Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 30 novembre 2021, n° 20/01565

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 1re ch. 1re sect., 30 nov. 2021, n° 20/01565
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 20/01565
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Versailles, 27 janvier 2020, N° 18/03776
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 28A

DU 30 NOVEMBRE 2021

N° RG 20/01565

N° Portalis DBV3-V-B7E-TZV7

AFFAIRE :

H G épouse X

C/

Consorts Y

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Janvier 2020 par le Tribunal Judiciaire de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 18/03776

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

— Me Banna NDAO,

— Me Pierre-Antoine B,

— Me Nicolas A,

— Me J K

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame H G épouse X

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

représentée par Me Banna NDAO, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 667 – N° du dossier 20/024

Me Christine LE FOYER DE COSTIL, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : B0507

APPELANTE

****************

Madame E Y

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

représentée par Me Pierre-Antoine B, avocat – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 719

Madame F Y

née le […] à […]

de nationalité Française

54 rue Pierre-Brossolette

[…]

représentée par Me Nicolas A, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 379 – N° du dossier Y

Me Frédéric AUBIN, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : C608

Monsieur D Y

né le […] à […]

de nationalité Française

23 rue Eugène-Eichenberger

[…]

représenté par Me J K, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 427

Me Raphaël ELFASSI, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : D2194

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 04 Octobre 2021 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente et Madame Nathalie LAUER, Conseiller chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

***************************

Vu le jugement rendu le 28 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Versailles qui a :

— ordonné l’ouverture des opérations de compte liquidation et partage de l’indivision constituée entre Mme H G épouse X, M. D Y, Mme E Y et Mme F Y,

— désigné pour y procéder :

Mme Anne-Marie Picard-Mariscal, notaire,

[…]

Tél. : 01.39.24.57.00 – Fax : 01.39.02.15.92

Courriel : hcm@chambre-versailles.notaires.fr

— dit qu’il appartiendra au notaire chargé des opérations de liquidation d’établir le compte d’administration du ou des biens jusqu’au partage et de déterminer les créances éventuelles de chaque

indivisaire au vu des justificatifs qui lui seront remis par les parties,

— dit que le notaire dressera un état liquidatif établissant les comptes entre co-partageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir, dans le délai d’un an suivant sa désignation, ce délai pouvant être suspendu ou prorogé dans les conditions prévues aux articles 1369 et 1370 du code de procédure civile,

— dit qu’à cette fin, le notaire :

* convoquera les parties et demandera la production de tous documents utiles à l’accomplissement de sa mission,

* pourra se faire communiquer tous renseignements bancaires concernant les parties directement auprès des établissements concernés, des fichiers FICOBA ou AGIRA sans que le secret professionnel puisse lui être opposé,

* pourra s’adjoindre un expert dans les conditions prévues par l’article 1365 du code de procédure civile, aux frais préalablement avancés par les parties dans le délai d’un mois à compter de la demande qui leur en sera adressée par le notaire,

* rendra compte au juge commis des difficultés éventuellement rencontrées et pourra solliciter de lui toutes mesures propres à en faciliter le déroulement,

* pourra, à défaut de présentation des copartageants, les mettre en demeure par acte extrajudiciaire de se faire représenter dans les formes et aux conditions prévues aux articles 841-1 du code civil et 1367 du code de procédure civile,

— désigné le président de la première chambre du tribunal de grande instance de Versailles ou tout juge de la première chambre pour surveiller les opérations de comptes, liquidation et partage, faire rapport sur l’homologation de la liquidation s’il y a lieu, veiller au respect du délai prévu à l’article 1369 du code de procédure civile, et statuer sur les demandes relatives au partage,

— dit qu’en cas d’empêchement du magistrat ou du notaire commis, il sera procédé à leur remplacement par ordonnance rendue sur requête de la partie la plus diligente,

— dit qu’en cas de désaccord des copartageants sur le projet d’acte liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmettra au juge commis un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d’état liquidatif ; le cas échéant, le greffe invitera les parties non représentées à constituer avocat, et le juge commis pourra entendre les parties ou leurs représentants et le notaire et tenter une conciliation, ou il fera rapport au tribunal des points de désaccord subsistant, en qualité de juge de la mise en état,

