Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 3 avril 2018, n° 17/01353

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Chronologie de l’affaire

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Stéphanie Carre · L'ESSENTIEL Droit de la propriété intellectuelle · 1er novembre 2018
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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 12e ch., 3 avr. 2018, n° 17/01353
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 17/01353
Publication : L'Essentiel, 10, novembre 2018, p. 3, note de Stéphanie Carre, Contestée, la qualité d'auteur doit être prouvée pour agir en contrefaçon de ce chef
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Nanterre, 18 janvier 2017, N° 14/09467
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Nanterre, 19 janvier 2017, 2014/09467
  • (en réquisition)
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 036322
Classification internationale des dessins et modèles : CL11-01
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Référence INPI : D20180024
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE VERSAILLES ARRET DU 03 avril 2018

12e chambre N° RG 17/01353

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 19 janvier 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE N° Chambre : 1 N° Section : N° RG : 14/09467

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame Eugénie P G Représentant : Me Antoine C de la SELAS ACBM Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2536 APPELANTE

SAS PYLONES N° SIRET : 332 251 875 […] 92700 COLOMBES Représentant : Me Martine D de la SELARL LEXAVOUE PARIS- VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 1757342 Représentant : Me Pierre D de la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0221
- INTIMEE

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 février 2018 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur François LEPLAT, Conseiller faisant fonction de Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Monsieur François LEPLAT, Conseiller faisant fonction de Président, Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller, Mme Véronique MULLER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre G,

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme Eugénie P G se prétend auteur de différentes créations telles des bagues et des objets de décoration.

Elle est titulaire d’un dépôt de dessin et modèle effectué à l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) le 31 décembre 2003, enregistré sous le n°03 6322, prorogé jusqu’au 31 décembre 2018 et comportant quatre modèles de bague :

—  03 6322-1-1 : Bague en résine et étoile en verre « Star »

—  03 6322-2-2 : Bague en verre, billes de verre et perles de rocaille « Rococo plate »

—  03 6322-3-3 : Bague en verre avec de l’eau et perles de rocaille « Rococo ronde »

—  03 6322-4-4 : Bague en verre avec du liquide coloré « Fleur ».

Le modèle n° 03 6322-2-2 représente une bague en verre, billes de verre et perles de rocaille «Rococo plate » et le modèle n° 03 6322-4- 4 représente une bague en verre, intitulée « Fleur », dont la partie ornementale, contenant du liquide coloré, représente le motif d’une fleur.

La société par actions simplifiée Pylones, fondée en 1985 par Jacques et Léna G, est spécialisée dans la conception et la fabrication d’objets inventifs et colorés tels les bijoux d’abord en latex puis en résine et en verre, qu’elle commercialise dans un réseau mondial de boutiques et sur son site internet pylones.com.

En 1996, la société Pylones a racheté la société Hefy-glass ayant pour activité la fabrication de bijoux en verre soufflés.

Mme P G, ancienne salariée de la société Hefy-glass, a été embauchée par la société Pylones en qualité d’ouvrière atelier de verre et a signé un contrat de travail avec cette dernière le 12 septembre 1996. A compter du 1er novembre 2012, elle a pris les fonctions de responsable de l’atelier soufflage de verre au sein de la société Pylones.

La société Pylones a commercialisé tant dans ses boutiques à l’enseigne Pylones, que sur son site internet ou par l’intermédiaire de distributeurs, le modèle de bague « rococo plate » sous le nom de « plate perle » jusqu’en 2014. Ce modèle a été décliné avec un liquide coloré sous la dénomination « plate milk », les perles étant parfois également remplacées ou mélangées à des paillettes.

Elle a également commercialisé le modèle « Fleur » en plusieurs tailles jusqu’en 2015.

Mme P G indique avoir conclu avec la société Pylones un accord de licence verbal par lequel elle concédait à cette société les droits portant sur l’ensemble des œuvres dont elle est l’auteur et notamment le modèle « Rococo plate » moyennant versement d’une rémunération proportionnelle et crédit de son nom.

Mme P G a été licenciée le 16 janvier 2013 et une procédure prud’homale pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est en cours, la cour ayant été oralement informée à l’audience d’un jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nanterre en décembre 2017, postérieurement à la clôture.

