde, à la Masse en faillite de la société E F SA.

— Condamner la société LORIS AZZARO SAS aux entiers dépens, qui comprendront les frais de constat du procès-verbal de la SCP JOURDAIN-DUBOIS, dont distraction au profit de Me Marie-Catherine VIGNES, avocat postulant, sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 février 2021.

MOTIFS DE L’ARRÊT

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.

- Sur l’irrecevabilité des demandes formulées contre la société CLARINS FRAGRANCE GROUP:

La société CLARINS FRAGRANCE GROUP rappelle que c’est au demandeur, qui avance une prétention, d’en prouver le bien fondé et reproche au tribunal d’avoir inversé cette charge en retenant qu’elle ne justifiait pas «ne pas être concernée à quelque titre que ce soit par les ventes de parfum AZZARO utilisant les montres AZZARO en cadeau dont il lui est demandé de produire un état détaillé des ventes». Selon elle, la société E F n’avait formé à son égard aucune demande au fond en première instance, sauf une demande de communication de pièces, de sorte que les conditions de mise en cause d’un tiers telles que prévues à l’article 331 du Code de procédure civile n’étaient pas remplies.

Elle demande également que soient jugées irrecevables les demandes formulées contre elle par la masse en faillite de la société E F et les sociétés intervenantes comme étant nouvelles en cause d’appel au sens de l’article 564 du code de procédure civile, au risque de la priver du bénéfice de la règle du double degré de juridiction.

En outre, elle soutient, d’une part, que la masse en faillite de la société E F et les sociétés intervenantes (ci-après désignés ensemble comme les «'ayant-droits de la société E F'») ne rapportent ni en première instance ni en appel la preuve du préjudice qu’elles allèguent et même de son comportement fautif alors qu’elle constitue une société indépendante de la société LORIS AZZARO SAS qui n’appartient pas au groupe CLARINS et, d’autre part, qu’elle n’est pas partie au contrat de licence litigieux conclu entre cette dernière et la société E F. Ainsi, elle demande à la cour de déclarer les ayants droits de la société E F irrecevables en leurs demandes formées à son encontre.

En application de l’article 331 du code de procédure civile, ' un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toutes partie qui est en droit d’agir contre lui à titre principal (…),' de sorte qu’est irrecevable la mise en cause d’un tiers à seule fin d’obtenir des renseignements sur des faits susceptibles d’être en relation avec le litige.

Or, force est de constater que, devant les premiers juges, le représentant légal de la masse en faillite de la société E F n’a sollicité à l’égard de la société CLARINS FRAGRANCE GROUP qu’une mesure d’instruction aux fins d’obtenir des renseignements concernant le volume des ventes des parfums commercialisés avec l’offre d’une montre, sans solliciter la moindre condamnation à son égard, de sorte que cette mise en cause était irrecevable, faute de solliciter la moindre condamnation, le jugement dont appel devant en conséquence être infirmé sur ce point.

Néanmoins, au stade de l’appel, la masse en faillite de la société E F formule une demande de condamnation solidaire à l’égard de la société CLARINS FRAGRANCE GROUP de plus de 22 millions d’euros, aux fins de régularisation de la fin de non-recevoir.

Or, l’article 564 du code de procédure civile prohibe les prétentions nouvelles en cause d’appel et le seul fait que la société CLARINS FRAGRANCE GROUP a été partie à la première instance n’autorise pas les intimées à former à son encontre une demande non soumise aux premiers juges. En effet, la demande de condamnation ainsi présentée doit être qualifiée de nouvelle en ce qu’elle ne

tend pas aux mêmes fins que la demande de communication de pièces formée en première instance et qu’elle n’est née ni en raison de l’intervention d’un tiers ni de la révélation d’un fait, selon les exceptions prévues par ce même article. Elle n’en constitue pas plus l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire au sens de l’article 566 du même code.

En outre, cette demande de condamnation présentée pour la première fois en appel à l’ encontre de la société CLARINS FRAGRANCE GROUP ne peut être assimilée à une demande reconventionnelle au sens de l’article 567 du code de procédure civile, puisque cette dernière n’avait formulé aucune prétention à l’encontre de la masse en faillite de la société E F.

Au surplus, la cour constate que si la société CLARINS FRAGRANCE GROUP figure dans le contrat de licence de marques conclu entre la société LORIS AZZARO BV et la société LORIS AZZARO SAS, les ayants droit de la société E F ne dénoncent cependant que des faits commis aux Etats Unis, non pas par la société CLARINS FRAGRANCE GROUP, mais par la société CLARINS USA Inc, licenciée de la marque AZZARO en classe 3 pour le marché des États-Unis (ce que confirment les appelantes dans leurs conclusions en page 9), qui admettent ne pas avoir mis en cause les sociétés américaine et néerlandaise, en raison des coûts inhérents à ces assignations dans des pays tiers.

