CEDH, Cour (cinquième section comité), COLONNA c. FRANCE, 15 novembre 2016, 4213/13

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Chronologie de l’affaire

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Une Information Lexbase · Actualités du Droit · 12 décembre 2016
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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Cinquième Section Comité), 15 nov. 2016, n° 4213/13
Numéro(s) : 4213/13
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 11 janvier 2013
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-169830
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2016:1115DEC000421313
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Sur les parties

Texte intégral

CINQUIÈME SECTION

DÉCISION

Requête no 4213/13
Yvan COLONNA
contre la France

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant le 15 novembre 2016 en un comité composé de :

Ganna Yudkivska, présidente,
André Potocki,
Síofra O’Leary, juges,

et de Anne-Marie Dougin, greffière adjointe de section f.f.,

Vu la requête susmentionnée introduite le 11 janvier 2013,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Yvan Colonna, est un ressortissant français né en 1960 et actuellement détenu au centre pénitentiaire du Sud Francilien (Reau). Il est représenté devant la Cour par Me P. Spinosi, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. F. Alabrune, directeur des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.

A.  Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

Le 6 février 1998, Claude Erignac, alors préfet de la région Corse, fut abattu par balles dans une rue d’Ajaccio. Il apparut rapidement que l’arme utilisée et retrouvée sur place, un pistolet automatique, provenait d’un vol, commis le 6 septembre précédent, par cinq hommes armés et cagoulés dans les locaux de la gendarmerie de Pietrosella, en Corse du Sud. Des informations furent ouvertes sur chacun des faits précités auprès du tribunal de grande instance de Paris, compétent sur la base de l’article 706-17 du code de procédure pénale relatif aux actes de terrorisme.

Les 21 et 23 mai 1999, les forces de l’ordre procédèrent à l’interpellation de plusieurs personnes soupçonnées d’avoir participé à l’action contre la gendarmerie de Pietrosella, ainsi qu’au meurtre du préfet Erignac. Les suspects furent placés en garde à vue et interrogés sur les faits reprochés, sans l’assistance d’un avocat. Au cours de leurs interrogatoires, la plupart des mis en cause reconnurent les faits, certains d’entre eux désignant le requérant comme l’auteur des coups de feu mortels.

Onze des personnes interpellées furent par la suite définitivement condamnées à des peines allant jusqu’à la réclusion criminelle.

Dans l’intervalle, le 22 mai 1999, le quotidien Le Monde rendit compte de ces arrestations. Il révéla que « le groupe compt[ait] également d’autres figures qui n’[avaient] pas été inquiétées comme Joseph Caviglioli, gérant d’un motel à l’entrée de Cargèse, Yvan et Stéphane Colonna (...) ». Le soir même, les trois mis en cause acceptèrent d’être interviewés. Le requérant nia à cette occasion toute implication dans l’assassinat du préfet Erignac.

Le 23 mai 1999, lorsque la police se présenta au domicile du requérant pour procéder à son interpellation, il avait déjà pris la fuite. Le lendemain, un mandat d’arrêt fut délivré à son encontre. Cette nouvelle fut abondamment relayée par les médias. Le 26 mai 1999 notamment, le journal France-Soir titra en première page « Wanted, assassin de préfet », avec la photo d’Yvan Colonna en illustration.

Le 16 août 1999, M. Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’Intérieur, déclara au journal Le Monde que les manifestations de soutien exprimées en faveur du requérant étaient « moralement et politiquement inacceptables », se déclarant « surpris qu’un certain nombre de gens réunis à Corte, sous couvert de nationalisme, se soient solidarisés avec l’acte odieux d’Yvan Colonna » et affirmant qu’on ne pouvait « accepter qu’il y ait des gens qui glorifient cet assassinat, ni imaginer la constitution d’un comité de soutien à un homme qui a commis cet acte odieux ».

Dans un rapport intitulé « La sécurité en Corse : un devoir pour la République » et déposé le 16 novembre 1999, la commission d’enquête du Sénat sur la politique de sécurité menée par l’État en Corse revint sur les circonstances de l’interpellation manquée du requérant le 23 mai 1999 et conclut que « le succès de l’enquête apparaît considérablement terni par la fuite de l’assassin du préfet Erignac ».