Par lettre du 8 avril 2013, le conseil de Mme P G informait la société Pylones des droits de propriété intellectuelle détenus par cette dernière et notamment le dépôt de dessin et modèles par elle effectué et lui enjoignait de régulariser la situation quant à l’exploitation des œuvres en cause.

Des pourparlers se sont engagés entre les parties pour notamment régulariser par écrit les accords de licence des modèles déjà exploités par la société, mais ils n’ont toutefois pas abouti.

Le 7 avril 2014, Mme P G a fait procéder à un constat par huissier de justice sur le site internet pylones.coM. C’est alors qu’elle s’est aperçue que la société Pylones commercialisait sous la dénomination « Galet » un modèle de bague qu’elle estime être la contrefaçon du modèle « Rococo plate ».

Le 17 avril 2014, Mme P G a signifié par courriel à la société Pylones l’arrêt de la commercialisation des modèles de bague dont elle se dit l’auteur. En réponse, par lettre du 2 mai 2014, la société Pylones invoquait une relation commerciale établie et que la résiliation devait respecter un délai raisonnable.

Autorisée par ordonnance sur requête du président du tribunal de grande instance de Nanterre du 4 juin 2014, elle a fait procéder le 19 juin suivant à des opérations de saisie-contrefaçon au siège social de la société Pylones et dans la boutique sise à La Défense.

C’est dans ces conditions que Mme P G a par acte du 4 juillet 2014, fait assigner la société Pylones devant le tribunal de grande instance de Nanterre sur le fondement des Livres III et V du code de la propriété intellectuelle en contrefaçon de droit d’auteur, de dessin et modèle enregistré et en indemnisation.

Dans ses dernières écritures signifiées le 6 mai 2016, elle sollicitait sur le fondement des articles L.331-1-3, L.331-1-4, L.335-2, L.335-3, L.511-2, L.513-2, L.513-4 et L.521-7 du code de la propriété intellectuelle et sous le bénéfice de l’exécution provisoire, du tribunal de :

- dire que les modèles n°03 6322-2-2 et 036322-4-4 déposés par Mme G sont valides ;

- dire que la société Pylones a commis des actes de contrefaçon sur le fondement du droit des dessins et modèles en reproduisant les caractéristiques du modèle n°03 6322-2-2 par elle créé et en l’incorporant dans deux modèles de bagues dénommés « Galet » et « Cachou » que cette société fabrique et commercialise ;

- dire qu’elle est l’auteur unique du modèle de bague « plate » qui n’est pas une œuvre collective ;

— dire qu’elle est dès lors recevable à agir sur le fondement de la contrefaçon de droit d’auteur ;

— dire que le modèle de bague « Plate » par elle créé ainsi que ses déclinaisons sont originaux ;

— dire que la société Pylônes a commis des actes de contrefaçon sur le fondement du droit d’auteur en reproduisant les caractéristiques essentielles du modèle de bague « plate » par elle créée pour fabriquer et commercialiser les modèles « Galet » et « Cachou » ;

- dire que la société Pylones a commis des actes de contrefaçon en poursuivant la commercialisation du modèle « Fleur » en taille mini, medium et giga et dans toutes ses déclinaisons, au-delà du mois de décembre 2014, date à laquelle Pylones s’était engagée à cesser la commercialisation de l’ensemble des oeuvres dont elle est auteur et sur lesquels elle détient des droits ;

En conséquence,
- débouter la société Pylones de l’ensemble de ses demandes ;

- ordonner à la société Pylones la cessation des actes de contrefaçon commis par elle sur le fondement du droit des dessins et modèles et du droit d’auteur en arrêtant sans délai la fabrication et la commercialisation des modèles « Galet », « Cachou » et « Fleur » dans toutes les tailles et déclinaisons, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir ;

— ordonner à la société Pylones le rappel à ses frais de l’ensemble des modèles « Galet », «Cachou» et « Fleur » détenus par les revendeurs français et étrangers et commercialisés dans les boutiques exploitées sous l’enseigne Pylones en France et à l’étranger ainsi que sur le site internet www.Pylones.com sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard ;

