Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 30 décembre 2021, 449049, Inédit au recueil Lebon

  • Médicaments·
  • Prix maximal·
  • Etats membres·
  • Directive·
  • Union européenne·
  • Blocage des prix·
  • Sécurité sociale·
  • Etablissements de santé·
  • Critère·
  • Sécurité

Commentaires3

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Vulpi Avocats - Chronique de jurisprudence · 19 janvier 2022

Décembre 2021 Actes et décisions - Procédure administrative non-contentieuse 1 - Aide au programme de financement des entreprises - Établissement producteur récoltant de champagne - Refus de l'aide par l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) - Régime de l'acte créateur de droits sous condition - Absence de retrait - Décision non soumise à l'obligation de motivation - Erreur de droit - Annulation et renvoi. (9 décembre 2021, FranceAgriMer, n° 433968) V. n° 100 2 - Agent public - Interdiction d'accès à un local - Mesure d'ordre …

 

De Gaulle Fleurance & Associés · 5 janvier 2022

Market Access des médicaments Comme tous les ans, la jurisprudence du Conseil d'Etat en matière de market access des médicaments a été riche d'enseignements. Même si l'activité des tribunaux administratifs et du Conseil d'Etat dans le domaine de la santé porte toujours très largement sur l'examen de questions en lien avec les mesures sanitaires prises dans le cadre de la crise du Covid, il n'en demeure pas moins qu'ils sont régulièrement saisis de recours en matière de prix et de remboursement des médicaments et qui donnent lieu à des décisions particulièrement intéressantes, dont les …

 

Conclusions du rapporteur public · 30 décembre 2021

N° 449049 Syndicat LEEM 1ère et 4ème chambres réunies Séance du 29 novembre 2021 Lecture du 30 décembre 2021 CONCLUSIONS M. Vincent VILLETTE, Rapporteur public En 2019 en France, le marché des médicaments représentait un chiffre d'affaires de l'ordre de 30 milliards d'euros, dont 8,2 milliards au titre de ventes aux hôpitaux – soit 28 % du total1. Déjà significatif en soi, ce chiffre prend une toute autre dimension lorsqu'il est appréhendé de façon dynamique. C'est qu'en effet, un regard rétrospectif révèle que la part relative des dépenses hospitalières médicamenteuses n'a cessé de …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CE, 1-4 chr, 30 déc. 2021, n° 449049
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 449049
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Question préjudicielle CJUE
Date de dernière mise à jour : 28 août 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000044806222
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2021:449049.20211230

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 25 janvier, 30 août et 6 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le syndicat Les Entreprises du médicament (LEEM) demande au Conseil d’État :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2020-1437 du 24 novembre 2020 relatif aux modalités de fixation du prix maximal de vente aux établissements de santé d’un produit de santé ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notamment son article 267 ;

— la directive 89/105/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 ;

— le code de la santé publique ;

— le code de la sécurité sociale ;

— la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 ;

— l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 2 avril 2009, A. Menarini Industrie Farmaceutiche Riunite Srl e.a. (C-352/07 à C-356/07, C-365/07 à C-367/07 et C-400/07) ;

— le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, maître des requêtes,

— les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

Vu la note en délibérée, enregistrée le 2 décembre 2021, présentée par le syndicat LEEM ;

Considérant ce qui suit :

1. L’article L. 162-16-4-3 du code de la sécurité sociale, issu de l’article 42 de loi du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020, permet aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale de fixer par arrêté un prix maximal de vente aux établissements de santé de certains médicaments inscrits sur la liste des spécialités agréées à l’usage des collectivités publiques prévue à l’article L. 5123-2 du code de la santé publique et de certains produits de santé autres que des médicaments, financés au titre des prestations d’hospitalisation définies à l’article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale. Selon le I de cet article, un tel prix peut être fixé « en cas de risque de dépenses injustifiées, notamment au regard d’une augmentation significative des prix de vente constatés ou au regard des prix de produits de santé comparables » ou « dans le cas de produits de santé qui, à titre unitaire ou compte tenu de leur volume global, ont, de manière prévisible ou constatée, un caractère particulièrement coûteux pour certains établissements ». Aux termes du II, préalablement à la fixation du prix maximal, l’entreprise doit avoir été mise en mesure de présenter ses observations, pour les médicaments « au regard d’au moins l’un des critères mentionnés à la seconde phrase du premier alinéa du I de l’article L. 162-16-4 », c’est-à-dire des critères dont il est tenu compte pour la fixation du prix de vente au public des médicaments inscrits sur la liste des spécialités remboursables et, pour les produits de santé autres que les médicaments, « au regard d’au moins l’un des critères mentionnés au dernier alinéa du I de l’article L. 165-2 » c’est-à-dire des critères selon lesquels sont fixés les tarifs de responsabilité des produits ou prestations inscrits sur la liste prévue pour ces produits. Le III renvoie la définition des modalités d’application de l’article à un décret en Conseil d’Etat.