— dit que le tribunal statuera sur les points de désaccord persistants en application des articles 1374 à 1376 du code de procédure civile,

— débouté M. D Y de sa demande d’inventaire,

— sursis à statuer sur les autres demandes de M. D Y dans l’attente de l’accomplissement de sa mission par le notaire commis,

— débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné les parties aux dépens de la présente instance qui seront employés en frais privilégiés de partage et répartis entre les parties à proportion de leur part, avec faculté de recouvrement au profit

de Mme J K, de M. A et M. B, avocats, conformément à l’article 699 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire du présent jugement,

— renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 24 février 2020 pour retrait du rôle, sauf observations contraires des parties ;

Vu l’appel de ce jugement interjeté le 10 mars 2020 par Mme H G épouse X ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 2 septembre 2021 par lesquelles Mme H G épouse X demande à la cour de :

— infirmer en toutes ses dispositions la décision rendue par le tribunal judiciaire de Versailles,

— en conséquence, statuer à nouveau sur toutes les demandes de Mme X,

Vu l’assignation délivrée par M. D Y,

Vu la donation entre époux de M. L Y du 21 mars 1984,

Vu la déclaration d’option de Mme X du 3 octobre 1984,

Vu l’acte d’inventaire du 5 octobre 1984,

Vu l’article 815-5 al 2 du code civil,

Vu l’article 2224 du code civil,

— juger l’assignation irrecevable pour non-respect de l’article 1360 du code de procédure civile,

— juger toutes les demandes de M. D Y prescrites,

Si la cour ne retenait pas ces demandes,

— débouter M. D Y de son appel incident,

— débouter M. D Y de toutes ses demandes sans aucun justificatif ni fondement légal,

— débouter M. D Y de sa demande d’inventaire, ce dernier ayant été fait après le décès de M. L X,

— débouter M. D Y de ses demandes de justificatif de fonctionnement de comptes bancaires avant et après sa majorité,

— débouter M. D Y d’une quelconque demande de remboursement ou de restitution à son profit, Mme X étant usufruitière,

— débouter M. D Y de sa demande de justificatif des comptes résultant de l’actif net de communauté,

— débouter M. D Y de sa demande de liquidation partage de l’indivision, cette dernière étant impossible avec un usufruitier qui n’est pas un indivisaire,

— débouter M. D Y de sa demande de nomination d’un notaire et d’un juge du siège,

— débouter M. D Y de sa demande de dommages et intérêts particulièrement injustifiée et abusive,

— condamner M. D Y au regard de son assignation sans fondement juridique et abusive et de son comportement envers sa mère à 1 euro de dommages et intérêts moral,

— débouter M. D Y de sa demande d’article 700 et de prise en charge des dépens,

— condamner M. D Y à 4 000 euros d’article 700 et à supporter les dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 12 novembre 2020 par lesquelles Mme F Y demande à la cour de :

Vu l’article 815 du code civil,

Vu l’article 699 et 700 du code procédure civile,

Vu les pièces versées aux débats,

— confirmer le jugement en ce qu’il n’a prononcé aucune condamnation à l’encontre de Mme F Y,

— apprécier les demandes formulées par les parties,

— infirmer le jugement en ce que Mme F Y a été déboutée de sa demande d’article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau,

— condamner la partie succombante à verser la somme de 2 500 euros à Mme F Y au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens dont distraction au profit de M. Nicolas A, avocat au barreau de Versailles ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 13 novembre 2020 par lesquelles Mme E Y demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 699 et suivants du code de procédure civile,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les demandes formulées à l’encontre de Mme E Y,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné l’ouverture des opérations de compte liquidation et partage,

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il n’a pas fait droit à la demande formulée par Mme E Y sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la partie qui succombera à verser à Mme E Y la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la partie qui succombera aux entiers dépens dont distraction au profit de M. B, avocat au barreau de Versailles sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 13 juillet 2021 par lesquelles M. D Y demande à la cour de :

Vu l’article 595 alinéa 4 du code civil,

Vu les articles 815 et suivants du code civil,

Vu les articles 840 et suivants du code civil,

Vu l’article 1094-3 du code civil,

Vu l’article 1686 du code civil,

Vu l’article 909 du code de procédure civile,

Vu les articles 1359 et suivants du code de procédure civile,

Vu le jugement rendu le 28 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Versailles,

