Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 9 novembre 2011, 323273, Inédit au recueil Lebon

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Sur la décision

Référence :
CE, 9e et 10e ss-sect. réunies, 9 nov. 2011, n° 323273
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 323273
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 7 décembre 2008, N° 0810331/7-1
Identifiant Légifrance : CETATEXT000024803124
Identifiant européen : ECLI:FR:CESSR:2011:323273.20111109

Sur les parties

Texte intégral

Vu l’ordonnance n° 0810331/7-1 du 8 décembre 2008 par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, la demande présentée par la SNC STOP HOTEL VILLENEUVE D’ASCQ ;

Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la SNC STOP HOTEL VILLENEUVE D’ASCQ, dont le siège est 9 boulevard de Mons à Villeneuve d’Ascq (59650) ; la SNC STOP HOTEL VILLENEUVE D’ASCQ demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler la décision du 30 avril 2008 de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) rejetant sa demande tendant au remboursement de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) qu’elle a versée au titre des années 2003 à 2007 ;

2°) de prononcer la décharge demandée, à concurrence de la somme de 4 937,92 euros ;

3°) de mettre à la charge de la Commission de régulation de l’énergie le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ;

Vu la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 ;

Vu la loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Cécile Isidoro, Maître des Requêtes,

— les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SNC STOP HOTEL VILLENEUVE D’ASCQ,

— les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SNC STOP HOTEL VILLENEUVE D’ASCQ ;

Considérant que la SNC STOP HOTEL VILLENEUVE D’ASCQ a demandé à la Commission de régulation de l’énergie la restitution d’une partie de la contribution au service public de l’électricité qu’elle avait versée au titre des années 2003 à 2007, au motif que cette taxe constituait, selon elle, une aide d’Etat au sens de l’article 87 du traité instituant la Communauté européenne, irrégulière faute de notification préalable à la Commission européenne ; que la Commission de régulation de l’énergie a rejeté sa demande par une décision du 30 avril 2008 ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir soulevée par la Commission de régulation de l’énergie ;

Considérant qu’aux termes de l’article 87 du traité instituant la Communauté européenne : « Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d’Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions » ; qu’aux termes de l’article 88 du même traité : « 1. La Commission procède avec les Etats membres à l’examen permanent des régimes d’aides existant dans ces Etats. (…) / 2. Si (…) la Commission constate qu’une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d’Etat n’est pas compatible avec le marché intérieur aux termes de l’article 107 (…) elle décide que l’Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine (…) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu’un projet n’est pas compatible avec le marché intérieur, aux termes de l’article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L’Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale » ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions que, s’il ressortit à la compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne, si une aide de la nature de celles mentionnées à l’article 87 précité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par le traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l’invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l’obligation, qu’impose aux Etats membres, le paragraphe 3 de l’article 88 du traité, d’en notifier le projet à la Commission, préalablement à toute mise à exécution ; que, contrairement à ce que soutient la Commission de régulation de l’énergie, l’exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l’application est contestée instituent un régime d’aide, ou si une taxe fait partie intégrante d’une telle aide ;

Considérant qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, d’une part, que les taxes n’entrent pas dans le champ d’application des dispositions précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d’Etat, à moins qu’elles constituent le mode de financement d’une mesure d’aide, de sorte qu’elles font partie intégrante de cette mesure, d’autre part, que, pour qu’une taxe, ou une partie d’une taxe, fasse partie intégrante d’une mesure d’aide, il doit exister un lien d’affectation contraignant entre la taxe et l’aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe soit nécessairement affecté au financement de l’aide et que le montant de la taxe influence directement le niveau de l’aide ;

