Cour d'appel de Paris, Pôle 4 chambre 3, 25 mai 2023, n° 22/12455

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 4 ch. 3, 25 mai 2023, n° 22/12455
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 22/12455
Importance : Inédit
Sur renvoi de : Cour de cassation, 21 juin 2022, N° Q21-18612
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 31 mai 2023
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Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 3

ARRET DU 25 MAI 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/12455 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGCZQ

Décision déférée à la Cour :

Arrêt de la Cour de Cassation du 22 Juin 2022 – Pourvoi Q21-18612

Arrêt du 23 Mars 2021 – Cour d’Appel de PARIS Pôle 4- Chambre 4 – RG 18/14932

Jugement du 03 Mai 2018 -Tribunal d’Instance de PARIS 12 – RG n° 1118000003

APPELANTE

S.A. REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE PARIS (RIVP)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Sylvie KONG THONG de l’AARPI Dominique OLIVIER – Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

Assistée par Me Sandrine BELLIGAUD du Cabinet LEGITIA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1971 substituée à l’audience par Me Aude LACROIX, même cabinet, même toque

INTIMEE

Madame [T] [W]

[Adresse 2]

[Localité 3]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Aurore DOCQUINCOURT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

François LEPLAT, président

Anne-Laure MEANO, président

Aurore DOCQUINCOURT, conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Joëlle COULMANCE

ARRET :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par François LEPLAT, Président de Chambre et par Joëlle COULMANCE, Greffière présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte sous-seing privé en date du 15 décembre 2004, la SA Régie Immobilière de la Ville de Paris (RIVP) a loué à Mme [T] [W] un local à usage d’habitation sis à [Adresse 2] ; il était stipulé dans ce bail l’interdiction de la sous-location.

Le bailleur a fait établir le 15 juillet 2017 un constat d’huissier démontrant qu’une chambre de ce logement était offerte à la location via le site internet Airbnb.

Par acte d’huissier du 3 janvier 2018, la Régie Immobilière de la Ville de Paris a fait citer Mme [T] [W] devant le Tribunal d’instance de Paris pour obtenir :

— la résiliation du bail qui lie les parties aux torts de la défenderesse,

— I’expulsion immédiate de Mme [T] [W] et des occupants avec au besoin I’assistance de la force publique, en supprimant le délai prévu à I’article L412-1 du code des procédures civiles d’exécution,

— I’autorisation de faire séquestrer les meubles,

— sa condamnation au paiement de I’indemnité mensuelle d’occupation fixée au montant correspondant au loyer et aux charges « si le bail s’était poursuivi » majoré de 30% à compter de la résiliation du bail jusqu’à la reprise effective des lieux,

— la condamnation de Mme [T] [W] au paiement de la somme de 9 000 euros à titre d’amende,

— sa condamnation à payer la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts,

— I’exécution provisoire de la décision à intervenir,

— le paiement d’une somme de 800 euros au titre de I’article 700 du code de procédure civile

— la condamnation de Mme [T] [W] aux dépens qui comprendront le coût du procès-verbal de constat.

Par jugement contradictoire du 3 mai 2018, le tribunal d’instance de Paris a ainsi statué :

— prononce la résiliation du bail conclu entre les parties et portant sur les locaux situés à :

PARIS (75012)

[Adresse 2]

logement n° 049087H040

4ème étage

et ce à compter de ce jour,

— dit qu’à défaut pour Mme [T] [W] d’avoir libéré les lieux deux mois après la signification du commandement de quitter les lieux prévu par l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution, la RIVP pourra procéder à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec l’assistance de la force publique si besoin est et au transport des meubles laissés dans les lieux dans tel garde-meubles qu’il plaira au bailleur,

— condamne Mme [T] [W] à payer à la Régie Immobilière de la Ville de Paris une indemnité d’occupation égale au montant des loyers et des charges qui auraient été dus en cas de non résiliation du bail, le tout majoré de 10%, à compter de ce jour jusqu’au départ effectif des lieux,

— se déclare incompétent pour statuer sur l’amende prévue par l’article L.442-8 du code de la construction et de l’habitation,

— déboute les parties de leurs autres demandes,

— condamne Mme [T] [W] à payer à la RIVP la somme de 800 euros au titre de

I’article 700 du code de procédure civile,

— condamne Mme [T] [W] aux dépens, y compris les frais du procès-verbal de

constat de Me [G] en date du 15 juillet 2017,

— ordonne I’exécution provisoire.

