Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 23 mars 2022, n° 20/01946

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, 1re ch. civ., 23 mars 2022, n° 20/01946
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 20/01946
Décision précédente : Tribunal judiciaire d'Évreux, 13 janvier 2020, N° 16/00806
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

N° RG 20/01946 – N° Portalis DBV2-V-B7E-IPU5

+ 20/02023

COUR D’APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 23 MARS 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

[…]


Tribunal judiciaire d’Evreux du 14 janvier 2020

APPELANTE :

Sarl A B

[…]

[…]

[…]

représentée et assistée par Me Laurent SPAGNOL de la Scp SPAGNOL DESLANDES MELO, avocat au barreau de l’Eure

INTIMES :

Monsieur C X

né le […] à […]

[…]

[…]

représenté par Me Jean-Michel EUDE de la Scp DOUCERAIN-EUDE-SEBIRE, avocat au barreau de l’Eure

Madame E X

née le […] à Bolbec

[…]

[…]

représentée par Me Jean-Michel EUDE de la Scp DOUCERAIN-EUDE-SEBIRE, avocat au barreau de l’Eure

Sarl TRAITEMENTS DE SURFACE DE L’OUEST – TSO […]

[…]

[…]

[…]

représentée par Me Jean-Paul LEGENDRE, avocat au barreau de l’Eure et assistée par Me Patricia BUFFON, de la Selarl JOLY et BUFFON, avocat au barreau de Chartres

Sas KDI

[…]

[…]

représentée par Me H-I J, avocat au barreau de l’Eure et assistée par Me Henry PICOT DE MORAS D’ALIGNY, avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 24 janvier 2022 sans opposition des avocats devant M. Jean-François MELLET, conseiller, rapporteur,


Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

M. Jean-François MELLET, conseiller,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme F G,

DEBATS :


A l’audience publique du 24 janvier 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 23 mars 2022.

ARRET :


CONTRADICTOIRE


Prononcé publiquement le 23 mars 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme G, greffier.

* * *


Suivant devis accepté du 1er février 2010 pour un montant de 27 276 euros,

M. C X et Mme E X ont confié à la Sarl A B la conception et la pose d’une façade vitrée en pignon de leur maison d’habitation.


La Sarl A B a sous-traité à la Sarl Traitement de surface de l’ouest la réalisation des travaux de finition de la structure. Les ossatures et les joints ont été fournis par la Sas KDI.


Les époux X se sont plaints de diverses malfaçons et ont consigné le solde des travaux entre les mains d’un huissier de justice.


Par ordonnance en date du 27 janvier 2011, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lisieux a débouté la Sarl A B de sa demande en paiement et ordonné une expertise judiciaire. L’expert judiciaire, M. Y, a déposé son rapport le 20 mai 2014.


Par actes en date des 1er et 2 février 2016, les époux X ont saisi le tribunal de grande instance d’Evreux au fond.


Par ordonnance en date du 9 décembre 2016, le juge de la mise en état a ordonné un complément d’expertise afin de déterminer si les travaux réalisés étaient ou non compatibles avec la pose d’un chauffage au sol. L’expert judiciaire a déposé son rapport complémentaire le 4 décembre 2017.


Par jugement contradictoire en date du 14 janvier 2020, le tribunal judiciaire d’Evreux a :


- condamné in solidum la Sarl A B et la Sas KDI à verser à

M. C X et Mme E X une somme de 2 790,70 euros au titre des travaux de reprise en lien avec les fautes commises par ces deux sociétés ;


- condamné la Sarl A B à verser à M. C X et Mme E X une somme de 6 864,57 euros (9 655,27 – 2 790,70) au titre des travaux de reprise imputables aux seules fautes de cette société ;


- condamné la Sarl A B à verser à M. C X et Mme E X une somme de 20 000 euros au titre du préjudice de jouissance ;


- condamné la Sarl A B à verser à M. C X et Mme E X une somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral ;


- rejeté la demande au titre du préjudice économique formée contre les trois défenderesses ;


- rejeté toutes les demandes formées contre la Sarl Traitement des surfaces de l’ouest ;


- rejeté les demandes des époux X contre la Sas KDI au titre des préjudices de jouissance et moral ;


- condamné in solidum M. C X et Mme E X à verser à la Sarl A B une somme de 16 366,02 euros au titre du solde de travaux, avec intérêts à compter du présent jugement ;


- condamné in solidum la Sarl A B et la Sas KDI à verser à M. C X et Mme E X une somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;


- rejeté les autres demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;


- condamné in solidum la Sarl A B et la Sas KDI aux dépens, en ce compris ceux de référé et les frais des expertises judiciaires.