2. En application de ces dispositions, le décret du 24 novembre 2020 relatif aux modalités de fixation du prix maximal de vente aux établissements de santé d’un produit de santé a inséré au code de la sécurité sociale un article R. 163-11-2 fixant la procédure à suivre dans le cas où les ministres compétents envisagent de fixer, pour une spécialité pharmaceutique ou un autre produit de santé, un prix maximal de vente aux établissements de santé. Le syndicat Les Entreprises du médicament (LEEM) en demande l’annulation pour excès de pouvoir.

Sur les moyens tirés de la méconnaissance du droit interne :

3. D’une part, le syndicat requérant ne peut, en tout état de cause, utilement soutenir que le décret méconnaîtrait un principe de subsidiarité de la décision unilatérale par rapport à la négociation conventionnelle en matière de fixation du prix des médicaments pris en charge par la sécurité sociale, dès lors que les dispositions permettant aux ministres compétents de fixer un prix maximal de vente résultent directement de l’article L. 162-16-4-3 du code de la sécurité sociale.

4. D’autre part, l’article L. 162-16-4-3 de ce code se borne, comme il a été dit au point 1, à renvoyer au pouvoir réglementaire la définition des modalités de son application. Le décret attaqué ne saurait être regardé comme ayant méconnu ces dispositions en ne précisant pas le champ d’application du nouveau dispositif mis en place ou certaines notions ou critères à mettre en œuvre.

5. Enfin, en disposant au III de l’article R. 163-11-2 du même code que « l’arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale fixant ou modifiant un prix prévu à l’article L. 162-16-4-3 () ne s’applique pas aux procédures d’appel d’offres en cours à la date de sa publication », le décret attaqué a entendu prévoir, ainsi qu’il résulte d’ailleurs des écritures en défense du ministre des solidarités et de la santé, que le prix maximal de vente fixé par arrêté ne s’applique ni aux marchés publics conclus consécutivement à un appel d’offre en cours à la date de publication de cet arrêté, ni aux marchés publics déjà conclus avant cette même date. Dans ces conditions, le décret attaqué n’a pas porté atteinte au principe de sécurité juridique.

Sur les moyens tirés de la méconnaissance du droit de l’Union européenne :

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 34 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne :

6. Les critères fixés par l’article L. 162-16-4-3 du code de la sécurité sociale, qui ne distinguent pas entre les médicaments selon qu’ils sont produits en France ou qu’ils sont importés, ne sauraient être regardés comme instituant une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative à l’importation au sens de l’article 34 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, dès lors qu’ils n’induisent pas par eux-mêmes que le prix fixé soit établi à un niveau tel que l’écoulement des produits importés d’un Etat membre de l’Union européenne devient, soit impossible, soit plus difficile que celui des produits nationaux. Ces critères n’appellent par suite, contrairement à ce qui est soutenu, aucune des justifications exigées par l’article 36 de ce même traité. Le syndicat requérant n’est donc pas fondé à soutenir que l’article L. 162-16-4-3 et le décret attaqué pris pour son application méconnaîtraient pour ce motif ces deux stipulations.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-discrimination :

