Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 10 mars 2022, n° 19/02644

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 6e ch., 10 mars 2022, n° 19/02644
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 19/02644
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nanterre, 23 mai 2019, N° 17/02328
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES


Code nac : 80C

6e chambre

ARRET N°140


CONTRADICTOIRE


DU 10 MARS 2022


N° RG 19/02644 – N° Portalis DBV3-V-B7D-TI5O


AFFAIRE :

H X


C/

SASU COMPAGNIE IBM FRANCE


Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 24 Mai 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE


N° Chambre :


N° Section : E


N° RG : 17/02328


Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Agnès LASKAR

Me Oriane DONTOT

le : 11Mars 2022

Expédition numérique délivrée à Pôle Emploi, le 11 Mars 2022

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


LE DIX MARS DEUX MILLE VINGT DEUX ,


La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant,fixé au 03 Mars 2022,puis prorogé au 10 Mars 2022, les parties ayant été avisées, dans l’affaire entre :
Monsieur H X

né le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]


Représenté par : Me Agnès LASKAR, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0710

APPELANT

****************

SASU COMPAGNIE IBM FRANCE


N° SIRET : 552 118 465

[…]

92270 BOIS-COLOMBES


Représentée par : Me Blandine ALLIX de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0461 ; et Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617

INTIMEE

****************

Composition de la cour :


En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 Janvier 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,


Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT,

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES


La Compagnie IBM France est spécialisée dans le secteur d’activité des prestations de service informatique, conseil et assistance, conception et commercialisation de logiciels, serveurs, solutions cloud et intelligence artificielle. Elle emploie plus de 5 000 salariés. M. H X, né le […], a été engagé par la Compagnie IBM France à compter du 1er juin 1995 en qualité d’ingénieur élève, statut cadre.


La relation de travail s’est poursuivie à compter du 1er janvier 1998 dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 3 février 1998, M. X occupant un poste de cadre, position III A2, coefficient 160 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.


En juillet 2011, il a été nommé vice-president au sein de l’entité STG (Systems and Technology Group) d’IBM France.


En août 2014, il a été nommé vice-president TSS K Europe (Technology System Services Multi-Vendor Services), au sein de l’entité GTS (Global Technology Services).


Il bénéficiait du statut interne 'G', 'Band C’ et occupait un poste de cadre, position III C2, coefficient 280.


En dernier lieu et depuis avril 2017, M. X était en charge, au sein de l’entité GTS France, d’une mission d’accélération du business development K (Multi-Vendor Services) chez les clients d’IBM France. Il percevait une rémunération fixe mensuelle de 16 477 euros bruts.


Par requête reçue au greffe le 31 août 2017, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la Compagnie IBM France.


Le 15 janvier 2018, le salarié a été placé en arrêt de travail.


Le 4 juin 2019, à l’issue de la visite de reprise, le médecin du travail a établi un avis d’inaptitude.


Le médecin du travail a convoqué M. X à une nouvelle visite médicale, fixée au 18 juin 2019, à laquelle il ne s’est pas rendu. Après avoir procédé à une étude de poste, le médecin du travail a confirmé l’inaptitude du salarié dans un nouvel avis d’inaptitude en date du 18 juin 2019, en précisant que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.


Par courrier du 3 juillet 219, M. X a été convoqué à un entretien préalable fixé au 12 juillet 2019, auquel il ne s’est pas présenté. Il s’est vu notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 16 juillet 2019 ainsi rédigée :

« Par lettre en date du 3 juillet 2019, nous vous avons convoqué à un entretien préalable fixé au 12 juillet 2019 afin de vous exposer les motifs conduisant à envisager votre licenciement.

Vous ne vous êtes pas présenté à cet entretien.

Vous avez été en arrêt maladie du 15 janvier 2018 au 3 juin 2019.

Une visite médicale de reprise a été organisée le 4 juin 2019. A l’issue de cette visite, le médecin du travail a établi un premier avis d’inaptitude.

Le médecin du travail vous a convoqué à une nouvelle visite médicale fixée au 18 juin 2019 à laquelle vous ne vous êtes pas rendu. Après avoir échangé avec IBM et procédé à une étude de votre poste et de vos conditions de travail, le médecin du travail a alors confirmé votre inaptitude en établissant un nouvel avis d’inaptitude en date du 18 juin 2019.

Dans cet avis d’inaptitude, le médecin du travail a coché la mention suivante 'l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'.

Compte tenu de l’impossibilité de vous reclasser en application des dispositions légales, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour inaptitude médicalement constatée et impossibilité de reclassement.

En application de l’article L. 1226-4 du code du travail, votre licenciement prend effet à la date de notification de la présente, sans préavis, ni indemnité compensatrice de préavis. (…) »


Par jugement rendu le 24 mai 2019, le conseil de prud’hommes de Nanterre a :


- rejeté la demande de M. X de résiliation judiciaire de son contrat de travail,


- fixé le salaire moyen de M. X à 18 268 euros,


- débouté M. X de toutes ses autres demandes,


- débouté la société IBM France de sa demande 'reconventionnelle’ au titre de l’article 700 du code de procédure civile


- dit que chacune des parties conservera à sa charge ses éventuels dépens.

