Cour d'appel de Reims, Chambre sociale, 11 décembre 2019, n° 18/01797

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Reims, ch. soc., 11 déc. 2019, n° 18/01797
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 18/01797
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Reims, 5 juillet 2018, N° F17/00221
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Arrêt n°

du 11/12/2019

N° RG 18/01797

MLB/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 11 décembre 2019

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 6 juillet 2018 par le Conseil de Prud’hommes de REIMS, section Industrie (n° F 17/00221)

SAS MANUREGION

[…]

[…]

Représentée par la SELARL GRMA, avocats au barreau de REIMS et par Maître Stéphane FABING, avocat au barreau de SAINT QUENTIN

INTIMÉ :

Monsieur Z A

2 place du Commerce

[…]

Représenté par la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 octobre 2019, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller, et Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 11 décembre 2019.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Christine ROBERT-WARNET, président

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Monsieur Z A, né le […], a été embauché par la SAS MANUREGION suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 29 janvier 2016, en qualité de technicien qualifié sur équipements industriels.

Le 30 mars 2017, Monsieur Z A a reçu une convocation à entretien préalable à licenciement. Il lui a en outre été notifié une mise à pied conservatoire.

Le 12 avril 2017, Monsieur Z A a été licencié pour faute grave.

Le 18 mai 2017, Monsieur Z A a saisi le conseil de prud’hommes de Reims de différentes demandes.

Par jugement en date du 6 juillet 2018, le conseil de prud’hommes a :

— annulé la mise à pied conservatoire de Monsieur Z A du 30 mars 2017 au 12 avril 2017,

— requalifié le licenciement pour faute grave dont Monsieur Z A a fait l’objet en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— condamné la SAS MANUREGION à payer à Monsieur Z A les sommes de :

. 890,40 euros au titre du salaire de la période de mise à pied conservatoire,

. 9.646,20 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 1.597,60 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 159,76 euros au titre des congés payés y afférents,

. 639,04 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

. 3.206,96 euros au titre des heures supplémentaires réalisées,

. 320,69 euros au titre des congés payés y afférents,

. 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire de la décision,

— débouté Monsieur Z A du surplus de ses demandes,

— débouté la SAS MANUREGION de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la SAS MANUREGION aux dépens.

Le 9 août 2018, la SAS MANUREGION a interjeté appel de la décision.

Dans ses écritures en date du 20 septembre 2019, elle demande à la cour :

— de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de dommages-intérêts formées par Monsieur Z A au titre du licenciement prétendument vexatoire, du travail dissimulé et du remboursement de l’action de recyclage de son habilitation électrique,

— de le réformer en ce qu’il a annulé la mise à pied de Monsieur Z A et dit son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et en conséquence en ce qu’il l’a condamnée à lui verser les sommes de :

. 890,40 euros au titre du salaire de la période de mise à pied conservatoire,

. 9.646,20 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 1.597,60 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 159,76 euros au titre des congés payés y afférents,

. 639,04 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

. 3.206,96 euros au titre des heures supplémentaires réalisées,

. 320,69 euros au titre des congés payés y afférents,

. 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— d’ordonner la restitution par Monsieur Z A de la somme nette de 16.562,08 euros correspondant à l’exécution provisoire de la décision de première instance,

— de condamner Monsieur Z A aux dépens et au paiement d’une indemnité de procédure de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur Z A a conclu le 11 septembre 2019 puis le 23 septembre 2019.

Dans des écritures en date du 27 septembre 2019, la SAS MANUREGION demande à la cour d’écarter les conclusions de Monsieur Z A en date du 23 septembre 2019 au visa des articles 15,16 et 446-2 du code de procédure civile.

Dans des écritures en date du 1er octobre 2019, Monsieur Z A s’y oppose au regard de la date des dernières écritures de l’appelante et en l’absence de moyens nouveaux soulevés dans ses écritures du 23 septembre 2019.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 septembre 2019.

Motifs :

— Sur le rejet des écritures :

Monsieur Z A a pris un jeu de conclusions n°4 à 10 heures 03, le jour de la clôture intervenue à 13 heures 30.

Il convient toutefois de relever que la SAS MANUREGION avait conclu le vendredi 20 septembre 2019 à 16 heures 18.

