CAA de PARIS, 26 janvier 2024, 23PA00457, Inédit au recueil Lebon

  • Gel·
  • Terrorisme·
  • Police administrative·
  • Site·
  • Tribunaux administratifs·
  • Monétaire et financier·
  • Associations·
  • Économie·
  • Liberté·
  • Ressource économique

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 9e ch., 26 janv. 2024, n° 23PA00457
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 23PA00457
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 1er décembre 2022, N° 2021578
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 10 avril 2024
Identifiant Légifrance : CETATEXT000049390941

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C G a demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler l’arrêté pris conjointement par le ministre de l’intérieur et le ministre de l’économie, des finances et de la relance le 16 octobre 2020 portant gel de ses avoirs pour une durée de six mois. Par un jugement n° 2021578 du 2 décembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 1er février et 31 octobre 2023, M. G, représenté par Me B, demande à la Cour : 1°) d’annuler le jugement n° 2021578 du 2 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté pris conjointement par le ministre de l’intérieur et le ministre de l’économie, des finances et de la relance en date du 16 octobre 2020 portant gel de ses avoirs pour une durée de six mois ; 2°) d’annuler cet arrêté ; 3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que :  – le jugement est insuffisamment motivé ;  – l’arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;  – il appartient aux ministres de justifier du respect du contradictoire ;  – les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;  – l’arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l’article L. 562-2 du code monétaire et financier dès lors qu’aucune infraction à caractère terroriste n’est reprochée au requérant et que la mesure attaquée repose sur des faits anciens ; les conditions du renouvellement des précédentes mesures de gel ne sont pas remplies ;  – la mesure est disproportionnée au regard des faits reprochés ; en outre, elle n’est pas limitée dans le temps et fait suite à une période de dégel de fonds ;  – l’arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et la présomption d’innocence ;  – il méconnaît le principe de la séparation des pouvoirs ;  – il méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegardes des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;  – il méconnaît la liberté d’expression ;  – il méconnaît le droit de propriété. Par un mémoire en défense enregistré le 2 novembre 2023, le ministre de l’intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu :  – la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;  – le règlement n° 2580/2001 du Conseil de l’Union européenne du 27 décembre 2001, concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ;  – la position commune du Conseil de l’Union européenne du 27 décembre 2001 relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (2001/931/PESC) ;  – le code de la sécurité intérieure ;  – le code monétaire et financier ;  – le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique :  – le rapport de Mme D,  – et les conclusions de M. H, rapporteur public.

Considérant ce qui suit : 1. M. C G était le trésorier de l’association « Centre Zahra France » créée en avril 2005 afin de « faire connaître le message de l’Islam à travers le regard du prophète et de sa famille, de les faire connaître, de traduire leurs pensées et de témoigner de leurs œuvres », et dissoute par décret du 20 mars 2019, en même temps que les associations « Fédération Chiite de France », « Parti Anti Sioniste » et « France Marianne Télé », dont les dirigeants sont communs, sur les fondements des 6° et 7° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure. Le lieu de culte abrité par cette association a été fermé pour une durée de six mois par un arrêté du préfet du Nord du 15 octobre 2018, sur le fondement des dispositions de l’article L. 227-1 du code de la sécurité intérieure. Tant la requête en référé liberté que celle en excès de pouvoir dirigées contre cet arrêté ont été rejetées, la première par l’ordonnance du juge des référés du Conseil d’Etat n° 425100 du 22 novembre 2018, la seconde par un jugement du tribunal administratif de Lille n° 1810167 du 20 juin 2019, devenu définitif. Par un arrêté du 1er octobre 2018, renouvelé pour six mois le 26 juin 2019 et le 14 janvier 2020, le