Considérant d’une part, qu’aux termes de l’article 5 de la loi du 10 février 2000, dans sa rédaction applicable au présent litige : "I. – Les charges imputables aux missions de service public assignées aux opérateurs électriques sont intégralement compensées. Elles comprennent : a) En matière de production d’électricité : (…) ; 2° Les surcoûts de production dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental qui, en raison des particularités du parc de production inhérentes à la nature de ces zones, ne sont pas couverts par la part relative à la production dans les tarifs de vente aux clients non éligibles ou par les éventuels plafonds de prix prévus par le I de l’article 4 de la présente loi ; (…) / Ces charges sont calculées sur la base d’une comptabilité appropriée tenue par les opérateurs qui les supportent. Cette comptabilité, établie selon des règles définies par la Commission de régulation de l’énergie, est contrôlée aux frais des opérateurs qui supportent ces charges par leur commissaire aux comptes ou, pour les régies, par leur comptable public. La Commission de régulation de l’énergie peut, aux frais de l’opérateur, faire contrôler cette comptabilité par un organisme indépendant qu’elle choisit. Le ministre chargé de l’énergie arrête le montant des charges sur proposition de la Commission de régulation de l’énergie effectuée annuellement. / La compensation de ces charges, au profit des opérateurs qui les supportent, est assurée par des contributions dues par les consommateurs finals d’électricité installés sur le territoire national. (…) / Le montant de la contribution applicable à chaque kilowattheure est calculé de sorte que les contributions couvrent l’ensemble des charges visées aux a et b, ainsi que les frais de gestion exposés par la Caisse des dépôts et consignations, mentionnés ci-après. Le ministre chargé de l’énergie arrête ce montant sur proposition de la Commission de régulation de l’énergie, effectuée annuellement. (…) Les contributions effectivement recouvrées sont reversées aux opérateurs qui supportent les charges de service public par l’intermédiaire de la Caisse des dépôts et consignations. (…)" ;

Considérant que la prise en charge des surcoûts de production dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental, prévue par les dispositions précitées, a pour unique objet de permettre aux consommateurs d’électricité situés dans ces zones de payer l’électricité qu’ils consomment au même prix que sur le reste du territoire national ; que cette mesure, qui tend à maintenir l’égalité entre l’ensemble des consommateurs d’électricité, ne constitue pas un avantage sélectif procuré à des entreprises et ne peut, par suite, être qualifiée d’aide d’Etat au sens des dispositions précitées de l’article 87 du traité instituant la Communauté européenne ;

Considérant d’autre part, que l’article 16 de la loi du 7 décembre 2006 a institué, à compter du mois de janvier 2007, un « tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché » destiné à atténuer le coût, pour les consommateurs d’électricité de l’augmentation des tarifs non réglementés en permettant à leur fournisseur de bénéficier d’une compensation du surcoût qu’il supporte couvrant la différence entre, d’une part, les recettes provenant de l’application de ce tarif et, d’autre part, le coût de revient de leur production ou le prix auquel ils se fournissent, pris en compte dans la limite d’un plafond fixé par arrêté du ministre chargé de l’énergie et calculé par référence aux prix de marché ; que ces dispositions prévoient que la compensation de ces charges, au profit des fournisseurs qui les supportent, est assurée pour partie en utilisant le solde des sommes collectées au titre de la contribution prévue au I de l’article 5 de la loi du 10 février 2000 précitée, une fois que la compensation des charges de service public mentionnées à ce même article 5 a été effectuée et, pour le surplus, par une contribution due par les producteurs d’électricité exploitant des installations d’une puissance installée totale de plus de 2 000 mégawatts, assise sur le volume de leur production d’électricité d’origine nucléaire et hydraulique au cours de l’année précédente et ne pouvant excéder 1,3 euros par mégawatt-heure d’origine nucléaire ou hydraulique ; que les mêmes dispositions de l’article 16 de la loi du 7 décembre 2006 ont prévu que le montant de cette dernière contribution est calculé de sorte que ce montant, ajouté aux sommes prélevées sur le produit de la contribution au service public de l’électricité couvre les charges supportées par les opérateurs ; qu’ainsi, à supposer même que l’institution du tarif réglementé provisoire d’ajustement du marché constitue une aide d’Etat au sens des stipulations précitées de l’article 87 du traité instituant la Communauté européenne, il résulte des dispositions susanalysées de la loi du 7 décembre 2006 que le montant de la contribution au service public de l’électricité n’influencerait pas directement le niveau de cette aide de sorte que cette contribution puisse être considérée comme en faisant partie intégrante ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SNC STOP HOTEL VILLENEUVE D’ASCQ n’est pas fondée à demander la restitution de la contribution au service public de l’électricité qu’elle a versée au titre des années 2003 à 2007 ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat le versement de la somme qu’elle demande au titre des frais exposés dans la présente instance ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la SNC STOP HOTEL VILLENEUVE D’ASCQ est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SNC STOP HOTEL VILLENEUVE D’ASCQ et à la Commission de régulation de l’énergie.

Copie pour information en sera adressée à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.

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