Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 29 janvier 2013, n° 12/02155

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. soc., 29 janv. 2013, n° 12/02155
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 12/02155
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Évreux, 11 avril 2012
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

R.G. : 12/02155

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU 29 JANVIER 2013

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES D’EVREUX du 12 Avril 2012

APPELANTE :

Société CLEOR

XXX

XXX

XXX

représentée par Me Georges BENAYOUN, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Carole LAPORTE, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

Monsieur Z Y

XXX

XXX

comparant en personne,

assisté de Me Christine GERGAUD-LERBOURG, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 04 Décembre 2012 sans opposition des parties devant Monsieur SAMUEL, Conseiller, magistrat chargé d’instruire seul l’affaire,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame PAMS-TATU, Président

Monsieur SAMUEL, Conseiller

Monsieur HAQUET, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme LOUE-NAZE, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 04 Décembre 2012, où l’affaire a été mise en délibéré au 29 Janvier 2013

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 29 Janvier 2013, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame PAMS-TATU, Président et par Mme LOUE-NAZE, Greffier présent à cette audience.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions des 27 et 30 novembre 2012 développées à l’audience par les parties et auxquelles il est renvoyé pour exposé exhaustif en application de l’article 455 du code de procédure civile.

M. Y a été embauché, à compter du 1er mars 2005, par la société CLEOR spécialisée dans la vente au détail de bijoux et montres, par contrat à durée indéterminée, en tant qu’employé de gestion, affecté au service marquage puis au service liquidation.

Il a été victime d’un accident de travail le 5 avril 2007. Il a repris le travail le 1er août 2007, sans que soit organisée une visite de reprise.

Après entretien préalable, il a été licencié pour motif économique, par lettre recommandée avec avis de réception du 31 juillet 2008.

Il a toutefois continué à travailler dans l’entreprise et, après un nouvel entretien préalable, une nouvelle lettre recommandée avec avis de réception du 24 juillet 2009 l’a licencié pour motif économique. Il a ensuite sollicité le bénéfice d’une convention de reclassement personnalisé.

La lettre de licenciement est annexée au présent arrêt.

M. Y a contesté son licenciement et formé diverses demandes indemnitaires devant le conseil de prud’hommes, qui, dans un jugement du 12 avril 2012, a statué de la manière suivante :

— dit que le licenciement de Monsieur Y Z n’est pas frappé de nullité.

— dit que le licenciement de Monsieur Y est sans cause réelle et sérieuse.

— condamne la SA CLEOR à payer à Monsieur Y les sommes de :

17.347,68 € à titre de rappel de salaires,

1.734,76 € au titre des congés payés afférents,

11.500,00 € au titre du non respect de l’obligation de sécurité,

19.800,00 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

7.652,16 € au titre du préavis,

765,21 € au titre des congés payés afférents,

3.826,08 € à titre d’indemnité pour défaut d’énonciation des critères de l’ordre des licenciements,

23.000,00 € à titre d’indemnité pour non respect de la priorité de réembauchage,

3.000,00 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

— déboute Monsieur Y du surplus de ses demandes,

— déboute la SA CLEOR de sa demande reconventionnelle,

— ordonne à la SA CLEOR, en application de l’article L.1235-4 du Code du Travail, le remboursement aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités chômages versées à Monsieur Y du jour de son licenciement au jour du prononcé du présent jugement, dans la limite de 6 mois d’indemnités de chômage.

— ordonne à la SA CLEOR de délivrer à Monsieur Y l’ensemble des documents légaux conformes à la présente décision,

— fixe une astreinte journalière de 15,00 € par document,

— dit que cette astreinte débutera à compter du 30e jour suivant la notification du présent jugement, le Conseil se réservant le droit de liquidation,

— ordonne l’exécution provisoire de l’entier jugement en application de l’article 515 du Code de Procédure Civile.

