Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 22 février 2022, n° 20/01533

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Sur la décision

Référence :
CA Reims, 1re ch. sect.civ., 22 févr. 2022, n° 20/01533
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 20/01533
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°

du 22 février 2022


R.G : N° RG 20/01533 – N° Portalis DBVQ-V-B7E-E434


X


F

c/


X


A


S.C.P. A & B


VM


Formule exécutoire le :

à :

la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES

la SELARL PELLETIER ASSOCIES

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 22 FEVRIER 2022

APPELANTS :

d’un jugement rendu le 30 juin 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de REIMS

Monsieur D X

[…]

[…]


Représenté par Me Thierry BILLION de la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de

l’AUBE

Madame E F épouse X

[…]

[…]


Représentée par Me Thierry BILLION de la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de l’AUBE

INTIMES :

Monsieur C X

[…]

[…]


Représenté par Me DELVINCOURT avocat au barreau de REIMS

Maître G A

[…]

[…]


Représenté par Me Jessica RONDOT de la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS et ayant pour conseil la SCP KUNH avocats au barreau de PARIS

S.C.P. A & B

[…]

[…]


Représentée par Me Jessica RONDOT de la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS et ayant pour conseil la SCP KUNH avocats au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Y MEHL-JUNGBLUTH, président de chambre

Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller

Mme Sandrine PILON, conseiller

GREFFIER :

Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier

DEBATS :


A l’audience publique du 17 janvier 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 22 février 2022,

ARRET :


Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 22 février 2022 et signé par Madame Y


MEHL-JUNGBLUTH, président de chambre, et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *
Par acte notarié dressé le 29 mars 2013 par Maître A, notaire à Asfeld (08), M. et Mme D X ont acquis auprès de M. C X, frère de M. D X, un bâtiment situé […] à

[…]" composé d’un hangar de stockage et d’un logement d’habitation moyennant le prix principal de 150 000 euros, soit 130 000 euros pour le logement

d’habitation et 20 000 euros pour le hangar de stockage.


Alors qu’ils refaisaient la toiture de leur habitation suite à un violent orage survenu fin juillet 2013 et qu’ils sollicitaient une demande d’autorisation de travaux, M. et Mme X ont été informés par la mairie de


Bazancourt de l’absence de permis de construire pour l’habitation et du fait qu’ils devaient mettre au préalable aux normes thermiques leur immeuble pour pouvoir obtenir un nouveau permis de construire.


A défaut de résolution amiable du litige, M. et Mme X ont fait assigner le 6 avril 2017 devant le tribunal de grande instance de Reims :


- leur vendeur en octroi de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de délivrance ainsi qu’en réduction du prixcompte tenu de ses manoeuvres dolosives en vue de la conclusion de la vente en affirmant de manière mensongère que l’immeuble vendu disposait d’un permis de construire ;


- le notaire en responsabilité pour ne pas avoir procédé aux vérifications utiles nécessaires à l’efficacité de son acte ;


En dernier lieu, les demandeurs ont abandonné le fondement juridique du manquement à l’obligation de délivrance, sollicité une somme de 117 810 euros ttc en réparation des désordres affectant la maison, 10 000 euros en réparation des frais avancés pour aménager leur maison et un préjudice de jouissance et ce, sur le fondement du dol à titre principal et de la garantie des vices cachés à titre subsidiaire.


Les demandes ont été contestées.


Par jugement rendu le 30 juin 2020, le tribunal :


- a reconnu bien fondée l’action en réduction du prix pour dol pour absence de permis de construire,


- a retenu la responsabilité du notaire,


- a condamné in solidum M. C X et Maître A, la SCP G A et H B à payer à M. et Mme X la somme de 26 300 euros en réparation de leur préjudice,


- a condamné Maître A et la SCP G A et H B à garantir M. C X du paiement de cette somme à hauteur de 50 %,


- a débouté M. C X de sa demande de dommages et intérêts à l’encontre des époux X pour procédure abusive,


- a condamné in solidum M. C X, Maître A et la SCP A et B à payer à M. et

Mme D X la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles,


- a condamné in solidum M. C X, Maître A et la SCP A et B aux dépens avec recouvrement direct.