Les conclusions de Monsieur Z A ne contiennent aucun moyen nouveau.

Dans ces conditions, elles doivent être déclarées recevables.

Aux termes de celles-ci, Monsieur Z A demande à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a :

. annulé sa mise à pied conservatoire du 30 mars 2017 au 12 avril 2017,

. dit et jugé qu’il n’a pas commis de faute grave,

. dit et jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. condamné la SAS MANUREGION à lui payer les sommes de :

. 890,40 euros au titre du salaire de la période de mise à pied conservatoire,

. 1.597,60 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 159,76 euros au titre des congés payés y afférents,

. 639,04 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

. 3.206,96 euros au titre des heures supplémentaires réalisées,

. 320,69 euros au titre des congés payés y afférents,

. 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— réformer le jugement pour le surplus,

— condamner la SAS MANUREGION à lui payer les sommes de :

. 12.781,36 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 9.585,60 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement intervenu dans des conditions vexatoires,

. 9.585,60 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

. 230 euros au titre du remboursement de l’action de recyclage de son habilitation électrique,

. 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la SAS MANUREGION aux dépens.

— Sur les heures supplémentaires :

La SAS MANUREGION demande à la cour d’infirmer le jugement du chef de sa condamnation au titre des heures supplémentaires au motif que le salarié a été rempli de ses droits à ce titre dès lors que le trajet siège de l’entreprise/chantier et chantier/entreprise ne constitue pas un temps de travail effectif mais un temps de déplacement rémunéré au taux de 100%.

Monsieur Z A demande pour sa part la confirmation du jugement, soutenant que le trajet en cause constitue un travail effectif.

Il convient donc en premier lieu de déterminer la nature juridique du trajet siège de l’entreprise/chantier.

La SAS MANUREGION soutient que le passage de Monsieur Z A à la société relève d’un choix que ce dernier exerce en conformité avec une note de service du 1er juillet 2008, qu’à cette occasion tout au plus 'visualise t’il les chantiers sur lesquels il est affecté’ puisqu’il est sur place, sans charger son camion -un tel chargement ne relevant ni des consignes ni de ses attributions mais de celles du coordonnateur de chantier- et qu’en toute hypothèse l’équipement du technicien (terminal informatique Crosscall) et l’organisation de la société (livraison possible du matériel sur le chantier) lui permettent de gérer le travail de Monsieur Z A sans qu’il soit nécessaire qu’il passe à l’entreprise.

Or, les instructions en vigueur au sein de la société au titre de la période en cause (janvier 2016-avril 2017) établissent que le passage du salarié à la société ne relève plus d’un choix, mais lui est imposé.

En effet, Monsieur Z A produit un document intitulé 'notice d’instruction – mode opératoire journalier d’un technicien SAV’ daté du 10 novembre 2015, dont le but est d’organiser et de s’assurer du bon déroulement d’une journée d’un technicien SAV dans les termes suivants :

— 'dès son arrivée, le technicien se présente auprès du RT ou du commercial SAV pour avertir de son arrivée et visualise le tableau blanc afin de connaître le déroulement de sa journée,

— le technicien prend les clés de son véhicule et s’identifie sur Masternaut, (… )

— le technicien prépare les besoins nécessaires à la bonne réalisation du chantier accompagné du commercial SAV et prend en compte la nacelle si nécessaire,

— le technicien quitte l’agence et se rend sur ses interventions en prenant soin de prendre une heure de pause obligatoire pour déjeuner, (….)

— au retour à l’agence, le technicien dépose les déchets et le matériel aux endroits prévus à cet effet et fait sa feuille de réapprovisionnement de véhicules à transmettre à la personne s’occupant du stock,

— le technicien range son véhicule, restitue la nacelle, se déconnecte de Masternaut, repose les clés de son véhicule et dépose les OR du jour si le bureau est ouvert (dans le cas contraire il les transmettra le lendemain matin ).

C’est dans ce cadre qu’il reçoit les consignes de la journée relatives aux chantiers sur lesquels il est affecté.