7. Il ressort des pièces du dossier, notamment des écritures en défense du ministre des solidarités et de la santé, que le dispositif de fixation d’un prix maximal de vente de certains médicaments ou produits de santé vise à réduire l’écart significatif de prix qui peut être constaté, entre établissements de santé, pour un même médicament inscrit sur la liste des spécialités agréées à l’usage des collectivités publiques ou pour un même produit de santé. Au regard de cet objectif, les médicaments ou produits de santé pris en charge par l’assurance maladie au titre des prestations d’hospitalisation, qui sont acquis par les établissements de santé ou leurs groupements auprès des entreprises qui commercialisent ces médicaments au terme de procédures d’appel d’offres, aux prix fixés par les contrats qui en résultent, ne sont pas dans la même situation, au regard de leur prise en charge par l’assurance maladie, que les spécialités pharmaceutiques prises en charge au titre de leur inscription sur la liste mentionnée à l’article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, dite « liste en sus » des prestations d’hospitalisation, et que les médicaments « rétrocédés » au public par les pharmacies à usage intérieur conformément aux dispositions de l’article L. 5126-6 du code de la santé publique et pris en charge selon les modalités fixées au même article. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions méconnaîtraient le principe de non-discrimination garanti par le droit de l’Union européenne ne peut qu’être écarté.

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance de la directive 89/105/CEE :

8. Aux termes de l’article 1er de la directive 89/105/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, concernant la transparence des mesures régissant la fixation des prix des médicaments à usage humain et leur inclusion dans le champ d’application des systèmes nationaux d’assurance-maladie : « 1. Les États membres veillent à ce que toute mesure nationale, qu’elle soit de nature législative, réglementaire ou administrative, en vue de contrôler les prix des médicaments à usage humain ou de restreindre la gamme des médicaments couverts par leurs systèmes nationaux d’assurance-maladie, soit conforme aux exigences de la présente directive. / () ». En vertu de son article 2 : « Les dispositions suivantes sont applicables lorsque la commercialisation d’un médicament n’est autorisée qu’après que les autorités compétentes de l’Etat membre intéressé ont approuvé le prix du produit : / 1) Les Etats membres veillent à ce qu’une décision relative au prix applicable au médicament en question soit adoptée et communiquée au demandeur dans un délai de quatre-vingt-dix jours suivant la réception d’une demande présentée, conformément aux conditions fixées dans l’Etat membre concerné, par le titulaire d’une autorisation de commercialisation. () / 2) Si les autorités compétentes décident de ne pas autoriser la commercialisation du médicament en question au prix proposé par le demandeur, la décision comporte un exposé des motifs fondé sur des critères objectifs et vérifiables () ». Selon son article 3 : « () 1) Les États membres veillent à ce qu’une décision relative à une demande d’augmentation du prix d’un médicament, présentée conformément aux conditions fixées dans l’État membre concerné par le titulaire d’une autorisation de commercialisation, soit adoptée et communiquée au demandeur dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de sa réception () ». Aux termes de son article 4 : « 1. En cas de blocage du prix de tous les médicaments ou de certaines catégories de médicaments, imposé par les autorités compétentes d’un État membre, cet État membre vérifie, au moins une fois par an, si les conditions macro-économiques justifient le maintien du blocage inchangé. () / 2. Dans des cas exceptionnels, le titulaire d’une autorisation de commercialisation d’un médicament peut, pour des raisons particulières, demander à bénéficier d’une dérogation au blocage de prix () ». Enfin, selon son article 11 : « 1. Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 31 décembre 1989. Ils en informent immédiatement la Commission. / 2. Les États membres communiquent à la Commission, avant la date visée au paragraphe 1, le texte des dispositions législatives, réglementaires ou administratives relatives à la fixation des prix des médicaments, au profit des fabricants de produits pharmaceutiques et au remboursement des médicaments par les systèmes nationaux d’assurance-maladie () ».