Mme [T] [W] a interjeté appel de ce jugement le 12 juin 2018.

Par arrêt contradictoire du 23 mars 2021, la cour d’appel de Paris, autrement composée, a ainsi statué :

— Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il s’est déclaré incompétent pour statuer sur l’amendeprévue par l’article L 412-8 du code de la construction et de l’habitation,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

— Déboute la SA Régie immobilière de la ville de Paris de sa demande de résiliation du bail conclu le 15 décembre 2004 avec Mme [T] [W] et de ses demandes subséquentes,

— Condamne Mme [T] [W] à verser à la Régie immobilière de la ville de Paris la somme de 2 350 euros en restitution des fruits civils perçus par les sous-locations non autorisées,

— Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

— Condamne la SA Régie immobilière de la ville de Paris à verser à Mme [T] [W] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamne la SA Régie immobilière de la ville de Paris aux dépens de première instance

et d’appel.

Sur pourvoi formé par la SA RIVP, par arrêt du 22 juin 2022, la troisième chambre civile de la cour de cassation a ainsi statué :

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 1728 et 1729 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2014-873 du 4 août 2014, et R353-37 du code de la construction et de l’habitation, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n°2005-1733 du 30 décembre 2005 :

4. ll résulte du premier de ces textes que le preneur est tenu d’user de la chose louée suivant la destination qui lui a été donnée par le bail.

5. Selon le deuxième, si le preneur emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée, ou dont il puisse résulter un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail.

6. Aux termes du dernier, les logements conventionnés sont loués nus à des personnes physiques, à titre de résidence principale, et occupés au moins huit mois par an. lls ne peuvent faire I’objet de sous-location sauf au profit de personnes ayant passé avec le locataire un contrat conforme à l’article L. 443-1 du code de I’action sociale et des familles et doivent

répondre aux conditions d’occupation suffisante telles que définies par I’article L.621-2 du même code.

7. Pour rejeter la demande en résiliation du bail, I’arrêt relève que le preneur avait ouvert un compte sur le site internet Airbnb au mois de novembre 2014 et que la page de présentation du compte comportait cent trente-six commentaires relatifs à des locations faites entre novembre 2014 et janvier 2018.

8. ll retient qu’à supposer que chaque commentaire corresponde à une location, la moyenne mensuelle des locations n’était que de trois et demi, que la location ne portait que sur une des trois chambres du logement que le preneur continuait d’occuper et que le bailleur n’avait pas mis le preneur en demeure de cesser cette activité, de sorte que le manquement dénoncé n’était pas suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail.

9. En se déterminant ainsi, sans examiner, comme il le lui était demandé, la gravité de la faute du preneur au regard des circonstances résultant du régime applicable aux logements conventionnés, de I’interdiction légale de sous-location et d’un changement de destination des locaux susceptible d’être caractérisé par I’utilisation répétée et lucrative d’une partie du logement conventionné, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :

Vu les articles 548 et 549 du code civil,

11. Aux termes du premier de ces textes, les fruits produits par la chose n’appartiennent au propriétaire qu’à la charge de rembourser les frais des labours, travaux et semences faits par des tiers et dont la valeur est estimée à la date du remboursement.

12. Selon le second, le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de bonne foi.

13. Après avoir évalué à une certaine somme les fruits issus de la sous-location non autorisée, I’arrêt condamne le preneur à rembourser au bailleur une somme moindre en déduisant les loyers perçus par ce dernier en exécution du bail.