En outre, il charge et décharge le véhicule, ce qui est attesté par nombre de ses collègues (attestations de Messieurs X, Y, C D, Saluk), et ce dans le cadre de 'la préparation des besoins nécessaires à la bonne réalisation du chantier'.

Dans ces conditions, c’est à raison que Monsieur Z A soutient qu’il est dès son arrivée à la société à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, de sorte qu’en application de l’article L.3121-1 du code du travail, les temps entre la société et le chantier et le chantier et la société constituent du travail effectif.

Il appartient à Monsieur Z A, qui réclame le paiement des heures supplémentaires correspondant à ces temps de trajet, d’étayer sa demande au sens de l’article L. 3171-4 du code du travail, ce qu’il fait dès lors qu’il produit :

— son relevé journalier 'de prise en charge par le conducteur et relevé du kilométrage’ du 13 janvier 2016 au 12 août 2016 sur lequel apparaît une heure de prise en charge, quasiment toujours à 7 heures 30,

— ses feuilles de route du 16 janvier 2017 au 31 mars 2017, lesquelles lui ont été fournies à sa demande par l’employeur, avec ses heures de départ et de retour à la société,

— un décompte des heures supplémentaires entre le 1er février 2016 et le 12 avril 2017.

De surcroît, l’employeur écrit que si la cour retient que le temps de trajet constitue un travail effectif, elle se reconnaît à tout le moins redevable des majorations au titre des heures supplémentaires au-delà de la 39e heure, ce qui constitue à tout le moins un aveu au titre de l’existence des heures supplémentaires (qu’il évalue dans sa pièce n°30 à la somme de 1.379,06 euros et dans ses écritures à la somme de 583,94 euros).

Il appartient dans ces conditions à la SAS MANUREGION de justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié, ce qu’elle ne fait que partiellement par la production des seules feuilles de route du 16 janvier 2017 au 31 mars 2017, indiquant les avoir égarées pour la période antérieure.

Dans ces conditions, les heures supplémentaires effectuées sur la période comprise entre le 1er février 2016 et le 31 décembre 2016 seront calculées au vu des seuls éléments fournis par le salarié.

Sur la base de l’amplitude journalière reprise dans le décompte de Monsieur Z A, sauf pour la période comprise entre le 2 mai et le 12 août 2016 -pour laquelle il convient de retirer une heure supplémentaire par semaine, Monsieur Z A étant payé sur la base de 39 heures et non sur celle de 38 heures comme il le retient à tort- le montant des heures supplémentaires doit être arrêté à la somme de 2.417,01 euros.

S’agissant de la période comprise entre le 16 janvier 2017 et le 12 avril 2017, il ressort des feuilles de route que Monsieur Z A a travaillé au-delà de 35 heures :

— du 16 au 20 janvier 2017 : 45 heures,

— du 30 janvier 2017 au 3 février 2017 : 46,5 heures,

— du 13 février au 17 février 2017 : 39,25 heures,

— du 20 au 24 février 2017 : 40,50 heures,

— du 5 mars au 10 mars 2017 : 41,50 heures,

— du 13 mars au 17 mars 2017 : 41 heures,

— du 20 mars au 24 mars 2017 : 37 heures.

Il convient de déduire de ce décompte les heures supplémentaires réglées par l’employeur, soit, au vu des bulletins de paie produits :

—  7,33 heures en janvier 2017,

—  15,73 heures en février 2017,

—  17,33 heures en mars 2017,

—  2 heures en avril 2017.

Dans ces conditions, le montant des heures supplémentaires impayées au titre de cette deuxième période est de 94,50 euros.

C’est à tort que la SAS MANUREGION entend ne régler pour l’ensemble de la période que les majorations pour les heures supplémentaires au-delà de la 39e heure alors que les indemnités de déplacement et trajet qu’elle a versées ne peuvent tenir lieu de règlement des heures supplémentaires.

La SAS MANUREGION, au titre des heures supplémentaires non réglées, sera donc condamnée à payer à Monsieur Z A la somme de 2.511,51 euros, outre les congés payés y afférents.

Le jugement doit être infirmé en ce sens.