M. X a interjeté appel de la décision par déclaration du 20 juin 2019.


Par conclusions adressées par voie électronique le 11 janvier 2022, il demande à la cour de :


- réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre du 24 mai 2019,


- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. X aux torts de la Compagnie IBM France,

A titre principal,


- juger que la résiliation judiciaire produira les effets d’un licenciement nul,

A titre subsidiaire,


- juger que la résiliation judiciaire produira les effets d’un licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

A titre infiniment subsidiaire,


- juger que le licenciement pour inaptitude est sans cause réelle ni sérieuse,

En tout état de cause,


- débouter la Compagnie IBM France de ses demandes,


- fixer le montant de salaire moyen de M. X à 25 287,67 euros à titre principal et à 22 108,25 euros à titre infiniment subsidiaire,


- condamner la Compagnie IBM France à payer à M. X :

* rappel de rémunération variable pour l’année 2017 : 96 390 euros et 9 639 euros de congés payés afférents, * rappel de rémunération variable pour l’année 2018 : 96 390 euros et 9 639 euros de congés payés afférents,

* indemnité compensatrice de préavis : 151 726 euros à titre principal et 132 649,50 euros à titre infiniment subsidiaire,

* congés payés sur indemnité compensatrice de préavis : 15 172,60 euros à titre principal et 13 264,95 euros à titre infiniment subsidiaire,

* indemnité pour licenciement nul, à titre subsidiaire indemnité pour résiliation judiciaire produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle ni sérieuse : 900 000 euros,

* à titre subsidiaire indemnité pour résiliation judiciaire produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle ni sérieuse, à titre infiniment subsidiaire pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse : 442 534,225 euros

* dommages et intérêts pour harcèlement, exécution déloyale du contrat de travail et non-respect de l’obligation de sécurité 'de résultat’ : 500 000 euros,

* dommages et intérêts pour perte de RSU acquises : 28 174 euros,

* dommages et intérêts pour perte de chance de RSU non octroyées : 55 000 euros,

le tout avec intérêts à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,


- ordonner la capitalisation des intérêts,


- condamner la Compagnie IBM France à payer à M. X la somme de 5 000 au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


- condamner la Compagnie IBM France aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par Me Laskar sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.


Par conclusions adressées par voie électronique le 20 décembre 2021, la Compagnie IBM France demande à la cour de :

A titre principal,


- juger que les prétendus manquements d’IBM sont inexistants et qu’en tout état de cause, M. X ne justifie pas, pour pouvoir obtenir une résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts d’IBM France, de manquements graves empêchant la poursuite de son contrat de travail,


- juger que l’intégralité des demandes de M. X est infondée,

en conséquence,


- confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. X de l’intégralité de ses demandes,

y ajoutant,


- juger recevable la demande d’IBM de juger le licenciement de M. X régulier et reposant sur une cause réelle et sérieuse,


- juger que le licenciement de M. X pour impossibilité de reclassement suite à son inaptitude non professionnelle, est régulier et repose sur une cause réelle et sérieuse,


- condamner M. X aux entiers dépens d’appel,


- condamner M. X à régler à IBM France la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour venait à faire droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de M. X,


- limiter les condamnations aux sommes suivantes :

* 109 608 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 10 960,80 euros brut de congés payés afférents,

* 109 608 euros brut à titre d’indemnité pour licenciement nul, si la cour jugeait que la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement nul,

* 54 804 euros brut à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, si la cour jugeait que la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans que ce montant ne puisse, en tout état de cause, être supérieur à 301 422 euros brut,

* 31 256 euros brut à titre d’indemnité pour non-attribution de RSU en 2017 et 2018,

* 10 000 euros brut à titre d’indemnité pour perte de chance d’exercer les RSU octroyées,


- fixer la condamnation au titre de l’article 700 à de plus justes proportions.


Par ordonnance rendue le 12 janvier 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 14 janvier 2022.


En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS

Sur la rémunération variable

M. X fait ici valoir qu’il a perçu tous les ans une rémunération variable depuis qu’il a été nommé 'G’ en 2007, ainsi que cela résulte de documents émis par IBM avec le montant 'cible’ de la rémunération variable et l’historique de la rémunération perçue, que le principe de la rémunération variable était en outre acquis dans le courriel du 5 août 2014 du président d’IBM France, M. H Y, lui annonçant son changement de poste, qu’ainsi la rémunération variable était contractualisée, que dans la mesure où il n’a pas eu d’objectifs en 2017 et en 2018, la rémunération variable de 2017 est due en totalité à hauteur du montant cible de 96 390 euros fixé par IBM, outre les congés payés afférents, étant observé que lors du versement de la rémunération variable en mars 2018, il était bien dans les effectifs d’IBM mais en arrêt maladie, ce qui ajoute encore à la discrimination qu’il prétend avoir subie par ailleurs à raison de son âge, mais ici du fait de son état de santé.