— juger Mme H G épouse X mal fondée en son appel,

— débouter Mme H G épouse X de ses demandes, fins et prétentions,

— confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné les opérations de liquidation-partage de l’indivision constituée entre Mme H G épouse X, M. D Y, Mme E Y et Mme F Y ainsi que sur toutes les dispositions en résultant,

Statuant à nouveau :

— déclarer recevable et bien fondé l’appel incident de M D Y,

— infirmer le jugement rendu le 28 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Versailles en ce qu’il a débouté M. Y de sa demande d’inventaire et de condamnation de Mme X à lui verser des dommages et intérêts,

En conséquence :

— ordonner à Mme H G épouse X en sa qualité d’usufruitière de dresser inventaire des meubles ainsi qu’état des immeubles résultant de la succession de M. L Y décédé le […] et faire emploi des sommes revenant à M. D Y,

— condamner Mme H G épouse X à payer à M. D Y, la somme de 11 498 euros arrêtée provisoirement au 14 juillet 2021 et à parfaire, soit 1 euros par jour à compter du 21 janvier 1990 au titre du préjudice moral subi,

— confirmer le jugement pour le surplus,

— condamner Mme H G épouse X à payer à M. D Y, la somme de :

* 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* les entiers dépens et autoriser Mme J K, avocat, à les recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

— ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir qui est de droit ;

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 1er juillet 2021 ;

FAITS ET PROCÉDURE

L Y est décédé le […] laissant pour lui succéder son épouse, Mme H G, commune en biens, et leurs trois enfants : D, E et F alors mineurs.

En vertu d’un acte reçu par M. M N O, notaire associé à La-Garenne-Colombes le 21 mars 1984, Mme G avait été désignée donataire de la toute propriété des biens et droits mobiliers et immobiliers composant sa succession, avec stipulation qu’en cas d’existence de descendants au jour du décès du donateur et si la réduction en était demandée, ladite donation serait réduite à celle des quotités entre époux alors permises par la loi que la donataire choisirait.

Aux termes d’un acte reçu par M. M N O, notaire associé à La-Garenne-Colombes, le 3 octobre 1984, Mme G avait accepté le bénéfice de la donation du 21 mars 1984 et a choisi le quart en pleine propriété et 3/4 en usufruit.

En conséquence, au décès de son époux, Mme H G est devenue propriétaire de la moitié de la communauté pour sa part, propriétaire du quart des biens composant la succession de L Y et usufruitière des 3/4 des biens de la succession.

En raison de la minorité de ses enfants, Mme G a administré seule la succession de L Y.

Arguant qu’il n’avait pas été informé par sa mère de l’existence et du contenu de la succession de L Y, qu’il avait découverte de manière fortuite, M. D Y a, par acte d’huissier de justice en date du 25 mai 2018, fait assigner Mme G et Mme F et E Y devant le tribunal de grande instance de Versailles aux fins de voir ordonner l’ouverture des opérations de compte liquidation et partage de l’indivision constituée entre eux.

C’est dans ces circonstances qu’a été rendu le jugement déféré.

Pour l’exposé détaillé des moyens des parties et conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément référé à leurs écritures susvisées.

SUR CE, LA COUR,

les limites de l’appel

Il résulte des écritures ci-dessus visées que le débat en cause d’appel se présente dans les mêmes termes qu’en première instance, chacune des parties maintenant ses prétentions telles que soutenues devant les premiers juges, à l’exception de Mme E Y qui se rallie en appel à la demande de partage. Mme F Y s’en rapporte à justice sur cette demande.

A titre liminaire,

La cour rappelle que, conformément aux dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions dont elle est saisie, récapitulées au dispositif des dernières conclusions des parties. Or, par prétention, il faut entendre, en application des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile, une demande en justice tendant à ce qu’il soit tranché un point litigieux. La cour ne répondra donc aux moyens soulevés que s’ils viennent au soutien d’une prétention formulée en appel et énoncée au dispositif des dernières conclusions.