— condamne la SA CLEOR aux entiers dépens,

— dit qu’à défaut du règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu’en cas d’exécution forcée par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application de l’article 10 du décret du 12/12/1996 devront être supportées par la SA CLEOR en sus des condamnations mises à sa charge sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

La société CLEOR a interjeté appel et demande à la Cour de :

— dire recevable et bien fondé la société CLEOR en ses demandes, fins et conclusions ;

— confirmer le jugement entrepris seulement en ce qu’il a débouté M. Y de ses demandes au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents ainsi que de sa demande au titre du travail dissimulé ;

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société CLEOR pour licenciement sans cause réelle et sérieuse aux sommes suivantes :

17.347,68 € à titre de rappel de salaire,

1.734,76 € au titre des congés payés afférents,

11.500 € au titre du non-respect de l’obligation de sécurité,

19.800 € au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

7.652,16 € au titre du préavis,

765,21 € au titre des congés payés afférents,

3.826,08 € à titre d’indemnité pour défaut d’énonciation des critères de l’ordre des licenciements,

23.000 € à titre d’indemnité pour non-respect de la priorité de réembauchage,

3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

— condamner M. Y, en cause d’appel, au paiement de la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

M. Y demande, pour sa part, à la Cour de :

— constater le non-respect du principe 'à travail égal salaire égal’ ;

— constater l’existence des heures supplémentaires non payées à M. Y sur les années 205 à 2009 incluses, avec toutes les conséquences de droit ;

— constater la nullité du licenciement de M. Y, subsidiairement l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ;

— constater le défaut d’énonciation des critères de l’ordre des licenciements ;

— constater le non-respect des critères de l’ordre des licenciements ;

— constater le non-respect de la priorité de réembauchage ;

— constater le non-respect du devoir d’adaptation et de l’obligation de sécurité incombant à la société CLEOR ;

— en conséquence :

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société CLEOR au paiement des sommes suivantes :

17.347,68 € bruts à titre de rappel de salaire,

1.734,76 € bruts au titre des congés payés afférents,

11.500 € nets au titre du non-respect de l’obligation de sécurité,

7.652,16 € bruts au titre du préavis,

765,21 € bruts au titre des congés payés afférents,

3.826,08 € nets à titre d’indemnité pour défaut d’énonciation des critères de l’ordre des licenciements,

23.000 € à titre d’indemnité pour non-respect de la priorité de réembauchage,

3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

— infirmer le jugement en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau, condamner la société CLEOR à régler à M. Y les sommes suivantes :

' au titre de l’exécution du contrat de travail

94.661,09 € bruts au titre des heures supplémentaires accomplies entre 2005 et 2009, incluant les congés payés et le repos compensateurs afférents (sur la base du salaire corrigé de 3.826,08 €), subsidiairement la somme de 84.526,91 € (sur la base du salaire mensuel moyen perçu) ;

22.956,48 € nets à titre d’indemnité pour délit de travail dissimulé (sur la base du salaire revalorisé), subsidiairement la somme de 19.991,40 € nets (sur la base du salaire moyen perçu) ;

11.500 € nets à titre d’indemnité pour non-respect du devoir d’adaptation, subsidiairement, la somme de 10.000 € sur la base du salaire mensuel moyen perçu ;

' au titre de la rupture du contrat de travail

— à titre principal,

50.000 € nets à titre d’indemnité pour licenciement nul,

— à titre subsidiaire,

50.000 € nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— en tout état de cause,

50.000 € à titre d’indemnité pour non-respect des critères de l’ordre des licenciements,

— y ajoutant,

— condamner la société CLEOR à verser à M. Y la somme de 3.000 € complémentaires au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’instance ;

— condamner la société CLEOR au paiement des intérêts légaux avec capitalisation depuis la saisine du conseil de prud’hommes pour les sommes de nature salariales et à compter de la notification de l’arrêt pour les sommes présentant un caractère indemnitaire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’application du principe à travail égal salaire égal

Il résulte, en premier lieu, du principe 'à travail égal, salaire égal', dont s’inspirent les articles L.1242-14, L.1242-15, L.2261-22.9, L.2271-1.8° et L.3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d’assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l’article L.3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

En second lieu, si, en application de l’article 1315 du code civil, il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal’ de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

En l’espèce, M. Y a été embauché, à compter du 1er mars 2005, comme « employé de gestion » coefficient 180 niveau III pour un salaire mensuel de 1500 € brut. A compter d’avril 2006, c’est à dire à compter de son affectation au service liquidation, son salaire a été porté à 3.000 €. Quant à M. X, auquel il compare sa rémunération, il a été embauché, à compter du 2 avril 2007, comme « préposé liquidation » coefficient 170 niveau II pour un salaire mensuel de 3.000 € brut, d’abord sous contrat à durée déterminée jusqu’au 30 juin 2007, pour surcroît d’activité, puis sous contrat à durée indéterminée.