- ordonner à la société Pylones la destruction, à ses frais, de l’ensemble des stocks des modèles « Galet » et « Cachou » sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard ;

- ordonner à la société Pylones de lui restituer les stocks du modèle de bague « Fleur » dans toutes les tailles et déclinaisons ;

- ordonner à la société Pylones de lui communiquer les redditions de comptes issues de l’exploitation du modèle « Fleur » dans toutes ses tailles et déclinaisons depuis novembre 2014 ;

- ordonner à la société Pylones de lui communiquer un état des ventes des créations des modèles de bagues « pop », « star », « rectangle » « bubble » ainsi que du modèle de verre à pied « tenue de soirée », quelles que soient les tailles et déclinaisons, depuis novembre 2014 ;

- condamner la société Pylones à lui verser à titre provisionnel, la somme de 20.000 euros, à parfaire, au titre des redevances non perçues pour l’exploitation du modèle « Fleur » ;

- ordonner à la société Pylones de publier le dispositif du jugement à intervenir sur chaque vitrine des 22 boutiques exploitées sous l’enseigne Pylones en France ainsi qu’en intégralité sur le site internet de la défenderesse (www.pylones.com).

— condamner la société Pylones à lui verser la somme de 350.000 euros, à parfaire, au titre du dommage matériel issue de la contrefaçon du modèle « plate » par la fabrication et la commercialisation du modèle « Galet » ;

- condamner la société Pylones à lui verser la somme provisionnelle de 100.000 euros, à parfaire, au titre du dommage matériel issu de la contrefaçon du modèle « plate » par la fabrication et la commercialisation du modèle « Cachou » ;

- condamner la société Pylones à lui verser la somme provisionnelle de 100.000 euros, à parfaire, au titre du dommage matériel issu de la contrefaçon du modèle « Fleur » dans toutes les tailles et déclinaisons, par la poursuite non autorisée de sa commercialisation ;

— condamner la société Pylones à lui verser à la somme forfaitaire de 50.000 euros au titre du préjudice issu de l’atteinte à son droit moral ;

- condamner la société Pylones à lui verser la somme de 40.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par jugement entrepris du 19 janvier 2017 le tribunal de grande instance de Nanterre a :

Annulé les dépôts de modèles de bagues « Rococo plate » et « Fleur » effectués le 31 décembre 2003 par Mme Eugénie P G à l’Institut national de la propriété industrielle respectivement sous les numéros 036322-2-2 et 036322-4-4,

Dit que la décision, une fois devenue définitive, serait inscrite au registre national des dessins et modèles de l’Institut national de la propriété industrielle à l’initiative de la partie la plus diligente,

Dit irrecevable Mme Eugénie P G à agir en contrefaçon de droit d’auteur, faute de qualité,

Débouté Mme Eugénie P G de l’ensemble de ses demandes,

Condamné Mme Eugénie P G à verser à la société Pylones la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejeté toute autre demande plus ample et contraire,

Condamné Mme Eugénie P G aux entiers dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile,

Dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu l’appel interjeté le 17 février 2017 par Eugénie P G ;

Vu les dernières écritures signifiées le 15 mai 2017 par lesquelles Eugénie P G demande à la cour de :

Vu l’article 6 bis alinéa 1er de la Convention de Berne,

Vu l’article 11 de la Directive du 29 avril 2004,

Vu les articles L.331-1-3, 331-1-4, 335-2, 335-3, 511-2, 513-2, 513-4 et 521-7 du Code de la Propriété intellectuelle,

INFIRMER le jugement du Tribunal de grande instance de Nanterre en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a annulé le dépôt de modèle « Fleur » n°036322-4-4 ;

RECEVOIR Madame P G en toutes ses demandes, fins et prétentions ;

DIRE ET JUGER que Madame P G est, en tant qu’auteur unique des bagues « plate » et « fleur », recevable à agir en contrefaçon de droit d’auteur ;

DIRE ET JUGER que les modèles des bagues « plate » et « fleur » créés par Madame P G ainsi que leurs déclinaisons sont originaux ;

DIRE ET JUGER que le modèle de bague « Rococo plate » déposé le 31 décembre 2003 par Madame P G à l’Institut national de la propriété industrielle sous le numéro 036322-2-2 est valide ;