Il soutient ensuite que sa rémunération pendant son arrêt maladie doit être basée sur son salaire moyen et non sur son salaire fixe, que dans la mesure où il avait vocation à percevoir une rémunération variable en 2018 pour 2017, la rémunération moyenne qui aurait dû lui être versée pendant l’arrêt maladie aurait dû inclure cette rémunération variable, qu’il lui est donc dû le montant de la rémunération variable qui doit être fixée au même montant qu’en 2017, soit 96 390 euros, outre les congés payés afférents.


La Compagnie IBM France explicite que le salarié cadre ayant le statut d’G perçoit un salaire fixe qui est contractuel ; qu’il peut se voir proposer un plan de commissionnement à durée déterminée (en général un semestre), lequel, s’il est accepté par le salarié, constitue un avenant à son contrat de travail et donne lieu au versement, à objectifs atteints, de commissions ('AIP SE') en sus de la partie fixe de la rémunération, ces commissions ayant ainsi une nature contractuelle ; que si aucun plan de commissionnement n’est proposé à l’G ou si celui-ci refuse le plan de commissionnement proposé, il est alors éligible, sous réserve de remplir certaines conditions, à un bonus discrétionnaire dit 'bonus AIP’ qui n’est pas lié à l’atteinte d’objectifs et est versé, en cas d’octroi, en plus du salaire fixe ; que ce bonus AIP résulte d’une volonté unilatérale de la société et n’est pas soumis à l’acceptation du salarié, qu’ainsi il ne relève pas du socle contractuel.


Elle énonce que le dernier plan de commissionnement AIP SE proposé à M. X, qui l’a accepté, démarrait le 1er janvier 2014 et prenait fin le 30 juin 2014 ; qu’au titre du premier semestre 2014, le salarié a donc perçu, outre un acompte de prime de fin d’année ('acompte PFA'), une partie fixe et une partie variable fonction de l’atteinte de ses objectifs, dénommée 'Comp. Varia AIP SE’ sur les bulletins de paie ; que ce plan de commissionnement a pris fin à l’issue du premier semestre 2014 ; qu’à compter du second semestre 2014, le salarié est revenu sur la structure de rémunération initiale composée, outre l’acompte PFA, de son salaire fixe contractuel, ce qui ne nécessitait pas de conclure un avenant à son contrat de travail ; qu’il a cependant été éligible au programme de bonus AIP issu d’un engagement unilatéral, qui ne nécessitait donc pas non plus d’avenant et ne peut constituer une modification de la rémunération contractuelle ; que le salarié a perçu au titre du second semestre 2014, un bonus AIP d’un montant de 31 875 euros brut, versé en mars 2015 ; que les termes du courriel en date du 5 août 2014 de M. Y dont tente de se prévaloir M. X ne permettent aucunement de retenir que le bonus AIP auquel il est devenu éligible à compter du second semestre 2014 est contractuel ; que l’appelant ne peut solliciter la condamnation d’IBM à lui verser un rappel de bonus AIP au titre des années 2017 et 2018 dès lors qu’il ne réunissait pas les conditions d’attribution de ce bonus discrétionnaire pour ces périodes.


En l’espèce, l’employeur justifie de l’acceptation par M. X d’un plan de commissionnement pour le premier semestre 2014. Les bulletins de paie versés aux débats font état du versement de commissions ('Comp. Varia AIP SE') pour un montant de 9 853,06 euros en décembre 2013 et pour un montant total de 69 0615, 36 en 2014, tandis que les bulletins de paie des années 2015, 2016 et 2017 mentionnent le paiement, au mois de mars de chaque année, d’un bonus AIP ('Comp. Variable AIP') s’élevant respectivement à 31 875 euros, 63 457 euros et 58 749 euros, ce qui démontre que, comme le fait valoir la Compagnie IBM France, le salarié a bénéficié du programme de bonus AIP en 2015, 2016 et 2017.


Contrairement à ce que soutient M. X, le courriel du 5 août 2014 par lequel M. Y lui a confirmé son affectation au poste de vice-president TSS Multi-Vendor Services, se limitait à lui indiquer que « la structure de votre rémunération variable pourra être adaptée conformément à votre nouveau rôle », ce qui ne constituait aucun engagement de la part du président de la société de lui verser une rémunération variable, étant au demeurant observé qu’à cette date le plan de commissionnement AIP SE pour le premier semestre 2014 avait pris fin et qu’en outre le salarié ne démontre pas qu’il s’était vu proposer un nouveau plan de commissionnement.