A compter de novembre 2007, leurs salaires ont été respectivement de 3000 € et 3826, 08 €. Quoiqu’il en soit de l’évolution des demandes au cours des diverses instances prud’homales, c’est à compter de ce mois là qu’en dernier lieu, M. Y demande de procéder à une régularisation de son salaire.

La société CLEOR soutient que M. Y a travaillé sous la supervision de M. X, ainsi qu’il résultait du contrat de travail de ce dernier. Toutefois, le contrat de travail se borne à indiquer que M. X est « préposé liquidation », mais ne permet pas d’en déduire qu’il exerçait un pouvoir hiérarchique sur M. Y chargé lui aussi d’opérations de liquidation.

En outre, M. X atteste qu’il n’y connaissait rien en bijouterie, que M. Y avait des compétences supérieures aux siennes, qu’il ne lui a jamais donné d’ordre n’ayant pas exercé de pouvoir hiérarchique à son égard et qu’il l’avait rencontré alors que lui-même était simple vendeur. Cette attestation ne saurait être écartée au seul motif que MM. Y et X se sont livrés à l’établissement d’attestations réciproques, d’autant qu’elle est en concordance, d’une part, avec le fait que la qualification professionnelle et la classification conventionnelle attribuées par le contrat de travail à M. X étaient d’un niveau inférieur à celles de M. Y, d’autre part, avec le fait que le curriculum vitae de M. X n’est pas aussi étoffé que le soutient l’employeur. En particulier, il ne peut être considéré que M. X, qui a essentiellement oeuvré dans des commerces de boulangerie-pâtisserie, et parfois dans des bijouteries dont il précise qu’elles n’étaient que de fantaisie, bénéficiait, à la date de son embauche et de son augmentation de rémunération, d’une expérience de trois ans en qualité de responsable des ventes liquidation. Si son curriculum vitae, manifestement établi au plus tôt en 2008, fait état d’une expérience de trois ans en la matière, c’est parce qu’y est intégrée la période comprise entre son embauche et son licenciement (2008), laquelle ne saurait donc être considérée comme une expérience préalable à son arrivée dans la société CLEOR.

Ainsi, l’employeur ne justifie d’aucune façon l’expérience « de 6 ans dans la bijouterie dont 3 ans en qualité de responsable des ventes » qu’aurait eue M. X et qu’il allègue pour tenter d’expliquer la différence de rémunération entre ces deux salariés. Aucune autre pièce n’établit une quelconque autre circonstance de nature à expliquer cette différence de 826,08 € entre les salaires mensuels bruts. Il n’est pas davantage établi que les autres sommes perçues par les deux salariés (primes,…) et pouvant augmenter leur rémunération moyenne sur 12 mois à une somme supérieure aurait compensé cette disparité. Le conseil de prud’hommes a exactement réparé cette discrimination salariale en allouant à M. Y la somme précisée dans le jugement qui sera confirmé.

Sur les heures supplémentaires et le travail dissimulé

Aux termes de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

En l’espèce, M. Y produit divers documents relatifs aux remboursements de frais qu’il a engagés (récépissés de péages, d’achats de carburants,…), des attestations de salariés, des tableaux informatiques reproduisant semaine par semaine les heures supplémentaires qu’il prétend avoir effectuées, ainsi qu’un document établi par lui-même et une assistante de direction, soumis à la signature d’autres salariés lors de son pot de départ, relatant qu’il a travaillé 6 jours sur 7, douze heures par jour, pour la période comprise entre mars 2006 et avril 2007, aucune indication horaire n’étant fournie pour la période postérieure.

S’agissant de ce dernier document, force est de constater que, contrairement à ce que soutient l’assistante de direction, plusieurs salariés contestent, dans des attestations produites par l’employeur mais dont aucun élément objectif ne permet de mettre en doute la sincérité et la véracité, l’avoir signé, du moins avec les mentions qu’il contient sous la forme produite devant la juridiction prud’homale. Au surplus, plusieurs desdits salariés, employés au siège et non dans les magasins où se déroulaient les opérations de liquidation, ne pouvaient avoir connaissance précise des horaires de M. Y lors desdites opérations. Dès lors, ce document est dénué de toute force probante.

S’agissant des documents relatifs aux remboursements de frais engagés et des pièces y afférentes, ils ne permettent pas d’étayer les demandes du salarié, ne se rapportant pas nécessairement aux horaires de travail durant l’exercice des fonctions de liquidation.

