Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 février 2019, 17-18.415 17-19.273, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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André Lucas · L'ESSENTIEL Droit de la propriété intellectuelle · 1er mai 2019
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Sur la décision

Référence :
Cass. 1re civ., 20 févr. 2019, n° 17-18.415
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 17-18.415 17-19.273
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 27 février 2017, N° 15/20021
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000038194510
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2019:C100196
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Sur les parties

Texte intégral

CIV. 1

FB

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 20 février 2019

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 196 F-D

Pourvois n° T 17-18.415

et A 17-19.273 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

I – Statuant sur le pourvoi n° T 17-18.415 formé par :

1°/ la société Camera One, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,

2°/ M. L… T…, domicilié […] ,

contre un arrêt rendu le 28 février 2017 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige les opposant :

1°/ à la société O… production Z… X…, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,

2°/ à Mme C… E…, veuve X…,

3°/ à M. K… X…,

4°/ à Mme N… X…,

domiciliés […] ,

5°/ à Mme Q… X…, domiciliée […] ,

6°/ à M. R… X…, domicilié […] ,

7°/ à Mme M… W…, domiciliée […] , prise en qualité de mandataire successoral à la succession de Z… X…,

défendeurs à la cassation ;

II – Statuant sur le pourvoi n° A 17-19.273 formé par Mme C… E…, veuve X…,

contre le même arrêt rendu dans le litige l’opposant :

1°/ à M. L… T…,

2°/ à la société Camera One, société à responsabilité limitée,

3°/ à Mme Q… X…,

4°/ à M. R… X…,

5°/ à Mme M… W…, prise en qualité de mandataire successoral à la succession de Z… X…,

6°/ à la société O… production Z… X…, société à responsabilité limitée,

7°/ à M. K… X…,

8°/ à Mme N… X…,

défendeurs à la cassation ;

Les demandeurs au pourvoi n° T 17-18.415 invoquent, à l’appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi n° A 17-19.273 invoque, à l’appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 22 janvier 2019, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Girardet, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, M. Sudre, avocat général, Mme Randouin, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Girardet, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Camera One et de M. T…, de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme E…, de M. K… X… et de Mme N… X…, de la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat de Mme Q… X… et de M. R… X…, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme W…, ès qualités, l’avis de M. Sudre, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu leur connexité, joint les pourvois n° T 17-18.415 et A 17-19.273 ;

Donne acte à la société Camera One et à M. T… du désistement de leur pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la société O… production Z… X… ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 28 février 2017), que la société Camera One, fondée et dirigée par M. T…, ayant fait l’acquisition des droits d’adaptation cinématographique du roman de science-fiction « Dune » de D… J…, a, aux débuts des années 1970, confié à Z… X…, dessinateur et scénariste de bandes dessinées, la création de l’univers graphique des personnages et la scénarisation du film ; que, n’ayant pu réaliser le film projeté, la société Camera One a cédé ses droits d’adaptation du roman mais a conservé plus de deux-cent-cinquante planches, comportant chacune plusieurs dessins réalisés par Z… X… ; que celui-ci, décédé le […] , a laissé pour lui succéder son épouse, Mme E…, et ses quatre enfants, Mme Q… X… et M. R… X…, nés d’une première union avec Mme V…, et Mme N… X… et M. K… X…, nés de son union avec Mme E… ; que Mme W… a été désignée en qualité d’administrateur provisoire de la succession ; qu’après leur avoir vainement demandé la restitution des oeuvres, Mme E… et la société O… production Z… X…, à laquelle l’artiste avait cédé les droits d’exploitation de ses oeuvres graphiques, ont assigné M. T… et la société Camera One en restitution et en réparation de leur préjudice ; que Mme N… X… et M. K… X… sont intervenus volontairement à la procédure, à laquelle ont été attraits Mme W…, ès qualités, ainsi que Mme Q… X… et M. R… X… ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° T 17-18.415, ci-après annexé :

Attendu que M. T… et la société Camera One font grief à l’arrêt de leur ordonner de restituer les oeuvres entre les mains du mandataire successoral et de les condamner à payer une certaine somme en réparation du préjudice moral résultant de l’atteinte au droit de divulgation ;

Attendu qu’après avoir rappelé à bon droit que, pour être utilement revendiqué, le bénéfice des dispositions de l’article 2276 du code civil suppose l’existence d’une possession non équivoque, à titre de propriétaire, l’arrêt relève que la société Camera One a demandé à Z… X… de contribuer à l’adaptation à l’écran du roman « Dune », en réalisant les oeuvres revendiquées ; qu’il en déduit que la convention conclue par les parties doit recevoir la qualification de contrat de louage d’ouvrage ou d’entreprise, exclusive en l’espèce de toute intention libérale, peu important que le prix n’ait pas été fixé lors de la formation du contrat ; qu’il retient, eu égard aux techniques de reproduction de dessins qui prévalaient à l’époque, que l’exécution d’un tel contrat comporte nécessairement une phase de remise du support matériel des oeuvres, caractérisant un contrat de dépôt, en sorte que M. T… et la société Camera One, dépositaires des oeuvres en cause, ne sont pas fondés à se prévaloir de la prescription acquisitive ; que la cour d’appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° A 17-19.273, ci-après annexé :

Attendu que Mme E… fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevables ses demandes formées au titre de l’atteinte portée au droit de divulgation et de retenir que que celui-ci appartient aux quatre descendants de Z… X…, Mme Q… X…, M. R… X…, M. K… X… et Mme N… X… ;

Attendu que l’arrêt constate que les éléments produits par Mme E… pour témoigner de la volonté de Z… X… consistent en une lettre datée du 4 janvier 2012 traitant essentiellement de questions patrimoniales, un entretien donné par Z… X… à M. F… et des dessins de Z… X… intitulés du surnom de Mme E… et portant des dédicaces à son intention ; que, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, la cour d’appel a estimé que, si ces éléments permettaient de confirmer le grand attachement de l’auteur à son épouse et le rôle important que celle-ci avait pu jouer à ses côtés, ils ne révélaient, à aucun moment, une volonté clairement exprimée de la désigner comme titulaire du droit de divulgation ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen du même pourvoi, ci-après annexé :

Attendu que Mme E… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts en raison du défaut d’exploitation des oeuvres litigieuses ;

Attendu qu’ayant relevé, d’une part, que Z… X… n’avait jamais exprimé l’intention d’exploiter les planches qu’il avait remises à la société Camera One, d’autre part, qu’il n’était justifié d’aucun projet d’exposition de celles-ci, la cour d’appel en a souverainement déduit que le préjudice allégué n’était pas établi ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne M. T… et la société Camera One aux dépens du pourvoi n° T 17-18.415 et Mme E… aux dépens du pourvoi n° A 17-19.273 ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt février deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi n° T 17-18.415 par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour la société Camera One et M. T….