ministre de l’intérieur et le ministre des finances et des comptes publics ont décidé de geler les avoirs des associations « Centre Zahra France », « Fédération Chiite de France », « Parti Anti Sioniste » et « France Marianne Télé » ainsi que de MM. Yahia G, Jamel Tahiri, C G et Abdelkrim Khalid. Par un jugement du 19 décembre 2019, devenu définitif, le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête contre l’arrêté du 1er octobre 2018. Par un arrêté du 16 octobre 2020, le ministre de l’économie, des finances et de la relance et le ministre de l’intérieur ont pris une nouvelle mesure de gel des avoirs pour une durée de six mois. Par un jugement n° 2021578 du 2 décembre 2022 dont M. G interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 16 octobre 2020 précité. Sur la régularité du jugement : 2. Si M. G soutient que le jugement est irrégulier en ce qu’il est insuffisamment motivé au regard des moyens dont le tribunal administratif de Paris a été saisi, ce moyen n’est pas assorti des précisions suffisantes permettant à la cour d’en apprécier le bien-fondé. Par suite, il sera écarté. Sur le bien-fondé du jugement : 3. Aux termes de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l’exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; () « . Aux termes de l’article L. 121-1 du même code : » Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l’article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d’une procédure contradictoire préalable « . L’article L. 121-2 du même code dispose que : » Les dispositions de l’article L. 121-1 ne sont pas applicables : / () 2° Lorsque leur mise en œuvre serait de nature à compromettre l’ordre public () « . Par ailleurs, en vertu de l’article L. 211-5 du même code : » La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision « . Enfin, aux termes de l’article L. 122-1 du même code : » Les décisions mentionnées à l’article L. 211-2 n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L’administration n’est pas tenue de satisfaire les demandes d’audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique () « . 4. En premier lieu, d’une part, les mesures prises sur le fondement de l’articleL. 562-2 du code monétaire et financier, qui n’ont pas de finalité répressive, constituent des mesures de police administrative et poursuivent l’objectif de prévention des atteintes à l’ordre public et des infractions, notamment la commission d’actes de terrorisme, et de préservation de la sécurité et la sûreté publique, nécessaire à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle. Si la mise en œuvre d’une procédure contradictoire avant une mesure initiale de gel des avoirs permettrait à la personne concernée de les transférer dans des lieux insaisissables pour les autorités administratives, priverait de ce fait cette mesure de tout effet utile et serait ainsi de nature à compromettre l’ordre public qu’elle a pour objet de préserver, il en va différemment lors du renouvellement de la mesure initiale qui doit, en principe, être précédée d’une procédure contradictoire, permettant à la personne intéressée d’être informée de la mesure qu’il est envisagé de prendre, ainsi que des motifs sur lesquels elle se fonde, et de bénéficier d’un délai suffisant pour présenter ses observations. 5. D’autre part, il incombe à l’administration d’établir la date à laquelle le courrier invitant M. G à présenter ses observations avant l’édiction de la mesure attaquée a été régulièrement notifiée à l’intéressé. En cas de retour à l’administration, au terme du délai de mise en instance, du pli recommandé contenant un courrier, la notification est réputée avoir été régulièrement accomplie à la date à laquelle ce pli a été présenté à l’adresse de l’intéressé, dès lors du moins qu’il résulte soit de mentions précises, claires et concordantes portées sur l’enveloppe, soit, à défaut, d’une attestation du service postal ou d’autres éléments de preuve, que le préposé a, conformément à la réglementation en vigueur, déposé un avis d’instance informant le destinataire que le pli était à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes, suffisant à constituer la preuve d’une notification régulière, le pli recommandé retourné à l’administration auquel est rattaché un volet » avis de réception « sur lequel a été apposée par voie de duplication la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l’enveloppe ou l’avis de réception, l’indication du motif pour lequel il n’a pu être remis. 6. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 4 août 2020 présenté le 14 août suivant le ministre de l’intérieur a informé M. G qu’une nouvelle mesure de gel de ses avoirs était envisagée en précisant les raisons de cette mesure, et l’a invité à présenter ses observations. Si M. G soutient qu’il n’a pas reçu ce courrier, le pli recommandé qui la contenait, et qui lui a été adressé à son adresse a été retourné au ministère de l’intérieur. L’avis de réception rattaché à ce pli porte la mention » avisé le 14/08/2020 « et la case » pli avisé et non réclamé ", correspondant au motif denon-distribution, y est cochée. Par suite, et en l’absence de tout élément de preuve contraire apporté par le requérant, le courrier l’invitant à présenter ses observations du 4 août 2020 doit être regardée comme lui ayant été régulièrement notifiée. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

7. En deuxième lieu, l’arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. En outre, si le requérant conteste le bien-fondé des motifs de la décision contestée, ses allégations, qui concernent la légalité interne de cette décision, sont sans incidence sur le moyen tiré de son insuffisance de motivation. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation ne peut qu’être écarté. 8. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 562-2 du code monétaire et financier : « Le ministre chargé de l’économie et le ministre de l’intérieur peuvent décider, conjointement, pour une durée de six mois, renouvelable, le gel des fonds et ressources économiques : / 1° Qui appartiennent à, sont possédés, détenus ou contrôlés par des personnes physiques ou morales, ou toute autre entité qui commettent, tentent de commettre, facilitent ou financent des actes de terrorisme, y incitent ou y participent () ». Aux termes de l’article L. 562-1 du même code : « Pour l’application du présent chapitre, on entend par : / 1o » Acte de terrorisme " : les actes définis au 4o de l’article 1er du règlement (UE) no 2580/2001 du Conseil du 27 décembre 2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ; () « . Ces dispositions renvoient elles-mêmes à la définition qui figure à l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931/PESC, aux termes duquel : » Aux fins de la présente position commune, on entend par « acte de terrorisme », l’un des actes intentionnels suivants, qui, par sa nature ou son contexte, peut gravement nuire à un pays ou à une organisation internationale, correspondant à la définition d’infraction dans le droit national, lorsqu’il est commis dans le but de : / i) gravement intimider une population, ou / ii) contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque, ou / iii) gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays ou d’une organisation internationale : / a) les atteintes à la vie d’une personne, pouvant entraîner la mort ; / b) les atteintes graves à l’intégrité physique d’une personne ; / c) l’enlèvement ou la prise d’otage ; / d) le fait de causer des destructions massives à une installation gouvernementale ou publique, à un système de transport, à une infrastructure, y compris un système informatique, à une plate-forme fixe située sur le plateau continental, à un lieu public ou une propriété privée susceptible de mettre en danger des vies humaines ou de produire des pertes économiques considérables ; / e) la capture d’aéronefs, de navires ou d’autres moyens de transport collectifs ou de marchandises ; / f) la fabrication, la possession, l’acquisition, le transport, la fourniture ou l’utilisation d’armes à feu, d’explosifs, d’armes nucléaires, biologiques ou chimiques ainsi que, pour les armes biologiques ou chimiques, la recherche et le développement ; / g) la libération de substances dangereuses, ou la provocation d’incendies, d’inondations ou d’explosions, ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines ; /h) la perturbation ou l’interruption de l’approvisionnement en eau, en électricité ou toute autre ressource naturelle fondamentale ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines ; / i) la menace de réaliser un des comportements énumérés aux point a) à h) ; / j) la direction d’un groupe terroriste ; / k) la participation aux activités d’un groupe terroriste, y compris en lui fournissant des informations ou des moyens matériels, ou toute forme de financement de ses activités, en ayant connaissance que cette participation contribuera aux activités criminelles du groupe ".

