Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 avril 2011, 10-85.544, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 27 avr. 2011, n° 10-85.544
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 10-85544
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Caen, 22 juin 2010
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : JURITEXT000024123921

Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

— La société Romuald,

contre l’arrêt de cour d’appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 23 juin 2010, qui, pour blessures involontaires, l’a condamnée à 1 000 euros d’amende dont 500 euros avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, L. 235-4 du code du travail (devenu L. 4532-7), 121-1, 121-2, 222-19 et 222-21 du code pénal, 2, 3, 459, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l’arrêt attaqué a déclaré la société Romuald coupable de blessures par imprudence et l’a condamné pénalement et civilement ;

"aux motifs que la victime, charpentier, salarié de la SARL Mahaux, se trouvait sur la dalle du premier étage de l’immeuble ; qu’il donnait des directives à un autre ouvrier (dépendant du même employeur que lui) pour adapter la charpente au passage d’une cheminée ; qu’en reculant, pour mieux voir la zone de travail, il est tombé par la trémie de l’escalier, non encore posé ; que cette trémie n’était pas protégée, précision apportée que, postérieurement à la chute, une protection, jugée non conforme par l’inspection du travail sera posée ; que, présentant plusieurs fractures (poignet gauche, calcanéum gauche et vertèbre lombaire n° 4), M. Y… a eu une incapacité totale de travail d’au moins un an ; que la réalité de l’absence de protection de la trémie, lors de l’accident, n’est pas contestée, étant observé que celle en place (a priori non conforme, mais cela importe peu) avait été enlevée quelques jours auparavant, pour permettre le passage de différents matériels, et non remise en place ; que, dès lors, la seule question est celle de l’identification du responsable de la sécurité sur le chantier, précision apportée que la SARL Romuald n’est pas poursuivie pour ne pas avoir assuré la protection lui incombant dans son lot maçonnerie (alors que deux salariés de la société étaient présents sur le chantier lors de l’accident) mais pour avoir failli à ses obligations dans « le cadre de sa mission de coordination pour la sécurité, protection de la santé » ; qu’en ne veillant pas au respect des mesures de sécurité visant à prévenir les chutes de hauteur ; qu’il convient donc de savoir si la SARL Romuald était le coordinateur qu’elle dénie avoir été ; que la thèse de l’accusation et de la partie civile repose sur la lecture du cahier des clauses techniques particulières qui, dans ses dispositions communes à tous les corps d’état, prévoit, au paragraphe sur les règles de sécurité, que le maître d’ouvrage désigne le lot maçonnerie pour la mission « sécurité protection de la santé » ; que l’entreprise assurera jusqu’à la réception finale du projet la mission du coordonnateur ; qu’une telle désignation est conforme aux dispositions de l’article L. 235-4 du code du travail (devenu l’article L. 4532-7), précisions apportée que dans l’hypothèse actuelle (opération soumise à l’obtention d’un permis de construire et entreprise par un particulier pour son usage personnel) la coordination, pendant la phase de réalisation de l’ouvrage est assurée « par la personne qui assure effectivement la maîtrise du chantier » c’est-à-dire classiquement, l’entreprise de gros oeuvre ou de maçonnerie  ; que le fait qu’elle soit intervenue avant le lancement de la consultation des entreprises, ne peut être critiqué par la prévenue (qui semble déduire de cette désignation antérieure qu’il s’agissait d’un projet non repris lors du choix des entrepreneurs) puisque c’est justement la procédure conforme aux prescriptions de l’article R. 238-4 du code du travail ; qu’en acceptant le lot maçonnerie, la SARL Romuald a accepté d’endosser la fonction de coordonnateur, le cahier des clauses techniques particulières s’intégrant à son contrat ; que M. Romuald qui n’avait peut-être pas pris conscience de la portée de son engagement, ne peut, en tout cas, pas soutenir qu’il ne se savait pas coordonnateur ; qu’en effet, lors de son audition par les services de gendarmerie, le 14 mai 2007, il a admis que « pendant le déroulement du chantier, l’entreprise que je dirige est chargée de la sécurité… » ; qu’il n’y a aucune contradiction entre cette désignation classique et connue des praticiens (cf. Déclaration de M. Z…, couvreur) et le cahier des clauses administratives particulières qui, en permettant au maître d’ouvrage ou à l’architecte de donner des directives de sécurité aux entreprises, ne relève pas le coordonnateur, antérieurement désigné, de sa mission et de ses obligations ; que, de même, l’intervention fréquente de l’architecte (dont on peut regretter l’absence d’audition) sur le domaine de la sécurité traduit au contraire l’inaction de la société prévenue, en dépit de ses obligations ; que, par suite, comme l’ont décidé les premiers juges, la responsabilité pénale de la SARL Romuald dans l’accident dont a été victime, le 26 juin 2006, M. Y…, suite à une absence de protection d’une trémie (fait matériel non contesté) est établie puisque c’est bien la SARL Romuald qui devait mettre en place la trémie (ce qu’elle a fait) et vérifier sa présence constante (ce qu’elle n’a pas fait) ;

