Cour d'appel de Paris, Pôle 4 chambre 9 a, 28 mars 2024, n° 22/14561

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 4 ch. 9 a, 28 mars 2024, n° 22/14561
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 22/14561
Importance : Inédit
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 2 avril 2024
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Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 9 – A

ARRÊT DU 28 MARS 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/14561 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGIUZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 9 avril 2021 – Juge des contentieux de la protection de PARIS – RG n° 11-20-010492

APPELANTE

LA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE (CRCACF), socié coopérative à capital variable, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 445 200 488 03857

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée et assistée de Me Olivier BOHBOT, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 342

INTIMÉE

Madame [B] [U]

née le 10 avril 1951 à [Localité 7] (15)

[Adresse 1]

[Localité 6]

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 6 février 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

— RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 30 juillet 2019, un huissier a signifié à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre France (la CRCAM Centre France) un procès-verbal de saisie de droits d’associés et de valeurs mobilières à l’encontre de Mme [B] [U] née [E] pour des créances d’impôts d’un montant de 76 156,79 euros.

La CRCAM Centre France a répondu qu’elle détenait des titres pour le compte de sa cliente à hauteur de 104 292,65 euros.

Mme [U] a vendu en septembre 2019 des titres pour un montant de 79 483,44 euros puis a émis le 20 septembre 2019 deux chèques de banque d’un montant de 45 000 euros et de 34 000 euros au profit de « GTF ».

Le 23 octobre 2019, le Trésor Public a sollicité le transfert des fonds consignés. La vente des derniers titres a été effectuée avec versement des fonds sur le compte bancaire et la banque a effectué le virement réclamé au service des impôts qui était d’un montant supérieur à la vente de ces derniers titres, ce qui a entraîné le débit du compte bancaire.

La CRCAM Centre France ayant vainement sollicité le remboursement du solde du compte bancaire à Mme [U], elle l’a assignée par acte du 24 septembre 2020 devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris en paiement de ce solde débiteur outre une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens lequel, par jugement réputé contradictoire du 9 avril 2021 l’a déboutée de toutes ses demandes et l’a condamnée aux dépens.

Il a considéré que la banque ne justifiait pas du bien-fondé de sa demande dès lors qu’elle ne produisait ni les conditions particulières de ce contrat ni les conditions générales.

Par déclaration réalisée par voie électronique le 1er août 2022, la CRCAM Centre France a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions déposées par voie électronique le 27 octobre 2022, elle demande à la cour :

— d’infirmer le jugement,

— de condamner Mme [U] à lui payer la somme de 52 596,07 euros au titre du solde débiteur du compte DAV n° [XXXXXXXXXX02] avec intérêts au taux contractuel à compter de la mise en demeure en date du 5 juin 2020,

— de condamner Mme [U] à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens avec distraction au profit de Me Bohbot en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que bien que la convention de compte ne soit pas produite car elle l’a perdue, elle verse aux débats d’autres éléments qui démontrent l’existence de ce compte tels deux ordres de virement permanent depuis ce compte signés par Mme [U], un contrat d’ouverture d’un compte-titres ayant pour support ce compte bancaire, les conditions générales de la convention, outre le barème tarifaire, dont Mme [U] reconnaît en page 2 de l’acte précité avoir pris connaissance et accepté et l’intégralité, les relevés de compte depuis son ouverture le 26 août 2017 ainsi que les mails échangés par lesquels elle reconnaît sa dette.

Elle ajoute qu’elle a payé la dette de Mme [U] auprès du Trésor Public, que celle-ci détenait une somme supérieure sur différents livrets et disposait donc des fonds nécessaires et qu’en application de l’article L. 262-3 du livre des procédures fiscales, elle devait payer cette somme et qu’elle n’a commis aucune faute.

Aucun avocat ne s’est constitué pour Mme [U] à qui la déclaration d’appel et les conclusions ont été signifiées par acte du 28 octobre 2022 délivré à personne.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l’appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 novembre 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience le 6 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Il résulte de l’article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un compte soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu’il doit être fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation postérieure à l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

Sur la preuve de l’obligation

En application de l’article 1353 du code civil en sa version applicable au litige, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Il incombe à chaque partie, par application de l’article 9 du code de procédure civile, de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

La banque verse aux débats :

— les relevés du compte n° [XXXXXXXXXX02],

— des ordres de virement permanent depuis ce compte signés par Mme [U],

— le contrat d’ouverture du compte-titres ordinaire n° [XXXXXXXXXX05] qui fait état de ce que le compte support est le compte bancaire n° [XXXXXXXXXX02] et de ce que Mme [U] a pris connaissance des conditions générales de vente mais aussi des conditions tarifaires applicables à son compte bancaire.

Ces pièces établissent suffisamment que Mme [U] était titulaire dans les comptes de la CRCAM Centre France du compte bancaire n° [XXXXXXXXXX02].

Sur la forclusion

Il résulte de l’article R. 312-35 du code de la consommation que les actions en paiement engagées à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

En matière de solde débiteur d’un compte courant, cet événement est caractérisé par le dépassement, au sens du 13° de l’article L. 311-1 du même code, non régularisé à l’issue du délai de 3 mois prévu à l’article L. 312-93. Le « dépassement » est le « découvert tacitement accepté en vertu duquel un prêteur autorise l’emprunteur à disposer de fonds qui dépassent le solde de son compte de dépôt ou de l’autorisation de découvert convenue ». Il est toutefois admis que le retour du compte à une position créditrice avant l’expiration du délai biennal interrompt ce délai.