9. Si les mesures de gel des fonds et ressources économiques peuvent être renouvelées, il appartient au ministre, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de vérifier que les conditions posées par l’article L. 562-2 du code monétaire et financier sont toujours satisfaites lors de ce renouvellement, sans que ce dernier ne soit subordonné à l’existence d’éléments nouveaux ou complémentaires par rapport à ceux ayant justifié la précédente mesure de gel. 10. L’arrêté édictant une nouvelle mesure de gel des avoirs de M. G est fondé sur les circonstances qu’en dépit des dissolutions des associations « Centre Zahra France », « Fédération chiite de France », « Parti antisioniste » et « France Marianne Télé » par un décret du 20 mars 2018, ces dernières continuent à véhiculer des idées incitant à la discrimination, à la haine ou à la violence envers un groupe de personnes à raison de leur non-appartenance à une religion et propageaient des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence et se livraient sur le territoire français ou à partir de ce territoire à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger en raison de leur fonctionnement et des idées qu’elles diffusent, les responsables de ces associations, au nombre desquels figure M. G, ont poursuivi leur œuvre de propagande djihadiste en diffusant les idées du mouvement chiite radical auquel ils sont affiliés depuis qu’ont été prises à leur encontre les premières mesures de police administrative sur la toile ou lors de rassemblements. 11. Il ressort des pièces du dossier que pour prendre la décision contestée de gel d’avoirs, le ministre de l’intérieur et le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ont pris en considération les éléments mentionnés dans deux notes blanches précises et circonstanciées des services de renseignement dans lesquelles figuraient notamment des captures d’écran issues du site Zahra France ou de la page Facebook de ce dernier. Aucune disposition législative, ni aucun principe ne s’oppose à ce que les faits relatés par les « notes blanches » produites par le ministre de l’intérieur, qui ont été versées aux débats et soumises aux échanges contradictoires, soient susceptibles d’être pris en considération par le juge administratif. Il ressort de ces éléments que la propagande du Centre Zahra France a continué à être diffusée au travers des activités de plusieurs de ses anciens membres dont MM. Jamel Tahiri, Abdelkrim Khalid et Yahia G qui, par l’intermédiaires de leurs sites internet, chaînes YouTube ou pages Facebook ou Twitter ont continué à relayer, par l’intermédiaire de posts et de liens à des prêches, des écrits et des vidéos publiés sur le site de l’association « Centre Zahra France » ou la page Facebook de cette dernière, qui étaient toujours disponibles en dépit de sa dissolution lors de l’élaboration des notes blanches, et qui valorisaient le djihad armé, appelaient à la destruction de l’Etat d’Israël et glorifiaient l’action de la branche armée du Hezbollah libanais, du Hamas ainsi que du Jihad islamique palestinien, organisations inscrites sur la liste des organisations terroristes établie par l’Union européenne. En effet, si aucune vidéo n’a été mise en ligne sur le site du Centre Zahra France depuis la notification du décret de dissolution, il ressort des notes blanches mentionnées qu’il n’a pas moins été mis à jour une première fois le 29 mai 2019, prolongeant son activité jusqu’au 28 mai 2020 puis qu’il a fait l’objet d’une deuxième mise à jour, prolongeant sa date d’expiration au 28 mai 2021. En outre, il apparaît que M. G, qui était le titulaire du nom de domaine de ce site, n’a pas supprimé ou modéré les nombreux commentaires antisionistes, antisémites et négationnistes appelant à des actions violentes qui ont été publiés par les internautes sur ce site et les sites qui ont repris son contenu, et que les membres de l’ancienne association « Centre Zahra France » n’avaient entrepris aucune démarche auprès des hébergeurs pour fermer définitivement les sites. Enfin, l’intéressé a participé aux conférences ou réunions à objet religieux qui se sont tenues dans les locaux du Centre Zahra France entre septembre 2019 et juin 2020 au cours desquelles sont intervenus comme prédicateurs MM. Jamel Tahiri et Abdelkrim Khalid, objet comme M. G des mêmes mesures de gel d’avoirs. 