La recevabilité de l’assignation en partage

Mme G épouse X fait valoir que le tribunal n’a pas statué sur la recevabilité de l’assignation en partage. À l’appui de sa demande d’irrecevabilité, elle invoque les dispositions de l’article 1360 du code de procédure civile et affirme que les intentions du demandeur quant à la répartition des biens n’y sont pas mentionnées. Elle ajoute que le tribunal a omis de statuer sur cette demande d’irrecevabilité.

M. D Y réplique en substance qu’il a bien tenté d’obtenir un règlement amiable de la succession de son père mais que les diverses tentatives ont échoué.

Appréciation de la cour

L’article 1360 du code de procédure civile dispose qu’à peine d’irrecevabilité, l’assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable.

En l’espèce, M. D Y produit en pièce n° 16 à 20 les courriers adressés par son conseil à ses coïndivisaires en vue de parvenir à un règlement amiable du litige et le jugement a constaté que son assignation contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager. La cour constate que c’est également le cas des courriers produits en pièce n° 16 à 20. Par ailleurs, les intentions de M. D Y qui y sont mentionnées sont d’être rempli de ses droits. Le jugement déféré, dans ses motifs, rejette la fin de non-recevoir soulevée par les défendeurs mais omet de statuer sur leur demande dans le dispositif. Il sera donc ajouté au jugement déféré sur ce point de sorte que la fin de non-recevoir sera rejetée et l’assignation en partage déclarée recevable.

La prescription de la demande de partage

Mme G épouse X prétend que cette demande est prescrite, L Y étant décédé le […], soit il y a 37 ans de sorte qu’elle est propriétaire du patrimoine successoral de son conjoint depuis plus de 30 ans. Elle dit donc opposer la prescription trentenaire à la procédure intentée abusivement par M. D Y et même la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil dès lors que D Y qui est majeur depuis de nombreuses années avait largement le temps depuis sa majorité pour intenter lui-même une action contre sa mère ou tout du moins pour solliciter officiellement des explications, ce qu’il n’a jamais fait. Elle considère également qu’il ne peut se défendre en indiquant qu’il n’avait pas connaissance de la succession de son père et qu’il ne pouvait agir qu’à partir du moment où il aurait eu à disposition certains éléments.

Appréciation de la cour

Selon l’article 815 du code civil, nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention.

Ainsi, le droit de demander le partage est imprescriptible et peut être exercé tant que subsiste l’indivision (Cass. 1re civ., 12 déc. 2017, n° 06-20.830 : JurisData n° 2007-041904. – Cass. 1re civ., 24 mai 2018, n° 17-18.270 : JurisData n° 2018-008681).

C’est donc à tort que Mme G épouse X prétend que la demande de partage est prescrite. Sa demande d’irrecevabilité pour cause de prescription sera donc rejetée.

Le bien-fondé de la demande de partage

Mme G épouse X poursuit l’infirmation du jugement en ce qu’il a ordonné l’ouverture des

opérations de partage de la succession de L Y. À l’appui, elle fait valoir qu’elle a incontestablement bénéficié d’une donation entre époux qui lui confère depuis le décès de son mari outre sa part en pleine propriété, l’usufruit de tout le patrimoine successoral. Elle rappelle qu’il n’y a pas d’indivision entre l’usufruitier et le nu-propriétaire, les droits respectifs de l’usufruitier et du nu-propriétaire étant de nature distincte de sorte qu’il ne peut y avoir partage et donc licitation entre l’usufruitier et le nu-propriétaire. Elle en déduit que M. D Y fait un amalgame infondé lorsqu’il réclame sans distinction à sa mère et à ses s’urs de pouvoir sortir de l’indivision en évoquant l’article 815 du code civil. Elle affirme qu’il ne peut réclamer qu’à ses s’urs la possibilité d’un partage ou d’une licitation de ses droits en nue-propriété mais absolument pas à sa mère. Elle invoque au demeurant l’article 815-5 alinéa 2 du code civil suivant lequel le juge ne peut, à la demande du nu-propriétaire ordonner la vente de la pleine propriété d’un bien grevé d’usufruit contre la volonté de l’usufruitier. Elle ajoute que le fait qu’elle soit indivisaire sur les parties dont elle est nu-propriétaire, ne la rend pas indivisaire sur les biens dont elle est usufruitière, c’est-à-dire sur la totalité du patrimoine. Elle en déduit que tant qu’elle sera usufruitière de tout le patrimoine, aucun nu-propriétaire ne pourra l’obliger à mettre fin à son usufruit et intégrer ce dernier dans le cadre d’un partage.