Par déclaration reçue au greffe le 24 juin 2020 (n°RG 20/01946), la Sarl A B a interjeté appel de la décision.


Par déclaration reçue au greffe le 29 juin 2020 (n°RG 20/002023), la Sas KDI a interjeté appel de la décision.

***


Par dernières conclusions notifiées le 16 décembre 2021, la Sarl A B demande à la cour d’appel, au visa des articles 1134 et 1147 anciens du code civil, d’infirmer le jugement en ce qu’il a :


- condamné in solidum la Sarl A B et la Sas KDI à verser à

M. C X et Mme E X une somme de 2 790,70 euros au titre des travaux de reprise en lien avec les fautes commises par ces deux sociétés ;


- condamné la Sarl A B à verser à M. C X et Mme E X une somme de 6 864,57 euros (9 655,27 – 2 790,70) au titre des travaux de reprise imputables aux seules fautes de cette société ;


- condamné la Sarl A B à verser à M. C X et Mme E X une somme de 20 000 euros au titre du préjudice de jouissance ;


- condamné la Sarl A B à verser à M. C X et Mme E X une somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral ;


- condamné in solidum la Sarl A B et la Sas KDI à verser à

M. C X et Mme E X une somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;


- rejeté les autres demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;


- condamné in solidum la Sarl A B et la Sas KDI aux dépens de référés et de l’instance, en ce compris les frais des expertises judiciaires ;

statuant à nouveau, à titre principal, de :


- débouter M. C X et Mme E X de la totalité de leurs demandes,

subsidiairement,


- recevoir la Sas KDI en son appel principal et l’en dire mal fondée à l’encontre de la société A B, en conséquence,


- débouter la Sas KDI de ses demandes à l’encontre de la Sarl A B,

statuant sur l’appel incident de la Sarl Traitement de surface de l’ouest (TSO),


- débouter la Sarl Traitement de surface de l’ouest de ses demandes à l’encontre de la Sarl A B,

très subsidiairement,


- arbitrer les quotes-parts de responsabilité dans les proportions proposées par l’expert judiciaire tant pour les travaux de reprise que pour les demandes annexes,

en tout état de cause, vu les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,


- condamner in solidum M. C X et Mme E X à payer à la Sarl A B, en couverture d’une partie de ses frais irrépétibles, la somme de 5 000 euros,

vu les dispositions de l’article 696 du code de procédure civile,


- condamner in solidum, M. C X et Mme E X, et tous succombants, en tous les dépens de référé de première instance et d’appel, lesquels comprendront les frais des deux expertises judiciaires, qui pourront être directement recouvrés par la Scp d’avocats Spagnol, Deslandes Melo dans les conditions prévues par l’article 699 du code de procédure civile.


Par dernières conclusions notifiées le 10 décembre 2020, M. et Mme X, intimés, demandent à la cour d’appel, au visa des articles 1147 et 1382 du code civil, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :


- consacré la responsabilité de la Sarl A B et la Sas KDI en les condamnant à les indemniser,


- rejeté les demandes des trois sociétés défenderesses,


- condamné in solidum la Sarl A B et la Sas KDI à leur verser, une somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ajoutée aux entiers dépens de l’instance de référé, de la première instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire,

et d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :


- limité la condamnation de la Sarl A B à leur verser la somme de

20 000 euros au titre du préjudice de jouissance,


- condamné la Sarl A B à leur verser une somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral,


- rejeté les demandes formées contre la Sarl TSO et KDI,

statuant à nouveau, de :


- condamner in solidum la Sarl A B, la Sarl Traitement de surface de l’ouest et la Sas KDI à leur verser :
. la somme de 9 655,27 euros TTC au titre des travaux de reprise avec indexation sur le coût de la construction à compter du dépôt du rapport d’expertise, soit le 20 mai 2014,

. la somme de 5 574,37 euros au titre du préjudice économique,

. la somme de 72 150 euros au titre du préjudice de jouissance,

. la somme de 20 000 euros au titre du préjudice moral,


- condamner les mêmes à leur verser une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ajoutée aux entiers dépens comprenant ceux du référé, de la première instance et de la présente instance, ajoutée aux frais des expertises judiciaires et des frais d’huissier,


- débouter la Sarl A B de l’ensemble de ses demandes,


- débouter la Sarl Traitement de surface de l’ouest de l’ensemble de ses demandes,


- débouter la Sas KDI de l’ensemble de ses demandes.