L’employeur produit deux courriels des 4 avril 2017 et 16 mars 2018 par lesquels M. X a été informé de son éligibilité au Programme incitatif annuel (AIP) pour les années 2017 et 2018, le bonus incitatif objet de ce programme étant lié à l’atteinte des résultats globaux d’IBM, aux résultats des unités d’affaires et à la contribution individuelle. Il y était précisé que le CEO (chief G officer) pourrait ajuster, à sa discrétion, à la baisse ou à la hausse, le montant du bonus AIP. Ces courriels invitaient en outre le salarié à se référer au site intranet 'w3 IBM G Compensation’ pour plus d’informations sur les critères de mesure de performance, ceux liés à l’entité ainsi que sur sa déclaration de rétribution personnelle.


Il se déduit de ces constatations que M. X est mal fondé en sa demande de rappel de rémunération variable tant au titre de l’année 2017 que de l’année 2018, compte tenu du caractère discrétionnaire et non contractuel du bonus dont il revendique le paiement.


Le jugement entrepris qui l’a débouté de ses demandes de ce chef sera confirmé.

Sur la résiliation judiciaire


Lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d’autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C’est seulement dans le cas contraire qu’il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.


Il appartient au salarié de rapporter la preuve des manquements invoqués, le juge appréciant si la gravité des manquements justifie la résiliation du contrat. Le manquement suffisamment grave est celui qui empêche la poursuite du contrat.


Lorsque le salarié n’est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement.


En l’espèce, M. X fonde sa demande de résiliation du contrat de travail aux torts de la Compagnie IBM France sur une discrimination liée à l’âge et sur un harcèlement moral dont il prétend avoir été victime. Il en déduit que la résiliation judiciaire doit produire les effets d’un licenciement nul.


La Compagnie IBM France rétorque que le salarié ne justifie pas de manquements suffisamment graves pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur.


Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.


L’article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, prévoit qu’en cas de litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe alors à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.


Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.


En l’espèce, M. X énonce qu’il a subi une première fois une éviction brutale de son poste en juillet 2014, qu’il a été muté au sein de TSS K qui était en fort déclin, alors que jusque-là il dirigeait une entité STG de plus de 500 personnes et gérait un chiffre d’affaires de 482 Meuros, qu’au même moment il a été évincé du Comex d’IBM France même s’il a continué à être rattaché hiérarchiquement au président d’IBM France, H Y, qu’il s’est vu imposer unilatéralement une baisse de sa rémunération variable. Il fait valoir qu’en tant que vice-president TSS K Europe, il a pourtant obtenu des résultats exceptionnels pour lesquels il a été félicité et grâce auxquels ses deux supérieurs successifs ont été promus, il a réussi à mettre son entité TSS K en croissance pendant dix trimestres consécutifs alors que le secteur dont il dépendait était en décroissance dans le monde entier.


Il indique qu’en 2017, il a été pour la seconde fois évincé brutalement de son poste de dirigeant de l’entité K Europe sans être affecté à un nouveau poste ou à une nouvelle mission, qu’en janvier 2018, il a été déclassé et rattaché hiérarchiquement à Mme C Z, directrice générale de l’entité GTS France, qui elle-même reportait au président d’IBM France, qu’il n’a eu aucun entretien avec Mme Z, laquelle a annulé à maintes reprises ses rendez-vous, qu’il a été muté comme simple responsable développement de K France, sans aucune équipe à manager et sans plus aucune responsabilité ni stratégique, ni de recrutement, ni d’investissement, qu’aucun objectif de chiffre d’affaires ne lui a été fixé alors qu’il avait vocation à percevoir une rémunération variable, que les deux missions vaguement décrites par l’employeur qui lui ont été confiées étaient déjà effectuées par des membres de son ancienne équipe, que ses agendas sont révélateurs de son déclassement, qu’il était ignoré de tous, qu’il n’a reçu aucune augmentation en 2017 et 2018, que pour la première fois depuis 2007 et qu’il est exécutif, il n’a reçu aucune rémunération variable en 2018, qu’il n’a reçu aucune action (RSU) en 2017 ni en 2018 alors qu’il en recevait tous les ans depuis 2007.


Il fait enfin valoir que du fait des agissements dont il a été victime, il a été arrêté à partir du 15 janvier 2018 pour dépression, étant ensuite placé en longue maladie.


Sur ce, il résulte des entretiens annuels d’évaluation (PBC) du salarié, que de 2007 à 2011, il a été noté '2+', soit 'au-dessus de la moyenne des contributeurs', puis que de 2012 à 2015, il a été noté '2', soit 'contributeur sur lequel on peut s’appuyer'.


Son évaluation pour 2008 indique que tous les objectifs ont été atteints et que certaines transactions remarquables ont été clôturées, que M. X est programmé pour un avenir prometteur dans l’entreprise ; son évaluation pour 2009 fait état d’un vrai leadership personnel, confirmant les perspectives très prometteuses au sein de la compagnie. En 2010, le salarié a atteint ses objectifs de revenu et il est noté qu’à l’issue du premier semestre 2011, il a augmenté de 17 % le chiffre d’affaires et de 15 % les profits de la business unit FSS (Finance) au sein de laquelle il était vice-president.