DIRE ET JUGER que la société Pylones a commis des actes de contrefaçon sur le fondement du droit des dessins et modèles en reproduisant les caractéristiques du modèle n°03 6322-2-2 créé par Madame P G et en l’incorporant dans deux modèles de bagues dénommés « galet » et « cachou » fabriqués et commercialisés par elle ;

DIRE ET JUGER que la société Pylones a commis des actes de contrefaçon sur le fondement du droit d’auteur en reproduisant les caractéristiques essentielles du modèle de la bague « plate » créé par Madame P G pour fabriquer et commercialiser les modèles» galet » et « cachou » ;

DIRE ET JUGER que la société Pylones a commis des actes de contrefaçon en poursuivant la commercialisation du modèle « fleur » en taille mini, medium et giga et dans toutes ses déclinaisons, au-delà du mois de décembre 2014, date à laquelle Pylones s’était engagée à cesser la commercialisation de l’ensemble des 'uvres dont Madame P G est auteur et sur lesquels elle détient des droits ;

En conséquence,

ORDONNER à la société Pylones la cessation des actes de contrefaçon commis par elle sur le fondement du droit des dessins et modèles et du droit d’auteur en arrêtant sans délai la fabrication et la commercialisation des modèles « galet », « cachou » et « fleur » dans toutes les tailles et déclinaisons, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir ;

ORDONNER à la société Pylones le rappel à ses frais de l’ensemble des modèles « galet », « cachou » et « fleur » détenus par les revendeurs français et étrangers et commercialisés dans les boutiques exploitées sous l’enseigne Pylones en France et à l’étranger ainsi que sur le site internet www.Pylones.com sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard ;

ORDONNER à la société Pylones la destruction, à ses frais, de l’ensemble des stocks des modèles « galet » et « cachou » sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard ;

ORDONNER à la société Pylones la restitution à Madame P G des stocks du modèle de bague « fleur » dans toutes les tailles et déclinaisons ;

ORDONNER à la société Pylones de communiquer à Madame P G les redditions de comptes issues de l’exploitation du modèle « Fleur » dans toutes ses tailles et déclinaisons depuis novembre 2014 ;

ORDONNER à la société Pylones de communiquer à Madame P G un état des ventes des créations des modèles de bagues « pop », « star », « rectangle » « bubble » ainsi que du modèle de verre à pied « tenue de soirée », quelles que soient les tailles et déclinaisons, depuis novembre 2014 ;

CONDAMNER la société Pylones à verser à Madame P G à titre provisionnel, la somme de 20.000 euros, à parfaire, au titre des redevances non perçues pour l’exploitation du modèle « Fleur » ;

ORDONNER à la société Pylones de publier le dispositif du jugement à intervenir sur chaque vitrine des 30 boutiques exploitées sous l’enseigne Pylones en France ainsi qu’en intégralité sur le site internet de l’intimée (www.Pylones.com).

CONDAMNER la société Pylones à verser à Madame P G la somme de 350.000 euros, à parfaire, au titre du dommage matériel issue de la contrefaçon du modèle « plate » par la fabrication et la commercialisation du modèle « galet » ;

CONDAMNER la société Pylones à verser à Madame P G la somme provisionnelle de 100.000 euros, à parfaire, au titre du dommage matériel issue de la contrefaçon du modèle « plate » par la fabrication et la commercialisation du modèle « cachou » ;

CONDAMNER la société Pylones à verser à Madame P G la somme provisionnelle de 100.000 euros, à parfaire, au titre du dommage matériel issu de la contrefaçon du modèle « fleur » dans toutes les tailles et déclinaisons, par la poursuite non autorisée de sa commercialisation ;

CONDAMNER la société Pylones à verser à Madame P G la somme forfaitaire de 50.000 euros au titre du préjudice issu de l’atteinte à son droit moral ;

CONDAMNER la société Pylônes à verser à Madame P G la somme de 50.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile ;

CONDAMNER la société Pylones aux entiers dépens en ce compris les frais d’huissier, dont distraction au profit de Maître Antoine C, conformément à l’article 699 du Code de Procédure civile.