Par dernières conclusions notifiées le 29 septembre 2020, la Sas KDI demande à la cour d’appel, au visa des articles 1231 et suivants et 1582 du code civil, de réformer le jugement en ce qu’il a :


- fixé des préjudices de jouissance et moral,


- condamné in solidum, les sociétés KDI et A B,

. à verser aux époux X, une somme de 2 790,70 euros au titre d’une partie des travaux de reprise,

. à verser aux époux X, une somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles,

. aux dépens de référé et de l’instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire,

y ajoutant,

sur les préjudices matériels,


- limiter la condamnation de la Sas KDI à la somme de 2 213 euros au profit des époux X, au titre du seul coût des travaux de reprises susceptible de peser sur la concluante,

dans l’hypothèse où une somme serait retenue pour l’aléa non réalisé,


- limiter la condamnation de la Sas KDI à la somme de 2 720 euros au profit des époux X, au titre du seul coût des travaux de reprises susceptible de peser sur la concluante,

sur les préjudices immatériels,


- à titre principal, débouter les époux X de leurs demandes afférentes à des préjudices de jouissance et moral,


- à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu’il a débouté les époux X en leurs demandes au titre de leurs préjudices immatériels à l’encontre de la Sas KDI,


- débouter la Sarl A B en son appel en ce qu’il tend à faire peser sur la Sas KDI, une quote part des préjudices immatériels sollicités par les époux X,

à titre infiniment subsidiaire,


- limiter la responsabilité de la Sas KDI à hauteur de 28,17 % dans les désordres immatériels subis par les demandeurs et ce, en limitant le montant du préjudice de jouissance éventuellement subi à hauteur de deux mois vis-à-vis de la Sas KDI,

sur les dépens et les frais irrépétibles,


- condamner les époux X au remboursement des frais et honoraires de M. Z à hauteur de 2 462,87 euros,


- ordonner la compensation entre cette somme et celles éventuellement dues par la Sas KDI aux époux X,


- condamner toute partie succombant au paiement des entiers dépens de première instance en ce compris les frais et honoraires de M. Y et ce avec distraction au profit de Me H-I J, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile et au paiement de la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du même code,

en tout état de cause, sur les recours en cas de condamnation in solidum,

si seule la Sarl A B était condamnée in solidum avec la Sas KDI,


- condamner la Sarl A B à relever et garantir la Sas KDI de telle sorte qu’il ne reste à la charge de cette dernière,

. au titre des travaux de reprise que la somme de 2 213 euros à titre principal et de

2 720 euros, à titre subsidiaire,

. et au titre des préjudices immatériels et de tous autres préjudices (dépens et frais irrépétibles) qu’une quote-part de 28,17 %,

si les sociétés A B et Traitement de surface de l’ouest étaient condamnées in solidum avec la Sas KDI,


- condamner in solidum les sociétés A B et Traitement de surface de l’ouest à relever et garantir la Sas KDI de telle sorte qu’il ne reste à la charge de cette dernière,

. au titre des travaux de reprise que la somme de 2 213 euros à titre principal et de 2 720 euros, à titre subsidiaire,

. et au titre des préjudices immatériels et de tous autres préjudices (dépens et frais irrépétibles) qu’une quote-part de 28,17 %,


- débouter l’ensemble des autres parties de toutes leurs demandes plus amples et/ou contraires.


Par dernières conclusions notifiées le 21 mars 2021, la Sarl Traitement des surfaces de l’ouest demande à la cour d’appel, au visa de l’article 1382 du code civil, de :

- déclarer la Sarl TSO recevable et bien fondée en toutes ses demandes,
- déclarer M. et Mme X non fondés en leurs demandes formées à l’encontre de la Sarl TSO,


- déclarer la Sas KDI et la Sarl A B irrecevables et à tout le moins non fondées en toutes prétentions à l’encontre de la Sarl TSO,

en conséquence,


- confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté toutes les demandes formées contre la Sarl Traitements de surfaces de l’ouest,


- confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande formée par les époux X au titre de leur prétendu préjudice économique,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit y avoir lieu à indemnisation d’un trouble de jouissance et ce à hauteur de 20 000 euros,