S’agissant de certains autres témoignages, au demeurant produits par l’employeur, dont M. Y tente de tirer parti, ils ne font pas état des horaires de travail 6 jours sur 7 à raison de 12 heures par jour, sur la base desquelles M. Y a fait une projection automatique d’horaires sur ses tableaux.

Ainsi, il ne produit pas d’éléments suffisamment précis pour étayer ses prétentions, l’employeur produisant au demeurant de son côté de nombreuses attestations indiquant des horaires de service normaux.

La demande de M. Y relative aux heures supplémentaires doit par conséquent être rejetée par la Cour comme elle l’a été par le jugement qui sera confirmé sur ce point.

Il en sera de même, par voie de conséquence, sur la demande au titre du travail dissimulé.

Sur l’absence de visite de reprise

Il est constant qu’aucune visite de reprise n’a été organisée lors de la reprise du travail, le 1er août 2007 qui a suivi l’accident du travail subi par M. Y le 5 avril 2007.

Or, il résulte de l’article L. 4121-1 du code du travail, interprété à la lumière de la Directive 89/391/CEE du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail ainsi que de l’article R. 4624-21 du code du travail, que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’ effectivité. Il ne peut dès lors laisser un salarié reprendre son travail après une période d’absence d’au moins huit jours pour cause d’accident du travail sans le faire bénéficier lors de la reprise du travail, ou au plus tard dans les huit jours de celle-ci, d’un examen par le médecin du travail destiné à apprécier son aptitude à reprendre son ancien emploi, la nécessité d’une adaptation des conditions de travail ou d’une réadaptation ou éventuellement de l’une et de l’autre de ces mesures. Le non-respect par l’employeur de ses obligations relatives à la visite médicale de reprise cause nécessairement au salarié un préjudice (Cass. Soc. 13 déc. 2006 : Bull. n° 373 ; 25 mars 2009 : Bull. n° 82).

En l’espèce, le manquement en cause a nécessairement causé un préjudice à M. Y, mais le jugement sera réformé sur le montant des dommages et intérêts alloués à ce titre, aucun élément n’étant produit de nature à justifier que lui soit attribuée une somme supérieure à 500 €.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement fait état de ce que l’acquisition du groupe FMB à la fin de l’année 2007 s’est réalisée au prix d’une augmentation importante des charges financières de la société CLEOR et d’une dégradation de son résultat et que les « bénéfices » attendus n’ont pas été atteints, 700.000 € de dépréciations ayant été découverts a posteriori, le chiffre d’affaires global n’ayant pas connu l’évolution attendue. Elle indiquait encore que la nécessité de restaurer le résultat d’exploitation impliquait une réorganisation de l’entreprise pour sauvegarder sa compétitivité, et notamment la suppression des opérations de liquidation composé depuis quelque temps du seul M. Y.

Toutefois, il ressort des documents produits aux débats que le chiffre d’affaires et le résultat d’exploitation étaient en augmentation constante entre 2007 et 2009 et que la perte comptable des exercices 2008 et 2009, mise en avant par l’employeur est davantage due, comme l’a souligné le conseil de prud’hommes, au rachat de FMB qu’à des difficultés économiques dont l’invocation n’est pas cohérente avec les dépenses maintenues par ailleurs quant aux primes d’intéressement et aux nouveaux recrutements caractérisés par des salaires élevés mis en exergue par M. Y. La société CLEOR ne saurait davantage invoquer la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise, alors que la lettre de licenciement elle-même relève que la société entend privilégier l’amélioration de son résultat d’exploitation et donc sa marge afin de faire face aux lourdes charges financières qui sont les siennes et qui résultent de son endettement important. Elle exprime en effet par là, comme le relève de manière pertinente le salarié, sa volonté de réaliser des bénéfices plus importants pour remédier aux conséquences financières du rachat du groupe FMB.

Le jugement a estimé à juste titre que le motif économique du licenciement n’était pas fondé.

Les conséquences qui doivent en être tirées ne sont toutefois pas celles que le conseil de prud’hommes y a attachées.

En effet, à défaut de visite de reprise dont il doit assurer l’effectivité lorsque se trouvent réunies les conditions précédemment rappelées, l’employeur ne peut résilier le contrat de travail à durée indéterminée du salarié, dont le droit à la sécurité dans le travail a ainsi été méconnu, que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de l’impossibilité où il se trouve, pour un motif non lié à l’accident, de maintenir ledit contrat.