En juillet 2011, il a été nommé vice-president au sein de l’entité STG (Systems and Technology Group) d’IBM France, entité employant 589 salariés, selon un tableau transmis par la direction des ressources humaines en avril 2014, et réalisant un chiffre d’affaires de plus de 500 millions d’euros mais dont il était relevé en 2011 qu’elle intervenait sur un marché très difficile.


Il était rattaché hiérarchiquement au président d’IBM France, M. Y. Il faisait partie du Comex (comité exécutif).


Le 5 août 2014, et alors que selon les différents courriels versés aux débats, M. X recherchait un nouveau poste dans le groupe, notamment à l’international (Singapour, Japon ou encore Etats-Unis), M. Y l’a informé de son affectation au poste de vice-president TSS Multi-Vendor Services (K) au sein d’IBM Europe et l’annonce officielle de sa nomination est intervenue dès le lendemain, sans attendre la réponse de l’intéressé. M. X s’est étonné de la soudaineté de cette décision dans un courriel adressé à M. Y le 6 août 2014, indiquant que si cette affectation avait été évoquée, elle lui avait été présentée comme une simple éventualité, qu’il n’avait pas terminé ses discussions avec M. T U B, general manager TSS, qu’il aurait souhaité comprendre la stratégie, les enjeux, les objectifs de croissance, la concurrence dans ce domaine qu’il ne connaissait pas, mais aussi connaître notamment les moyens qui lui seraient alloués ainsi que sa rémunération, qu’il aurait donc préféré pouvoir choisir ce poste en toute connaissance de cause ou alors rester sur son poste actuel le temps de trouver un poste à l’international. Si M. Y lui a répondu qu’il n’y avait aucune soudaineté dans sa décision, dès lors que ce poste de vice-president TSS K était évoqué depuis plusieurs semaines, il sera cependant relevé qu’aucune description du poste n’est fournie par l’employeur et que plusieurs points restaient à définir, notamment la rémunération variable, ce qui témoigne du caractère pour le moins brutal de cette mutation, d’autant plus que dès le 6 août, le salarié a été écarté du Comex.


Le courriel de M. J A, K L and alliance manager leader, à M. X en date du 14 août 2014 témoigne des résultats insatisfaisants de l’entité K à l’époque de sa nomination, M. A écrivant que « la vue financière au 1H 2014 (…) n’est pas bonne du tout », « nous avons beau définir des axes/actions de croissance mais quand nos sales TSS ne focussent que sur la partie IBM, on a du mal à atteindre les objectifs … ».


Malgré ce contexte peu favorable, les pièces produites par M. X font état, après sa nomination au poste de vice-president TSS K, de succès, de la signature de contrats majeurs (Unify et WPP – Cf. PBC pour 2015), de perspectives de 'mega deals', d’un chiffre d’affaires en croissance, le compte-rendu d’évaluation pour 2015 faisant également état d’une bonne dynamique pour le business, d’une importante énergie investie par le salarié dans la constitution de l’équipe K (il a recruté 25 personnes en 2015). M. X se voit félicité par les équipes mondiales pour le travail effectué, notamment en décembre 2016 pour la signature du contrat 'Manala', partenariat stratégique entre le Crédit mutuel et IBM France qu’il a lancé en octobre 2014, M. Y lui adressant un courriel de félicitations. En juillet 2017, une note interne sur les résultats de la business unit GTS, à laquelle appartient l’entité TSS, atteste d’une croissance de l’entité K pour le dixième trimestre consécutif, et ce tandis que dans le même temps TSS a terminé sans croissance, que le chiffre d’affaires de GTS Europe a globalement diminué, avec la perte de parts de marché.


Pourtant, le 21 mars 2017, M. M D, qui a remplacé M. B comme general manager TSS et auquel le salarié rend compte de ses activités, a écrit à M. X qu’il était prêt à annoncer la nouvelle organisation de TSS Europe et que le nouveau rôle du salarié serait annoncé prochainement, ce qu’il a confirmé dans un nouveau courriel du 11 avril 2017 en précisant que la transition avec le remplaçant de M. X se ferait dans les deux semaines suivantes.


Par courriel du 10 avril 2017, Mme C Z a confirmé à M. X son affectation sur une mission d’accélération du business development K chez les clients français, se traduisant par l’organisation de visites chez des clients ciblés, des objectifs en termes de nombre de visites et d’opportunités identifiées, les autres éléments de son contrat de travail restant inchangés.


Dans un courriel adressé le 13 avril 2017 à M. N F, directeur des ressources humaines, le salarié a ainsi analysé sa situation :

« – Je suis débarqué de mon poste par email du 11 avril alors que depuis 3 ans mon entité n’a pas cessé de croître sur le chiffre d’affaires.