Et ce faisant, à titre principal,


- débouter les époux X, et tout autre partie, de toutes les demandes formées à l’encontre de la Sarl TSO,

à titre subsidiaire,


- dire et juger que la Sarl TSO ne saurait se voir condamnée solidairement avec la Sarl A B et la Sas KDI et en conséquence,


- dire et juger que la Sarl TSO ne pourra être tenue qu’à hauteur de la somme de 654,58 euros HT au titre des travaux de remise en état,


- dire et juger n’y avoir lieu à dommages et intérêts pour trouble de jouissance,


- dire et juger n’y avoir lieu à dommages et intérêts pour préjudice moral,


- dire et juger n’y avoir aucun lien de causalité entre la prétendu faute qui aurait été commise par la Sarl TSO et les prétendus préjudices de jouissance et moral,


- dire et juger que la Sarl TSO ne pourra être tenue d’aucun autre préjudice et sinon, à tout le moins, qu’à hauteur de 33 % des éventuelles sommes retenues après avoir effectué une moyenne sur 400 % au regard des pourcentages applicables sur les autres postes de malfaçons pour lesquels la Sarl TSO est parfaitement étrangère,


- en tout état de cause, condamner toute partie succombante à verser à la Sarl TSO une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


- dire que la Sarl TSO ne saurait être condamnée à la moindre somme au titre des dépens, sinon dans les limites de 33 % après avoir ramené les sommes retenues à la proportion de 400 %.


Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.


L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 janvier 2022, et l’affaire, plaidée à l’audience du 24 janvier 2022, a été mise en délibéré au 23 mars 2022.

MOTIFS
A titre liminaire, il y a lieu, pour une bonne administration de la justice, en application de l’article 367 du code de procédure civile, de joindre les procédures n° RG 20/01946 et 20/02023, la procédure se poursuivant sous le numéro le plus ancien.

Sur la responsabilité de la Sarl A B


Le tribunal a rappelé qu’en application des dispositions de l’ancien article 1147 du code civil, la Sarl A B était tenue d’une obligation de résultat vis-à-vis des maîtres de l’ouvrage. Il a repris les conclusions de l’expert selon lesquelles :


- l’ouvrage présente des défauts d’ajustement et la porte d’entrée est voilée,


- les joints des vitrages sont exclus de leurs logements, tombent même ponctuellement, si bien que l’ouvrage n’assure pas l’étanchéité à l’air et à l’eau,


- les onglets des pares closes sont mal coupés,


- les trous de vidange des dormants d’appui ne respectent pas les conditions d’entraxe prévues.


L’entreprise engage donc sa responsabilité et doit être condamnée à payer le coût de la reprise de l’ouvrage. Le jugement n’appelle pas de critique à cet égard.

Sur le montant des réparations


Le tribunal a retenu la somme de 8 046 euros HT telle qu’évaluée par l’expert, qui inclut une somme de 1 500 euros à titre d''à valoir sur des aléas'. Il s’agit là d’un préjudice simplement hypothétique. Ni l’expert, ni les époux X ne démontrent ni même n’expliquent en quoi l’indemnisation d’un 'aléa' serait nécessaire.


Il y a donc lieu de limiter le montant de la reprise à la somme de

6 546 euros HT, soit 7 829,01 euros TTC compte-tenu du taux de 19,6 %, qui correspond à celui mentionné dans le devis initial, et dont les parties ne contestent pas l’applicabilité.


La Sarl A B sera condamnée à payer cette somme, après revalorisation au jour de la décision par application de l’indice BT 01 à compter du dépôt du rapport d’expertise, le 20 mai 2014.


Le tribunal a évalué forfaitairement à 20 000 euros l’indemnisation du préjudice de jouissance, après avoir relevé que la maison était habitable depuis l’origine et que rien n’empêchait la pose d’un parquet chauffant.


La Sarl A B conteste cette somme, remarque que la maison est habitable, que l’état de l’ouvrage installé n’a jamais empêché de la chauffer, et prétend que les défauts d’étanchéité ne sont pas en rapport avec les travaux confiés, mais avec ceux réalisés postérieurement sur la dalle à l’initiative des maîtres de l’ouvrage.


La preuve de l’existence, de la durée et de la gravité du préjudice de jouissance pèse sur les demandeurs. Ces derniers doivent également démontrer le lien entre le préjudice qu’ils invoquent et les fautes des constructeurs.