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que la succession de Monsieur Z… X… est propriétaire des supports matériels des oeuvres graphiques réalisés par Monsieur Z… X… dans le cadre du projet de production Dune et détenus par la société Camera One et Monsieur L… T… et d’avoir ordonné leur restitution par la société Camera One et Monsieur L… T… entre les mains du mandataire successoral, Maître M… W…, ou, à défaut, d’un représentant désigné de la succession de Z… X…, de les avoir condamnés in solidum à payer à Monsieur K… X… et Madame N… X… la somme de 1 euro chacun en réparation du préjudice moral résultant de l’atteinte au droit de divulgation, outre diverses sommes au titre de l’article 700 du code de procédure civile tant aux consorts X… qu’à Maître W… agissant es-qualités ;

Aux motifs propres que la SARL Camera One et M. L… T… revendiquent la propriété des supports matériels des dessins réalisés par Z… X… sur le fondement des dispositions de l’article 2276 du code civil qui dispose en son premier alinéa qu'« en fait de meubles, la possession vaut titre » ; que ce texte nécessite une possession non équivoque à titre de propriétaire et de bonne foi, celle-ci étant présumée sauf preuve contraire et s’entendant de la croyance pleine et entière où s’est trouvé le possesseur, au moment de son acquisition des droits de son auteur, à la propriété des biens qu’il lui a transmis, le doute sur ce point étant exclusif de la bonne foi ; qu’est équivoque la possession d’un bien meuble lorsque les circonstances de sa remise au possesseur font présumer une remise à titre précaire ; qu’il s’ensuit que pour déterminer si la SARL Camera One et M. L… T… peuvent revendiquer en vertu de l’article 2276 un titre de propriété sur les supports matériels des oeuvres litigieuses en leur possession, il convient de se prononcer sur les circonstances de la remise de ces supports par Z… X… à la SARL Camera One et à M. L… T… et sur la qualification juridique de leurs rapports contractuels ; que le contrat de louage d’ouvrage ou d’entreprise, tel que défini aux articles 1708 et 1787 et suivants du code civil est la convention par laquelle une personne en charge une autre d’exécuter, en toute indépendance, un ouvrage déterminé qui peut résulter en des travaux d’ordre intellectuel ; qu’il s’agit d’un contrat consensuel qui n’est soumis à aucune forme déterminée, de telle sorte que l’établissement d’un écrit ou d’un devis descriptif n’est pas nécessaire à son existence, laquelle peut être établie par tous moyens de preuve ; qu’en l’espèce il ressort des propres écritures des appelants que la SARL Camera One, dont M. L… T… est le gérant, a acquis en 1974 les droits du roman de science-fiction « Dune » de D… J… pour en entreprendre l’adaptation cinématographique avec le scénariste et réalisateur chilien B… H… et qu’elle « a fait appel à plusieurs dessinateurs de premier plan et notamment à Z… X…, connu sous les pseudonymes de 'O…' et de 'A…', afin de créer les personnages, leurs costumes et les décors » (page 7 des conclusions des appelants) ; que c’est dans le cadre de ce projet que Z… X… « a réalisé 250 planches, comportant chacune plusieurs dessins, qu’il a remises à la société Camera One » (page 7 des conclusions) ; qu’il y a donc bien eu en 1974-1976 entre Z… X… d’une part et la SARL Camera One et M. L… T… d’autre part une convention par laquelle ces derniers ont chargé Z… X… d’exécuter, en toute indépendance, des travaux d’ordre intellectuel, en l’espèce la réalisation de dessins dans le cadre du projet de réalisation cinématographique du film « Dune » et qu’une telle convention doit recevoir la qualification juridique de contrat de louage d’ouvrage ou d’entreprise au sens des articles 1708 et 1787 et suivants du code civil ; qu’en l’état des techniques de reproduction de dessins à l’époque, Z… X… a remis à la SARL Camera One et M. L… T… les planches originales de ses dessins, supports matériels de son oeuvre de l’esprit ; que l’existence d’un contrat d’entreprise portant sur une chose remise à l’entrepreneur n’exclut pas que celui-ci soit aussi tenu des obligations du dépositaire et qu’ainsi en l’espèce, le contrat d’entreprise portant commande de dessins comporte une phase de dépôt de leurs supports matériels constitutive d’un contrat de dépôt annexe au contrat d’entreprise ; que l’article 1915 du code civil définit le contrat de dépôt comme « un acte par lequel on reçoit la chose d’autrui, à charge de la garder et de la restituer en nature », qu’il s’agit d’un contrat réel, au sens du nouvel article 1109, alinéa 3, dont l’existence, conformément aux dispositions de l’article 1919, n’est subordonnée qu’à la remise effective de la chose entre les mains du dépositaire ; qu’en l’espèce le contrat annexe de dépôt auprès de la SARL Camera One des supports matériels des dessins réalisés par Z… X… dans le cadre du contrat principal d’entreprise conclu avec cette société s’est trouvé réalisé du seul fait de la remise de ces support matériels en 1974/1976, cette entrée en détention marquant la naissance de l’obligation de garde du dépositaire ; que le contrat d’entreprise est par nature un contrat à titre onéreux, même si le prix n’a pas été fixé lors de sa formation, qu’il n’est d’ailleurs pas allégué que Z… X…, professionnel reconnu de la bande dessinée, aurait accepté d’effectuer sa prestation intellectuelle à titre gratuit pour un projet purement commercial (au demeurant abandonné à cause de son coût), de telle sorte que le seul dépôt, annexe à ce contrat d’entreprise, des supports matériels des dessins constituant sa prestation intellectuelle aux fins notamment de reproduction et d’exploitation dans le cadre de la réalisation du projet cinématographique « Dune » ne peut s’analyser en un don manuel de ces