Le 28 octobre 1999, M. Jean-Pierre Dintilhac, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, en charge des poursuites dans les deux instructions « Erignac » et « Pietrosella », répondit notamment en ces termes aux questions de la Commission d’enquête parlementaire sur le fonctionnement des forces de sécurité en Corse :

« (...) en définitive le crime le plus grave, l’assassinat du préfet Erignac, a été élucidé, même si l’auteur principal est en fuite. (...)

Je suis à la disposition de la commission. Ces avatars m’affligent, mais ils ne sont pas de nature à entamer l’immense satisfaction que j’éprouve du fait que l’enquête sur l’assassinat du préfet Erignac ait pu aboutir et j’attends avec impatience que l’assassin du préfet Erignac soit, lui aussi, interpellé. (...) »

En janvier 2001, réagissant à une lettre dans laquelle le requérant clamait son innocence et dénonçait l’impossibilité pour lui d’obtenir un procès équitable s’il se rendait, M. Chevènement déclara au journal Le Parisien :

« Si Yvan Colonna veut se disculper qu’il se livre à la justice. C’est un lâche, il préfère mettre en cause les juges anti-terroristes et ne laisser de trace qu’une lettre. »

Au bout de quatre ans, le 4 juillet 2003, le requérant fut interpellé. À l’occasion d’une conférence de presse organisée le jour même, M. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, s’exprima en ces termes :

« La police vient d’arrêter Yvan Colonna, l’assassin du préfet Erignac. »

Le 5 juillet 2003, le requérant fut mis en examen et placé en détention provisoire. Tout au long de la procédure, il nia avoir participé tant à l’attentat de Pietrosella qu’à l’assassinat du préfet Erignac. Le 17 août 2007, les deux dossiers furent joints.

Le 5 janvier 2007, lors d’un déplacement en Corse et alors qu’il était candidat à la présidence de la République, M. Nicolas Sarkozy confirma ses propos du 4 juillet 2003 dans le cadre d’une interview télévisée :

« Le journaliste : « Vous pensez qu’Yvan Colonna est l’assassin du préfet Erignac, comme vous l’avez dit le jour de son arrestation ? »

Nicolas Sarkozy : « Si vous le savez ! Il n’y a pas que moi qui le pense, sinon je ne pense pas qu’on l’aurait gardé en prison. »

Le journaliste : « Vous le pensez encore ? »

Nicolas Sarkozy : « Moi, je dis toujours ce que je pense. » »

Les 6 février et 4 avril 2007, le requérant assigna M. Nicolas Sarkozy respectivement en référé et au fond sur le fondement de l’article 9-1 du code civil. Par une ordonnance du 4 avril 2007, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris le débouta. Le 18 avril 2008, saisie par le requérant, la cour d’appel de Paris, en accord avec les conclusions conformes du requérant et de son adversaire, ordonna le sursis à statuer jusqu’à l’expiration du délai d’un mois suivant la cessation des fonctions de président de la République de l’intéressé. Par un jugement du 8 juillet 2009, le tribunal de grande instance de Paris, saisi de la demande de réparation au fond, décida également de surseoir à statuer pour les mêmes motifs.

Par un arrêt du 13 décembre 2007 de la cour d’assises de Paris spécialement composée, le requérant fut condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour l’assassinat du préfet Erignac, commis en relation avec une entreprise terroriste et association de malfaiteurs, ainsi que pour des infractions commises à Pietrosella. Le requérant et le ministère public interjetèrent appel.

Le 27 mars 2009, la cour d’assises de Paris, spécialement et autrement composée, confirma la condamnation du requérant.

Par un arrêt du 30 juin 2010, la Cour de cassation cassa l’arrêt et renvoya l’affaire devant la cour d’assises de Paris, spécialement et autrement composée. À l’annonce de cette décision, Mme Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Justice, réagit, dans le cadre d’un communiqué de presse, en adressant « ses premières pensées » à la famille Erignac et en déclarant que cette décision « ne port[ait] en rien sur la question de fond de la culpabilité d’Yvan Colonna ».