En conséquence, il convient de faire droit à la fin de non recevoir soulevée par la société CLARINS FRAGRANCE GROUP et de déclarer irrecevables les demandes nouvelles de condamnations formées contre elle pour la première en appel par les intimées.

- Sur l’irrecevabilité à agir des organes de la procédure collective de la société E F:

La société LORIS AZZARO SAS soulève en cause d’appel l’irrecevabilité de l’intervention volontaire des sociétés MGI LUXURY GROUP SA, C D SA et GROUPDOC SA en soutenant que la loi applicable au contrat litigieux est la loi française et non la loi suisse, que la cession de créances intervenue entre la masse en faillite de la société E F au visa des articles 260 et suivants de la loi fédérale suisse ne lui est pas opposable et que les intervenantes volontaires forment des demandes en cause d’appel qui sont différentes de celles présentées devant le tribunal, de sorte que leur intervention est irrecevable en application de l’article 325 du code de procédure civile exigeant que l’intervention se rattache par un lien suffisant aux prétentions des parties.

La société CLARINS FRAGRANCE GROUP soutient quant à elle que la masse en faillite de la société E F n’a formulé aucune demande dans ses premières conclusions en cause d’appel et n’a pas de qualité à agir pour la poursuite du présent litige puisque le 17 juillet 2018, la majorité des créanciers de la masse en faillite a renoncé à ce que l’administration de la faillite fasse valoir elle-même les droits appartenant à la masse sur le présent litige. Elle soulève également l’irrecevabilité de l’intervention volontaire et de l’appel incident des sociétés créancières intervenantes retenant que ces sociétés ne peuvent se prévaloir en France des effets produits par la loi suisse de faillite, en l’absence de reconnaissance de sa force exécutoire sur le territoire français.

La société E F, étant une société de droit suisse, la masse en faillite de celle-ci et les sociétés intervenantes indiquent que, conformément à l’article 260 LP de la loi fédérale suisse pour la poursuite pour dette et la faillite applicable à la procédure collective ouverte à son égard, la cession des droits de la Masse en faillite revendiqués contre la société LORRIS AZZARO SAS, est intervenue le 7 mai 2019 en faveur des sociétés MGI LUXURY GROUP SA, C D SA et GROUPDOC SA qui interviennent donc volontairement à la présente instance. Les intimées précisent que la cession des droits de la masse, selon l’article 260 LP, est un acte relevant strictement du droit suisse de la faillite qui donne aux créanciers cessionnaires le pouvoir d’invoquer à la place de la masse en faillite les prétentions dont celle-ci est titulaire, en leur nom propre et à leurs propres

risques et profits, de sorte que les sociétés créancières de la société E F ont été autorisées par l’administration de la faillite à faire valoir en justice en leur propre nom les demandes de cette dernière.

Elles estiment que les intimées ne peuvent arguer du défaut d’exequatur ni du jugement ayant ordonné l’ouverture de la procédure collective, puisqu’elles ont mis en cause la masse en faillite dans la présente instance, ni de la décision ayant autorisé la cession de créances à leur profit, puisque cet acte n’en produit pas moins des effets en France. Elles ajoutent que, selon elles, la société LORIS AZZARO SAS n’est pas fondée à invoquer le défaut d’exequatur pour avoir conclu au fond une première fois sans l’avoir soulevé au préalable, de sorte qu’elle a ainsi renoncé à l’invoquer, au risque de se contredire à leur détriment.

Sur ce, il convient de distinguer, d’une part, la recevabilité à agir des organes de la procédure collective de la société E F et, d’autre part, celle des cessionnaires des droits de la masse en faillite, soit les sociétés MGI LUXURY GROUP SA, C D SA et GROUPDOC SA et d’examiner la question de l’efficacité en France d’un jugement de faillite suisse.

Dans la mesure où la Suisse ne peut se voir appliquer le droit de l’Union et en l’absence de convention bilatérale avec la France, elle relève en matière de faillite du droit commun du droit international privé. Ainsi, pour pouvoir produire pleinement effet en France, le jugement de faillite doit faire l’objet d’une procédure d’exequatur, en application de l’article 509 du code civil. Cependant, à défaut, le jugement étranger n’est pas privé de toute portée en France puisqu’il bénéficie de l’effet de titre, de sorte que sa production suffit à établir la qualité du représentant des créanciers qu’il nomme et confère à cet organe qualité pour agir en France au nom de la société débitrice.

En conséquence, s’agissant de la masse en faillite de la société E F représentée par l’Office des poursuites et des faillites du JURA BERNOIS, il convient de considérer que, même en l’absence d’exequatur du jugement prononçant la faillite, elle a qualité à agir dans la présente instance, puisque bénéficiant de l’effet de titre.

En outre, la cour constate que la masse en faillite de la société E F était présente en première instance, ayant été assignée en intervention forcée par la société LORIS AZZARO SAS, qui lui a également dénoncé sa déclaration d’appel.