14. En statuant ainsi, alors que le loyer constitue un fruit civil de la propriété et que le preneur, auteur de la sous-location interdite, ne pouvait être un possesseur de bonne foi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la cour:

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, I’arrêt rendu le 23 mars 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Paris,

Remet I’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;

Condamne Mme [W] aux dépens ;

En application de I’article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [W] à payer à la Régie immobilière de la ville de Paris la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de I’arrêt cassé ;

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les dispositions des articles 1032 et suivants du code de procédure civile,

Vu la déclaration de saisine du 1er juillet 2022 de la cour d’appel de Paris par la SA RIVP,

Mme [T] [W], à qui la déclaration de saisine et les conclusions de la SA RIVP ont été signifiées le 13 septembre 2022 à étude d’huissier, n’a pas constitué avocat.

Vu l’article 631 du code de procédure civile, selon lequel 'devant la juridiction de renvoi, l’instruction est reprise en l’état de la procédure non atteinte par la cassation’ ; il en résulte que les conclusions prises antérieurement demeurent valables, et que la partie qui ne formule pas de moyens nouveaux ou de nouvelles prétentions est réputée s’en tenir aux moyens et prétentions qu’elle avait soumis à la juridiction dont la décision a été cassée, même si ces conclusions émanent d’une partie qui ne s’est pas présentée devant la juridiction de renvoi ; l’arrêt est rendu contradictoirement (Civ. 1re, 19 juin 2007, n°06-20.240).

Vu, dès lors, les conclusions remises au greffe le 11 septembre 2018 par lesquelles Mme [T] [W] demande à la cour de :

Vu l’article 4 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa version applicable au contrat de bail ;

Vu l’article 1224 du Code civil ;

Vu les articles L412-3 et L-412-4 du Code des procédures civiles d’exécution ;

— déclarer Madame [T] [W] recevable et bien fondée en son appel ;

Y faisant droit,

A titre principal,

— constater le caractère non écrit de la clause résolutoire insérée au bail souscrit par Mme [T] [W] le 15 décembre 2004 auprès de la Régie Immobilière de la Ville de Paris ;

— constater que Mme [T] [W] n’a commis aucune faute suffisamment grave susceptible d’entrainer la résiliation du bail,

En conséquence,

— infirmer la décision déférée en ce qu’elle a prononcé la résiliation du bail et ordonné l’expulsion ;

— confirmer la décision déférée pour le surplus,

A titre subsidiaire,

— octroyer, en tout état de cause, à Mme [T] [W], un délai de trois ans pour quitter les lieux ;

En tout état de cause,

— condamner la Régie Immobilière de la Ville de Paris à payer à Mme [T] [W] la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure

civile ;

— condamner la Régie Immobilière de la Ville de Paris en tous les dépens de la présente instance.

Vu les dernières écritures remises au greffe le 31 août 2022 par lesquelles la SA RIVP demande à la cour de :

Vu les articles 546, 547 1103, 1104, 1217, 1224, 1728 et 1729 du code civil,

Vu les articles 2 et 8 de la loi du 6 juillet 1989,

Vu les articles L 441-1, L441-2, L442-6, L442-3-5, L442-8, R 441-1 à R441-5, R641-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation,

Vu l’article L 412-1 du code des procédures civiles d’exécution,

Vu le contrat de bail en date du 15 décembre 2004 et ses conditions générales,

Vu l’arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 23 mars 2021,

Vu l’arrêt de la cour de cassation en date du 22 juin 2022,

— confirmer le jugement entrepris en date du 3 mai 2018 en ce qu’il a :

— prononcé la résiliation judiciaire du bail en date du 15 décembre 2004 sur le local à

usage d’habitation [Adresse 2] et ce, aux torts exclusifs du preneur,

— ordonné l’expulsion immédiate de Mme [T] [W] et tous occupants de son chef et ce, avec l’assistance du commissaire de police et de la force publique et d’un serrurier, s’il y a lieu,

— ordonné le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans un garde meubles qu’il désignera ou tel autre lieu au choix du bailleur et ce, en garantie de toutes sommes qui pourront être dues, aux frais, risques et périls de Mme [T] [W],