Par déclaration reçue le 6 novembre 2020, M. et Mme D X ont formé appel de ce jugement.


Par conclusions notifiées le 28 juillet 2021, ils demandent à la cour :


- de confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Reims le 30 juin 2020 en ce qu’il a retenu le dol commis par M. C X à l’égard de M. et Mme D X en raison de

l’absence de permis de construire attaché à la maison vendue et la responsabilité délictuelle de


Me G A et de la SCP G A & H B en raison du manquement à leur obligation de conseil et de mise en garde,


- de confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Reims le 30 juin 2020 en ce qu’il a condamné in solidum M. C X, Me G A et la SCP G


A & H B à payer à M. et Mme D X une somme de 2 500 €

sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l’instance,


- de l’infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau :

* de juger que M. C X a engagé sa responsabilité à l’égard de M. et Mme D X

en raison du dol commis par la dissimulation des 11 désordres affectant la maison vendue et, à

titre subsidiaire, sur le fondement des vices cachés au titre de ces mêmes 11 désordres,

* de condamner in solidum M. C X, Me G A et la SCP G


A & H B à payer à M. et Mme D X une somme de

117 810 € ttc,

* de condamner M. C X à payer à M. et Mme D X une somme de 10 000 € en

réparation des frais qu’ils ont avancés pour aménager leur maison,

* de condamner M. C X à payer à M. et Mme D X une somme de 250 € par

mois à compter du 1er août 2013 en réparation du préjudice de jouissance qu’ils subissent,

* de rejeter toutes les demandes, fins et prétentions de M. C X,

* de condamner in solidum M. C X, Me G A et la SCP G


A & H B à payer à M. et Mme D X une somme de 6 000 €

sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

* de condamner in solidum M. C X, Me G A et la SCP G


A & H B aux dépens de l’instance dont distraction au profit de la SCP


Hermine Avocats Associés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.


Par conclusions notifiées le 17 décembre 2021, M. C X demande à la cour :


Vu les articles 1134, 1116 anciens du code civil,
Vu les articles 1103, 1104, 1137, 1240, 1615, et 1641 et suivants du code civil,


Vu les articles 696, 699 et 700 du code de procédure civile,


Vu les pièces versées au débat,


- de déclarer Monsieur D X et Madame E X mais mal fondés en

leurs appel et demandes,


- de les en débouter,


- de déclarer Maître A et la SCP A B mal fondés en

leur appel incident, et les en débouter,


- de déclarer Monsieur C X bien fondé en son appel incident et

demandes,


Y faisant droit,


A titre principal :


- d’infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,


Statuant de nouveau,


Sur les demandes de Monsieur D X et Madame E X :


- de déclarer Monsieur D X et Madame E X mal fondés en leurs

demandes tant celles fondées sur la théorie des vices du consentement que sur

l’action des vices cachés,


- de dire et juger que les demandes indemnitaires de Monsieur D X et

Madame E X ne sont pas fondées faute de préjudice subi en lien direct avec

le prétendu vice du consentement, et faute de prouver un pourcentage de perte de

chance de ne pas contracter,


Sur les demandes de Monsieur C X :


- de condamner solidairement Monsieur D X et Madame E X à

régler à Monsieur C X la somme de 10 000 € à titre de dommages et

intérêts en raison du caractère abusif de la procédure,


- d’ordonner la restitution par Monsieur D X et Madame E X des sommes versées par Monsieur C X en vertu de l’exécution provisoire,


A titre subsidiaire :


- de dire que le vice du consentement ne résulte que de la faute commise par Maître