Il convient ainsi de rejeter la fin de non recevoir soulevée sur ce point et de la déclarer recevable à agir dans la présente instance.

En revanche, il convient de constater que la décision du 17 juillet 2018 par laquelle la majorité des créanciers de la masse en faillite de la société E F a renoncé à ce que l’administration de la faillite fasse valoir elle-même ses droits dans le présent litige et la décision du 7 mars 2019 par laquelle l’office des poursuites et des faillites suisse a autorisé trois créanciers, les sociétés MGI LUXURY GROUP SA, C D SA et GROUPDOC SA à poursuivre le litige en ses lieux et place ne peuvent avoir aucun effet en France faute d’avoir fait l’objet d’une décision d’exequatur, en application de l’article 509 du code de procédure civile, s’agissant de décisions ne pouvant bénéficier de l’effet de titre et propre au droit suisse des procédures collectives.

Et s’il a déjà été admis de prendre en considération certains effets que la loi étrangère de fond attache à la décision de faillite comme le rappellent les intimées, c’est cependant à la condition que cette décision ait été déclarée exécutoire en France a posteriori, contrairement au cas présent.

Par ailleurs, il convient de rappeler que les fins de non recevoir peuvent être opposées en tout état de cause en application de l’article 123 du code de procédure civile, de sorte que les intimées ne sont pas fondées à soutenir son caractère tardif ou la renonciation à s’en prévaloir par la société CLARINS FRAGRANCE GROUP, qui ne s’est ainsi pas contredite à leur dépens.

En conséquence, faute pour les sociétés cessionnaires intervenues volontairement à l’instance d’avoir fait exequaturer les décisions leur conférant le droit de poursuivre les créances en cause, il convient de dire qu’elles ne présentent pas de qualité à agir en France dans la présente instance et de déclarer irrecevables l’ensemble de leurs demandes.

Il s’en évince que, faute pour les cessions de créances de produire le moindre effet en France, la masse en faillite garde qualité à agir dans le cadre de cette instance, de sorte que la société CLARINS FRAGRANCE GROUP et la société LORIS AZZARO SAS ne sont pas fondées à lui dénier ce droit et ce d’autant que dans leurs conclusions à hauteur d’appel, elles formulent des demandes de condamnations à son encontre.

En conséquence, il convient de déclarer recevables les demandes formulées par la masse en faillite de la société E F mais irrecevables les interventions volontaires des sociétés MGI LUXURY GROUP SA, C D SA et GROUPDOC ainsi que leurs demandes en paiement formulée en conséquence.

- Sur les demandes de résiliation du contrat du 1er janvier 2009:

La société LORIS LAZARRO SAS expose que la société E F a, dès 2013, commencé à ne pas respecter son obligation contractuelle de paiement des redevances, découlant du contrat de licence conclu le 1er janvier 2009 et renouvelé le 1er octobre 2013 et que l’article 17 dudit contrat prévoit une résiliation automatique 30 jours après l’envoi d’une mise en demeure restée sans effet. Elle ajoute que, malgré plusieurs lettres de mise en demeure adressées à la société E F, celle-ci, en se prévalant des difficultés financières conjoncturelles, a refusé d’exécuter cette obligation. Elle souligne avoir fait preuve de bonne volonté en acceptant d’accorder des délais de paiement à la société E F pour apurer sa dette qui n’ont pas été respectés.

En réponse à l’exception d’inexécution invoquée par la société E F, l’appelante soutient qu’en dépit de l’article 9 du contrat de licence mettant à la charge de l’intimée une obligation de l’informer de toute atteinte au droit de propriété sur la marque par des tiers, cette dernière ne l’a jamais informée officiellement et n’a porté à sa connaissance que tardivement la mise en circulation de montres cadeaux promotionnels et, uniquement, en réponse à sa mise en demeure relative au non paiement des redevances et après sa condamnation en référé par le tribunal de commerce.

Elle ajoute que cette mise en circulation de montres comme cadeau dans un but promotionnel à l’initiative du groupe CLARINS ne peut être considérée comme une atteinte à son exclusivité. A cet égard, l’appelante expose que l’article 4.5 du contrat-cadre la liant à la société LORIS AZZARO BV, concédant principal de la marque, l’autorisait à pratiquer de la sorte puisqu’il stipule que cette dernière et la société CFG pourront par exception faire fabriquer des articles appartenant aux mêmes catégories d’articles et accessoires que les produits pour lesquels une licence a été concédée, à condition que ces articles ne soient jamais destinés à la vente en tant que tels mais soient exclusivement et directement utilisés dans le cadre de l’activité parfumerie AZZARO aux fins d’aide à la commercialisation des parfums. Elle ajoute que la société E F était au courant de cette disposition puisqu’elle a candidaté aux fins de fabriquer les montres destinées aux opérations promotionnelles organisées par le groupe CLARINS.