Dans son rapport du 20 mai 2014, l’expert Y ne se prononce pas précisément sur ce préjudice, mais relève que les époux X subissent un 'préjudice partiel' de jouissance. Il évalue la durée des travaux de reprise à deux semaines.
Il ressort de ses constatations les éléments suivants :


- les reprises de joints en silicone sont inesthétiques et empêchent par endroit l’enclenchement,


- sur environ 50 % de la longueur des joints en linéaire, ceux-ci ne sont pas parfaitement fixés, tombent ou se décrochent,


- la porte d’entrée est voilée et n’assure pas l’étanchéité à l’air,


- la serrure est dangereuse pour les mains.


L’existence d’un préjudice de jouissance est donc établie. Il n’est pas uniquement de nature esthétique, mais il se rapporte aussi à un double défaut d’étanchéité à l’air, dont la gravité n’est pas établie précisément, et à l’eau, que l’expert décrit en page 4. Des infiltrations sont également apparentes en photographies numérotées 24, 27 et 28 du procès-verbal de constat d’huissier dressé le14 février 2011 et versé en pièce n°4.


L’attestation de valeur locative versée en pièce n°14, fait état d’un loyer de

1 300 euros mensuel. Compte tenu de la gravité, de la nature et de la localisation des désordres, qui affectent la pièce principale, le préjudice sera évalué à une somme de 250 euros par mois.


La durée du préjudice imputable aux locataires d’ouvrage est débattue par les parties.


Les époux X soutiennent que l’ouvrage devait être livré au mois de juillet 2010, que ce n’est qu’à compter du 1er janvier 2013 qu’ils ont pu poursuivre la rénovation de leur maison, que la Sarl A B a refusé d’intervenir en reprise et qu’ils ne sont pas à l’origine de la seconde expertise qui a allongé la durée du préjudice jusqu’au printemps de l’année 2017.


La Sarl A B réplique que les maîtres de l’ouvrage ont refusé de transiger en cours d’expertise, et sont donc responsables de la persistance du préjudice.


Il ne résulte d’aucune pièce que les défauts d’exécution sur vitrage auraient nécessité l’arrêt du chantier ou empêché l’installation du chauffage. Cet argument est invalidé par les termes du second rapport d’expertise : la maison était bien habitée à cette époque, le chauffage et le plancher posés depuis plusieurs mois, si bien que la seconde expertise était du reste in fine sans objet.


Il ne peut être reproché aux époux X de n’avoir pas transigé au cours de l’année 2013, puisque la Sarl A B, dont la responsabilité était évidente, ne proposait pas, aux termes du protocole dressé à l’époque, d’indemnisation du préjudice de jouissance, et des frais d’huissiers. Aux termes de l’article 4 de ce document, versé en pièce 17, ils était censés renoncer à toute demande indemnitaire en contrepartie de la reprise, alors même qu’elle aurait dû intervenir depuis plusieurs mois.


Il ne saurait davantage leur être reproché d’avoir refusé de réceptionner des travaux : aucune disposition n’impose aux maîtres de l’ouvrage de réceptionner l’ouvrage, a fortiori lorsqu’il présente des inexécutions flagrantes.


Il résulte en revanche de la procédure que les intéressés sont responsables de la durée de la première instance, puisqu’ils ont fait plaider une impossibilité de poser un plancher chauffant, ce qui a conduit le tribunal à ordonner avant dire droit une expertise par ordonnance du 9 décembre 2016. Or, cette mesure d’expertise était inutile, puisqu’aucune impossibilité n’existait, et qu’en outre, le plancher était déjà posé lorsque l’expert a visité les lieux.
Les époux X, qui n’établissent pas la date à laquelle le chantier aurait dû être achevé, ont emménagé dans les lieux au mois de décembre 2012. Au vu de ce qui précède, leur indemnisation aurait dû être fixée dès le mois de décembre 2016. Compte tenu du délai nécessaire au versement de l’indemnisation, de la réalisation des devis et de réalisation des travaux, ceux-ci auraient dû être réalisés à compter du mois d’août 2017. La persistance du préjudice de jouissance postérieurement à cette date est liée aux allégations inexactes qu’ils ont formulées devant le tribunal.


Il leur sera accordé, après infirmation, une somme de 13 750 euros correspondant à 55 mois.