A et la SCP A B lors de la rédaction de l’acte de

vente du 29 mars 2013,


- de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné Maître A et la SCP


A B in solidum avec Monsieur C X et à le garantir,


- de l’infirmer en revanche sur le quantum de cette garantie limitée à 50 %, et de condamner Maître A et la SCP A B à garantir Monsieur C X à hauteur de 100 %, pour toutes condamnations, que celles-ci soient en principal accessoires et frais,


En tout état de cause :


- de débouter Monsieur D X et Madame E X de toutes demandes

fins ou conclusions plus amples ou contraires,


- de débouter Maître A et la SCP A B de toutes demandes, fins ou conclusions plus amples ou contraires,


- de condamner solidairement Monsieur D X et Madame E X, ou

subsidiairement Maître A et la SCP A B à régler à

Monsieur C X la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de

procédure civile,


- de condamner solidairement Monsieur et Madame D X ou

subsidiairement Maître A et la SCP A B aux entiers

dépens de première instance et d’appel.


Par conclusions notifiées le 16 décembre 2021, Maître A et la SCP A et B demandent à la cour :


- d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement,


- de débouter M. et Mme D X de toutes leurs demandes,


- de juger M. C X tant irrecevable que mal fondé en son appel incident,


- de débouter M. C X de son appel en garantie formé à l’encontre de Maître A et de sa SCP,


- de condamner M. et Mme D X au paiement d’une somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- de condamner M. et Mme D X aux dépens de première instance et d’appel avec recouvrement direct.

MOTIFS DE LA DECISION :

Le dol du vendeur :


Aux termes de l’article 1116 ancien du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.


Il ne se présume pas, et doit être prouvé.


Pour que ce vice du consentement puisse être retenu, il doit être prouvé par la victime qui s’en prévaut :


- l’existence de manoeuvres pratiquées par l’une des parties qui peuvent être constituées par une réticence dolosive,


- le caractère intentionnel de cette réticence dolosive,


- le caractère déterminant du dol.


Si le dol est démontré, celui qui en a été victime peut solliciter, à son choix, la nullité du contrat ou une réduction du prix de vente à titre de dommages et intérêts.


En l’espèce, il ressort des permis de construire et des plans de masse versés aux débats :


- que le permis de construire délivré le 27 février 1991 à la demande de M. C X porte sur l’édification

d’un hangar métallique de 40 mètres de long sur 20 mètres de large (pièce n° 11-1 des appelants),


- que le permis de construire modificatif délivré le 11 janvier 1994 à sa demande concerne entre autres un logement qui n’est pas une habitation puisqu’il s’agit d’un logement de gardiennage qui se trouve être à l’angle du pignon ouest et de la façade sud du hangar (pièces n° 12 à 12-3), et ce alors que la maison acquise par M. et Mme D X a été édifiée à l’angle du pignon est et de la façade nord du hangar, soit à l’exact opposé.

M. C X ne peut ainsi raisonnablement venir à hauteur de cour affirmer qu’il détenait un permis de construire pour l’édification de l’immeuble à usage d’habitation, la construction litigieuse faisant bien partie selon lui du hangar et du auvent pour lesquels il avait obtenu des permis de construire et ce, alors qu’en première instance, il n’a jamais contesté l’absence de permis de construire afférent au logement d’habitation expliquant qu’il avait "en toute transparence adressé au notaire des permis qu’il ne savait pas erronés".


L’examen des nombreux clichés photographiques versés aux débats laisse au surplus apparaître, même pour un profane de la construction, que le logement à usage d’habitation qui a été vendu à M. et Mme D X,

s’il est intégré pour partie dans le hangar, est pour l’essentiel construit en dehors de ce bâtiment par la voie

d’une extension qui constitue à elle-seule une habitation.


L’expert mandaté par M. et Mme D X, M. I, relève d’ailleurs que la limite de la maison

(partie interne au hangar) se situe où commence le bardage du hangar et qu’une deuxième maison commence à cet endroit (la rupture de pente de la toiture du hangar est visible).