supports matériels au bénéfice de la SARL Camera One et de M. L… T… ; au demeurant que l’absence d’une quelconque volonté libérale de la part de Z… X… est confirmée par sa lettre du 16 février 2011 (pièce 12 de Mme C… E… épouse X… et autres) adressée à M. L… T… et à la SARL Camera One où il écrit expressément : « ne serait-ce pas le moment propice pour reparler enfin de la propriété des oeuvres graphiques que j’ai réalisées pour le projet de « Dune ». En effet, je n’ai jamais cédé par contrat, ni la propriété des originaux, ni le droit de les publier en dehors du cadre de la production » ; qu’il sera relevé qu’aucune réponse n’a été apportée à cette demande ; que le contrat de dépôt emporte l’obligation pour le dépositaire de restituer la chose déposée en nature et que lorsque ce contrat est l’annexe d’un contrat d’entreprise, il subsiste après la réalisation des travaux commandés ; qu’en l’espèce l’abandon après 1976 du projet de réalisation cinématographique dans lequel s’insérait le contrat d’entreprise au demeurant réalisé par Z… X…, n’a pas mis fin au contrat de dépôt portant sur les supports matériels des dessins réalisés par Z… X… ; que tant que la chose reste entre les mains du dépositaire, ce dernier reste tenu à restitution, l’obligation de restitution étant perpétuelle, de telle sorte qu’il importe peu que de son vivant Z… X…, jusqu’à sa lettre précitée du 16 février 2011, n’ait pas sollicité la restitution des planches litigieuses ; qu’en tout état de cause en vertu des dispositions de l’article 2262 du code civil, des actes de simple tolérance « ne peuvent fonder ni possession ni prescription » ; que si une exposition consacrée à l’artiste S… et à O… s’est tenue en 2004-2005 à l’hôtel de la Monnaie à Paris (pièces 19 à 21 des appelants) où le story board du projet « Dune », prêté par la SARL Camera One, a été exposé, il convient de relever qu’il ne s’agissait pas des supports matériels originaux mais d’une numérisation des dessins pour la présentation d’un fac-similé sous la forme d’un port-folio (pièces 57 et 58 de Mme C… E… épouse X… et autres), de telle sorte que les échanges de courriels entre Mme C… E… épouse X… et la SARL Camera One (pièce 12 des appelants) n’ont porté que sur la restitution de ce fac-similé et non pas sur les supports matériels originaux qu’elle n’a jamais reconnus comme étant la propriété de la SARL Camera One ; qu’il en est de même de l’exposition organisée à Londres en 2009 (pièce 22 des appelants) au demeurant non autorisée par Z… X… ; que la lettre de la société Magda Productions du 26 avril1993 (pièce 13 des appelants) demandant à M. L… T… « sous les recommandations de Z… X… O… (…) l’autorisation de présenter quelques planches du Story Board de « Dune » dans le cadre de la contribution de O… à ce projet de film » ne concerne que l’exercice des droits de propriété incorporelle sur les dessins, distinct de la propriété de leur support matériel ainsi que le précise le premier alinéa de l’article L.111-3 du code de la propriété intellectuelle ; qu’en ce qui concerne la prescription acquisitive invoquée par les appelants, l’article 2261 du code civil dispose que « pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire » et que, selon l’article 2266, « ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais par quelque laps de temps que ce soit. Ainsi, (…) le dépositaire (…) et tous autres qui détiennent précairement le bien ou le droit du propriétaire ne peuvent le prescrire » ; que le dépositaire étant ainsi un détenteur précaire, il ne peut se prévaloir de la prescription acquisitive, sauf à établir une interversion de titre telle que prévue par l’article 2268 du code civil qui dispose que « les personnes énoncées dans les articles 2266 et 2267 peuvent prescrire, si le titre de leur possession se trouve interverti, soit par une cause venant d’un tiers, soit par la contradiction qu’elles ont opposée au droit du propriétaire » ; que l’interversion suppose deux critères cumulatifs : d’une part l’accomplissement d’actes manifestant la volonté du détenteur de se comporter désormais comme propriétaire et apportant une contradiction non équivoque au droit du propriétaire et d’autre part que ces actes aient pu être pleinement connus du véritable propriétaire afin que celui-ci soit en mesure d’y répliquer ; que la volonté unilatérale du détenteur de posséder dorénavant à titre de propriétaire ne peut suffire à lui conférer la possession animo domini conduisant à la prescription ; qu’en effet en vertu des dispositions de l’article 2270 du code civil selon lequel « on ne peut pas prescrire contre son titre, en ce sens que l’on ne peut point se changer à soi-même la cause et le principe de sa possession », l’exercice normal par la SARL Camera One et M. L… T… de leur droit normal de possesseur précaire en tant de dépositaires des planches ne peut pas fonder une interversion de titre ; enfin que lorsque Z… X… a écrit le 16 février 2011 à M. L… T… et à la SARL Camera One qu’il n’avait jamais cédé la propriété des dessins originaux relatifs au projet « Dune » et qu’il souhaitait « reparler enfin de la propriété [de ces] oeuvres graphiques », aucune réponse ne lui a été faite par ceux-ci ; qu’il apparaît donc que lorsque Z… X…, auteur des planches litigieuses, a en sa qualité de propriétaire de ces planches, rappelé à la SARL Camera One et à M. L… T… la nature de leurs obligations contractuelles relativement à ces planches (« je n’ai jamais cédé par contrat, ni la propriété des originaux, ni le droit de les publier en dehors du cadre de la production »), ceux-ci ne lui ont à aucun moment opposé de son vivant un refus motivé par une prétention à la propriété de ces planches, de telle sorte qu’il n’y a pas eu interversion de titre au sens de l’article 2268 ; [