Faute que soit établie une telle cause de licenciement, ce dernier ne peut qu’être considéré comme nul par application de l’article L. 1226-9 du code du travail. Le licenciement nul en application de l’article L. 1226-9 ouvre droit pour le salarié à des dommages-intérêts dont le montant est au moins égal à celui prévu par l’article L. 1235-3 du même code, c’est à dire au moins égal aux salaires des six derniers mois, et à une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents.

Compte tenu de ces éléments et de la revalorisation du salaire à laquelle il a été procédé ci-dessus, il y a lieu, par réformation du jugement, de porter à 23.000 € le montant des dommages et intérêts dus à M. Y.

Le jugement sera en revanche confirmé sur le montant de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents.

Sur le défaut d’énonciation des critères de l’ordre des licenciements

L’employeur se borne à répondre sur le fond de l’application des critères, mais ne conteste pas les avoir fait connaître postérieurement au délai de dix jours à compter de la présentation ou de la remise de la lettre du salarié, qui lui était imparti. Le principe de dommages et intérêts sera confirmé, mais le montant en sera ramené à de plus justes proportions, en l’espèce 100 €.

Le salarié dont le licenciement a été déclaré sans cause réelle et sérieuse ne peut prétendre en sus à une indemnité pour inobservation de l’ordre des licenciements. M. Y sera débouté de sa demande à ce titre (Cass. Soc. 5 octobre 1999, Bull.n° 366).

Sur la priorité de réembauchage

L’employeur n’a pas proposé à M. Y, des emplois pour lesquels l’entreprise a embauché postérieurement au licenciement, alors que, par lettre du 28 juillet 2009, le salarié lui avait fait part de son intention de bénéficier de la priorité de réembauchage. Il ne saurait s’exonérer de ses manquements en invoquant le fait que, lors de la recherche de reclassement, M. Y lui avait indiqué ne pas vouloir de poste avec un salaire inférieur, alors que la lettre du 28 juillet 2009, postérieure au licenciement, ne comportait d’autre condition que celle relative à la compatibilité de l’emploi avec sa qualification.

Le jugement sera confirmé sur le principe de l’attribution de dommages et intérêts à ce titre, mais le montant en sera réduit à la somme de 6.800 €.

Sur le devoir d’adaptation

Il est constant que l’employeur n’a pas satisfait à l’obligation d’adaptation du salarié à son poste de travail qui pèse sur lui en application de l’article L. 6321-1 du code du travail. Il en résulte nécessairement un préjudice pour le salarié, qui avait néanmoins connu une évolution interne valorisante dans l’entreprise et dont aucun des éléments versés aux débats ne justifie qu’il soit indemnisé davantage que par l’attribution d’une somme de 500 €.

Il y aura lieu d’ordonner la délivrance des bulletins de paie et documents de fin de contrat conformes aux termes du présent arrêt, mais sans astreinte.

Les sommes allouées à titre de salaire porteront intérêt de droit avec capitalisation à compter de la notification du jugement aux parties, conformément à la demande, formée pour la première fois non lors de la saisine du conseil de prud’hommes, mais dans les conclusions déposées devant cette juridiction. Les sommes allouées au titre de dommages-intérêts porteront intérêts de droit avec capitalisation à compter de la notification de l’arrêt, tel que demandé par M. Y.

Les deux parties obtenant partiellement gain de cause, chacune d’entre elle sera tenue à ses propres dépens. Pour la même raison, les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement déféré,sauf à dire que le licenciement est nul et à porter à 23.000 € le montant des dommages et intérêts dus à ce titre, et à réduire le montant des dommages et intérêts à 500 € pour absence de visite de reprise, à 500 € pour manquement à l’obligation d’adaptation, à 100 € pour manquement à l’obligation à l’information sur les critères d’ordre des licenciements, à 6.800 € pour manquement à la priorité de réembauchage,

Ordonne la délivrance des bulletins de paie, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle emploi conformes aux termes du présent arrêt, mais sans astreinte

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que les sommes allouées à titre de salaire porteront intérêt de droit avec capitalisation à compter de la notification du jugement, selon les termes de la demande telle que formulée pour la première fois devant le conseil de prud’hommes,

Dit que les sommes allouées au titre de dommages-intérêts porteront intérêts de droit avec capitalisation à compter de la notification de l’arrêt,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

Le greffier Le président

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