L’appelante soutient en outre que la société E F ne peut reprocher une violation de son droit d’exclusivité par un tiers puisque ce supposé tiers est la société LORIS AZZARO BV propriétaire de tous les droits d’utilisation et de reproduction portant sur la marque AZZARO, en rappelant que la société E F avait reconnu par l’article 10 du contrat de licence que l’ensemble des droits de propriété intellectuelle et industrielle portant sur les marques sont la propriété exclusive des sociétés LORIS AZZARO BV et parfums LORIS AZZARO SAS.

Les ayants droits de E F précisent que, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, la

société E F a opposé une exception d’inexécution à la société LORIS AZZARO SAS et lui reprochent de ne pas avoir apprécié la gravité du manquement contractuel tiré du non-paiement des redevances au vu de l’atteinte portée à l’exclusivité bénéficiant à la société E F en vertu du contrat de licence. Ils soulignent à cet égard que la violation de l’exclusivité a débuté au moins depuis juin 2010 et a duré au moins jusqu’à l’automne 2015 et que la société E F en a rapidement informé la société LORIS AZZARO SAS.

Ils relèvent en outre l’incertitude qui existe concernant la date réelle de «l’accord-cadre» invoqué par la société LORIS AZZARO SAS puisque le seul contrat produit (en pièce n°21) est daté du 9 décembre 2014 tandis que ce contrat mentionne lui-même l’existence d’un accord-cadre de licence portant sur les marques AZZARO, conclu pourtant le 2 janvier 2009 par le concédant principal LORIS AZZARO BV. Selon eux, ce contrat du 9 décembre 2014 est en conséquence un faux grossier. Ils soutiennent enfin que la société LORIS AZZARO SAS, tenue par le contrat de licence du 1er octobre 2009, ne pouvait pas consentir, par convention du 9 décembre 2014, à ce que la société LORIS AZZARO BV puisse faire fabriquer, fut-ce pour aider la promotion des parfums et cosmétiques AZZARO qu’elle commercialise, des articles et accessoires appartenant aux mêmes catégories d’articles et accessoires donnés sous licence en classe 14 à la société E F et se devait de réagir aux doléances exprimées par sa licenciée. Ils demandent à la cour de réformer le jugement et de retenir la résiliation du contrat de licence aux torts exclusifs de LORIS AZZARO SAS.

Sur ce, par contrat de licence du 1er janvier 2009, renouvelé par avenant du 1er octobre 2013, la société LORIS AZZARO SAS a concédé à la société E F en tant que licenciée, le droit exclusif d’utiliser la marque AZZARO pour l’exploitation (création, fabrication, promotion, distribution et vente) des produits horlogers et instruments chronométriques.

L’article 9 du contrat impose au licencié d’informer le concédant de toute atteinte aux droits sur la marque par des tiers, dès lors qu’il en aura connaissance.

En contrepartie, la société E F s’engageait au versement d’une redevance annuelle définie à l’article 12 du contrat, calculée sur le chiffre d’affaires HT, avec un minimum annuel garanti, défini à l’article 6 de l’avenant.

Il n’est pas contesté par ailleurs que la société E F n’a pas réglé ses redevances pour les 2e et 3e trimestres 2013 pour un montant de 79.300€, qu’un échéancier de paiement a été convenu entre les parties qui n’a pas été respecté par la société E F, qui s’est acquittée pour les années 2013/2014 de la somme de 50.292€ au lieu des 167.390€ réclamés, soit un solde de 117.098€, ainsi qu’il résulte de la mise en demeure adressée par la société LORIS AZZARO SAS le 13 janvier 2015 (pièce 4).

Or, pour justifier de ses difficultés de paiement, la société E F a commencé par invoquer en 2011 des difficultés liées à la situation géopolitique dans le monde et n’a opposé l’atteinte à ses droits de licenciée exclusive, pour justifier d’un non paiement, que dans un courrier du 27 janvier 2015, en réponse à une mise en demeure émanant de la société LORIS AZZARO SAS, soit bien postérieurement au début du non paiement de ses redevances.

Ainsi, comme le tribunal, la cour retient que la société E F n’a pas exécuté son obligation de paiement des redevances à compter du mois de juillet 2013.

Par ailleurs, il ressort des pièces produites ( et notamment pièce 24) que dès le mois de janvier 2014, la société E F a avisé la société LORIS AZZARO SAS de ce qu’elle était contactée par des clients ayant reçu en cadeau une montre AZZARO Chrome dont elle n’était ni le fabriquant, ni le revendeur, indiquant à son concédant que ' cette situation est difficilement défendable devant mon conseil d’administration. Je dois leur donner une réponse claire', ce qui constitue la preuve non

équivoque de ce que la société E F a informé la société concédante des atteintes à ses droits sur la marque, dans le respect des stipulations de l’article 9 du contrat.