- Je reçois la description de mon nouveau poste de C, qui ne semble pas être une proposition mais une affectation sans discussion.

- Ce poste n’est absolument pas en correspondance avec mon niveau et mon poste précédent. (…)

J’ai construit avec mes équipes, depuis 3 ans, la stratégie K au niveau européen avec succès. J’ai développé les offres et formé tes équipes commerciales (qui font partie de mes équipes dans mon rôle actuel), les clients G S&D, afin qu’ils puissent faire des visites chez les clients.

Si je comprends bien on me demande de faire des visites commerciales K. Et on comptabilisera le nombre de visites que j’aurais faites ''' (…)

En synthèse, la mission est une mission commercial K France, avec déclassement et sans responsabilité hiérarchique.

Pour rappel, je suis actuellement vice-president TSS K, IBM Europe en charge de l’ensemble de l’offre, de la stratégie, des ventes au niveau Europe, j’ai des responsabilités hiérarchiques et je suis localement rattaché au Président d’IBM France Nicolas E [qui a succédé à H Y]. (…) »


Il ressort de l’organigramme de l’entité TSS en 2016 qu’une vingtaine de personnes étaient rattachées à M. X en tant que K busines leader Europe, dont 11 managers, eux-mêmes à la tête d’équipes.


Le 18 avril 2017, M. D a annoncé aux équipes TSS la nomination du remplaçant de M. X, en indiquant que les nouvelles responsabilités de ce dernier seraient annoncées sous peu. Dans le prolongement de cette annonce, plusieurs salariés ayant travaillé avec M. X au sein de l’entité TSS K lui ont écrit pour lui faire part de leur fierté et de leur reconnaissance pour la qualité du travail accompli, ces courriels, qui sont versés aux débats par le salarié, faisant en outre état des succès rencontrés durant les trois années écoulées.

M. X a sollicité l’aide de M. Y, il a demandé en vain un rendez-vous avec M. E, il a été reçu par M. F, qui lui a indiqué qu’il n’y avait pas d’autre possibilité de poste.


Le 20 avril 2017, il a reçu un courriel de Mme O P, collaboratrice du directeur des ressources humaines, qui lui proposait de le renseigner sur les modalités de rupture conventionnelle, ce à quoi M. X a immédiatement répondu que la possibilité d’une rupture conventionnelle n’avait jamais été évoquée.


Le salarié énonce qu’il n’avait dans les faits plus aucun poste, plus aucune responsabilité, que d’ailleurs sa nouvelle mission n’a fait l’objet d’aucune annonce en interne, qu’il n’a eu aucun entretien avec Mme Z, qui est pourtant celle qui lui a annoncé son affectation à la mission de business development K en France, ses rendez-vous avec elle, en particulier les points mensuels, étant systématiquement annulés ou décalés, qu’aucun objectif ne lui a été fixé. Il produit son agenda entre mai 2016 et décembre 2017, qui témoigne en effet d’une rupture en avril 2017 et du peu de rendez-vous dans la période qui suit. Il justifie également, par la fourniture de différents courriels, des annulations et/ou reports successifs de réunions avec Mme Z.


D’autres courriels attestent par ailleurs qu’à son retour de congés, fin août 2017, ses affaires personnelles ont disparu de son bureau sans qu’il en soit préalablement informé, non plus que du nouveau bureau qui lui a été affecté.


Le 3 janvier 2018, Mme Z, qui était alors directrice générale de la business unit GTS, elle-même rattachée au président d’IBM France, l’a informé de son changement officiel de rattachement, M. X devant lui reporter directement.


Le salarié a été placé en arrêt maladie pour dépression à compter du 15 janvier 2018, son arrêt de travail faisant l’objet de prolongations successives et étant reconnu en rapport avec une affection de longue durée. Il justifie avoir en vain alerté le CHSCT en février 2018. Le 4 juin 2019, le médecin du travail a conclu à l’inaptitude de M. X, confirmée le 18 juin 2019 après un échange avec l’employeur, une étude de poste et des conditions de travail, l’état du salarié faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi.


Il résulte de cet examen des faits invoqués par le salarié qu’il établit ainsi l’existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre.


En défense, la compagnie IBM France fait état de l’absence de brutalité dans le changement de poste de M. X en juillet 2014, indiquant qu’il était jusque-là vice-president au sein d’une entité de petite taille, l’entité STG, qu’il a été envisagé de lui confier le poste de vice-president TSS K qui était un poste stratégique. Elle soutient qu’il n’a pas été non plus évincé de ce poste en avril 2017 dans la mesure où sa mission était arrivée à son terme, sans résultats satisfaisants, qu’en outre il avait demandé à être muté sur un poste à l’étranger, en particulier aux Etats-Unis où travaillait son épouse, ce qui a amené à des discussions entre lui et IBM afin de trouver une solution parmi lesquelles une rupture de son contrat de travail par le biais d’une rupture conventionnelle et la conclusion d’un contrat local avec IBM USA, que la mission d’accélération du business development K chez les clients d’IBM France ne constituait pas une rétrogradation mais au contraire une mission stratégique importante justifiant qu’elle soit confiée à M. X, G, vice-president band C.