Vu les dernières écritures signifiées le 13 juillet 2017 au terme desquelles la société Pylones demande à la cour de :

Vu le livre I du Code de la propriété intellectuelle,

Vu le livre V du Code de la propriété intellectuelle,

CONFIRMER le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

CONSTATER que Madame P G renonce à contester la nullité de son dépôt de modèle « Fleur » n° 036322-4-4 effectué le 31 décembre 2003, prononcée par le Tribunal de grande instance de Nanterre pour défaut de nouveauté par jugement du 19 janvier 2017 ;

Et ce faisant,

DÉBOUTER Madame Eugénie P G de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions en contrefaçon de droits d’auteur et de dessin et modèle ;

CONDAMNER Madame Eugénie P G à verser à la société Pylones la somme de 30.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit

de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles, en application de l’article 699 du Code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Eugénie P G qui a été salariée, souffleuse de verre, au sein de la société Hefy-glass, puis de la société Pylones, lors de son rachat en juillet 1996, revendique des droits de propriété intellectuelle sur des modèles de bagues dont elle dit être l’auteur et, pour certains d’entre eux, au titre d’un dépôt qu’elle a effectué le 31 décembre 2003 et agit en contrefaçon, contre son dernier employeur, qui l’a licenciée le 16 janvier 2013.

Sur les dessins et modèles :

Il est constant que Eugénie P G est titulaire d’un dépôt de dessin et modèle effectué à l’Institut National de la Propriété Industrielle (I.N.P.I.) le 31 décembre 2003, enregistré sous le n°03 6322, prorogé jusqu’au 31 décembre 2018 et comportant quatre modèles de bague :

—  03 6322-1-1 : Bague en résine et étoile en verre « Star »

—  03 6322-2-2 : Bague en verre, billes de verre et perles de rocaille « Rococo plate »

—  03 6322-3-3 : Bague en verre avec de l’eau et perles de rocaille « Rococo ronde »

—  03 6322-4-4 : Bague en verre avec du liquide coloré « Fleur ».

Le tribunal a annulé deux de ces dépôts : 03 6322-2-2 « Rococo plate » et 03 6322-4-4 « Fleur ».

En cause d’appel, Eugénie P G ne poursuit l’infirmation que du seul dépôt 03 6322-2-2 pour le modèle de bague « Rococo plate ».

Sur le fondement de l’article L.511-2 du code de la propriété intellectuelle, elle fait valoir que le modèle de bague « plate » qu’elle a déposé se caractérise par l’assemblage d’un cercle creux (l’anneau) et d’un cercle plein (la partie ornementale) créant un effet de mouvement avec les matières utilisées pour le remplissage de cette seconde partie par des billes de verre, perles de rocaille et paillettes

de verre ; que ce modèle présente un caractère nouveau et singulier en raison de son apparence caractérisée par une combinaison de formes géométriques ; qu’il jouit d’un caractère propre en raison des choix esthétiques et techniques réalisés qui permettent au modèle de se singulariser par une physionomie nouvelle et un aspect esthétique propre par rapport à toute autre création antérieure ce qui traduit un effort de création de la part de son auteur ;

Que c’est à tort que le tribunal a considéré qu’au regard du modèle Cachou prétendument créé antérieurement par la société Hefy-glass, que la bague « plate » lui empruntait l’élément ornemental transparent de forme ronde et aplatie, qualifié de capsule par la société Pylones, pouvant contenir des éléments liquides ou solides, montés sur un large anneau de métal gris, l’apparence moins anguleuse du modèle « Rococo plate » n’en laissant pas moins pour l’observateur averti une impression visuelle d’ensemble qui ne diffère pas de celle du modèle « Cachou » ; que les objets fabriqués par la société Hefy-glass, rachetée en 1996 par la société Pylones, et notamment la bague « Cachou », ne dégagent en aucun cas une impression d’ensemble similaire à la bague « Plate », qui serait susceptible de détruire le caractère individuel de cette dernière ;

Qu’ alors que le modèle « Cachou » présente une forme cylindrique avec des bordures, la forme du modèle « plate » diffère et ne présente aucune tranche, aucun angle, sa partie ornementale étant composée d’un seul ensemble harmonieux aux lignes arrondies et modernes ; que si le modèle prétendument antérieur « Cachou » présente des formes rectilignes, le modèle « plate », quant à lui, reprend la forme d’un galet et présente d’intéressantes oppositions de formes entre les lignes droites et la surface plane de la partie supérieure de la « capsule » et les lignes courbes des bords de cette dernière ; que l’observateur averti est l’acheteur de bijoux fantaisie de consommation courante ou de gamme moyenne, qui attache une importance toute particulière aux détails de forme puisque, pour ce type de produits « fantaisie », ce sont précisément les différences de détails qui déterminent le choix du consommateur au moment de l’achat.