Le maire de la commune de Bazancourt vient confirmer par une attestation du 22 juin 2016 qu’aucun permis de construire à usage d’habitation n’a été délivré pour la parcelle cadastrée

section AE n° 400 objet de la vente puis que la maison occupée par M. et Mme X n’était pas implantée à l’endroit mentionné sur le permis de construire.


Cette maison se trouve en réalité située à l’opposé du logement ayant fait l’objet du permis de construire modificatif du 11 janvier 1994.


Il ressort de l’acte notarié dressé le 29 mars 2013 par Maître A que M. C X a déclaré à

l’officier ministériel que les constructions avaient été édifiées suivant permis de construire délivré le 27 février

1991 suivi d’un permis de construire modificatif en date du

11 janvier 1994.


Il a également déclaré qu’il n’avait pas effectué dans le bien vendu de travaux nécessitant la délivrance d’un permis de construire ou une déclaration préalable dont l’achèvement remonterait à moins de dix ans et enfin qu’il n’avait pas réalisé sur l’immeuble vendu de travaux nécessitant la souscription d’une assurance dommages-ouvrage dans les dix dernières années.


Ces mentions ont été apposées alors qu’il ne pouvait ignorer, en sa qualité de constructeur de l’immeuble

d’habitation, que s’il détenait un permis de construire pour le hangar, il n’en détenait aucun pour la maison.


En dissimulant cet élément, M. C X a commis une réticence dolosive à caractère intentionnel de nature à vicier le consentement des époux X, peu important les liens familiaux qui les unissent (C et


D X sont frères), cette circonstance ne pouvant être utilisée par le vendeur pour prétendre que les acquéreurs connaissaient toutes les caractéristiques du bien au moment de la transaction.


C’est également vainement que M. C X soutient que l’information relative au permis de construire

n’aurait pas été déterminante de leur consentement au motif que dans l’acte de vente figure une mention aux termes de laquelle l’acquéreur n’ayant pas l’intention, dans un avenir prévisible, d’effectuer dans l’immeuble vendu des travaux nécessitant la délivrance d’un permis de construire et qu’il le déclare à nouveau expressément … etc.


En effet, au moment où ils apposent cette mention, les époux X ont la croyance certaine, compte-tenu de

l’information qui leur a été donnée, de l’existence d’un permis de construire pour l’ensemble du bien acquis

(hangar + maison d’habitation), de sorte que cette précision apportée dans l’acte à la suite d’une information erronée et volontairement tue ne peut venir mettre en échec le fait qu’une maison édifiée par le vendeur en conformité avec les règles d’urbanisme et destinée à l’habitation des acquéreurs est nécessairement une condition déterminante de leur engagement.


Il ressort de l’ensemble de ces éléments que le dol est constitué.


La décision sera confirmée de ce chef.

La faute du notaire :


Aux termes des articles 1382 et 1383 anciens du code civil applicables au litige, tout fait quelconque de

l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.


Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.


Le notaire est tenu sur le fondement de la responsabilité délictuelle d’une obligation de conseil et de mise en garde afin que les droits et obligations réciproques des parties soient assortis des stipulations de nature à conférer à l’acte qu’il rédige l’efficacité requise.


Les époux X sollicitent également la confirmation du jugement en ce qu’il a retenu une faute de Maître
A, notaire chargé de la rédaction de l’acte de vente.


Le notaire conteste toute faute, considérant qu’il n’avait pas à mettre en doute les déclarations de M. C


X et ce d’autant qu’à la différence de M. D X, frère du vendeur, il ne connaissait pas les lieux et qu’il n’était pas tenu de visiter le bien vendu.