9. En premier lieu, il résulte des dispositions citées au point 1 que les ministres compétents peuvent fixer un prix maximal de vente aux établissements de santé d’un médicament ou d’un produit de santé « en cas de risque de dépenses injustifiées, notamment au regard d’une augmentation significative des prix de vente constatés ou au regard des prix de produits de santé comparables » ou « dans le cas de produits de santé qui, à titre unitaire ou compte tenu de leur volume global, ont, de manière prévisible ou constatée, un caractère particulièrement coûteux pour certains établissements ». Ils doivent, d’autre part, prendre en compte, s’agissant d’un médicament, au moins un des critères mentionnés à l’article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale, à savoir " () l’amélioration du service médical rendu par le médicament, le cas échéant [les] résultats de l’évaluation médico-économique, [les] prix des médicaments à même visée thérapeutique, [les] volumes de vente prévus ou constatés ainsi que [les] conditions prévisibles et réelles d’utilisation du médicament « , et, s’agissant d’un produit de santé autre qu’un médicament, au moins un des critères mentionnés au dernier alinéa du I de l’article L. 165-2 du même code, c’est-à-dire »l’amélioration éventuelle du service attendu ou rendu, le cas échéant, [les] résultats de l’évaluation médico-économique des tarifs des produits ou prestations comparables, [les] volumes de vente prévus ou constatés, [les] montants remboursés par l’assurance maladie obligatoire prévus ou constatés et [les] conditions prévisibles et réelles d’utilisation« et également, le cas échéant, »l’appartenance aux classes définies en application du deuxième alinéa de l’article L. 165-1". Contrairement à ce qui est soutenu, de tels critères sont, en tout état de cause, de nature à permettre que, conformément à ce qu’exige l’article 2 de la directive 89/105/CEE cité au point précédent, les ministres prennent une décision reposant sur des critères objectifs et vérifiables. Par suite, le syndicat requérant n’est pas fondé à soutenir que l’article L. 162-16-4-3 du code de la sécurité sociale ou le décret attaqué pris pour son application méconnaîtraient sur ce point les dispositions de cette directive.

10. En deuxième lieu, d’une part, si les dispositions, citées au point 8, du paragraphe 2 de l’article 11 de la directive 89/105/CEE imposent aux Etats membres de communiquer à la Commission les dispositions législatives ou réglementaires relatives à la fixation des prix des médicaments, elles ne subordonnent pas leur entrée en vigueur en droit interne à l’accord ou à la non-opposition de la Commission. Le syndicat requérant n’est donc pas fondé à soutenir que l’arrêté attaqué serait illégal en raison de l’absence d’information de la Commission. Il ne peut, d’autre part, utilement soutenir que cet arrêté serait contraire à l’article 3 de la directive 89/105/CEE cité au point 8, dès lors que le délai de quatre-vingt-dix jours qu’il prévoit n’est prescrit que pour répondre à une demande d’augmentation du prix d’un médicament qu’une entreprise intéressée présente et non dans le cas où la décision de fixation d’un prix est prise à l’initiative des autorités compétentes.

11. En dernier lieu, toutefois, le syndicat requérant soutient, par la voie de l’exception, que le mécanisme de plafonnement du prix de vente de certains médicaments que met en place l’article L. 162-16-4-3 constitue un mécanisme de « blocage des prix de tous les médicaments ou de certaines catégories de médicaments » au sens de l’article 4 de la directive 98/105/CEE, cité au point 8, et qu’il devait donc prévoir, à peine d’illégalité, une évaluation annuelle des conditions macro-économiques justifiant le « maintien du blocage inchangé » et la possibilité pour l’exploitant de la spécialité pharmaceutique de bénéficier d’une dérogation « dans des cas exceptionnels » et « pour des raisons particulières ».

12. Dans le cadre d’un renvoi par le Conseil d’Etat italien qui était saisi d’une législation qui ouvrait la possibilité, pour le ministre chargé de la santé, de fixer un plafond global de dépenses pharmaceutiques prises en charge aux titre des dépenses nationales de santé sans que ne soit formellement prise une décision préalable de gel des prix, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit, au point 29 de son arrêt du 2 avril 2009 A. Menarini Industrie Farmaceutiche Riunite Srl e.a. (C-352/07 à C-356/07, C-365/07 à C-367/07 et C-400/07), que « la notion de blocage du prix de tous les médicaments ou de certaines catégories de médicaments figurant à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 89/105 inclut toutes les mesures nationales visant à contrôler les prix des médicaments même lorsque ces mesures ne sont pas précédées d’un blocage de ces prix ». La Cour de justice a déduit cette interprétation de l’économie générale de la directive 89/105/CEE et de l’effet utile de cette dernière afin de permettre aux intéressés de s’assurer que l’inscription administrative de médicaments répond à des critères objectifs et qu’aucune discrimination ne soit opérée entre les médicaments nationaux et ceux provenant d’autres États membres. La Cour de justice a cependant également rappelé, aux points 35 et 36 du même arrêt, qu’en vertu du sixième considérant de la directive 89/105/CEE, les exigences de cette dernière n’affectent ni la politique des États membres pour déterminer les prix des médicaments ni les politiques nationales en matière de fixation des prix et d’instauration des systèmes de sécurité sociale, sauf dans la mesure où cela est nécessaire aux fins de la transparence au sens de la même directive, qui est sous-tendue par l’idée d’une ingérence minimale dans l’organisation par les États membres de leurs politiques internes en matière de sécurité sociale.