] que la possession indue des supports matériels de l’oeuvre porte atteinte au droit de divulgation de celle-ci par ses propriétaires légitimes, que toutefois le préjudice moral en résultant, qui n’est invoqué que par Monsieur K… X… et Madame N… X…, doit être relativisé dans la mesure où ceux-ci n’ont invoqué l’existence d’un préjudice les affectant en leur qualité de descendants de l’auteur qu’en cause d’appel, le tribunal ayant relevé qu’ils n’avaient personnellement présenté aucune demande en ce sens en première instance ; qu’en l’état de ces constatations, ajoutant au jugement entrepris, la cour évalue le préjudice moral subi par Monsieur K… X… et Madame N… X…, résultant de l’atteinte au droit de divulgation à la somme d’un euro que la SARL Camera One et Monsieur L… T… seront condamnés à payer in solidum à chacun d’eux ;

Et aux motifs, le cas échéant, repris des premiers juges qu’il n’est contesté par aucune partie que les planches de story-board et les dessins revendiqués ont été réalisés par Z… X… et remis à la société Camera One et Monsieur T… alors qu’existait un projet de réalisation du film Dune et dans le but d’être utilisé à cette fin ; qu’aucun contrat n’a été signé entre les parties et aucune rémunération n’a été perçue par Z… X… qui pourrait laisser supposer qu’aurait existé une volonté de cession ; que dès lors, une telle remise aux fins d’exploitation doit s’analyser comme un contrat de dépôt au sens des articles 1927 et suivant du code civil ; que la société Camera One n’avait pas vocation à devenir cessionnaire à titre gratuit des oeuvres réalisées par Z… X… en vue d’une exploitation précise qui au demeurant a été abandonnée ; que l’article 2266 du code civil stipule que « ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais, par quelque laps de temps que ce soit. Ainsi, le locataire, le dépositaire, l’usufruitier et tous autres qui détiennent précairement le bien ou le droit du propriétaire ne peuvent le prescrire » ; que la société Camera One qui fonde sa propriété sur les dispositions relatives à la prescription acquisitive des biens meubles de l’article 2276 du code civil sera dès lors déboutée de sa demande à voir sa demande de propriété prospérer ; que la société Camera One et Monsieur T…, en leur qualité de dépositaire, doivent restitution ; qu’ils ne peuvent opposer aucune prescription acquisitive ; qu’ils ne peuvent non plus opposer de prescription extinctive à l’action en restitution dès lors que le refus de restituer n’a été opposé qu’en 2012 quelques mois seulement avant l’introduction de la présente procédure ; que la société Camera One et Monsieur Jérôme T… seront condamnés à restituer les planches dessinées par Z… X… en leur possession à a succession Z… X… entre les mains du mandataire successoral, Maître M… W…, ou à défaut d’un représentant désigné de la succession de Z… X… ;

Alors, d’une part, que la présomption qui résulte de la possession implique pour le demandeur en revendication, qui prétend avoir remis à titre précaire un meuble au défendeur, la charge de justifier de la précarité de la possession, à défaut de quoi ce défendeur a titre pour le conserver, sans être obligé de prouver l’existence de l’acte translatif qu’il invoque comme cause de sa possession ; que la cour d’appel, qui constate que les dessins litigieux ont été réalisés par Z… X… dans le cadre d’un contrat d’entreprise, n’a pas caractérisé que la preuve était rapportée du caractère précaire de la remise de la chose réalisée en exécution de ce contrat par la seule constatation de ce que le contrat d’entreprise ne l’exclurait pas ou de son caractère onéreux, ou de ce que la chose remise l’avait été « aux fins d’exploitation » ; qu’en cet état elle a privé sa décision de base légale au regard des articles 2276 et 1615 du code civil ;

Alors, d’autre part, que la cour d’appel qui, pour toute preuve de l’absence d’intention libérale qui doit être contemporaine de la remise, se borne à faire état de l’attitude de Z… X… 35 ans plus tard, a encore une fois statué par un motif inopérant, insusceptible de caractériser que la preuve de l’absence de don manuel était rapportée et a privé de plus fort sa décision de base légale au regard de l’article 2276 du code civil ; Moyens produits au pourvoi n° A 17-19.273 par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour Mme E….

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt d’avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu’il avait déclaré irrecevables les demandes formées par Mme C… X… au titre du droit moral de divulgation, et dit que le droit moral de divulgation appartient aux quatre descendants de Z… X…, Mme Q… X…, M. R… X…, M. K… X…, et Mme N… X… ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la recevabilité des demandes fondées sur le droit moral de divulgation :

Que les premiers juges ont déclaré irrecevable l’action formée par Mme C… E… épouse X… seule au titre du droit moral de divulgation au motif qu’en l’absence d’une volonté contraire de l’auteur, les titulaires de ce droit sont les descendants ;

Que M. L… T… et la SARL Camera One invoquent l’irrecevabilité des demandes de Mme C… E… épouse X… au titre du droit moral de divulgation en faisant valoir que l’article L. 121-2 du code de la propriété intellectuelle fixe de manière claire et précise l’ordre de de dévolution du droit de divulgation, les descendants primant sur le conjoint survivant et que Z… X… n’a jamais exprimé une volonté contraire ;

Que Mme Q… X… et M. R… X… affirment également que Mme C… E… épouse X… n’est pas titulaire du droit de divulgation, celui-ci appartenant d’abord aux descendants en vertu des dispositions de l’article L. 121-2 du code de la propriété intellectuelle, prioritairement au conjoint survivant et au légataire universel, leur père n’ayant jamais exprimé une volonté contraire, étant décédé sans laisser de testament ni d’exécuteur testamentaire et la donation du 9 septembre 2011 ne portant que sur les biens meubles et immeubles ;

Que Mme C… E… épouse X… réplique être titulaire du droit moral de Z… X…, doit de divulgation compris, tant en sa qualité de donataire de l’universalité des biens à venir qu’en raison d’une volonté clairement exprimée par le de cujus ;

Qu’elle soutient que le droit moral ne doit pas être partagé et qu’il convient de ne pas se limiter à une lecture littérale de l’article L. 121-2 précité mais de rechercher la logique du texte afin d’éviter un dépeçage du droit moral au détriment du rayonnement de l’oeuvre de l’auteur, cet article n’ayant eu pour but selon elle que de respecter le plus fidèlement possible les intentions de l’auteur et certainement pas d’édicter une dévolution rigide et inadaptée, un exercice fractionné des attributs du droit moral présentant une paralysie et une méconnaissance subjective des volontés de l’auteur défunt ;