"1) alors que, selon l’article L. 235-4 du code du travail, applicable à l’époque des faits, pour les opérations de bâtiment ou de génie civil entreprises par un particulier pour son usage personnel, celui de son conjoint ou de ses ascendants ou descendants, la coordination est assurée, lorsqu’il s’agit d’opérations soumises à l’obtention d’un permis de construire par la personne qui assure effectivement la maîtrise du chantier pendant la phase de réalisation de l’ouvrage ; qu’en considérant que la société Romuald était le coordonnateur de sécurité ayant été désignée en tant que tel dans le cahier des clauses techniques particulières, ce qui aurait été conforme à la pratique habituelle consistant à désigner à ce titre l’entreprise du gros oeuvre, ce qui était le cas de la société Romuald, sans rechercher si cette société avait effectivement la maîtrise du chantier, seule cette maîtrise permettant de la désigner pour assurer la coordination de la sécurité du chantier selon la disposition précitée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

"2) alors que, dans ses conclusions déposées pour la société Romuald, il était soutenu que celle-ci n’était pas le coordinateur de sécurité dès lors qu’en réalité, l’architecte avait pris en charge cette fonction, se comportant comme la personne ayant la maîtrise du chantier ; qu’en considérant que l’intervention de l’architecte traduisait l’inaction de la société Romuald, sans dire précisément si cette inaction était la cause ou la conséquence de l’intervention de l’architecte, la cour d’appel qui n’explique pas ce qui permettrait de considérer que l’architecte serait intervenu du fait de l’inaction de la société, et non en sa qualité de personne ayant l’autorité sur le chantier, constatant que l’architecte n’a jamais été entendu sur ce point, la cour d’appel a de plus ample privé sa décision de base légale ;

"3) alors que, pour caractériser les blessures par imprudence, il appartient aux juges de constater l’existence d’une faute et le lien de causalité entre cette faute et le dommage causé ; que, dans les conclusions déposées pour la société Romuald, il était soutenu que l’accident causé par l’absence de garde-corps au niveau de la trémie de l’escalier du chantier ne résultait d’aucune faute de sa part dès lors qu’elle avait posé un garde-corps à ce niveau du chantier, que ce garde-corps avait été déposé par une autre entreprise intervenant sur le chantier, vraisemblablement l’employeur de la victime, alors qu’il était tenu également d’assurer la sécurité de ses salariés et savait nécessairement qu’il ne fallait pas retirer le dispositif de sécurité collectif contre les risques de chute ; que, faute d’avoir répondu à ces conclusions qui alléguaient outre l’absence de faute dans l’organisation de la sécurité par la société chargée du gros oeuvre, l’existence d’une faute de l’employeur de la victime, qui avait apparemment retiré le dispositif de sécurité installé, ce qui apparaissait être la cause du dommage subi par la victime, et à tout le moins, que cet employeur n’avait pas réagi lorsqu’il avait constaté les défaillances du dispositif de sécurité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale" ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 26 juin 2006, un salarié de la société Mahaux a été blessé en tombant par la trémie d’un escalier alors qu’il effectuait, sur le chantier de construction d’une maison d’habitation, des travaux de finition sur la charpente ; que les constatations effectuées par l’inspection du travail et l’enquête diligentée ont établi que la chute du salarié était due à une absence de protection de la trémie à la suite de l’enlèvement du garde corps ; que la société Romuald, entreprise de maçonnerie, a été poursuivie du chef de blessures involontaires ;

Attendu que pour confirmer le jugement ayant déclaré la société Romuald coupable, l’arrêt, après avoir rappelé que, selon l’article L. 235-4 devenu L. 4532-7 du code du travail, pour les opérations soumises à l’obtention d’un permis de construire et entreprises par un particulier pour son usage personnel ou celui de sa famille, la coordination est assurée, pendant la phase de réalisation de l’ouvrage, par la personne qui assure effectivement la maîtrise du chantier, retient que le cahier des clauses techniques particulières applicable à l’opération prévoit que « le maître d’ouvrage désigne le lot maçonnerie pour la mission »sécurité protection de la santé« et que »l’entrepreneur chargé de ce lot assurera jusqu’à la réception finale du projet la mission du coordonnateur" ;