La société Pylones développe des moyens d’irrecevabilité à agir d’Eugénie P G en contrefaçon de dessin et modèle tenant au caractère frauduleux du dépôt, sans toutefois les reprendre au dispositif de ses conclusions, qui seul saisit la cour par application de l’article 954 du code de procédure civile.

Poursuivant la confirmation du jugement de ce chef, elle soutient exactement que c’est l’impression visuelle d’ensemble du modèle qui doit être prise en compte de la part de l’observateur averti et, qu’alors qu’il n’est pas contesté que le modèle Cachou a été divulgué par la société Hefy-glass antérieurement au dépôt, cette bague et la bague « plate » se caractérisent par le montage d’un cylindre plat soudé sur un

large anneau, cylindre en verre creux, d’une épaisseur similaire, dont seuls les bords du modèle Cachou sont légèrement plus anguleux que ceux de la bague « plate » revendiquée par Eugénie P G, ce qui ne saurait suffisamment singulariser ce dernier modèle et lui conférer le caractère nouveau et propre requis par l’article L.511-2 du code de la propriété intellectuelle, l’appelante développant d’ailleurs le même argumentaire pour affirmer que le modèle de bague Cachou contrefait le modèle de bague « plate ».

La cour confirmera donc l’annulation du dépôt 03 6322-2-2 pour le modèle de bague « Rococo plate » et le débouté d’Eugénie P G de toutes ses demandes de ce chef.

Sur le droit d’auteur :

Eugénie P G revendique son droit d’auteur tant sur le modèle de bague Fleur, que sur le modèle de bague « plate ».

La société Pylones lui oppose une fin de non-recevoir tirée de l’absence de démonstration de sa qualité d’auteur.

Se référant aux dispositions de l’article L.113-1 du code de la propriété intellectuelle, elle expose que Eugénie P G n’a pas divulgué ces modèles sous son nom, mais qu’ils l’ont été, avant le dépôt litigieux, sous celui de la société Pylones ou de la société Hefy-glass.

Elle conteste également le processus personnel de création de ces bagues par Eugénie P G, que le croquis qu’elle produit tardivement devant la cour n’établirait toujours pas, pas plus que la qualification de designer qu’elle a pu lui attribuer sur son site internet.

La société Pylones se défend également d’avoir reconnu la qualité d’auteur de certains modèles de bagues en lui versant des royalties, à compter de 2006, qu’elle considère avoir été une simple gratification salariale, non assujettie aux charges sociales pour son travail de soufflage de verre, ce que l’Urssaf a confirmé en lui notifiant un redressement de cotisations.

S’agissant la bague Fleur, elle entend rapporter la preuve d’une commercialisation de ce modèle par la société Hefy-glass, puis par elle-même, par la production de catalogues datés de 1997 et 1999 et des bons de commande mis aux débats ou encore au moyen des attestations de Myriam R et Nathalie F.

En ce qui concerne la bague « plate », la société Pylones soutient qu’il s’agit d’un oeuvre collective, travail commun des ouvriers validé par la directrice artistique, Mme Léna H. Elle rappelle que Eugénie P G a été

recrutée ne 1996 en qualité d’ouvrière atelier verre, poste qu’elle a occupé jusqu’au 1er janvier 2006, où elle a obtenu le statut de cadre, avant de devenir responsable de l’atelier soufflage de verre le 1er novembre 2012 ;

Que si Eugénie P G a pu souffler la forme de la partie ornementale de la bague « plate », elle l’a fait, à partir du matériel et des moyens de son employeur, sans autonomie créatrice ni liberté de choix esthétiques, en s’inscrivant dans l’univers et la gamme des bijoux soufflés développés par la société Hefy-glass à partir de 1987, puis par elle- même, qui ne sont que des variations de formes préexistantes.