Qu’elle ajoute que la donation universelle à son profit du 09 septembre 2011 s’apparente à un legs comportant la transmission des droits d’auteur, y compris la dévolution du droit moral et que les éléments qu’elle produit révèlent la volonté incontournable de Z… X… de lui confier l’exercice de son droit moral et d’en écarter tout autre ;

Qu’elle fait encore valoir que ses enfants, M. K… X… et Mme N… X… reconnaissent eux-mêmes qu’elle est investie du droit moral ; que ceux-ci indiquent que si la cour ne devait pas considérer leur mère comme titulaire du droit moral, ils reprendraient pour leur compte ses demandes indemnitaires ;

Que ceci exposé, le deuxième alinéa de l’article L. 121-2 du code de la propriété intellectuelle dispose qu’à la mort de l’auteur « le droit de divulgation de ses oeuvres posthumes est exercé leur vie durant par le ou les exécuteurs testamentaires désignés par l’auteur. A leur défaut, ou après leur décès, et sauf volonté contraire de l’auteur, ce droit est exercé dans l’ordre suivant : par les descendants, par le conjoint contre lequel n’existe pas un jugement passé en force de chose jugée de séparation de corps ou qui n’a pas contracté un nouveau mariage, par les héritiers autres que les descendants qui recueillent tout ou partie de la succession et par les légataires universels ou donataires de l’universalité des biens à venir » ;

Que si ce texte constitue une exception au droit commun successoral, son caractère particulièrement clair et impératif n’autorise que son application stricte et qu’en l’espèce, en l’absence de toute disposition testamentaire et de toute désignation par Z… X… d’un exécuteur testamentaire, le droit de divulgation est exercé prioritairement par ses descendants ;

Que les pièces versées aux débats par Mme C… E… épouse X… pour justifier de sa titularité du droit moral de divulgation de Z… X… n’expriment pas la volonté expresse de ce dernier de déroger à l’ordre légal d’exercice du droit de divulgation de son oeuvre posthume en confiant cet exercice à sa deuxième épouse ;

Qu’en premier lieu le fait que l’acte de donation reçu par devant notaire le 09 septembre 2011 (pièce 18) fait de Mme C… E… épouse X… le donataire de l’universalité des biens de son époux à son décès, ne la place pas devant les descendants du défunt dans l’ordre légal d’exercice du droit de divulgation de l’oeuvre posthume de l’auteur et que ce document ne contient aucune dérogation à cet ordre légal d’exercice ;

Qu’en second lieu la lettre adressée le 04 janvier 2012 par Z… X… à sa première épouse (pièce 46) ne concerne essentiellement que des questions patrimoniales opposant les ex-époux, que si Z… X… fait incidemment allusion, sans la nommer expressément, à la SARL O… Production Z… X… (« il faut tenir compte d’un autre élément, qui est l’entreprise que j’ai créée avec C…… entreprise d’édition et de gestion de droits, d’organisation, d’expos etc etc ») et s’il envisage « la création d’une fondation qui articulerait édition, surveillance des droits et des images, organisation d’expos etc etc… [et qui] serait tout à fait dans la continuité de compétence d’C… et remettrait la mise en valeur à long terme de toute l’oeuvre », à aucun moment cette lettre n’exprime sa volonté de confier à sa deuxième épouse l’exercice du droit de divulgation de son oeuvre posthume ;

Qu’il en est de même de la retranscription des passages d’une interview accordée en 1988-1989 par Z… X… à M. Y… F… (pièce 47) où celui-ci parle de sa deuxième épouse en révélant l’importance de son amour pour cette dernière mais sans se prononcer sur l’exercice du droit de divulgation de son oeuvre posthume ;

Que de même la désignation de Mme C… E… épouse X… comme gérante statutaire de la SARL O… Production Z… X… (pièce 3) n’emporte pas de ce seul fait dérogation à l’ordre légal d’exercice du droit moral de divulgation de l’oeuvre posthume de Z… X… ;

Que le courriel adressé par Z… X… à M. L… T… et au réalisateur du film « H…'s Dune » (pièce 21) et ne concernant que la réalisation de ce film ne contient aucun élément relatif à l’exercice du droit moral de divulgation de la seule oeuvre posthume de l’auteur (« C…, ma femme est en charge de tout dans cette affaire ») ;

Que les dessins réalisés par Z… X… (pièces 49 et 76) intitulés « P… [surnom d’C… E… épouse X…] apporte l’inspiration à O… » et « Le Major ne pouvait rien faire sans les lionnes » avec la mention « Pour C… mon amour sans laquelle je ne serais que O… » et celui portant la mention « Les fleurs de l’ombre. Pour C… », s’ils révèlent une fois de plus la profondeur des sentiments pour sa deuxième épouse, ne contiennent pas davantage d’éléments relatifs à l’exercice de ce droit moral ;

Qu’enfin l’attestation de M. K… X… et de Mme N… X… en date du 19 février 2014 (pièce 78) reconnaissant que leur mère est investie du droit moral de leur père ne saurait entraîner la conviction de la cour étant observé qu’outre qu’elle émane de deux parties à l’instance qui ne sauraient se constituer des preuves à elles-mêmes, cette attestation ne fait état que du droit moral en général et non pas du droit moral de divulgation en particulier ;

Qu’en conséquence seuls les quatre enfants de Z… X… sont titulaires du droit moral de divulgation de leur père et que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes formées par Mme C… E… épouse X… au titre du droit moral de divulgation » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur la demande formée au titre du droit moral :

Que l’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que

« L’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre.

Ce droit est attaché à sa personne.

Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible.

Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur.

L’exercice peut être conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaires » ;

Que l’article L. 121-2 du même code stipule que « L’auteur a seul le droit de divulguer son oeuvre. Sous réserve des dispositions de l’article L. 132-24, il détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci.