Ces allégations ne sont toutefois étayées par aucune explication ni pièce utile, la cour observant que l’employeur ne peut sans se contredire énoncer que dans le cadre de ses dernières évaluations, le salarié a bénéficié de notes très moyennes (PBC 2) et prétendre dans le même temps qu’il était légitime à se voir confier une mission stratégique importante pour le groupe.


En outre, peu importe que le salarié ait conservé son statut interne d’G band C et son titre de vice-president, qu’il n’ait subi aucune baisse de sa rémunération contractuelle, ainsi que la cour l’a précédemment retenu, dès lors que les constatations précédentes permettent d’établir une rétrogradation de M. X dans l’exercice des fonctions et responsabilités qu’il détenait en qualité de cadre dirigeant.


Ainsi, M. Q R témoigne que M. X a été son manager jusqu’au 31 mars 2017, date à laquelle « il a été débarqué manu militari alors que ses résultats le plaçaient dans le top 10 % d’IBM Europe ! M. X est passé d’un rôle vital au niveau européen à un rôle subalterne en France et ceci sans aucune équipe à manager. En clair, M. X s’est retrouvé 'placardisé' ». M. J S, qui a travaillé avec M. X entre 2014 et 2016, atteste également qu'« il a été sorti de son poste de vice-president Europe pour une mission commerciale sur la France, sans responsabilité de management, ni équipe ».


Les conditions dans lesquelles cette rétrogradation est intervenue et leur retentissement sur la santé du salarié doivent conduire à retenir l’existence d’un harcèlement moral.


Le harcèlement moral ainsi caractérisé constituait un manquement suffisamment grave de l’employeur rendant impossible la poursuite de la relation de travail, ce qui justifie que soit prononcée la résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur à la date du licenciement soit le 16 juillet 2019, et ce sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens soulevés par le salarié. Cette résiliation doit produire les effets d’un licenciement nul, compte tenu du lien entre le harcèlement moral et la rupture du contrat de travail.


En effet, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-1 du code du travail est nul conformément aux dispositions de l’article L. 1152-3 du même code.


Les circonstances précédemment mises en évidence conduisent en outre à retenir que l’inaptitude définitive de M. X, qui a abouti à son licenciement, trouve sa cause dans les manquements de la Compagnie IBM France.


Le jugement déféré sera infirmé.
Sur les conséquences financières du licenciement nul


- sur le salaire de référence


Le salaire moyen mensuel calculé sur la rémunération perçue durant les douze derniers mois précédant l’arrêt de travail s’établit au montant de 21 899,25 euros.


- sur l’indemnité compensatrice de préavis


L’indemnité compensatrice de préavis incluant les éléments de rémunération que le salarié aurait perçus pendant les six mois de la période de préavis s’élève au montant de 131 395,50 euros, auquel il convient d’ajouter les congés payés afférents.


- sur l’indemnité conventionnelle de licenciement


Comme le fait observer l’employeur, M. X a abandonné en cause d’appel la demande de complément d’indemnité conventionnelle de licenciement qu’il avait formulée en première instance.


Il n’y a donc pas lieu de l’examiner.


- sur l’indemnité pour résiliation judiciaire produisant les effets d’un licenciement nul


En réparation du préjudice subi, M. X peut prétendre à des dommages-intérêts, qu’il convient d’évaluer à la somme de 425 000 euros, au regard de son salaire, de son âge lors de rupture (50 ans), de son ancienneté depuis le 1er juin 1995 et des conséquences de la rupture à son égard.

- sur les dommages-intérêts pour préjudice distinct


Il y a lieu en outre de faire droit à la demande spécifique du salarié en indemnisation du préjudice distinct résultant du harcèlement moral subi, en lui allouant une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur les RSU

M. X invoque ici un préjudice de deux ordres, l’un lié à la perte des RSU (Restricted Stock Units) non exercées du fait de la rupture, l’autre lié à l’absence de versement de RSU en 2017 et 2018.


- sur les RSU non attribuées en 2017 et 2018


Le salarié fait valoir qu’alors qu’il n’a même pas été évalué et que ses résultats ont été remarqués, il ne s’est vu octroyer aucun RSU en 2018 pour 2017, et ce alors que cela était le cas tous les ans depuis 2007.


Compte tenu de celles précédemment perçues, il évalue les RSU non acquises à 493, représentant un montant de 64 583 dollars, soit 56 200 euros. Il s’estime bien fondé à être indemnisé à hauteur de 55 000 euros au titre de la perte de chance.