À cet égard, à la lecture des pièces fournies par la société E F, la cour estime que celle-ci n’apporte pas la preuve d’avoir informé sa co-contractante de cette atteinte au préalable, le fait de transférer quelques demandes éparses de certains clients, sans y ajouter d’objet, de commentaires ou d’explications, n’étant pas de nature à constituer une information claire et loyale concernant l’atteinte alléguée à ses droits.

Puis, comme l’a justement retenu le tribunal, la société E F démontre que la société LORIS AZZARO SAS a eu connaissance de cette utilisation de la marque AZZARO pour désigner des montres par le groupe CLARINS, tel que cela ressort d’un mail du 30 janvier 2014 de son directeur général adressé à sa correspondante au sein du groupe CLARINS, 'j’en profite pour te transmettre un autre mail sur un autre incident concernant la double exposition de la classe montres sur AZZARO, en direct par vous et vos filiales ainsi qu’en licence exclusive' ainsi que d’un message du 20 février 2014, dans lequel il indique ' je reviens vers toi avec un autre exemple qui exaspère notre licencié de montres. Comme tu peux le voir encore une fois on incite à la non compréhension et on dévalue l’image du produit fini à la vente. Merci de nous aider à vraiment clarifier comment gérer ce type de dossier.'

Puis, malgré les alertes émanant de la société E F concernant les atteintes à ses droits sur la marque, il n’est pas contesté que l’offre, en cadeau, de montres AZZARO pour l’achat de parfum AZZARO a perduré ainsi qu’en attestent le procès-verbal de constat établi sur internet le 25 août 2015 et, également, le courriel du 16 juillet 2015 de la directrice production et licences de la société MUGLER/ CLARINS US qui indique qu’un appel d’offres a été lancé en juillet pour un projet de gift ' montre Azzaro Chrome', la société CLARINS USA Inc ne retenant pas finalement la candidature de la société E F et sélectionnant la proposition d’un fournisseur tiers, à l’issue de son appel d’offre.

En outre, le fait que le contrat de licence de marque du 9 décembre 2014 par lequel la société LORIS AZZARO BV concède à la société LORIS AZZARO SAS une licence d’exploitation exclusive sur la marque AZZARO pour les produits horlogers et les instruments chronométriques, stipule en son article 4.5 une exception rédigée en ces termes, ' toutefois, par exception (…) Les parties conviennent que le concédant et (..) pourront faire fabriquer des articles et accessoires appartenant aux mêmes catégories d’articles [que ceux visés par la licence], (…)' à condition ' que ces articles (…) ne seront jamais destinés à la vente en tant que tels, mais seront exclusivement et directement utilisés dans le cadre de l’activité parfumerie AZZARO, aux fins d’aide à la commercialisation des parfums et produits cosmétiques du concédant' et ' sans s’obliger à s’adresser au licencié ou aux sous licenciés pour la fabrication de ces articles (…) le concédant s’engage à les consulter en même temps que les autres fournisseurs potentiels et sélectionnera l’offre du licencié ou des sous licenciés si cette offre est au moins aussi avantageuse pour le concédant (…)', ne saurait permettre à la société LORIS AZZARO SAS de contester l’atteinte aux droits de l’appelante, ni dénier sa responsabilité, alors que la société E F est une société tiers au contrat, que ce même contrat stipule en son article 3.2 que 'le licencié fera son affaire d’amender la sous-licence afin qu’elle soit en parfaite conformité avec les termes du contrat', et qu’elle ne démontre pas en conséquence avoir amendé le contrat avec la société E F en ce sens ou l’avoir informée de la teneur du contrat du 9 décembre 2014.

Le fait que la société E F ait accepté de participer à un appel d’offre de la société CLARINS US est insuffisant à démontrer qu’elle aurait été informée de ces stipulations particulières, au vu des seuls échanges de mails versés et, ce, alors que l’offre de la société E F n’a finalement pas été retenue. Ainsi, au vu de ces considérations, il n’y a pas lieu d’ordonner à la société LORIS AZZARO SAS de produire l’original du contrat de licence visés en pièce 21.

Aussi, la diffusion, à titre de cadeaux, de montres sous la marque AZZARO, autorisée par le contrat de licence conclu entre la société LORIS AZZARO BV, d’une part, et la société LORIS AZZARO SAS, d’autre part, caractérise-t-elle une violation du droit exclusif d’exploitation concédé par cette dernière à la société E F.

En conséquence, comme l’a justement analysé le tribunal, chacune des parties a failli à l’exécution de ses engagements, sans qu’un lien soit établi entre ces manquements au vu de la chronologie des événements ainsi relatée, et des différents courriels et mail versés aux débats, la société E F qui a connu des difficultés économiques et financières l’ayant conduite à la faillite le 21 mars 2017, n’étant pas fondée à opposer une exception d’inexécution qui ne peut être retenue, faute de preuve de la gravité suffisante de la faute alléguée au regard de l’économie générale du contrat ou de ses conséquences sur son activité, justifiant qu’elle s’abstienne de tout règlement de la redevance convenue, alors qu’il n’est pas contesté qu’elle a continué à exploiter la marque en cause bien postérieurement et à en tirer des revenus notables.