C’est à bon droit que les premiers juges ont relevé que le notaire rédacteur n’avait pas recherché si la parcelle vendue cadastrée section AE n° 400 correspondait bien aux parcelles section […], 281 et 310 ayant fait

l’objet des deux permis de construire susvisés (une division parcellaire est intervenue) alors qu’une simple vérification des documents qui lui ont été transmis lui aurait permis de relever plusieurs incohérences qui ont été exactement détaillées par le tribunal et il peut être en particulier reproché à l’officier ministériel de ne pas avoir regardé avec l’attention nécessaire l’extrait du plan cadastral de la section AE commune de Bazancourt annexé à son acte qui fait apparaître une parcelle n° 400 qui ne comporte pas de logement d’habitation alors que le diagnostic amiante également annexé fait apparaître une habitation en forme de L.


Il ressort au surplus de la pièce n° 2 produite par M. .C X que le notaire s’est déplacé sur les lieux puisqu’il a réalisé une estimation immobilière du bien à vendre.


En n’ayant pas vérifié les documents d’urbanisme qui lui étaient adressés, obligation dont il n’était pas délié du seul fait que les parties entretenaient des liens familiaux étroits, le notaire n’a pas assuré à son acte l’efficacité qui devait en être attendue.


C’est par conséquent à juste titre que la responsabilité du notaire a été retenue par les premiers juges et la décision sera également confirmée sur ce point.

La demande indemnitaire des époux X à l’encontre de C X relative aux travaux de mise en conformité de l’habitation :


Si la réparation du préjudice doit être intégrale, le préjudice doit être personnel, direct et certain. Il doit aussi exister un rapport de causalité certain entre la faute et le dommage.


Il est constant que suite à l’orage de grêle qui s’est abattu sur la maison, la mairie de Bazancourt a informé les époux X qui sollicitaient l’autorisation d’engager les travaux que l’habitation était dépourvue de permis de construire et que pour pouvoir obtenir une autorisation d’urbanisme, ils devaient mettre préalablement

l’habitation aux normes thermiques RT 2012.

M. C X soutient à hauteur de cour que cette demande de mise en conformité est prescrite au visa de

l’article L 421-9 du code de l’urbanisme, ce qui rendrait sans objet la demande de dommages et intérêts.


Or, cet article, qui dispose que lorsqu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou la décision d’opposition à déclaration préalable ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme, ne s’applique pas lorsque la construction a été réalisée sans qu’aucun permis de construire n’ait été obtenu alors que celui-ci était requis (article L 421-9 5°), ce qui est le cas en l’espèce.


Au surplus, il est démontré par les documents versés aux débats par les époux X que les travaux de construction ont débuté en 2005 (aucune trace de l’extension n’existe avant), qu’ils n’étaient pas achevés cette année-là et qu’ils n’ont pas débuté en 2001-2002 comme le soutient M. C X (aucune des attestations qu’il verse aux débats ne fait état d’une construction à cette époque).


Le moyen de prescription soulevé est par conséquent inopérant.


Par ailleurs, contrairement à ce que soutient M. C X, les travaux que doivent entreprendre les époux


X ne sont pas des travaux de rénovation légère qui nécessiteraient que les désordres soient analysés élément par élément (ce qui excluerait selon lui en particulier la toiture) mais des travaux de rénovation lourde

(la grêle est tombée sur la toiture, ce qui justifie de la réparer de manière pérenne).


Les contestations émises à ce titre par M. C X seront par conséquent écartées.

M. et Mme X forment appel de la décision au motif que les premiers juges n’ont pas fait droit à l’intégralité de leurs prétentions indemnitaires à hauteur de 117 810 euros.


Le tribunal a en effet retenu que leur préjudice indemnisable devait se limiter aux conséquences de la non-conformité aux règles de l’urbanisme , soit l’impossibilité d’obtenir un permis de construire en l’absence de mise en conformité de la construction aux nouvelles normes thermiques RT 2012 et qu’en produisant un devis qui englobait tous les désordres et ne se limitait pas à la réparation des seules conséquences de la mise en conformité de la maison aux règles thermiques, ils ne pouvaient obtenir que les postes de réparation

« plâtrerie/isolation » pour un montant de 6 400 euros et « chauffage » pour un montant de 19 900 euros, soit 26

300 euros au total.