La compagnie IBM France s’y oppose au motif que les RSU sont attribuées de manière discrétionnaire par IBM Corp. de sorte que le salarié n’a pas un droit automatique à RSU, conformément aux règles régissant les conditions d’attribution des RSU accessibles sur l’intranet d’IBM, lesquelles prévoient que les RSU sont généralement octroyées une fois par an mais que rien ne garantit que des RSU seront octroyées chaque année au salarié, celles-ci étant accordées à la seule discrétion d’IBM et étant soumises aux modalités et aux conditions du document intitulé 'IBM
Long-Term Performance Plan'.


Elle produit les Plans de Performance à Long Terme 1999 et 2001, lesquels précisent que « Aucun Participant ne pourra revendiquer le droit ou réclamer qu’une Attribution [option sur action] lui soit octroyée au titre du Plan », tandis que M. X n’établit pas son droit à RSU chaque année, sa prétention ne reposant sur aucun document contractuel.


Le salarié doit donc être débouté de sa demande de dommages-intérêts au titre des RSU non attribuées en 2017 et 2018, par confirmation du jugement entrepris.


- sur les RSU octroyées mais non exercées

M. X indique ensuite que les RSU restantes et potentiellement exerçables sont au nombre de 32 371 représentant un montant de 32 371 dollars, soit 28 174 euros. Il sollicite le versement de dommages-intérêts à hauteur de cette somme au titre de la perte de chance.


La compagnie IBM France s’oppose à la demande du salarié dans la mesure où elle estime que son licenciement était parfaitement justifié. Elle expose que si le régime des RSU conduit à octroyer immédiatement aux bénéficiaires la globalité des titres leur revenant, ces derniers ne peuvent cependant en disposer que par tranches selon une certaine périodicité qui est la date anniversaire d’attribution, les titres passant du statut de 'restricted’ (non librement cessibles) à celui de 'unrestricted’ (librement cessibles et transférables), que selon les Plans de Performance à Long Terme déjà évoqués, la rupture du contrat de travail (autrement que par le décès ou l’incapacité) entraîne l’annulation des RSU que le collaborateur n’a pas encore exercées.


Toutefois, dès lors que la cour a précédemment retenu que la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. X produisait les effets d’un licenciement nul, le salarié apparaît bien fondé à se voir allouer la somme de 14 000 euros à titre de réparation de la perte de chance de bénéficier des RSU attribuées.


Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur les intérêts moratoires


Les condamnations prononcées produiront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation, soit le 4 septembre 2017, pour les créances de salaires et à compter de la présente décision pour les créances indemnitaires.


En application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil, il y a lieu de préciser que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt.

Sur le remboursement des indemnités de chômage


En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par la Compagnie IBM France aux organismes concernés, parties au litige par l’effet de la loi, des indemnités de chômage qu’ils ont versées à M. X à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de six mois.

Sur les dépens de l’instance et les frais irrépétibles


La Compagnie IBM France supportera les dépens en application des dispositions de l’article'696 du code de procédure civile.
Elle sera en outre condamnée à payer à M. X une indemnité sur le fondement de l’article'700 du code de procédure civile, que l’équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 4 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu le 24 mai 2019 par le conseil de prud’hommes de Nanterre en ce qu’il a débouté M. H X de ses demandes de rappel de rémunération variable pour les années 2017 et 2018 et de sa demande de dommages-intérêts pour perte de chance de RSU non octroyées ;

L’INFIRME pour le surplus ;


Statuant à nouveau et y ajoutant,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. H X à la date du 16 juillet 2019 ;

DIT que la résiliation du contrat de travail ainsi prononcée aux torts de la compagnie IBM France a les effets d’un licenciement nul ;

CONDAMNE la compagnie IBM France à verser à M. H X les sommes suivantes :


- 425 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi au titre de la rupture ayant les effets d’un licenciement nul,


- 131 395,50 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,


- 13 139,55 euros au titre des congés payés afférents,


- 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi au titre du harcèlement moral,


- 14 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier des RSU attribuées ;

DIT que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2017 et les créances indemnitaires à compter du présent arrêt ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions fixées à l’article 1343-2 du code civil ;

ORDONNE le remboursement par la compagnie IBM France à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à M. H X à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois et dit qu’une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée par le greffe par lettre simple à la direction générale de Pôle emploi conformément aux dispositions de l’article R. 1235-2 du code du travail ;

CONDAMNE la Compagnie IBM France à verser à M. H X la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la Compagnie IBM France de sa demande de ce chef ;

CONDAMNE la Compagnie IBM France aux dépens.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code procédure civile et signé par Madame Valérie DE LARMINAT,Conseiller,en remplacement de Madame Isabelle VENDRYES,Président,légitimement empêché, et par Madame BOUCHET-BERT Elodie,Greffière,à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


LE GREFFIER P/ LE PRESIDENT empêché
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Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 10 mars 2022, n° 19/02644