Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 14 février 2017, n° 16/02618

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Chronologie de l’affaire

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blog.landot-avocats.net · 9 octobre 2018

Il est des décisions qui ne sont pas à la gloire de la noble profession exercée par l'auteur des présentes lignes. Le CE nous avait déjà signalé que si un avocat désigné à l'aide juridictionnelle n'a pas produit malgré une mise en demeure, le tribunal doit alors en informer le justiciable afin que celui-ci puisse envisager de changer de conseil (CE, 28 décembre 2012, n°348472). une telle obligation ne s'impose pas en revanche si l'avocat omet de se présenter à une convocation (CE, 23 février 2011, n°313965). Or, voici qu'un bâtonnier, saisi par l'administration, refuse de désigner un …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 1re ch., 14 févr. 2017, n° 16/02618
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 16/02618
Dispositif : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Texte intégral

1re Chambre

ARRÊT N°91/2017

R.G : 16/02618

M. Z I X

Association ORDRE DES AVOCATS ST F G

C/

M. Z Y

Déboute le ou les demandeurs de l’ensemble de leurs demandes

Copie exécutoire délivrée

le :

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES ARRÊT DU 14 FÉVRIER 2017 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : M. Xavier BEUZIT, Président, entendu en son rapport

Assesseur :M. Marc JANIN, Conseiller,

Assesseur : Mme Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,

GREFFIER :

Mme K-L M, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 03 Janvier 2017

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 14 Février 2017 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTS : M. Z I X, es-qualité de Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de ST F-G

XXX

35400 ST F

Représenté par Me Philippe LE GOFF de la SELARL CRESSARD & LE GOFF AVOCATS, avocat au barreau de RENNES

ORDRE DES AVOCATS ST F-G

XXX

35400 ST F

Représentée par Me Philippe LE GOFF de la SELARL CRESSARD & LE GOFF AVOCATS, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉ :

M. Z Y

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Représenté par Me Anne BOIVIN-GOSSELIN, avocat au barreau de RENNES

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2016/003771 du 15/04/2016 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de RENNES)

Exposé des faits et de la procédure, moyens et prétentions des parties

M. Z Y s’est vu accorder le bénéfice de l’aide juridictionnelle totale dans six procédures dans lesquelles il était partie devant les juridictions malouines.

Dans trois de ces procédures, les avocats désignés par le bâtonnier ont demandé à être déchargés de leur mission et le bâtonnier a fait droit à leur demande.

Par délibération du 25 juillet 2014, le conseil de l’ordre a décidé de ne plus répondre aux courriers et demandes réitérées de désignation présentées de M. Y.

Ne disposant plus du concours d’un avocat dans les procédures où il bénéficiait de l’aide juridictionnelle, M. Y a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc qui, par ordonnance du 25 février 2016, a : • ordonné à M. le bâtonnier de l’ordre des avocats de Saint-F – G ou un de ses délégataires de désigner un avocat pour assister M. Z Y dans les procédures ayant donné lieu à une décision favorable du bureau d’aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Saint-F ; • débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

• condamné in solidum, Me X, ès qualités et le barreau de Saint-F-G aux dépens.

M. Z X, ès qualité de bâtonnier de l’ordre des avocats de Saint-F-G et l’ordre des avocats de Saint-F-G ont, par déclaration au greffe du 1er avril 2016, interjeté appel de cette ordonnance.

Dans leurs dernières conclusions remises au greffe le 5 décembre 2016, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, ils demandent à la cour de : • infirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions ;

• débouter M. Y de toutes ses demandes ;

• condamner M. Y à une amende civile de 3.000 € pour procédure abusive ;

• le condamner aux dépens.

Dans ses conclusions remises au greffe le 20 septembre 2016, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, M. Z Y demande à la cour de : • dire que l’appel n’a plus d’objet compte-tenu de la désignation d’un avocat intervenue le 10 mai 2016, • dire qu’en s’opposant à la désignation d’un avocat et en ne désignant pas d’avocat pour assister M. Y, Me X, es-qualités de Bâtonnier et l’Ordre des Avocats du barreau de Saint-F-G ont manqué à leurs obligations constituant un trouble manifestement illicite, • dire l’appel régularisé par Me X, es-qualités de Bâtonnier et l’Ordre des Avocats du barreau de Saint-F-G, dépourvu d’objet et donc, d’intérêt à agir, • dire la demande formulée aux fins de condamnation au paiement d’une amende civile irrecevable faute d’avoir été formulée dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel et en l’absence d’intérêt à agir des appelants à ce titre, • dire que le préjudice subi par M. Y sera réparé par l’allocation de dommages et intérêts à hauteur de 5.000 euros.