En outre, il convient de rappeler que la demande formulée par les intimées tendant à constater ' la collusion manifeste ' entre la société LORIS AZZARO SAS et la société CLARINS FRAGRANCE GROUP, outre qu’elle n’est pas fondée et que les demandes à l’égard de la société CLARINS FRAGRANCE GROUP ont été déclarées irrecevables ne constitue pas une demande en justice, étant dépourvue de caractère juridictionnel et insusceptible de conférer un droit à la partie qui l’a requise.

C’est en conséquence, à juste titre, que le tribunal a prononcé la résiliation du contrat de licence aux torts partagés des parties, à compter du 18 mars 2015, soit 30 jours après l’envoi de la dernière lettre de mise en demeure, comme stipulé à l’article 17 du contrat de licence ayant lié les parties.

- Sur les demandes indemnitaires:

- Sur le montant des redevances dues:

La société LORIS AZZARO SAS sollicite le paiement des redevances dues par la société E F dont le montant s’élève à 430.231 euros selon elle, jusqu’à l’expiration du contrat litigieux à la date du 31 décembre 2018, en invoquant l’article 17 dudit contrat selon lequel en cas de résiliation anticipée du contrat pour une raison imputable au licencié, les redevances dues au concédant deviennent immédiatement exigibles.

Sur ce, le contrat ayant été résilié le 18 mars 2015, les redevances contractuelles dues jusqu’à cette date doivent être fixées à la somme de 133.098€ comme cela ressort de la mise en demeure adressée le 18 février 2015, la cour rectifiant l’erreur de plume des premiers juges qui ont mentionné la somme de 133.498€, les modalités de calcul retenues n’étant critiquées par aucune partie sur cette période.

En outre, comme l’a justement précisé le tribunal, la société LORIS AZZARO SAS n’ayant pas garanti à son cocontractant le droit exclusif qui lui est consenti sur la marque ne peut en conséquence prétendre avoir droit au paiement des redevances jusqu’à la fin du contrat en 2018.

En conséquence, il convient de dire que la société E F est redevable au titre des redevances dues jusqu’au 1er trimestre 2015 inclus de la somme de 133.098€ avec intérêts aux taux légal à compter du 18 février 2015 date de la mise en demeure, outre la somme de 822,91€ au titre des royalties dues pour le contrat relatif aux stylos et boutons de manchette arrêtée au 22 mars 2016, avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2016, date de la mise en demeure.

La société LORIS AZZARO SAS formule également une demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat, arguant du fait que la société E F a bénéficié de l’utilisation de la marque AZZARO sans fournir la contrepartie prévue au contrat, alors qu’elle même

a engagé des frais internes pour gérer cette sous licence et sollicite à ce titre l’octroi d’une somme de 40.000€ à titre de dommages et intérêts, pour 'rétention abusive'.

Cependant, dans la mesure où la société LORIS AZZARO SAS a pris l’initiative de rompre le contrat la liant à la société E F et que cette dernière a été condamnée au paiement des redevances impayées jusqu’à la date de résiliation du contrat, la société appelante n’apparaît pas fondée à revendiquer un préjudice distinct pour des 'manquements contractuels’ et 'rétention abusive', ne justifiant d’aucun manquement distinct de celui du non paiement des redevances, et, ce d’autant qu’elle-même a n’a pas respecté une partie de ses engagements, en ce qu’elle a conclu, sans l’en informer, un contrat de licence qui contrevenait, en partie, aux engagements pris à l’égard de la société E F.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société LORIS AZZARO SAS de sa demande de dommages et intérêts complémentaire, et a dit que la société E F est redevable du paiement des redevances dues jusqu’au 1er trimestre 2015, sauf à modifier l’erreur de plume concernant le montant de la somme à hauteur de 133.098€.

- Sur le préjudice invoqué par les ayants droits de la société E F:

Les ayants-droits de E F demandent la condamnation in solidum des sociétés LORIS AZZARO SAS et CFG à leur verser la somme de 21.918.671,82 euros en réparation du préjudice économique subi découlant notamment (i) des royalties réglées sans contrepartie contractuelle de l’exclusivité, (ii) de la perte de marge sur les montres bas de gamme distribuées en fraude des droits de la société E F en tant que licenciée exclusive, (iii) de la perte de marge sur les montres «'Swiss Made'» qui n’ont pas pu être vendues sur certains marchés clés ainsi que (iv) des frais de location des stands notamment au salon mondial Baselworld. Quant au préjudice d’image en raison de l’offre des montres de basse qualité portant la marque AZZARO, ils sollicitent la somme de 300.000 euros. En outre, ils demandent 50.000 euros pour le préjudice supplémentaire subi par la société E F en raison du comportement exempt de bonne foi de l’appelante.