Compte tenu de ce qui précède, les époux X ne sauraient être indemnisés du coût de la facture d’installation du poêle qui ne peut que leur incomber, s’agissant d’un équipement dont la nécessité est sans rapport avec les défauts affectant le vitrage. Par ailleurs, il n’établissent aucune surconsommation, au-delà de leurs allégations, si bien que l’indemnisation sollicitée à ce titre doit être rejetée, comme l’a estimé le tribunal.


Les pièces 20 à 26, auxquelles les époux X renvoient pour établir un lien de causalité entre le présent litige et le syndrome dépressif de Mme X, n’ont pas de rapport avec cette question. La preuve de ce lien n’est pas davantage rapportée en appel qu’en première instance. Toutefois, comme l’a estimé le tribunal, l’existence d’un conflit judiciaire aussi long, dans un litige pourtant simple, affectant leur lieu de vie, et nécessitant de nombreuses démarches, génère un préjudice moral qu’il y a lieu d’indemniser à hauteur de 1 000 euros.


Il n’y a pas lieu à infirmation à cet égard.

Sur les demandes formées contre la Sarl TSO


Le tribunal a rejeté les demandes formées contre la Sarl TSO, relevant que les époux X n’établissaient pas une non-conformité contractuelle liée à la surépaisseur de peinture relevée par l’expert sur le châssis. Il doit être relevé, en cause d’appel, que la carence probatoire des époux X persiste, et qu’ils n’argumentent pas leur demande de condamnation in solidum de la Sarl TSO.


La Sarl A B soutient que ce sous-traitant engage sa responsabilité à raison de la surépaisseur de peinture appliquée, que l’expert a jugé 'anormale'. Elle reconnaît toutefois elle-même que la pose de deux couches de peinture ne constitue pas une non-conformité dans la mesure où elle avait été demandée au sous-traitant. Le simple fait que la surépaisseur soit considérée comme 'anormale’ par l’expert, sans autre précision, ne suffit pas à établir un manquement de la Sarl TSO à ses obligations contractuelles vis-à-vis de son donneur d’ordre. Cet anormalité technique procède d’une prestation qui lui avait été demandée par la Sarl A B en sous-traitance. La Sarl TSO ne saurait être tenue pour responsable de son inadéquation avec d’autres spécificités de l’ouvrage qui ne lui ont été ni sous-traitées, ni même présentées. A cet égard, la Sarl A B n’établit par aucune pièce que les cotes n’auraient pas été respectées par son sous-traitant, ou qu’il aurait été tenu d’un devoir de conseil ou de vigilance particulier dans la réalisation des prestations confiées.


Il n’y a donc pas lieu de condamner la Sarl TSO, ni à l’égard des époux X, ni en garantie de la Sarl A.

Sur les demandes formées contre et par la Sas KDI


Le tribunal a retenu la responsabilité de la Sas KDI au regard de la fourniture de pare-closes et de joints inadaptés. Cette dernière ne conteste pas sa responsabilité, mais sollicite que sa condamnation soit limitée aux proratas retenus par l’expert. En cas de condamnation in solidum vis-à-vis des époux X, elle souhaite que ces ratios servent de limite à la garantie qu’elle devrait à la Sarl A
B.


La Sarl A B soutient, à juste titre, que la Sas KDI est coresponsable du dommage matériel, et donc des dommages immatériels consécutifs, si bien qu’elle doit être condamnée in solidum vis-à-vis des maîtres de l’ouvrage.


Il y a lieu à infirmation du jugement à cet égard, la Sas KDI devant être condamnée in solidum s’agissant tant du préjudice matériel, que du préjudice de jouissance et du préjudice moral.


L’expert a proposé que la Sas KDI supporte 66 % du poste 'joints de vitrage', soit 1 294,76 euros HT, outre 33 % du poste 'coupe d’onglets pare close', soit

530,83 euros HT, soit un total de 1 825,59 euros HT sur un coût total de 6 546 euros. Ces pourcentages seront retenus et ne sont d’ailleurs pas contestés.


Cette somme constitue le montant qui doit lui incomber après exercice de son recours en garantie, qui sera donc limité à la somme de 4 720,41 euros HT (6 546 -1 825,59), soit 5 645,61 euros TTC.


Le montant de son recours en garantie pour les préjudices immatériels consécutifs sera quant à lui fixé au prorata de sa contribution au préjudice matériel, soit un ratio de 72,20 %.