— Sur l’indemnité de travail dissimulé :

Monsieur Z A reproche aux premiers juges de l’avoir débouté de sa demande au titre de l’indemnité de travail dissimulé tandis que la SAS MANUREGION conclut à la confirmation de cette disposition, dès lors que les conditions d’application de l’article L.8221-5 du code du travail ne seraient pas réunies.

Or, l’élément intentionnel requis pour l’application de ce texte est caractérisé, alors que la SAS MANUREGION qui exigeait du salarié qu’il se rende, avant d’aller sur le chantier, à l’entreprise pour y recevoir les consignes et y revienne le soir, dissimulait en partie les heures supplémentaires sous forme d’indemnité de déplacement.

Dans ces conditions, la SAS MANUREGION doit être condamnée à payer à Monsieur Z A la somme de 9.585,60 euros, correspondant à 6 mois de salaire en application de l’article L.8223-1 du code du travail.

Le jugement doit être infirmé en ce sens.

— Sur la faute grave :

La SAS MANUREGION reproche aux premiers juges d’avoir écarté la faute grave reprochée à Monsieur Z A.

Il lui appartient d’en établir l’existence.

Au titre du premier grief, il est reproché à Monsieur Z A de ne pas hésiter à remettre en cause la probité de la société en présupposant que le traitement des temps de route par le service du personnel serait illégal sauf preuve contraire (… ) remettant également en cause le sérieux de ses collègues de travail concernés du service administratif.

La SAS MANUREGION soutient que ce grief est matérialisé dans le courrier que Monsieur Z A lui a adressé le 17 mars 2017 rédigé en ces termes :

' Je vous adresse ce courrier afin d’obtenir une copie de mes relevés d’heures (feuille bleue remplie chaque semaine) depuis le 1er février 2016, date de mon embauche en CDI. Afin d’agir en toute transparence vis-à-vis de vous, je vous informe que j’ai l’intention de faire contrôler par une personne compétente l’équivalence entre les heures effectuées et les heures rémunérées.

En effet, d’après l’article L. 3121''1 du code du travail il est stipulé que la durée de travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles.

Prenant en compte le fait que je dois me présenter à 7h30 le matin pour diverses raisons telles que : me connecter au Masternaut, récupérer les ordres de réparation et les consignes, charger les éventuelles pièces nécessaires…. Il est bien évident que je suis à votre disposition à mon arrivée et que je ne peux en aucun cas vaquer à mes occupations personnelles. Il s’agit donc de travail effectif et non de temps de route.

De plus, la durée légale de travail étant de 35 heures hebdomadaires (art.L.3121-27 ), celle-ci est portée au maximum de 48 heures avec autorisation à partir de 39 heures. Ces heures donnant le droit à une majoration de 25 % pour les huit premières heures et de 50 % au-delà (art.L.3121-36).

Cependant s’il existe un article dans le code du travail ou dans la convention collective qui démontre la légalité des temps de route, je vous prie de m’en informer. A contrario, si les fiches de paie ne correspondent pas aux heures effectuées, je serai contraint de vous demander une régularisation dans les plus brefs délais'.

Or, l’examen de ce courrier ne révèle aucune mise en cause de la probité de l’employeur ou du sérieux de ses collègues mais n’a pour objet que d’obtenir les relevés d’heure en possession de l’employeur et ce, en toute transparence.

Le second grief est relatif à la liberté que Monsieur Z A avouerait prendre dans son courrier 'de charger le véhicule qui le transporte par convenance personnelle avant son départ le matin sans avoir reçu de directive expresse de la direction'. La SAS MANUREGION écrit encore dans la lettre de licenciement 'à titre de rappel que l’article 3 de son contrat de travail indique qu’il exercera ses fonctions sur les chantiers de l’agence’ et que son activité est destinée à être exercée sur les chantiers auprès des clients.

Il s’agirait pour la SAS MANUREGION d’un acte de déloyauté et d’insubordination.

Or, il a été précédemment retenu que dans le cadre du déroulement de sa journée, il était imposé au salarié de se rendre à la société et qu’il lui revenait de préparer les besoins nécessaires au chantier sans qu’il soit dès lors nécessaire qu’il reçoive des instructions spécifiques pour le chargement.

Ce second grief n’est donc pas davantage établi.