L’appelante, indiquant que les demandes indemnitaires au titre du prétendu préjudice économique de la société E F ne sont étayées par aucun document, demande la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a débouté celle-ci de ses demandes. Concernant le préjudice d’image que la société E F prétend avoir subi, l’appelante fait valoir que celle-ci, d’une part, savait que la propriété de la marque qu’elle exploitait appartenait à LORIS AZZARO BV du groupe CLARINS et, d’autre part, ne prouve pas son préjudice. L’appelante demande ainsi la réformation du jugement déféré en ce qu’il l’a condamnée à verser à la société E F la somme de 100.000 euros à ce titre.

Sur ce, il convient d’abord de rappeler que les demandes formulées par les sociétés, intervenantes volontaires, ont été déclarées irrecevables.

Puis, comme l’a justement rappelé le tribunal, la société E F, qui prétend avoir subi un préjudice économique à hauteur de près de 22 millions d’euros devant la cour, alors qu’elle réclamait 3,2 millions d’euros devant le tribunal, a la charge de la preuve de son principe et de son quantum.

Or, si elle verse aux débats ses comptes certifiés sur la période 2008 à 2015 et un tableur établi pour les besoins de la cause mentionnant le montant de son chiffre d’affaires sur les produits AZZARO, il convient de replacer ces chiffres dans leur contexte et, notamment, au regard de l’évolution générale du volume global de ventes de la société E F sur cette même période.

La cour constate ainsi que le chiffre d’affaires généré par la vente de produits d’horlogerie AZZARO a fluctué sur la période incriminée, connaissant un pic en 2009-2010 (1.398.341 CHF), puis baissant en 2010-2011 et 2011-2012 ( respectivement 1.089.008 et 698.044 CHF) pour ensuite augmenter en

2012-2013 ( 799.018 CHF), baisser en 2013-2014 (579.431 CHF) et augmenter à nouveau en 2014-2015 ( 705.262 CHF).

Cette évolution suit peu ou prou l’évolution du volume global de ses autres ventes, de sorte qu’il n’est nullement possible de rattacher ces fluctuations aux atteintes à la marque dénoncées par la société E F et ce, d’autant que cette dernière n’a nullement communiqué sur son volume d’affaire aux Etats Unis, seul pays visé par l’offre dénoncée de montres cadeaux, comparé notamment aux ventes concernant le reste du monde.

Par ailleurs, la cour fait sienne l’argumentation des premiers juges qui ont justement relevé que seuls quelques courriers de consommateurs mécontents ont été versés à la procédure, que la société E F n’a jamais invoqué, avant l’introduction de la procédure devant le tribunal de grande instance, les conséquences économiques négatives de ces faits sur ses résultats et a, en outre, renouvelé le contrat de licence le 1er octobre 2013 à effet au 1er octobre 2014 et également fait une proposition de fabrication des montres 'cadeaux’ AZZARO auprès de la société CLARINS USA en juillet 2015.

Il s’ensuit qu’en l’absence de preuve d’un préjudice économique en terme de chiffre d’affaires ou de perte de marge, les demandes de la masse en faillite de la société E F à ce titre, tout comme ses demandes de remboursement de frais exposés dans un salon ou relatifs à de la publicité internationale qui, au surplus, concernent l’ensemble des produits vendus par la société E F et, non, spécifiquement les produits AZZARO, doivent être rejetées, et ce sans qu’il soit fait droit à sa demande d’enjoindre à la société CLARINS FRAGRANCE GROUP de produire l’état certifié de ses ventes de parfum, les ventes dénoncées s’étant produites sur le territoire américain et au profit de la société MUGLER/ CLARINS USA Inc.

Les appelantes ne sont pas davantage fondées à invoquer un préjudice, en terme de perte de marge, sur les montres bas de gammes distribuées en fraude de ses droits, puisque l’appel d’offre de la société CLARINS USA Inc mentionné par la société E F a été passé en juillet 2015, soit postérieurement à la réalisation du contrat de licence.

En revanche, comme l’ont pertinemment retenu les premiers juges, l’offre sur internet de montres AZZARO bas de gamme, offertes en cadeau avec l’achat d’un parfum AZZARO a occasionné un préjudice d’image à la société E F, comme le démontrent les quelques courriers de consommateurs mécontents et les courriel du directeur de la société LORIS AZZARO SAS des 30 janvier et 20 février 2014 dans lesquels il mentionne ' la façon dont [on gère la double exploitation] provoque des situations ingérables d’après nos licenciés qui provoque une mauvaise image de la marque dans son ensemble' ou il invoque une 'dévaluation de l’image du produit'.

En outre, le fait que d’autres sociétés de luxe puissent pratiquer une politique similaire en matière de cadeaux ne saurait exonérer la société LORIS AZZARO SAS de sa responsabilité, outre qu’au cas présent, cette politique n’a pas été convenue avec le licencié exclusif concerné.