Il en résulte une garantie de 9 927,50 euros s’agissant du préjudice de jouissance

(13 750 x 72,20/100) et de 722 euros s’agissant du préjudice moral

(1 000 x 72,20/100).


La Sarl A B ne forme pas d’appel en garantie dans le 'par ces motifs’ de ses conclusions qui seul saisit la cour. Il n’y a donc pas lieu de statuer en ce sens.


Ainsi que l’a relevé le tribunal, les époux X sont tenus in solidum de payer à la Sarl A B la somme consignée par eux au titre des travaux dont ils sollicitent la reprise, soit un montant de 16 366,02 euros avec intérêts légaux à compter du 2 août 2011, date de l’assignation en référé.


Ces dispositions n’appellent pas de critique.


La Sas KDI conclut à la compensation mais elle ne se prévaut d’aucune créance susceptible d’être compensée avec celle dont elle débitrice. La compensation n’est pas demandée par la Sarl A B.


Il n’y a donc pas lieu de prononcer la compensation.

Sur les demandes accessoires


Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles n’appellent pas de critique.


La Sarl A B et la Sas KDI succombent à l’appel interjeté, elles sont à l’origine du litige, et seront condamnées in solidum à payer les dépens, dont distraction au bénéfice de Me H-I J, la Scp Spagnol Deslandes Melo,


Elle sera en outre condamnée à payer une somme au titre des frais irrépétibles d’appel, de 3 000 euros aux époux X, en ce compris les frais d’huissiers non compris dans les dépens, et 5 000 euros à la Sarl TSO, qui versent les factures correspondantes.
La Sas KDI ne forme aucune demande de garantie s’agissant des frais irrépétibles et des dépens.


Ni l’équité, ni la situation économique des autres parties n’imposent l’application de l’article 700 du code de procédure civile à leur égard.

PAR CES MOTIFS

statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,


Ordonne la jonction des procédures n° RG 20/01946 et 20/02023, la procédure se poursuivant sous le numéro le plus ancien,


Infirme le jugement en ce que le tribunal a :


- condamné in solidum la Sarl A B et la Sas KDI à verser à

M. C X et Mme E X une somme de 2 790,70 euros au titre des travaux de reprise en lien avec les fautes commises par ces deux sociétés ;


- condamné la Sarl A B à verser à M. C X et Mme E X une somme de 6 864,57 euros (9 655,27 – 2 790,70) au titre des travaux de reprise imputables aux seules fautes de cette société ;


- condamné la Sarl A B à verser à M. C X et Mme E X une somme de 20 000 euros au titre du préjudice de jouissance ;


- rejeté les demandes de M. C X et Mme E X contre la Sas KDI au titre des préjudicies de jouissance et moral ;


Le confirme pour le surplus des chefs soumis à la cour,


Statuant à nouveau des chefs déférés et y ajoutant,


Condamne in solidum la Sarl A B et la Sas KDI à payer à M. C X et Mme E X la somme de 7 829,01 euros au titre de la réparation des préjudices matériels, revalorisée à la date de ce jour après application de l’indice BT 01 à compter du 20 mai 2014 ;


Condamne la Sarl A B à garantir la Sas KDI à hauteur de

5 645,61euros, somme revalorisée après application de l’indice BT 01 à compter du 20 mai 2014 ;


Condamne in solidum la Sarl A B et la Sas KDI à payer à M. C X et Mme E X la somme de 13 750 au titre de la réparation du préjudice de jouissance ;


Condamne la Sarl A B à garantir la Sas KDI à hauteur de

9 927,50 euros ;


Condamne la Sas KDI à payer à M. C X et Mme E X la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral,


Dit que cette dernière condamnation est in solidum avec celle prononcée du même chef en première instance à l’encontre de la Sarl A B ;
Condamne la Sarl A B à garantir la Sas KDI à hauteur de 722 euros ;


Condamne in solidum la Sarl A B et la Sas KDI à payer à M. C X et Mme E X la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;


Condamne in solidum la Sarl A B et la Sas KDI à payer à la Sarl TSO la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;


Déboute les parties pour le surplus des demandes ;


Condamne in solidum la Sarl A B et la Sas KDI aux dépens d’appel, dont distraction au bénéfice de Me H-I J, la Scp Spagnol Deslandes Melo.


Le greffier, La présidente de chambre,
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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 23 mars 2022, n° 20/01946