— Condamné Mme [T] [W] à payer à la Régie Immobilière de la Ville de Paris à la somme de 800 euros en application des dispositions de l’article 700 du CPC outre les entiers dépens en ce compris le coût du procès-verbal de constat en date du 15 juillet 2017,

— infirmer le jugement entrepris en date du 3 mai 2018 en ce qu’il s’est déclaré incompétent pour statuer sur l’amende prévue par l’article L442-8 du code de la construction et de l’habitation et en ce qu’il a débouté la RIVP de ses autres demandes, et statuant de nouveau, de :

— Condamner Mme [T] [W] et tous occupants de son chef à payer à la SA RIVP des indemnités d’occupation dont les montants correspondront aux loyers actualisés, augmentés des charges, tels que Mme [T] [W] les réglait au titre de son bail, majorés de 30%, et ce, jusqu’à parfaite libération des locaux par remise des clés, un procès-verbal d’expulsion ou de reprise,

— Condamner Mme [T] [W] à payer une amende de 9 000 euros,

— Condamner Mme [T] [W] à payer à la SA RIVP, la somme de 8 650 euros au titre des fruits civils indument perçus,

Ajoutant au jugement entrepris,

— Condamner Mme [T] [W] à payer à la SA RIVP à la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Un procès-verbal de reprise des lieux par huissier a été dressé le 16 juillet 2019 suite à la restitution des clefs par la locataire au commissariat de police.

Sur la résiliation du bail

Selon l’article 1728 du code civil, le preneur est tenu d’user de la chose louée suivant la destination qui lui a été donnée par le bail.

En vertu de l’article 1729, si le preneur emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée, ou dont il puisse résulter un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail.

L’article R353-37 du code de la construction et de l’habitation, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n°2005-1733 du 30 décembre 2005 applicable au bail litigieux, dispose que les logements conventionnés sont loués nus à des personnes physiques, à titre de résidence principale, et occupés au moins huit mois par an. lls ne peuvent faire I’objet de sous-location sauf au profit de personnes ayant passé avec le locataire un contrat conforme à l’article L. 443-1 du code de I’action sociale et des familles et doivent répondre aux conditions d’occupation suffisante telles que définies par I’article L.621-2 du même code.

En l’espèce, le contrat de bail liant les parties stipule en ses conditions générales, au chapitre 'occupation – jouissance', que le preneur s’oblige à 'ne pas, en aucun cas et même accidentellement, sous louer en meublé ou non tout ou partie des lieux loués, ni céder partiellement ou en totalité les droits au présent engagement qui, de condition expresse et absolue, doit toujours rester personnel au preneur et à sa famille, l’occupation des locaux loués étant strictement réservée au locataire, qui doit y établir sa résidence principale et y résider à ce titre au moins huit mois par an'.

Il résulte du constat d’huissier du 15 juillet 2017, que '[T]' offre à la location sur le site Airbnb une chambre pour deux personnes avec accès à une douche privative pour le prix de 50 euros par nuit, et qu’elle a reçu 134 commentaires. Il était précisé sur l’annonce que ce bien était 'convoité'.

La SA RIVP produit en outre d’autres extraits du site Airbnb comportant 173 commentaires correspondant à l’annonce précitée, dont les plus anciens datent d’octobre 2015, soit autant de locations, qui sont loin d’être 'occasionnelles’ ainsi que le soutient Mme [W] dans ses écritures.

Le premier juge en a parfaitement déduit que Mme [T] [W], tout en continuant d’occuper le bien, avait effectué des cessions partielles rémunérées de ce bien à des tiers, et donc une sous-location partielle du bien, dont la fréquence s’apparentait à l’organisation d’un service hôtelier quasi permanent, changeant donc la destination du bail qui n’était plus à usage exclusif d’habitation mais partiellement à usage hôtelier, et donc commercial.

Mme [T] [W] a donc violé en toute connaissance de cause la clause précitée du bail, mais également la règlementation précitée applicable aux logements conventionnés, prohibant la sous-location ; la sous-location à but lucratif d’un logement conventionné constitue une circonstance aggravante eu égard à la vocation sociale de ces logements.