Les appelants agissent à titre principal sur le fondement du dol et à titre subsidiaire sur celui des vices cachés.


Il a été précédemment jugé que M. C X avait commis un dol en cachant à M. et Mme D X

l’absence de permis de construire.


En revanche, les appelants ne démontrent pas que le fait que des travaux n’avaient pas été réalisés dans les règles de l’art leur aurait été caché et que dans l’hypothèse où ce fait aurait été occulté, qu’il ait été déterminant dans leur consentement.


Ils ne démontrent pas davantage que les conditions de l’article 1641 du code civil s’agissant des vices cachés sont réunies, soit que ces vices aient été véritablement cachés au moment de la vente et qu’ils compromettent

l’usage de la chose vendue, caractéristiques qui ne résultent d’ailleurs pas des constatations de M. I qui est uniquement d’avis que les travaux réalisés par M. C X l’ont été en méconnaissance totale des règles de l’art.


En tout état de cause, les appelants ne peuvent raisonnablement solliciter à titre de dommages et intérêts la somme de 117 810 euros objet du devis de l’agence Kneip du 30 juillet 2016, qui, ajoutée aux 10 000 euros et au préjudice de jouissance qu’ils réclament par ailleurs, excède le prix d’acquisition de l’habitation (130 000 euros) alors qu’ils n’agissent qu’en réduction du prix de vente et non en restitution de ce prix.


Le défaut de permis de construire a pour conséquence d’obliger les acquéreurs à mettre leur maison

d’habitation en conformité thermique avant de pouvoir obtenir un permis de construire.


Leur préjudice direct et certain doit donc être réparé par l’allocation de dommages et intérêts correspondant au seuls postes concernés par l’isolation thermique de leur habitation.


Au vu du devis (pièce n° 16) et des études thermiques qui ont été faites (pièces n° 4 à 6), il apparaît que doivent être retenus les postes de réparation « plâtrerie/isolation » pour un montant de 6 400 euros et

« chauffage » pour un montant de 19 900 euros comme l’a justement relevé le tribunal mais également le poste

« charpente/couverture » pour un montant de 8 500 euros qui est en rapport avec l’isolation thermique car il est nécessaire de surélever le toit dans la mesure où il n’est pas actuellement isolé.


Le préjudice sera ainsi fixé à la somme de 34 800 euros.


Les appelants sollicitent en outre une somme forfaitaire de 10 000 euros en réparation des frais qu’ils ont avancés pour aménager leur maison (leur pièce n° 45).


Ils ne démontrent pas que les tickets de caisse et factures qu’ils produisent sont en relation avec des travaux concernant la mise aux normes thermiques de l’habitation.


Ils seront déboutés de leur demande d’indemnisation à ce titre.

M. et Mme X sollicitent également la réparation de leur préjudice de jouissance par l’allocation d’une somme mensuelle de 250 euros à compter du 1er août 2013 en réparation du préjudice qu’ils subissent en raison des désordres d’infiltration d’eau apparus fin juillet 2013 et de condensation se manifestant par des coulures d’eau.


Ce préjudice n’a aucun lien de causalité avec le dol commis par M. C X, soit avoir caché l’absence de permis de construire;


Ils seront également déboutés de leur demande d’indemnisation à ce titre.


L’assiette du préjudice est par conséquent fixée à la somme de 34 800 euros.


La demande indemnitaire des époux X à l’égard de M. A relative aux travaux de mise en conformité de l’habitation :


Les appelants sollicitent une condamnation in solidum de M. C X et de Maître A et ne répondent pas à la contestation exprimée par le notaire suivant laquelle la demande indemnitaire à son égard ne peut être fondée que sur la perte de chance de renoncer à contracter ou d’acquérir à des conditions plus avantageuses, qui est égale à zéro ou, à tout le moins, qui doit être évaluée de manière très modérée.