Le 20 juin 2011, la cour d’assises de Paris condamna le requérant à la réclusion criminelle à perpétuité. Elle motiva sa décision sous la forme d’un écrit, annexé à la feuille des questions, se référant notamment à sa mise en cause formelle et réitérée par certains de ses co-accusés durant l’instruction, ainsi qu’aux exploitations des éléments de téléphonie.

Par un arrêt du 11 juillet 2012, la Cour de cassation rejeta le pourvoi du requérant. Statuant sur le moyen tiré de la violation de la présomption d’innocence en raison de la présentation du requérant par plusieurs autorités publiques comme étant l’auteur des faits reprochés, la chambre criminelle refusa de l’accueillir, dès lors que les atteintes alléguées au principe d’impartialité objective des juges et au droit à la présomption d’innocence de l’accusé, à les supposer établies dans les termes du mémoire, auraient été le fait d’une personne extérieure à la procédure et, partant, qu’elles n’étaient pas de nature à entacher celle-ci d’une quelconque irrégularité. Elle rejeta également un moyen du requérant relatif au rejet, par la cour d’assises, de sa requête en annulation des procès-verbaux de garde à vue concernant ses co-accusés, jugeant que le requérant n’avait pas qualité pour présenter une telle demande et qu’au demeurant les juges ne s’étaient pas fondés sur des déclarations recueillies en garde à vue pour retenir sa culpabilité.

B.  Le droit interne pertinent

1.  Le code civil

Article 9-1

« Chacun a droit au respect de la présomption d’innocence.

Lorsqu’une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence, et ce aux frais de la personne, physique ou morale, responsable de cette atteinte. »

2.  La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

Article 23

« Seront punis comme complices d’une action qualifiée crime ou délit ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique, auront directement provoqué l’auteur ou les auteurs à commettre ladite action, si la provocation a été suivie d’effet.

(...) »

Article 29

« Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.

Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure. »

Article 32

« La diffamation commise envers les particuliers par l’un des moyens énoncés en l’article 23 sera punie d’une amende de 12000 euros.

La diffamation commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée sera punie d’un an d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement.

(...)

En cas de condamnation pour l’un des faits prévus par les deux alinéas précédents, le tribunal pourra en outre ordonner :

1o L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l’article 131-35 du code pénal. »

3. La Constitution du 4 octobre 1958

Article 67

« Le Président de la République n’est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68.

Il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l’objet d’une action, d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuite. Tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu.

Les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre lui à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la cessation des fonctions. »

GRIEFS

Le requérant allègue que les propos tenus par différentes autorités publiques, le désignant comme étant l’assassin du préfet Erignac, ont porté atteinte à son droit à la présomption d’innocence, en méconnaissance de l’article 6 § 2 de la Convention.

Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, il se plaint du refus des juridictions internes de faire droit à sa demande tendant à écarter les procès-verbaux de garde à vue concernant ses co-accusés, arguant de l’absence d’assistance d’un avocat pour ces derniers.

Il critique également, au regard de l’article 6 § 1, pris seul et combiné avec l’article 13 de la Convention, le versement aux débats d’une lettre écrite en langue corse et présentée comme ayant été rédigée par lui.

Il soutient enfin avoir subi une différence de traitement en raison des règles de majorité applicables devant la cour d’assises spécialement composée, en violation des articles 6 § 2 et 14 de la Convention.

EN DROIT

1. Le requérant se plaint de propos tenus par des autorités publiques qui l’auraient désigné comme étant l’assassin du préfet Erignac, estimant qu’ils ont porté atteinte à son droit à la présomption d’innocence. Il invoque l’article 6 § 2 de la Convention, lequel se lit comme suit :

« 2.  Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. »