Après sa mort, le droit de divulgation de ses oeuvres posthumes est exercé leur vie durant par le ou les exécuteurs testamentaires désignés par l’auteur. A leur défaut, ou après leur décès, et sauf volonté contraire de l’auteur, ce droit est exercé dans l’ordre suivant : par les descendants, par le conjoint contre lequel n’existe pas un jugement passé en force de chose jugée de séparation de corps ou qui n’a pas contracté un nouveau mariage, par les héritiers autres que les descendants qui recueillent tout ou partie de la succession et par les légataires universels ou donataires de l’universalité des biens à venir (…) » ;

Qu’ainsi, et contrairement à ce qui est allégué par Mme C… X… et ses enfants, le code de la propriété intellectuelle distingue d’une part l’exercice du droit moral constitué du droit au respect de son nom, de sa qualité ou de son oeuvre et d’autre part du droit de divulgation d’une oeuvre non encore divulguée ;

Que les jurisprudences produites par les demandeurs portent quant à elles sur l’attribution du droit moral (art. L. 121-1) au donataire universel mais non du droit spécifique de divulgation (art. L. 121-2) ;

Que l’exercice du droit moral est normalement transmis aux héritiers sauf disposition testamentaire contraire ;

Que la mise en oeuvre de la divulgation de l’oeuvre est, quant à elle, confiée, s’il en existe, aux exécuteurs testamentaires et à défaut, sauf volonté contraire de l’auteur, et dans l’ordre suivant aux descendants, au conjoint, aux autres héritiers et légataires universels et donataires de l’universalité des biens à venir ;

Qu’en l’espèce, le droit moral revendiqué par l’action entreprise est celui du droit de divulgation des oeuvres ;

Qu’en l’absence de volonté contraire exprimée par l’auteur, les titulaires du droit de divulgation sont ses quatre enfants ;

Que pour justifier de l’expression d’une telle volonté, Mme C… X… argue de son statut de légataire universel ;

Que cependant, l’article L. 121-2 du code de la propriété intellectuelle mentionne expressément le donataire universel comme venant en dernière position, bien après les descendants, ce qui implique que ce statut ne vaut pas à lui seul volonté d’aller à l’encontre de l’ordre prévu pour l’exercice du droit de divulgation ;

Que Mme C… X… tente également pour justifier de la volonté contraire de produire des dédicaces de Z… X…, un long courrier manuscrit écrit le 4 janvier 2012 et un entretien relaté par M. F… ;

Que cependant, ces éléments, s’ils permettent de confirmer le grand attachement de l’auteur à son épouse et le rôle important que celle-ci a pu jouer dans son inspiration et sa présence constructive à ses côtés, ne révèlent à aucun moment une volonté clairement exprimée de désigner Mme C… X… comme titulaire du droit de divulgation de son oeuvre ;

Que dès lors, l’action à ce titre formée par Mme C… X… sera déclarée irrecevable » ;

ALORS QUE, après la mort de l’auteur, et en l’absence d’exécuteur testamentaire, le droit de divulgation des oeuvres posthumes n’est dévolu au premier chef aux descendants qu’à défaut de volonté contraire de l’auteur ; que cette volonté peut être tacite et résulter des circonstances de la cause ; qu’en l’espèce, pour écarter une telle volonté contraire de Z… X…, la cour d’appel a retenu que les éléments apportés aux débats par Mme C… X… ne comportaient pas « la volonté expresse de ce dernier de déroger à l’ordre légal d’exercice du droit de divulgation de son oeuvre posthume en confiant cet exercice à sa deuxième épouse » ; qu’en ajoutant ainsi à la loi la condition d’une volonté « expresse » de l’auteur, la cour d’appel a violé l’article L. 121-2 du code de la propriété intellectuelle.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt d’avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu’il avait débouté Mme C… X… de sa demande indemnitaire formée au titre du droit patrimonial pour manque à gagner résultant du défaut d’exploitation des oeuvres graphiques réalisées par Z… X… ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la propriété et la restitution des supports matériels revendiqués :

(…)

Que la SARL Camera One et M. L… T… revendiquent la propriété des supports matériels des dessins réalisés par Z… X… ;

(…)

Qu’en l’espèce il ressort des propres écritures des appelants que la SARL Camera One, dont M. L… T… est le gérant, a acquis en 1974 les droits du roman de science-fiction « Dune » de D… J… pour en entreprendre l’adaptation cinématographique avec le scénariste et réalisateur chilien B… H… et qu’elle a fait appel à plusieurs dessinateurs de premier plan et notamment à Z… X…, connu sous les pseudonymes de « O… » et de « A… », afin de créer les personnages, leurs costumes et les décors (page 7 des conclusions des appelants) ;

Que c’est dans le cadre de ce projet que Z… X… « a réalisé 250 planches, comportant chacune plusieurs dessins, qu’il a remises à la société Camera One » (page 7 des conclusions) ;

Qu’il y a donc bien eu en 1974-1976 entre Z… X… d’une part et la SARL Camera One et M. L… T… d’autre part une convention par laquelle ces derniers ont chargé Z… X… d’exécuter, en toute indépendance, des travaux d’ordre intellectuel, en l’espèce la réalisation de dessins dans le cadre du projet de réalisation cinématographique du film « Dune » et qu’une telle convention doit recevoir la qualification juridique de contrat de louage d’ouvrage ou d’entreprise au sens des articles 1708 et 1787 et suivants du code civil ;

Qu’en l’état des techniques de reproduction de dessins à l’époque, Z… X… a remis à la SARL Camera One et M. L… T… les planches originales de ses dessins, supports matériels de son oeuvre de l’esprit ; que l’existence d’un contrat d’entreprise portant sur une chose remise à l’entrepreneur n’exclut pas que celui-ci soit aussi tenu des obligations du dépositaire et qu’ainsi en l’espèce, le contrat d’entreprise portant commande de dessins comporte une phase de dépôt de leurs supports matériels constitutive d’un contrat de dépôt annexe au contrat d’entreprise ;

Que l’article 1915 du code civil définit le contrat de dépôt comme « un acte par lequel on reçoit la chose d’autrui, à charge de la garder et de la restituer en nature », qu’il s’agit d’un contrat réel, au sens du nouvel article 1109, alinéa 3, dont l’existence, conformément aux dispositions de l’article 1919, n’est subordonnée qu’à la remise effective de la chose entre les mains du dépositaire ;