Ce préjudice d’image comme l’a évalué à bon escient le tribunal pour les années 2014 et 2015 sur le marché haut de gamme des produits horlogers, est justement réparé par l’octroi d’une somme de 100.000€ à titre de dommages et intérêts, sauf pour la cour à ajouter que la large publicité accordée sur internet à ce type d’offre promotionnelle pratiquée dans un pays au fort pouvoir d’achat a contribué à le renforcer.

Enfin, la masse en faillite de la société E F doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts en raison d’un prétendu comportement fautif de la société LORIS AZZARO SAS qui ne ressort ni de son invitation à participer au séminaire des licenciés 'AZZARO’ en février 2016, alors que le contrat de licence n’était pas officiellement rompu, ni davantage du refus opposé par la société concédante à la société E F à sa demande tendant organiser une vente sur

le site marchand 'ventesprivées.com', à une date où il était reprochée à la licenciée un non paiement, sur plusieurs années, des redevances dues.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement rendu sur ces chefs.

- Sur la demande reconventionnelle pour procédure abusive:

La société CFG soutient que la demande d’intervention forcée formée à son encontre est abusive en ce qu’il est démontré clairement qu’elle n’a jamais eu de relation contractuelle avec la société E F et que le préjudice invoqué par les ayants-droits de E F est exorbitant, ce qui démontre selon elle la mauvaise foi, voire la volonté de nuire, de leur part. A ce titre, elle sollicite en réparation la somme de 20.000 euros.

La cour rappelle que l’exercice d’une action en justice constitue par principe un droit qui ne dégénère en abus, pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts, que lorsque la preuve d’une faute est rapportée.

En l’espèce, le fait que la société E F en première instance a choisi d’assigner la société CLARINS FRAGRANCE GROUP puis de formuler contre elle, à hauteur d’appel, des demandes en paiement est insuffisant à démontrer sa mauvaise foi ou le caractère malveillant de son action, alors que les premiers juges ont jugé recevable sa mise en cause et qu’elle figurait en qualité de partie dans l’accord mis en avant par la société LORIS AZZARO SAS avec la société LORIS AZZARO BV, la société CLARINS FRAGRANCE GROUP ne justifiant pas d’un préjudice distinct de celui causé par la nécessité de se défendre en justice qui sera réparé par l’allocation d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La demande de la société CLARINS FRAGRANCE GROUP au titre de la procédure abusive sera rejetée.

- Sur les autres demandes:

Chaque partie succombant partiellement, il y a lieu de dire que la société LORIS AZZARO SAS d’une part et la masse en faillite de la société E F et les sociétés MGI LUXURY GROUP SA, C D SA et GROUPDOC, d’autre part, garderont chacune à leur charge leur dépens et leurs frais irrépétibles, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

Cependant, il convient de condamner la masse en faillite de la société E F et les sociétés MGI LUXURY GROUP SA, C D SA et GROUPDOC qui ont formulé des demandes irrecevables à l’encontre de la société CLARINS FRAGRANCE GROUP et succombent à son égard, à supporter ses dépens, qui pourront être recouvrés par Maître G H-JUMEL conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, et à lui verser une somme équitablement fixée à hauteur de 7.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il rejeté la fin de non recevoir opposée par la société CLARINS FRAGRANCE GROUP et sauf à rectifier le montant des dommages et intérêts accordés au titre des redevances impayées,

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

Déclare irrecevables les demandes formulées contre la société CLARINS FRAGRANCE GROUP (nouvellement nommée […]),

Déclare recevables les demandes de la masse en faillite de la société E F,

Déclare irrecevables les interventions volontaires des sociétés MGI LUXURY GROUP SA, C D SA et GROUPDOC ainsi que l’ensemble de leurs demandes,

Condamne la société E F, représentée par la masse en faillite, à verser à la société LORIS AZZARO SAS la somme de 133.098 €, et non pas 133.498 € comme indiqué par erreur dans le jugement au titre des redevances dues jusqu’au 1er trimestre 2015 inclus pour le contrat de licence, avec intérêts au taux légal à compter du 18 février 2018,

Déboute la société CLARINS FRAGRANCE GROUP (nouvellement nommée […]) de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Dit que la masse en faillite de la société E F et la société LORIS AZZARO SAS garderont chacune à leur charge leurs dépens et leurs frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d’appel,

Condamne la masse en faillite de la société E F et les sociétés MGI LUXURY GROUP SA, C D SA et GROUPDOC à supporter les dépens d’appel de la société CLARINS FRAGRANCE GROUP (nouvellement nommée […]) , qui pourront être recouvrés par Maître G H-JUMEL conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Condamne la masse en faillite de la société E F et les sociétés MGI LUXURY GROUP SA, C D SA et GROUPDOC à verser à la société CLARINS FRAGRANCE GROUP (nouvellement nommée […]) la somme de 7.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 29 juin 2021, n° 18/17182