La réparation d’une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.


La perte de chance indemnisable suppose que celle-ci soit sérieuse et implique qu’elle présente un caractère de probabilité raisonnable.


Dans l’affirmative, il convient, afin d’évaluer le préjudice invoqué, d’apprécier à quelle fraction de ce préjudice doit être évaluée la perte de chance indemnisée.


La faute du notaire a eu pour conséquence de faire perdre aux époux X une chance de renoncer à

l’acquisition et ainsi de ne pas subir les dommages, événement qui est en lien de causalité direct avec la faute commise.


Il a été précédemment jugé que l’existence d’un permis de construire était une condition déterminante de

l’engagement s’agissant de l’habitation principale des acquéreurs pour laquelle le respect des règles

d’urbanisme en la matière est un élément essentiel.


La perte de chance doit ainsi être fixée à 90 %.


Il en ressort que M. C X d’une part et M. A et la SCP G A & H B

d’autre part seront condamnés in solidum à payer à M. et Mme D X la somme de 31 320 euros (34

800 x 90 %) en réparation de leur préjudice.

M. C X sera condamné seul à payer à M. et Mme D X la somme de 3 480 euros au titre de la part non couverte par la condamnation in solidum.

L’appel en garantie formé par M. C X à l’encontre du notaire :


La répartition finale de la charge de la réparation doit s’opérer, entre coobligés fautifs, en fonction de la gravité objective des fautes.
La faute commise par M. C X est volontaire.


Si le notaire a commis une faute en ne vérifiant pas les informations qui lui avaient été transmises par le vendeur et si cette faute n’est pas de nature à exclure totalement la garantie de l’officier ministériel, il y a lieu de la limiter et de condamner M. A et la SCP dont il fait partie à garantir partiellement M. C


X à concurrence de 20 % du montant de la condamnation principale in solidum, article 700 du code de procédure civile et dépens exclus.


La décision sera infirmée de ce chef.

La demande de dommages et intérêts formée par M. C X pour procédure abusive :

M. C X succombe en ses prétentions.


La décision sera confirmée en ce qu’il a été débouté de sa demande à ce titre.

L’article 700 du code de procédure civile :


La décision sera confirmée.

M. C X, M. G A et la SCP G A & H B, qui seront déboutés de leur demande à ce titre, seront condamnés in solidum à payer à M. et Mme D X la somme de 3 000 €.

Les dépens :


La décision sera confirmée.

M. C X, M. G A et la SCP G A & H B seront condamnés in solidum aux dépens de l’instance d’appel avec recouvrement direct au profit de la SCP Hermine avocats associés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :


Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;


Confirme le jugement rendu le 30 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Reims en toutes ses dispositions à

l’exception de celles relatives à l’indemnisation du préjudice et de l’appel en garantie formé par M. C


X qui sont infirmées ;


Statuant de nouveau sur ces points ;


Condamne M. C X d’une part, M. G A et la SCP G A & H B

d’autre part in solidum à payer à M. et Mme D X la somme de

31 320 euros en réparation de leur préjudice.


Condamne M. C X à payer à M. et Mme D X la somme de 3 480 euros au titre de la part non couverte par la condamnation in solidum.


Condamne M. G A et la SCP G A & H B à garantir

partiellement M. C X à concurrence de 20 % du montant de la condamnation in solidum, article 700 du code de procédure civile et dépens exclus..
Y ajoutant ;


Déboute les parties de leurs autres demandes.


Condamne M. C X, M. G A et la SCP G A & H B in solidum à payer à M. et Mme D X la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.


Condamne M. C X, M. G A et la SCP G A & H B in solidum aux dépens de l’instance d’appel avec recouvrement direct au profit de la SCP Hermine avocats associés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.


Le greffier La présidente
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Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 22 février 2022, n° 20/01533