M. D Y et Mme E Y sollicitent la confirmation du jugement sur ce point, la seconde observant que suite au jugement de première instance et compte tenu de ses lourds problèmes de santé, elle a été amenée à reconsidérer sa position qui l’avait conduite en première instance à s’opposer à l’ouverture des opérations de compte liquidation et partage. Elle dit en effet avoir pris conscience de la nécessité de la mise en 'uvre rapide de ces opérations de partage afin de les faciliter et d’apaiser le différend qui oppose principalement son frère à sa mère.

Mme F Y observe de manière générale que les demandes ne sont pas dirigées contre elle. Toutefois, elle précise qu’elle ne souhaite pas sortir de l’indivision et demande à la cour d’apprécier sans nulle approbation ou renonciation à ses droits.

Appréciation de la cour

C’est aux termes d’exacts motifs adoptés par la cour que le jugement déféré a retenu que s’il est exact qu’il n’y a pas d’indivision quant à la propriété d’un immeuble entre l’usufruitier et le nu-propriétaire qui sont titulaires de droits différents et indépendants l’un de l’autre, il en va différemment lorsque, comme en l’espèce l’on se trouve en présence d’ un plein propriétaire sur une quote-part, titulaire d’un usufruit sur le surplus, face à un nu- propriétaire (Cass. Civ 1 12 janvier 2011 n° 9-17. 298).

Mme X est en effet propriétaire du 1/4 de la succession et usufruitière des 3/4 restants. Son droit en pleine propriété ne porte que sur une quote-part de la succession, Mme F Y, Mme E Y et M. D Y étant nus propriétaires du surplus. Il suffit de rappeler que la pleine propriété porte en elle usufruit et nue-propriété. Mme G épouse X, au titre du quart en pleine propriété et ses enfants, au titre de leur nue-propriété sur les autres trois quarts, sont bien en indivision quant à l’abusus. C’est donc vainement que Mme G épouse X invoque les dispositions de l’article 815-5 alinéa 2 du code civil.

M. D Y est donc bien en droit de provoquer le partage pour faire déterminer sa part en nue- propriété. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a ordonné l’ouverture des opérations de partage.

La demande d’inventaire

Au fondement de l’article 1094-3 du code civil, M. D Y poursuit l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a débouté de cette demande. Il observe que le jugement a relevé à bon droit que l’objet même de l’assignation excluait toute possibilité d’intentions véritablement déterminées à ce jour, selon lui, parce qu’il ne connaît que la partie du patrimoine existant en 1984 de sorte qu’il demande

un inventaire car c’est Mme G épouse X, la mère des trois coïndivisaires qui a toujours géré le patrimoine de la succession à l’insu de ses enfants. Il estime donc indispensable que la cour ordonne un inventaire des meubles et état des immeubles au préalable afin de permettre une meilleure efficacité des opérations de liquidation-partage. Il souligne que Mme G épouse X doit d’ailleurs justifier de sa gestion des biens.

Mme G épouse X réplique que suite au décès de son époux, elle a assumé tant la totalité des frais de scolarité et besoins de ses enfants et petit-fils que les conséquences financières des condamnations pénales de son fils outre ses frais d’accompagnement thérapeutique. Elle ajoute que les biens immobiliers qui ont été vendus l’ont été avec l’autorisation du juge des tutelles et que les enfants en ont perçu leur part. Quant aux comptes bancaires, elle rétorque que M. D Y ne pouvait pas ne pas avoir connaissance de ces comptes qui apparaissent dans son assignation. Elle souligne d’ailleurs qu’il a effectué de nombreux retraits sur l’un de ces comptes. Pour le surplus, elle observe que L Y étant mort en 1984, c’est-à-dire il y a 37 ans, la prescription est totalement applicable à la recherche de ce que sont devenus ces comptes bancaires. Elle soutient d’ailleurs que la demande concernant l’ensemble des opérations bancaires intervenues depuis plus de 30 ans est impossible et sans fondement juridique et rappelle que depuis le décès de leur père, elle a continué à vivre et à faire vivre ses trois enfants.