12. Par ailleurs, si M. G essaye de remettre en cause le contenu desdites notes blanches en produisant une attestation provenant d’un responsable d’un cercle d’études judaïques datée du 16 octobre 2018, ainsi qu’un témoignage du gendre de l’un des responsables du Centre Zahra France, de date proche, qui certifient que l’attitude des membres du Centre Zahra France est demeurée ouverte et appréciée des personnes qui les rencontraient, sans distinction de confession, ces documents sont rédigés en termes généraux et ne sont pas de nature à remettre en cause les éléments précis et concordants relevés par l’administration qui établissent la participation du requérant à la diffusion d’idées et de théories provoquant à la violence, à la haine ou à la discrimination en lien avec le risque de commission d’actes de terrorisme, la circonstance qu’il soit apprécié dans son environnement familial et social étant sans incidence à cet égard. Il en est de même des différents courriers produits rédigés par des responsables religieux et des acteurs de la vie politique locale ou nationale, au demeurant anciens (2006-2009), qui ne sont pas de nature à établir l’absence de militantisme en faveur de la cause islamiste radicale de l’ancien Centre Zahra France, ou des photos montrant les anciens membres du centre en compagnie de dignitaires religieux chrétiens ou juifs. Il résulte de ce qui précède que les éléments produits par le requérant ne sont pas de nature à établir que ses convictions auraient changé et qu’il aurait manifesté une quelconque volonté de rompre ses liens avec l’islamisme radical. La circonstance que certains des faits retenus par les ministres de l’économie et des finances et de l’intérieur seraient anciens ne faisait pas obstacle à ce qu’il en ait été tenu compte pour prendre la mesure litigieuse. 13. Ainsi, les constatations factuelles des notes blanches ne sont pas sérieusement remises en cause par l’appelant par ses seules dénégations, les éléments précités ou la production d’un constat d’huissier en date du 6 octobre 2020 qui fait état de la suppression de l’ensemble des sites et liens afférents à l’association « Centre Zahra France », ce dernier étant postérieur à la décision attaquée. Il ressort en effet, comme il a été indiqué supra, des termes des notes blanches mentionnées que les publications du « Centre Zahra France » promouvant les actions de la branche militaire du Hezbollah étaient toujours accessibles jusqu’en octobre 2020. 14. De même, la circonstance que le jugement de relaxe des chefs de participation au maintien ou à la reconstitution d’association ou groupement dissous du tribunal correctionnel de Dunkerque du 27 janvier 2021 a retenu pour établi le fait que le site du Centre Zahra France n’était plus actif, et que, s’agissant du parti anti-sioniste, son site internet a été supprimé et sa chaîne YouTube a été fermée, n’est pas de nature à remettre en cause, en les contredisant, la matérialité des faits relevés dans les notes blanches mentionnées et analysés aux points 11 à 13 ci-dessus. 15. En outre, à raison des faits mentionnés aux points 10 et 11 du présent arrêt, le contenu doctrinal et la rhétorique, à objet religieux, des propos et prises de position relayés par le requérant, diffusés à de nombreuses reprises sur les sites et chaînes mentionnés, ainsi qu’à l’occasion des réunions qu’il a organisées, au cours de la période précédant immédiatement la mesure attaquée, appelant à la destruction, au moyen d’actions de guerrelégitimées comme ayant un caractère sacré, de l’Etat d’Israël et du sionisme, et, au-delà de la zone du Moyen-Orient, à menacer les responsables politiques, notamment français, regardés comme apportant leur soutien à cet Etat ou au sionisme, ou comme leur étant inféodés, et leur mode de diffusion à caractère prosélyte auprès d’un auditoire dont les commentaires à contenu violent et fanatique n’ont pas été modérés ou démentis, sont de nature à permettre de considérer ces faits comme visant à intimider une partie de la population française, à contraindre les pouvoirs publics français à commettre certains actes et, par suite, à déstabiliser gravement les structures politiques et sociales de l’Etat français, et à leur conférer le caractère d’incitation à des actes de terrorisme, sans qu’il soit besoin de déterminer une action terroriste précise déjà réalisée. A cet égard, la circonstance qu’aucune décision judiciaire n’a été rendue à l’encontre de M. G pour apologie du terrorisme est sans incidence sur la mesure de police administrative constituée par la décision litigieuse, qui a été prise en application des dispositions précitées des articles L. 562-1 et L. 562-2 du code des marchés financiers, qui n’ont pas d’autre finalité que la préservation de l’ordre public et la prévention des infractions, n’emportent aucune conséquence en matière de poursuites pénales et n’empiètent pas sur l’exercice éventuel des fonctions juridictionnelles. Il en va de même de l’absence de fermeture judiciaire des associations mentionnées au point 1 du présent arrêt, de l’absence de blocage administratifs de leurs sites, ou de l’absence de saisie du Parquet sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale. Dans ces conditions, les moyens tirés de l’erreur de fait, de l’erreur de droit et de la méconnaissance du principe de séparation des pouvoirs doivent être écartés. 