La CRCAM Centre France produit les relevés de compte depuis le 2 février 2018. Il en résulte que le compte a été débiteur à plusieurs reprises mais que le compte créditeur a été restauré à chaque fois dans un délai inférieur à 2 ans et qu’il n’est constamment débiteur que depuis le 6 janvier 2020. Dès lors, l’action de la CRCAM Centre France introduite par acte du 24 septembre 2020 n’est pas forclose.

Sur le bien-fondé de la demande

La banque produit :

— le procès-verbal de saisie de droits d’associés et de valeurs mobilières qui lui a été notifiée le 30 juillet 2019 par la direction générale des finances publiques à l’encontre de Mme [U] pour un total de 76 156,79 euros et la réponse qu’elle lui a apportée laquelle mentionne l’existence de titres valorisés à hauteur d’un total de 104 292,75 euros,

— les relevés de compte qui établissent que Mme [U] a vendu en septembre 2019 des titres pour un montant de 79 483,44 euros puis a émis le 20 septembre 2019 deux chèques de banque d’un montant de 45 000 euros et de 34 000 euros à l’ordre de « GTF »,

— la demande de la direction générale des finances de transfert des fonds suite à la saisie des valeurs mobilières avec un certificat de non contestation de la saisie,

— les relevés de compte qui établissent que suite à cette demande, la vente des derniers titres a été effectuée, ce qui aboutit à un virement au crédit du compte bancaire de Mme [U] le 3 janvier d’une somme de 34 993,66 euros et le virement effectué par la banque depuis ce compte de la somme de 76 156,79 euros à la direction générale des finances publiques ce qui a mis le compte en débit.

Elle verse également aux débats un échange de mails avec Mme [U] dont il résulte que suite à des discussions, les parties se sont accordées sur un versement de 3 000 euros par mois. Mme [U] n’ayant pas respecté cet accord, la banque l’a mise en demeure de payer le 5 juin 2020 le solde du compte bancaire à hauteur de 52 807,84 euros.

La cour relève qu’aux termes de l’article R. 332-8 du code des procédures civiles d’exécution, la saisie des valeurs mobilières rend indisponibles les droits pécuniaires du débiteur et que la vente des titres saisis est régie par les dispositions des articles R. 333-1 et suivants du même code. En particulier l’article R. 333-3 du même code prévoit que le débiteur peut, dans le mois de la signification qui lui a été faite, donner l’ordre de vendre les valeurs mobilières saisies qui sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation, que le produit de la vente est indisponible entre les mains de l’intermédiaire habilité pour être affecté spécialement au paiement du créancier et que si les sommes provenant de la vente suffisent à désintéresser le ou les créanciers, l’indisponibilité cesse pour le surplus des valeurs mobilières saisies. La banque tiers saisie n’aurait pas dû permettre à Mme [U] de disposer du produit de cette vente et en particulier à d’autres fins que le désintéressement du créancier saisissant, ce qu’elle a fait en laissant le produit de la vente sur son compte bancaire et lui permettant de tirer sur ce compte des chèques de banque au profit d’un tiers. Elle aurait dû consigner les fonds ce qui lui aurait permis de désintéresser le créancier saisissant. Le solde débiteur du compte provient donc de ce que la banque n’a pas respecté les règles de la saisie des valeurs mobilières opérée entre ses mains.

Il n’en reste pas moins qu’en versant à la direction générale des finances publiques la somme de 76 156,79 euros réclamée et non contestée ainsi qu’il résulte du certificat de non contestation, elle a réglé une dette de Mme [U] et que ne pas lui permettre de récupérer ces fonds reviendrait à octroyer à cette dernière un enrichissement injustifié au sens de l’article 1303-1 du code civil.

Toutefois le fait que le compte se soit retrouvé à découvert est directement imputable à la faute de la banque qui n’a pas respecté la procédure de saisie et dès lors le solde du compte doit être expurgé de tous les frais et intérêts facturés à partir du virement effectué par la banque au bénéfice du saisissant. Toutefois la cour observe que c’est ce qu’a fait la banque d’office puisqu’elle ne réclame que la somme de 52 596,07 euros qui correspond au montant du solde débiteur au 3 février 2020 (52 632,07 euros déduction faite de la somme de 36 euros facturée au titre des frais et incidents le 16 janvier 2020) et il y a lieu de faire droit à cette demande en paiement avec intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2020.

Sur les autres demandes

Mme [U] qui succombe doit être condamnée aux dépens de première instance, le jugement étant infirmé sur ce point. Toutefois rien ne justifie de la condamner aux dépens d’appel alors que non comparante ni représentée, elle n’a jamais fait valoir aucun moyen ayant pu conduire le premier juge à statuer comme il l’a fait. La faute de la banque dans l’exécution de la saisie doit conduire à rejeter toute demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à confirmer le jugement en ce qu’il avait rejeté cette demande.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement sauf en ce qu’il a rejeté la demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre France recevable en sa demande ;

Condamne Mme [B] [U] née [E] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre France la somme de 52 596,07 euros au titre du solde du compte bancaire n° [XXXXXXXXXX02] majorée des intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2020 ;

Condamne Mme [U] aux dépens de première instance :

Laisse les dépens d’appel à la charge de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre France ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente

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