C’est donc par une parfaite appréciation des éléments de la cause que le premier juge a considéré que l’exercice d’une activité de sous-location, certes partielle mais très régulière pendant près de deux années constituait une faute grave contrevenant à l’essence même du bail consenti, et justifiant d’ordonner la résiliation du bail.

Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris sur ce point.

Compte tenu de la libération des lieux par Mme [T] [W] le 16 juillet 2019, il y a lieu de déclarer sans objet les demandes d’expulsion et de condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation, ainsi que la demande subsidiaire de délais pour quitter les lieux formée par Mme [W].

Sur les fruits civils

Selon l’article 548 du code civil, 'les fruits produits par la chose n’appartiennent au propriétaire qu’à la charge de rembourser les frais des labours, travaux et semences faits par des tiers et dont la valeur est estimée à la date du remboursement'.

L’article 549 dispose que 'le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de bonne foi. Dans le cas contraire, il est tenu de restituer les produits avec la chose au propriétaire qui la revendique ; si lesdits produits ne se retrouvent pas en nature, leur valeur est estimée à la date du remboursement'.

Sauf lorsque la sous-location a été autorisée par le bailleur, les sous-loyers perçus par le preneur constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire en application de l’article 548 précité (Civ. 3ème, 12 septembre 2019, n°18-20.727).

Le loyer constitue un fruit civil de la propriété et le preneur, auteur de la sous-location illicite, ne peut être un possesseur de bonne foi.

Il en résulte que les fruits de la sous-location appartiennent par accession au bailleur, et que le preneur, qui n’est pas un possesseur de bonne foi, ne peut prétendre à voir déduire du montant des fruits de la sous-location celui des loyers encaissés par le bailleur.

En l’espèce, il résulte des pièces produites qu’au moins 173 commentaires, correspondant à 173 locations, sont produits, soit, pour un tarif de 50 euros par nuit, un montant total de :

(173 x 50) = 8650 euros.

La SA RIVP souligne à juste titre que Mme [W] n’a pas déféré aux sommations de communiquer lui enjoignant de produire les relevés Airbnb des montants perçus au titre de la sous-location. Il convient donc de retenir la somme de 8650 euros.

Il y a lieu dès lors de condamner Mme [W] à payer à la SA RIVP la somme de 8650 euros en remboursement des fruits issus de la sous-location prohibée.

Sur l’amende

L’article L. 442-8 du code de la construction et de l’habitation dispose que, 'dans tous les immeubles destinés à la location et financés au moyen de crédits prévus par le livre III, il est interdit de louer en meublé ou de sous-louer un logement, meublé ou non, sous quelque forme que ce soit, sous peine d’une amende de 9 000 €'.

Il ne résulte ni de ce texte, ni de ses travaux préparatoires que le législateur a voulu conférer un caractère civil à cette amende, alors qu’il l’a mentionné avec précision dans d’autres dispositions législatives du même code, comme à l’article L. 651-2 (Crim., 22 février 2022, n°20-85.761).

Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que l’article précité définissait un délit pénal et une peine d’amende délictuelle, et s’est déclaré incompétent pour la prononcer.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le sens de la présente décision conduit à confirmer le jugement entrepris s’agissant des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande de condamner Mme [W], partie perdante, aux dépens d’appel, ainsi qu’au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme, en ses dispositions frappées d’appel, le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a ordonné l’expulsion de Mme [T] [W] et sa condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation,

Statuant à nouveau,

Déclare sans objet les demandes d’expulsion et de condamnation de Mme [T] [W] au paiement d’une indemnité d’occupation

Rejette toutes demandes plus amples ou contraires,

Et y ajoutant,

Condamne Mme [T] [W] à payer à la SA RIVP la somme de 8650 euros en remboursement des fruits issus de la sous-location prohibée,

Déclare sans objet la demande de délais pour quitter les lieux formée par Mme [T] [W],

Condamne Mme [T] [W] à payer à la SA RIVP la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [T] [W] aux dépens d’appel,

Rejette toutes autres demandes.

La Greffière Le président

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