16. En quatrième lieu, si M. G soutient que la mesure attaquée est disproportionnée, cette mesure, qui revêt le caractère non d’une sanction mais d’une mesure de police administrative, a été prise pour une durée limitée de six mois. A ce titre, la circonstance qu’elle n’a pas immédiatement suivi une précédente période de gel de fonds et de ressources économiques ne révèle aucune erreur dans l’appréciation des circonstances devant être prises en compte au titre de la période concernée par l’arrêté attaqué. 17. En cinquième lieu, le requérant soutient que les ministres ont violé la présomption d’innocence en affirmant que l’intéressé s’était rendu coupable d’incitation à la haine et à la provocation à la commission d’actes terroristes. Toutefois, eu égard à la nature préventive de la mesure en litige qui constitue une mesure de police administrative et ne revêt pas le caractère de sanction, M. G ne peut utilement invoquer à l’encontre d’une telle mesure les principes constitutionnels régissant la matière répressive, dont le principe de la présomption d’innocence. 18. En sixième lieu, le requérant ne saurait utilement invoquer à l’encontre d’une mesure de police administrative les stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatives aux droits de la défense. Par suite, le moyen doit être écarté. 19. En septième lieu, si M. G soutient que l’arrêté attaqué a été pris en violation de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits et de l’homme et des libertés fondamentales, l’arrêté attaqué n’a pas, compte tenu du but légitime de la mesure, des faits retenus à l’encontre de l’intéressé et de l’autorisation de dégel partiel qu’il était en droit de solliciter en application des dispositions de l’article L. 652-11 du code monétaire et financier dès l’édiction de la mesure de gel de ses avoirs, porté au droit de l’intéressé de mener une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris.

20. En huitième lieu, le requérant soutient que les propos qui lui sont reprochés ont été tenus lors de discussions philosophiques et spirituelles dans le cadre de réunions familiales et non lors de conférence publique et que sa mise en cause pour les propos tenus méconnait sa liberté d’expression. Contrairement à ce que soutient le requérant, la mesure de gel d’avoirs dont M G a fait l’objet n’a pas pour but de le priver de sa liberté d’expression politique, ni même de la restreindre, mais elle tend uniquement à prévenir la commission d’actes de terrorisme. En tout état de cause, et quand bien même la mesure contestée aurait pour effet de limiter concrètement les activités politiques qu’il mène sur le sol français, la liberté d’expression peut être légalement restreinte quand cette restriction, ce qui est le cas en l’espèce, constitue une mesure nécessaire à la prévention du crime. 21. En dernier lieu, si les dispositions précitées de l’article L. 562-2 du code monétaire et financier comportent une restriction à l’usage du droit de propriété, cette restriction est fondée sur un but légitime, tiré du maintien de l’ordre public, de la préservation de la sécurité et de la sûreté publiques et de la prévention d’infractions en matière d’actes terroristes. Une telle restriction est nécessaire afin d’atteindre efficacement le but poursuivi. En l’espèce, compte tenu des faits précédemment mentionnés, les restrictions à l’usage du droit de propriété de M. G, pour une durée de six mois, prévues par la mesure de police litigieuse, ne présentent pas de caractère disproportionné aux buts poursuivis, d’autant plus qu’en application des dispositions de l’article L. 562-11 du même code, il pouvait demander à disposer mensuellement d’une somme d’argent destinée à couvrir dans la limite des disponibilités de ses comptes bancaires, les frais courants du foyer familial et les frais d’assistance juridique. Par suite, ce moyen doit être écarté. 22. Il résulte de tout ce qui précède que M. G n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E :Article 1er : La requête de M. G est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C G, au ministre de l’intérieur et des outre-mer et au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.Délibéré après l’audience du 5 janvier 2024, à laquelle siégeaient :- M. E, président,- Mme D, première conseillère,- Mme A, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 26 janvier 2024.La rapporteure,ILe président,J La greffière,FLa République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre -mer et au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.N° 23PA00457

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CAA de PARIS, 26 janvier 2024, 23PA00457, Inédit au recueil Lebon