Par ailleurs, elle rappelle que les enfants étant mineurs au décès de leur père, un inventaire a été établi par le notaire au décès de L Y et qu’il n’y a aucune obligation légale de refaire à ce jour un nouvel inventaire. Elle observe au demeurant qu’à l’exception de ce qui a été vendu, tout le patrimoine existe encore et se trouve parfaitement géré.

Appréciation de la cour

En application de l’article 1094-3 du code civil, les enfants ou descendants pourront, nonobstant toutes dispositions contraires du disposant, exiger, quant aux biens soumis à usufruit, qu’il soit dressé inventaire des meubles ainsi que l’état des immeubles, qu’il soit fait emploi des sommes et que les titres au porteur soit, au choix de l’usufruitier, convertis en titre nominatif ou déposés chez un dépositaire agréé.

En l’espèce, Mme G épouse X produit en pièce n° 17 l’inventaire établi par acte notarié du 5 octobre 1984 suite au décès de L Y, lequel établit les forces de la succession à la date précise du décès. La demande d’inventaire supplémentaire est donc injustifiée, étant observé de plus qu’il résulte des écritures de M. D Y que sa demande s’analyse davantage en une demande de justification de l’emploi qui a été fait des biens successoraux par Mme G épouse X, ce qui nécessite d’être débattu lors des opérations de partage dont est chargé le notaire liquidateur. Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

Les demandes indemnitaires

À l’appui de leurs demandes respectives de dommages et intérêts, Mme G épouse X et M. D Y se font des reproches réciproques quant à leurs comportements respectifs suite au décès de leur époux et père. Pour autant, il n’est pas démontré que les dissensions relatives à la liquidation de la succession de L Y puissent en elles-mêmes revêtir la qualification de faute au sens de l’article 1240 du code civil. En l’absence par ailleurs de toute démonstration de tout autre comportement susceptible de constituer une faute au sens de ce même texte, Mme G épouse X et M. D Y seront déboutés de leurs demandes respectives à ce titre de sorte que le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a sursis à statuer sur la demande indemnitaire de M. D Y.

Les demandes accessoires

Mme E Y forme appel incident de la disposition du jugement l’ayant déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. À l’appui, elle fait valoir qu’elle ne doit sa présence dans la présente instance qu’à sa qualité de nue-propriétaire de la succession de son père et n’a jamais été en charge de la gestion de cette succession ni même décisionnaire à quelque titre que ce soit. Elle indique que ses ressources ne lui permettent pas de supporter les dépenses induites par la défense de ses intérêts.

Mme F Y forme également appel incident du jugement à cet égard. Elle fait valoir qu’aucune responsabilité n’est invoquée, ni même aucune demande formulée à son encontre. Elle en déduit qu’elle n’a pas à subir les affres d’une procédure judiciaire qui lui coûte du temps, de l’argent et un stress significatif. Elle demande donc que la partie qui succombera l’indemnise des frais exposés et du temps passé à s’occuper de ce dossier qui la confronte une nouvelle fois au décès douloureux de son père.

Appréciation de la cour

L’assignation en partage judiciaire était nécessaire dès lors qu’en application de l’article 815 du code civil nul ne peut être contraint de rester dans l’indivision et qu’un partage amiable n’a pu intervenir. De plus, il incombait à M. D Y d’appeler en la cause tous les indivisaires. Il en découle que le jugement déféré a exactement statué sur les dépens et sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile. Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

Les dépens d’appel seront employés en frais privilégiés de partage. En raison de la nature familiale du litige, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

DÉBOUTE Mme G épouse X de sa demande d’irrecevabilité de la demande en partage pour cause de prescription,

INFIRME le jugement rendu le 28 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Versailles uniquement en ce qu’il a sursis à statuer sur la demande de dommages et intérêts de M. D Y,

Et, statuant à nouveau et y ajoutant,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’assignation en partage,

En conséquence,

DÉCLARE recevable l’assignation en partage du 25 mai 2018,

DÉBOUTE M. D Y de sa demande de dommages et intérêts,

DÉBOUTE Mme G épouse X de sa demande de dommages et intérêts,

CONFIRME pour le surplus le jugement rendu le 28 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Versailles,

DIT que les dépens d’appel seront employés en frais privilégiés de partage,

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 30 novembre 2021, n° 20/01565