Dans ces conditions, c’est à raison que les premiers juges ont retenu, en l’absence de faute grave, que le licenciement de Monsieur Z A était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement doit être confirmé de ce chef.

— Sur la mise à pied conservatoire :

En l’absence de faute grave, la mise à pied conservatoire notifiée le 30 mars 2017 doit être annulée et la SAS MANUREGION doit être condamnée à payer à Monsieur Z A la somme de 890,40 euros correspondant à la retenue de salaire.

Le jugement doit être confirmé de ce chef.

— Sur les conséquences de la rupture :

Le jugement doit être confirmé des chefs de :

— l’indemnité de préavis correspondant à un mois de salaire, en application de l’article L.1234-1 du code du travail, outre les congés payés y afférents,

— l’indemnité de licenciement, exactement calculée à la somme de 639,04 euros en application de l’article R.1234-2 du code du travail.

Monsieur Z A demande que les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse soient portés à la somme de 12.781,36 euros tandis que la SAS MANUREGION s’oppose à l’octroi de toute somme en l’absence de préjudice.

Au vu de l’âge de Monsieur Z A, de son ancienneté, de son salaire de l’ordre de 1.600 euros et en l’absence de tout élément sur sa situation au regard de l’emploi, le préjudice que la perte injustifiée de son emploi lui a occasionné sera réparé par l’octroi de dommages-intérêts d’un montant de 4.800 euros que la SAS MANUREGION sera condamnée à lui payer, et ce en application de l’article L.1235-5 du code du travail alors applicable.

Le jugement doit être infirmé en ce sens.

— Sur les dommages-intérêts pour licenciement intervenu dans des conditions vexatoires :

La SAS MANUREGION demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur Z A de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement intervenu dans des conditions vexatoires à hauteur de 9.585,60 euros tandis que celui-ci reprend sa demande de première instance.

En réponse à un courrier adressé à son employeur qui n’avait d’autre objet que d’obtenir un relevé de ses heures, Monsieur Z A a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à licenciement, ce qui a été à l’origine d’un préjudice distinct de celui réparant les

conséquences du licenciement injustifié, de sorte que la SAS MANUREGION sera condamnée à payer à ce titre à Monsieur Z A une somme de 700 euros à titre de dommages-intérêts.

Le jugement doit être infirmé en ce sens.

— Sur le remboursement de l’action de recyclage de l’habilitation électrique :

Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur Z A de sa demande en paiement d’une somme de 230 euros au titre de l’action de recyclage de son habilitation électrique dès lors que la facture qu’il produit à ce titre date du 31 mai 2017 et porte sur une formation des 18 et 19 mai 2017, soit postérieure au licenciement.

**********

Le jugement doit être confirmé du chef des dépens, du rejet de la demande d’indemnité de procédure de la SAS MANUREGION et de sa condamnation à ce titre à payer à Monsieur Z A la somme de 1.500 euros.

Partie succombante, la SAS MANUREGION doit être condamnée aux dépens d’appel, déboutée de sa demande d’indemnité de procédure et condamnée en équité à payer à Monsieur Z A la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs :

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Déclare recevables les conclusions de Monsieur Z A en date du 23 septembre 2019 ;

Confirme le jugement déféré sauf des chefs des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des heures supplémentaires et des congés payés y afférents et sauf en ce qu’il a débouté Monsieur Z A de ses demandes au titre de l’indemnité de travail dissimulé et des dommages-intérêts pour licenciement intervenu dans des conditions vexatoires ;

L’infirme de ces chefs ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :

Condamne la SAS MANUREGION à payer à Monsieur Z A les sommes de :

—  2.511,51 euros au titre des heures supplémentaires,

—  251,15 euros au titre des congés payés y afférents,

—  9.585,60 euros au titre de l’indemnité de travail dissimulé,

—  4.800 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  700 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement intervenu dans des conditions vexatoires,

Dit que la condamnation est prononcée sous déduction des éventuelles cotisations sociales salariales applicables ;

Condamne la SAS MANUREGION à payer à Monsieur Z A la somme de 1.500 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel ;

Déboute la SAS MANUREGION de sa demande d’indemnité de procédure ;

Condamne la SAS MANUREGION aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

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  2. Code du travail
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