Eugénie P G revendique quant à elle être l’auteur des modèles de bagues Fleur et « plate », en contestant la présomption de l’article L.113-1 du code de la propriété intellectuelle au bénéfice de la société Pylones et en affirmant que les catalogues et bons de commandes dont elle excipe étaient destinés à des professionnels et non aux consommateurs.

Se prévalant du constat d’huissier de justice, dressé à sa requête, le 7 avril 2014, elle souligne voir été présentée sur le site internet de la société Pylones en qualité de designer de modèles de bagues et donc de créatrices et rappelle sa titularité des modèles Fleur et Rococo plate déposés.

Elle fait état de la rémunération proportionnelle qu’elle a perçue depuis 2008 en contrepartie d’un accord de licence non formalisé et produit un courriel du directeur juridique de la société Pylones du 5 juin 2012 qui indique que les sommes qui lui sont versées à ce titre correspondent à un pourcentage des ventes des objets créés par elle, ajoutant que cette rémunération concernait les modèles de bague « plat », Fleur, « pop », « star », « rectangle et »tenue de soirée" ; elle produit, en outre, un courrier du 4 octobre 2013 de la société Pylones à son conseil qui reconnaîtrait ses droits et l’existence de la licence verbale ; deux courriels du directeur juridique de la société Pylones du 11 mai 2012 recommandant un dépôt de dessin et modèle et du 7 mai 2012 lui indiquant avoir copie des [ses] dépôts.

Eugénie P G affirme avoir créé les modèles litigieux en dehors de ses heures de travail à l’atelier de soufflage, sans le rapport de la preuve de la moindre instruction esthétique de la part de son employeur, ayant été autonome tout au long du processus de création et fait observer que les bijoux en verre se sont développés la société Pylones à partir de son embauche en 1996, car elle y a apporté son savoir-faire.

À cet effet, sur le modèle de bague « plate » elle verse aux débats un croquis, rejetant le qualificatif d’œuvre collective, faisant observer que sur le site internet, elle figure en qualité designer, comme Francis V,

alors que pour d’autres modèles, le design est attribué à « Pylones studio » ou « le souffle de Pylones ».

Elle produit encore un courrier adressé le 22 août 2012 par la société Pylones qui dénonce à la société Anoki la contrefaçon de bagues créées par Madame Eugénie P G, dont elle dispose du droit exclusif d’exploitation, bagues bénéficiant de la protection cumulative du droit d’auteur et du dépôt à l’I.N.P.I. n°036322, mais aussi un courriel du 1er avril 2014 que lui a adressé le directeur juridique de la société Pylones, postérieur à son licenciement, qui rapporte la découverte de contrefaçons de bagues, vraisemblablement des plates, sur le marché d’Aubervilliers, pour lesquelles le service des douanes l’invite à agir, lui demandant son accord pour intervenir au bénéfice des [ses] modèles.

Concernant la bague Fleur, Eugénie P G produit une attestation d’Emmanuelle V, se présentant comme ancienne responsable de création de la société Hefy-glass, qui indique que le modèle de fleur de cette société était confectionné en verre coloré et n’a donc rien à voir avec le modèle revendiqué par Madame P.

Contrairement à ce qu’affirme Eugénie P Gomes, la société Pylones ne revendique pas la présomption que confère l’article L.113-1 du code de la propriété intellectuelle à celui sous le nom duquel l’œuvre est divulguée, mais soutient qu’elle-même ne peut s’en prévaloir pour ne pas avoir divulgué les modèles de bagues Fleur et « plate » sous le sien.

De fait, Eugénie P G ne produit aucun élément pertinent de la moindre divulgation de ces deux modèles de bagues sous son nom et le tribunal a justement retenu que sa figuration sur le site internet de la société Pylones en qualité de designer, ne venait pas justifier d’une divulgation sous son nom.

Ce faisant, le droit d’auteur naît de la création d’une œuvre de l’esprit, indépendamment de sa divulgation publique, comme le rappellent les articles L.111-1 et L.111-2 du code de la propriété intellectuelle, mais encore faut-il que cette œuvre présente une originalité.