En conséquence de quoi, • débouter Me X, es-qualités de Bâtonnier et l’Ordre des Avocats du barreau de Saint-F-G de l’ensemble de leur demande, fins et conclusions, • confirmer la décision dont appel en ce qu’elle a condamné Me X, es-qualités de Bâtonnier et l’Ordre des Avocats du Barreau de Saint-F-G à désigner un avocat pour assister M. Z Y dans les procédures ayant donné lieu à une décision favorable du Bureau d’Aide Juridictionnelle et les a déboutés de leurs demandes, • condamner solidairement, Me X, es-qualités de Bâtonnier et l’Ordre des Avocats du Barreau de Saint-F- G à payer à M. Y la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, • condamner les mêmes, sous la même solidarité aux entiers dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux termes de la loi sur l’aide juridictionnelle.

Motifs de la décision

sur la recevabilité de l’appel :

L’appel de l’ordonnance de référé, exécutoire par provision, n’est pas dépourvu d’objet même si l’appelant a, comme il en avait l’obligation, exécuté la décision en désignant, après son appel, un avocat au titre de l’aide juridictionnelle.

En effet, l’exécution par provision n’a pas pour effet de priver l’appelant de son droit d’appel et de rendre celui-ci sans objet de même que de lui ôter tout intérêt à agir, l’appelant ayant un intérêt à voir infirmer la décision dont il soutient qu’elle porte atteinte à ses attributions.

En conséquence, le moyen tiré de l’irrecevabilité de l’appel sera écarté.

Sur l’existence d’un trouble manifestement illicite :

L’article 25 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique énonce que le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle a droit à l’assistance d’un avocat et de tous officiers ministériels ou publics dont la procédure requiert le concours.

Lorsqu’il est désigné et qu’il a accepté cette désignation, l’avocat ne peut se dessaisir du dossier qu’après en avoir référé au bâtonnier qui appréciera.

Comme l’exercice de tout droit, celui à l’assistance d’un avocat au profit de la personne admise à l’aide juridictionnelle, ne saurait lorsqu’il dégénère en abus, être reconnu.

Il ressort des pièces communiquées par les parties que :

— par lettre du 12 juin 2013, Me Amil, avocat au barreau de Saint-F-G qui, depuis 2009, assistait M. Y au titre de l’aide juridictionnelle, d’abord devant la commission d’indemnisation des victimes d’infractions (la CIVI) du tribunal de grande instance de G, puis celle de Saint-F, a informé M. Y qu’elle n’assurerait plus la défense de ses intérêts.

— le bâtonnier du barreau de Saint-F-G a désigné successivement, comme avocats de M. Y, à nouveau bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale :

— Me Verdier, pour une audience du tribunal correctionnel de Saint-F du 9 septembre 2013 ;

— Me Turpin, le 14 novembre 2013 pour le représenter dans une procédure devant le tribunal de grande instance de Saint-F;

— Me Simon, en janvier 2014 pour assistance comme partie civile dans une information ouverte devant le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Saint-F ;

Par ailleurs, Me Ntsakala, avocat désigné en mai 2014 dans trois procédures pour assister M. Y, a demandé le 19 juin 2014 au bâtonnier son dessaisissement. Me Turpin a également demandé son dessaisissement par lettre adressée au bâtonnier le 3 décembre 2015.

La chronologie de ces faits rappelée, il en résulte que c’est à la demande de M. Y, qui lui réclamait la restitution en urgence de tous les certificats médicaux et pièces réclamées pour une expertise et souhaitait le renvoi de l’affaire devant la CIVI du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc, que Me Amil en a conclu que son client souhaitait qu’elle soit déchargée de ses intérêts.

M. Y n’a pas contesté ce dessaisissement de Me Amil et a présenté de nouvelles demandes d’aide juridictionnelle ayant abouti à la désignation de Me Verdier remplacée par Me Simon qui n’a pas accepté sa mission tandis que Me Turpin était désigné dans la procédure pendante devant la CIVI jusqu’à ce qu’il demande son dessaisissement en décembre 2015.