Qu’en l’espèce le contrat annexe de dépôt auprès de la SARL Camera One des supports matériels des dessins réalisés par Z… X… dans le cadre du contrat principal d’entreprise conclu avec cette société s’est trouvé réalisé du seul fait de la remise de ces support matériels en 1974/1976, cette entrée en détention marquant la naissance de l’obligation de garde du dépositaire ;

Que le contrat d’entreprise est par nature un contrat à titre onéreux, même si le prix n’a pas été fixé lors de sa formation, qu’il n’est d’ailleurs pas allégué que Z… X…, professionnel reconnu de la bande dessinée, aurait accepté d’effectuer sa prestation intellectuelle à titre gratuit pour un projet purement commercial (au demeurant abandonné à cause de son coût), de telle sorte que le seul dépôt, annexe à ce contrat d’entreprise, des supports matériels des dessins constituant sa prestation intellectuelle aux fins notamment de reproduction et d’exploitation dans le cadre de la réalisation du projet cinématographique « Dune » ne peut s’analyser en un don manuel de ces supports matériels au bénéfice de la SARL Camera One et de M. L… T… ;

Qu’au demeurant l’absence d’une quelconque volonté libérale de la part de Z… X… est confirmée par sa lettre du 16 février 2011 (pièce 12 de Mme C… E… épouse X… et autres) adressée à M. L… T… et à la SARL Camera One où il écrit expressément : « ne serait-ce pas le moment propice pour reparler enfin de la propriété des oeuvres graphiques que j’ai réalisées pour le projet de « Dune ». En effet, je n’ai jamais cédé par contrat, ni la propriété des originaux, ni le droit de les publier en dehors du cadre de la production » ; qu’il sera relevé qu’aucune réponse n’a été apportée à cette demande ;

Que le contrat de dépôt emporte l’obligation pour le dépositaire de restituer la chose déposée en nature et que lorsque ce contrat est l’annexe d’un contrat d’entreprise, il subsiste après la réalisation des travaux commandés ; qu’en l’espèce l’abandon après 1976 du projet de réalisation cinématographique dans lequel s’insérait le contrat d’entreprise au demeurant réalisé par Z… X…, n’a pas mis fin au contrat de dépôt portant sur les supports matériels des dessins réalisés par Z… X… ;

Que tant que la chose reste entre les mains du dépositaire, ce dernier reste tenu à restitution, l’obligation de restitution étant perpétuelle, de telle sorte qu’il importe peu que de son vivant Z… X…, jusqu’à sa lettre précitée du 16 février 2011, n’ait pas sollicité la restitution des planches litigieuses ; qu’en tout état de cause en vertu des dispositions de l’article 2262 du code civil, des actes de simple tolérance « ne peuvent fonder ni possession ni prescription » ;

Que si une exposition consacrée à l’artiste S… et à O… s’est tenue en 2004-2005 à l’hôtel de la Monnaie à Paris (pièces 19 à 21 des appelants) où le story board du projet « Dune », prêté par la SARL Camera One, a été exposé, il convient de relever qu’il ne s’agissait pas des supports matériels originaux mais d’une numérisation des dessins pour la présentation d’un fac similé sous la forme d’un port folio (pièces 57 et 58 de Mme C… E… épouse X… et autres), de telle sorte que les échanges de courriels entre Mme C… E… épouse X… et la SARL Camera One (pièce 12 des appelants) n’ont porté que sur la restitution de ce fac similé et non pas sur les supports matériels originaux qu’elle n’a jamais reconnus comme étant la propriété de la SARL Camera One ; qu’il en est de même de l’exposition organisée à Londres en 2009 (pièce 22 des appelants) au demeurant non autorisée par Z… X… ;

Que la lettre de la société Magda Productions du 26 avril 1993 (pièce 13 des appelants) demandant à M. L… T… « sous les recommandations de Z… X… (…) l’autorisation de présenter quelques planches du story board de « Dune » dans le cadre de la contribution de O… à ce projet de film ne concerne que l’exercice des droits de propriété incorporelle sur les dessins, distinct de la propriété de leur support matériel ainsi que le précise le premier alinéa de l’article L 111-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Qu’en ce qui concerne la prescription acquisitive invoquée par les appelants, l’article 2261 du code civil dispose que « pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire’ et que, selon l’article 2266, 'ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais par quelque laps de temps que ce soit. Ainsi, (…) le dépositaire (…) et tous autres qui détiennent précairement le bien ou le droit du propriétaire ne peuvent le prescrire » ;

Que le dépositaire étant ainsi un détenteur précaire, il ne peut se prévaloir de la prescription acquisitive, sauf à établir une interversion de titre telle que prévue par l’article 2268 du code civil qui dispose que « les personnes énoncées dans les articles 2266 et 2267 peuvent prescrire, si le titre de leur possession se trouve interverti, soit par une cause venant d’un tiers, soit par la contradiction qu’elles ont opposée au droit du propriétaire » ;

Considérant que l’interversion suppose deux critères cumulatifs : d’une part l’accomplissement d’actes manifestant la volonté du détenteur de se comporter désormais comme propriétaire et apportant une contradiction non équivoque au droit du propriétaire et d’autre part que ces actes aient pu être pleinement connus du véritable propriétaire afin que celui-ci soit en mesure d’y répliquer ;

Que la volonté unilatérale du détenteur de posséder dorénavant à titre de propriétaire ne peut suffire à lui conférer la possession animo domini conduisant à la prescription ; qu’en effet en vertu des dispositions de l’article 2270 du code civil selon lequel « on ne peut pas prescrire contre son titre, en ce sens que l’on ne peut point se changer à soi-même la cause et le principe de sa possession », l’exercice normal par la SARL Camera One et M. L… T… de leur droit normal de possesseur précaire en tant de dépositaires des planches ne peut pas fonder une interversion de titre ;

Qu’enfin lorsque Z… X… a écrit le 16 février 2011 à M. L… T… et à la SARL Camera One qu’il n’avait jamais cédé la propriété des dessins originaux relatifs au projet « Dune » et qu’il souhaitait « reparler enfin de la propriété [de ces] oeuvres graphiques », aucune réponse ne lui a été faite par ceux-ci ;