13. La réponse au moyen tiré de la méconnaissance de l’article 4 de la directive 89/105/CEE et la solution du litige soulevé par le syndicat requérant dépendent de la question de savoir si la notion de « blocage des prix de tous les médicaments ou de certaines catégories de médicaments » figurant à cet article doit être interprétée comme s’appliquant à une mesure dont la finalité est de contrôler les prix des médicaments mais qui concerne uniquement certains médicaments, pris individuellement. En effet, en l’espèce, il résulte des dispositions citées au point 1 que le dispositif de plafonnement du prix de vente aux établissements de santé que met en place l’article L. 162-16-4-3, s’il vise à contrôler le prix des médicaments auxquels il est appliqué, porte uniquement sur certains médicaments, pris individuellement, dans le cas où l’une au moins des conditions qu’il pose est remplie. Il n’a donc pas vocation à s’appliquer à tous les médicaments, ni même à certaines catégories d’entre eux. En outre, l’évaluation au moins annuelle des conditions macro-économiques justifiant le maintien inchangé du blocage, prévue par l’article 4, paragraphe 1, de la directive, semble dépourvue en l’espèce de portée dès lors que, comme il a été dit, les conditions posées par l’article L. 162-16-4-3 du code de la sécurité sociale pour que la mesure qu’il prévoit puisse être prise ne sont pas de nature macro-économique mais sont fondées sur les prix de vente constatés du médicament concerné, considéré seul ou au regard de médicaments comparables. De même, la possibilité qui, en application de l’article 4, paragraphe 2, de la directive, doit être ouverte au titulaire d’une autorisation de commercialisation d’un médicament de demander, dans des cas exceptionnels, à bénéficier d’une dérogation au blocage de prix pour des raisons particulières semble sans objet s’agissant d’un dispositif conçu pour prendre la forme de décisions individuelles.

14. Cette question, qui est déterminante pour la solution du litige, présente une difficulté sérieuse. Il y a lieu, dès lors, d’en saisir la Cour de justice de l’Union européenne en application de l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et, jusqu’à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur la requête du syndicat LEEM.

D E C I D E :

— -------------

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête du syndicat Les Entreprises du médicament jusqu’à ce que la Cour de justice de l’Union européenne se soit prononcée sur la question de savoir si l’article 4 de la directive 89/105/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, concernant la transparence des mesures régissant la fixation des prix des médicaments à usage humain et leur inclusion dans le champ d’application des systèmes nationaux d’assurance maladie, doit être interprété en ce sens que la notion de « blocage des prix de tous les médicaments ou de certaines catégories de médicaments » s’applique à une mesure dont la finalité est de contrôler les prix des médicaments mais qui concerne uniquement certains médicaments pris individuellement, et n’a pas vocation à s’appliquer à tous les médicaments, ni même à certaines catégories d’entre eux et alors que les garanties que cet article attache à l’existence d’une mesure de blocage telle qu’il la définit apparaissent, pour une telle mesure, dépourvues de portée ou d’objet.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat Les Entreprises du médicament, au ministre des solidarités et de la santé et au président de la Cour de justice de l’Union européenne.

Copie en sera adressée au Premier ministre.

Délibéré à l’issue de la séance du 29 novembre 2021 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre ; Mme A C, Mme E G, M. F D, M. Damien Botteghi, conseiller d’Etat et Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 30 décembre 2021.

La présidente :

Signé : Mme Maud Vialettes

La rapporteure :

Signé : Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir

La secrétaire :

Signé : Mme H B

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 30 décembre 2021, 449049, Inédit au recueil Lebon