A cet égard, le tribunal a pertinent relevé que la bague Fleur est commercialisée et donc divulgué publiquiement, sous le nom de la société Pylones depuis 1997, (page 10 du catalogue Pylones 1997 et page 39 du catalogue de l’année 1999) sous les mentions « Hefy-glass » et « design : F. V » et que la bague « Rococo plate » apparaît quant à elle sur les bons de commande de la société Pylones au 1er janvier 2003 sous la rubrique Cosmik, antérieurement aux dépôts qu’elle a effectués le 31 décembre 2013, lesquels, en tout état de cause, ont été annulés et ne peuvent asseoir aucun droit de propriété

intellectuelle. Il s’en déduit donc que ces modèles ont été divulgués publiquement.

Le croquis que Eugénie P G produit en cause d’appel pour le modèle de bague « plate », constitué de l’assemblage de trois dessins, commentés d’instructions de fabrication, sans mention de dates, ne peut sérieusement pas être retenu à titre de preuve de son activité créatrice propre, tout comme ne peuvent être retenues ses allégations de création en dehors de ses heures de travail que rien ne vient étayer.

L’attestation d’Emmanuelle V, imprécise en ce qui concerne la bague Fleur, ne peut non plus caractériser l’originalité de sa prétendue création.

La perception de royalties par Eugénie P G de la part de la société Pylones, proportionnellement à certains modèles de bagues, non contestée, ne peut cependant se rattacher à une reconnaissance de licence verbale de sa part et de sa qualité d’auteur, alors que cette pratique n’a débuté, de son propre aveu, qu’en 2008, le tribunal ayant exactement retenu qu’il s’agissait d’une tentative d’éluder le paiement des cotisations sociales sur une partie de son salaire, ce que l’Urssaf a redressé, sans pour autant qu’il ait reconnu à cette décision une autorité en matière de droit d’auteur, mais force est de constater que rien n’a alors été produit à cet organisme pour justifier de l’existence d’un tel droit qui aurait permis d’asseoir cette pratique.

Demeurent toutefois les différents courriels et courriels précités de la société Pylones qui reconnaissent son droit d’auteur et sa mention en qualité de designer sur son site internet.

Mais ces éléments ne dispensent pas Eugénie P G de rapporter la preuve qui lui incombe de ce qu’elle a créé personnellement des œuvres originales que sont les bagues Fleur et « plate », ainsi d’ailleurs que les modèles « pop », « star », « rectangle et »tenue de soirée" pour lesquels elles ne produit aucune pièce de nature à étayer ses allégations.

Or, il doit être relevé que les autres éléments du dossier viennent démontrer son absence d’activité créatrice originale, sans que l’on puisse reprocher à la société Pylones de se contredire à son détriment, étant observé, d’une part que le courrier adressé à un tiers, la société Anoki, l’enjoignant de cesser tout acte de contrefaçon à son égard, ne saurait s’interpréter comme une reconnaissance, en interne, des droits d’auteur d’Eugénie P G, d’autre part, les courriels de mai 2012 à propos des dépôts sont dépourvus de pertinence, ces dépôts ayant été déclaré nuls et, de troisième part, que le statut d’ouvrier souffleur de verre d’Eugénie P G lors du dépôt des dessins et modèles en décembre 2003, seule date à laquelle sa prétendue

création pourrait être rattachée, confronté aux attestations des dames R et F, relatives au processus créatif au sein de l’entreprise sous la direction de artistique de Léna G et au fait que les créations dont elle revendique la propriété s’inscrivent dans la déclinaison de modèles préexistants, suffit à déterminer son absence d’autonomie créative.

Faute de justifier de son droit d’auteur sur les modèles revendiqués, c’est donc à bon droit que le tribunal l’a déclarée irrecevable à agir en justice de ce chef, la déboutant de l’ensemble de ses demandes, ce que la cour confirme. Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Il est équitable d’allouer à la société Pylones une indemnité de procédure de 3.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions frappées d’appel,

Et y ajoutant,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne Eugénie P G à payer à la société par actions simplifiée Pylones la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Eugénie P G aux dépens d’appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l’article 699 du code de procédure civile. prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

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Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 3 avril 2018, n° 17/01353