Que les juges ajoutent que la société Romuald, en acceptant le lot maçonnerie, a endossé la fonction de coordonnateur, le cahier des clauses techniques particulières s’intégrant à son contrat, et que son dirigeant a indiqué lors de l’enquête que, pendant le déroulement du chantier, elle était chargée de la sécurité ; qu’ils ajoutent que l’intervention fréquente de l’architecte, autorisé par le cahier des clauses administratives particulières à donner des directives de sécurité aux entreprises, n’a pas relevé la société Romuald de sa mission ; qu’ils déduisent de leurs constatations que la prévenue, qui n’a pas vérifié la présence constante de la protection de la trémie de l’escalier, cause de l’accident, est responsable de l’infraction et de ses conséquences dommageables ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations exemptes d’insuffisance et répondant aux chefs péremptoires des conclusions, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, L. 451-1, L. 452-1 et L. 454-1 du code du travail, 2, 3, 464, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l’arrêt attaqué, confirmatif, a condamné la société Romuald à rembourser les débours provisoires de la caisse primaire d’assurance maladie, a ordonné une expertise pour établir l’état de la victime de l’accident, a versé une indemnité provisionnelle à la victime et l’a condamné à verser différentes sommes en vertu de l’article 475 du code de procédure pénale ;

"aux motifs qu’il apparaît que les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice résultant directement pour M. Guy Y…, non salarié de la société responsable, des agissements coupables de la SARL Romuald ; que la décision, limitée à l’organisation d’une expertise (en raison de l’importance des conséquences prévisibles des blessures et à l’octroi d’une provision de 50 00 euros (outre la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale) ne peut qu’être confirmée ;
que la nécessité pour la victime d’intervenir devant la cour, suite à l’appel de la société prévenue, justifie le recours aux dispositions de l’article 475-1 du code de procédure pénale, dans la procédure d’appel à hauteur de 1 000 euros ; que la décision frappée d’appel sera aussi confirmée en ce qui concerne le remboursement des débours provisoires, de la caisse primaire d’assurance maladie de la Manche, non appelante ; que le complément des autres débours sera liquidé lors de l’évaluation du préjudice définitif de la victime, ainsi que de l’indemnité forfaitaire ;

"1) alors qu’en application des articles L. 451-1 et L. 452-1 du code de la sécurité sociale, aucune action en réparation des accidents du travail ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime et ses ayants droit, à l’encontre de l’employeur, sauf faute intentionnelle ou inexcusable de sa part ; que, faute d’avoir constaté que le coordonnateur de sécurité ne pouvait être considéré comme un tiers par rapport à l’employeur du salarié victime de l’accident et qu’il devait dés lors se voir appliquer les dispositions de l’article L. 451-1 du code de la sécurité sociale interdisant à la victime de l’accident du travail de demander réparation de son préjudice sauf preuve d’une faute inexcusable, la cour d’appel a violé l’article précité ;

"2) alors que, selon l’article L. 454-1 du code de la sécurité sociale, lorsque la responsabilité d’un accident du travail est partagée entre l’employeur de la victime et un tiers, la caisse primaire d’assurance maladie dispose d’un recours contre ce dernier dans la mesure où les indemnités dues par elle en vertu de la loi dépassent celles réparant l’atteinte à l’intégrité physique qui aurait été mises à la charge de l’employeur selon le droit commun ; que, faute d’avoir recherché si l’employeur de la victime n’avait pas commis une faute, si ce n’est cause exclusive de son préjudice comme le soutenait les conclusions déposées pour elle, du moins une faute ayant participé à son accident sur le chantier, ce qui auraient du entraîner la limitation du droit à remboursement des débours de la sécurité sociale dans les conditions fixées par l’article précité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale" ;

Attendu que l’arrêt statuant sur les intérêts civils, après voir déclaré la société Romuald responsable du préjudice subi par la victime et ordonné une expertise médicale, l’a condamnée au paiement d’une indemnité provisionnelle à la partie civile et d’une somme en remboursement de ses débours à la caisse primaire d’assurance maladie ;

Attendu qu’en prononçant ainsi, la cour d’appel n’a méconnu aucun des textes visés au moyen, dès lors que le salarié, victime de l’accident du travail, n’était pas employé par la société prévenue, et que la cour a retenu que l’accident avait pour cause la faute de cette seule société ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Degorce conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 avril 2011, 10-85.544, Inédit