Qu’il apparaît donc que lorsque Z… X…, auteur des planches litigieuses, a en sa qualité de propriétaire de ces planches, rappelé à la SARL Camera One et à M. L… T… la nature de leurs obligations contractuelles relativement à ces planches (« je n’ai jamais cédé par contrat, ni la propriété des originaux, ni le droit de les publier en dehors du cadre de la production »), ceux-ci ne lui ont à aucun moment opposé de son vivant un refus motivé par une prétention à la propriété de ces planches, de telle sorte qu’il n’y a pas eu interversion de titre au sens de l’article 2268 ;

Qu’enfin devant la cour les appelants n’invoquent plus la prescription extinctive écartée à juste titre par les premiers juges ;

Qu’en conséquence le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a dit que la succession de Z… X… est propriétaire des supports matériels des oeuvres graphiques réalisées par celui-ci dans le cadre du projet de production « Dune » et détenus par la SARL Camera One et M. L… T… ;

(…)

[Sur] les atteintes aux droits patrimoniaux :

Que les premiers juges ont débouté Mme C… E… épouse X… de sa demande indemnitaire formée au titre du droit patrimonial pour manque à gagner résultant du défaut d’exploitation des oeuvres graphiques réalisées par Z… X… au motif qu’elle ne justifiait d’aucun projet d’exploitation de ces oeuvres ni du vivant de Z… X…, ni depuis son décès ;

Que Mme C… E… épouse X… reprend à titre subsidiaire les demandes en réparation des atteintes aux droits patrimoniaux présentées par la SARL O… Production Z… X… en réclamant une somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts, faisant valoir que l’exploitation de ces oeuvres n’est possible qu’en récupérant les dépôts des originaux et qu’en refusant leur restitution, la SARL Camera One lui a causé un préjudice en l’empêchant d’exploiter librement ces oeuvres ;

Que la SARL Camera One et M. L… T… soutiennent qu’aucune atteinte n’a été portée à l’exercice des droits patrimoniaux de Mme C… E… épouse X…, la possession des planches ne la privant pas du droit de les exploiter conformément aux dispositions de l’article L. 111-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Qu’ils affirment qu’aucun projet n’aurait échoué en raison d’un refus qu’ils lui auraient opposé ;

Que ceci exposé, il sera rappelé que selon l’article L. 111-3 du code de la propriété intellectuelle, « la propriété incorporelle définie par l’article L. 111-1 est indépendante de la propriété de l’objet matériel », de telle sorte que la seule possession, même indue, du support matériel de l’oeuvre ne prive pas ipso facto le titulaire du droit d’auteur de l’exploitation de son oeuvre, sauf à rapporter la preuve d’un comportement fautif faisant obstruction à cette exploitation ;

Que comme l’ont rappelé à juste titre les premiers juges, Z… X…, de son vivant, n’a jamais exprimé l’intention d’exploiter les dessins remis à la SARL Camera One et qu’il n’est justifié d’aucun projet d’une telle exploitation ; qu’il en est de même depuis son décès par ses héritiers ;

Qu’en effet, Mme C… E… épouse X… ne verse d’abord aux débats (pièce 35) qu’un fax en date du 2 octobre 1995 adressé par la société américaine Starwatcher Graphics, Inc. faisant état de l’intérêt de cette société pour « explorer » l’idée de faire un livre du story board du projet « Dune » ; qu’il ne s’agit que de l’idée d’un projet simplement exploratoire sans qu’aucun autre document ne soit produit démontrant que ce projet aurait finalement échoué à cause d’un refus qui aurait été opposé par la SARL Camera One et/ou M. L… T… ;

Qu’elle verse également aux débats (pièce 10) un courriel adressé le 10 janvier 2012 par les époux X… à la SARL Camera One qui leur exposait avoir été contactée par plusieurs personnes intéressées par l’édition du story board du projet « Dune », mais que ce courriel montre qu’au contraire ce sont les époux X… qui se sont expressément opposés à ces projets, ne souhaitant pas travailler avec la première personne avec qui ils étaient en procès et estimant que les contrats proposés par la deuxième n’étaient « pas encore d’actualité » ;

Qu’enfin s’il est fait état d’un échange de correspondances entre Mme C… E… épouse X… et le directeur général du Drawing Center à New York relativement à un projet d’exposition des dessins originaux de Z… X… relatifs au projet « Dune » (pièce 68), la Cour relève que dans la lettre du 28 juin 2016 de ce directeur général, compréhensible même si elle est rédigée en anglais, cette exposition n’est prévue que pour la fin de l’année 2018 (« the Dune film project in late 2018 ») ;

Qu’en conséquence il n’est justifié d’aucun préjudice patrimonial résultant d’une impossibilité d’exploiter les oeuvres litigieuses, que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Mme C… E… épouse X… de ce chef de demande » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur l’atteinte au droit patrimonial :

(…)

Que Mme C… X… sollicite la somme de 100 000 euros au titre du manque à gagner résultant du défaut d’exploitation des oeuvres graphiques réalisées par Z… X… dans le cadre de la production du film Dune ;

Que cependant, elle ne justifie d’aucun projet d’exploitation de ces oeuvres ni du vivant de Z… X…, ni depuis son décès ;

Qu’en outre, il convient de rappeler que jamais avant 2011, Z… X… n’avait exprimé le souhait de reprendre possession de ses oeuvres ;

Que Mme C… X… sera dès lors déboutée de sa demande à ce titre » ;

ALORS QUE le refus du dépositaire d’oeuvres graphiques originales de les restituer rend, par définition, impossible leur exploitation par le déposant ou ses ayant-droits, lesquels se trouvent en conséquence nécessairement privés de la chance d’exploiter lesdites oeuvres ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a elle-même constaté que contrairement à leurs allégations, la société Camera One et M. T… n’étaient nullement propriétaires mais simples dépositaires des supports matériels des oeuvres graphiques de Z… X… réalisées dans le cadre du projet « Dune », de sorte que restitution en était due ; qu’il en résultait que la détention indue de ces oeuvres avait nécessairement causé un préjudice à la succession de Z… X… privée d’une chance de les exploiter ; qu’en retenant pourtant qu’ « aucun préjudice patrimonial » n’en aurait résulté, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de sa décision au regard de l’article 1147, devenu 1231-1, du code civil.

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Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 février 2019, 17-18.415 17-19.273, Inédit