Puis, par lettre du 17 mai 2014, M. Y, qui se déclarait alors dépourvu de conseil, a écrit à Me Segond Le Bosco, bâtonnier en exercice, pour l’informer qu’il refusait qu’elle l’assiste personnellement comme avocat commis d’office dans une procédure devant le tribunal correctionnel précisant que : ' votre profession d’avocat et votre fonction de bâtonnier ne vous laisseraient pas assez de temps pour me ' défendre’ au mieux dans ces dossiers qui sont devenus très complexes par la faute de deux experts qui ont triché, d’avocats qui ont montré de graves manquements à la déontologie liée à leur profession, et par une 'juridiction’ qui est trop partiale.'

Après réception de cette lettre, le bâtonnier a désigné Me Ntsakala afin d’assister M. Y dans trois procédures pendantes devant la CIVI, le tribunal correctionnel et le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Saint-F.

Avant que Me Ntsakala ne demande au bâtonnier de le dessaisir de ces trois missions, M. Y a à nouveau écrit le 12 juin 2014 au bâtonnier, pour l’informer qu’il ne souhaitait pas être défendu par cet avocat qui aurait refusé qu’il lui adresse ses dossiers et pièces par internet mais exigé qu’il le fasse par voie postale, ce qui, selon lui, était impossible en raison de son absence de ressources et qu’il tenait dès lors à envoyer le tout par courriel de manière gratuite.

En conséquence, M. Y demandait au bâtonnier de dessaisir Me Nstakala et de désigner à sa place un des avocats dont il avait fourni le nom, à savoir Me Hélouvry ou son associée ou encore Me Noël, collaboratrice de Me de Morhery.

Ainsi, il est établi que la délibération du conseil de l’ordre du 25 juillet 2014 qui décide de ne plus répondre aux demandes répétitives de M. Y et de procéder à la désignation d’un nouvel avocat n’a été prise que parce qu’il avait manifesté sa volonté de ne pas accepter la désignation de Me Nstakala par le bâtonnier après les dessaisissements des avocats précédemment désignés, sur sa demande implicite concernant Me Amil, explicite concernant le bâtonnier Segond Le Bosco ou sur celle des avocats concernés.

Aussi, M. Y, par ses exigences non fondées envers Me Nstakala, a en réalité refusé les deux dernières décisions de désignation prises par le bâtonnier et abusé du droit que lui conférait la loi, en tant que bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, d’être assisté gratuitement par un avocat.

Par ces refus réitérés conjugués à son hostilité exprimée, tant envers les experts que les avocats et la juridiction de Saint-F, dans sa lettre du 17 mai 2014, où il prend le soin de placer entre guillemets les termes défendre et juridiction, M. Z Y s’est de lui-même mis dans la situation d’être privé de défenseur, abusant de l’exercice de son droit d’en avoir un.

En effet, en exigeant d’obtenir au titre de l’aide juridictionnelle l’avocat de son choix, alors qu’il avait bénéficié de l’assistance d’au moins l’un d’entre eux, Me Amil, pendant quatre années, il a contraint le conseil de l’ordre à décider de ne plus désigner un autre avocat qui aurait comme ses confrères été dans l’incapacité d’exercer sa mission pour le compte de M. Y.

En conséquence, il convient d’infirmer l’ordonnance entreprise et de débouter M. Y de toutes ses demandes.

Sur l’amende civile :

L’article 32-1 du code de procédure civile, relatif au prononcé d’une amende civile en cas d’abus du droit d’agir en justice, ne peut être mise en oeuvre qu’à l’initiative de la juridiction saisie.

Aussi, une partie ne peut demander la condamnation d’une autre partie à l’instance à une amende civile et la demande de Me X, ès qualités, doit être déclarée irrecevable.

PAR CES MOTIFS

Déclare l’appel recevable ;

Infirme l’ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc en date du 25 février 2016 ;

Statuant à nouveau,

Déboute M. Z Y de toutes ses demandes ;

Déclare irrecevable la demande d’amende civile ;

Condamne M. Z Y aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier, Le Président,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
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Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 14 février 2017, n° 16/02618