Le Gouvernement soulève l’irrecevabilité de ce grief sur le fondement de l’article 35 § 1 de la Convention, au motif du non-épuisement des voies de recours internes, le requérant n’ayant pas exercé le recours spécialement prévu par l’article 9-1 du code civil. Il précise que ce dernier, issu de la loi du 4 janvier 1993 et modifié par la loi du 15 juin 2000, a fait l’objet de nombreuses décisions qui en démontrent l’efficacité, le juge se voyant attribuer des pouvoirs très larges pour assurer la protection de la présomption d’innocence. Il ajoute que le moyen invoquant une atteinte à la présomption d’innocence dans le cadre du pourvoi en cassation formé par le requérant contre l’arrêt de la cour d’assises de Paris du 20 juin 2011 ne pouvait en aucun cas constituer une alternative au recours prévu par l’article 9-1 du code civil : d’une part, une jurisprudence constante de la Cour de cassation juge qu’un moyen tiré d’une atteinte à la présomption d’innocence par une personne extérieure à la procédure n’est pas de nature à vicier celle-ci ; d’autre part, l’écoulement des délais entre les différentes déclarations litigieuses et ce pourvoi (un à douze ans) confirme que l’intention du requérant n’était alors pas de remédier à l’atteinte alléguée. Il souligne que le requérant n’a pas non plus exercé de recours à l’encontre du quotidien France Soir, qui a pourtant été le premier à le présenter comme l’assassin du préfet Erignac le 26 mai 1999, alors que cela aurait permis de prévenir de nouvelles atteintes. À titre subsidiaire, le Gouvernement considère que le grief est manifestement mal fondé.

Le requérant estime avoir épuisé les voies de recours internes, dès lors qu’il a expressément invoqué une atteinte à la présomption d’innocence devant les juridictions internes tout au long de la procédure, notamment dans le cadre de son pourvoi en cassation formé à l’encontre de l’arrêt de la cour d’assises de Paris du 20 juin 2011. Il soutient notamment que le recours prévu par l’article 9-1 du code civil était illusoire, compte tenu de la multitude et de la récurrence des propos attentatoires à la présomption d’innocence. Il relève spécialement avoir exercé des recours contre le président de la République, mais s’être heurté à l’immunité dont ce dernier bénéficiait en vertu de l’article 67 de la Constitution, les juges internes ayant prononcé un sursis à statuer jusqu’au 15 juin 2012, date à partir de laquelle il estime que la poursuite de son recours devenait inutile. Il souligne en outre que le rapport rédigé au nom d’une commission d’enquête du Sénat ne pouvait donner lieu à aucune action de sa part, les rapports parlementaires bénéficiant d’une immunité juridictionnelle totale. Sur le fond, il estime que son droit à la présomption d’innocence a été violé.

La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes. À cet égard, elle souligne que tout requérant doit avoir donné aux juridictions internes l’occasion que l’article 35 § 1 a pour finalité de ménager en principe aux États contractants : éviter ou redresser les violations alléguées contre lui (Cardot c. France, arrêt du 19 mars 1991, § 36, série A, no 200).

Dans la présente affaire, la Cour relève qu’il existe en droit français des recours spécifiques dont le requérant pouvait faire usage en l’espèce et qui étaient de nature à remédier à la violation alléguée. En particulier, l’article 9-1 du code civil, outre le droit à réparation qu’il consacre, prévoit des procédures d’urgence qui peuvent être utilisées par toute personne dont la présomption d’innocence n’est pas respectée (voir, à cet égard, M.G. c. France, décision d’irrecevabilité de la Commission européenne des droits de l’Homme, no 38258/97, 20 mai 1998, Castaing c. France (déc.), no 43559/98, 26 janvier 1999, et Marchiani c. France (déc.), no 30392/03, 27 mai 2008). De même, le requérant disposait de la possibilité d’engager une action civile fondée sur une atteinte à la présomption d’innocence commise par l’un des moyens visés à l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, voire une action en diffamation en vertu des articles 29 et 32 de cette loi.

Or, la Cour constate que, tout en se plaignant d’une multitude de propos attentatoires à la présomption d’innocence, le requérant n’a jamais exercé les recours prévus par le droit interne, à une exception près. Elle note en effet que, tout en se plaignant des propos tenus par différents auteurs à partir de 1999, le requérant n’a exercé un recours qu’à l’encontre d’un seul d’entre eux, et ce uniquement en 2007. La Cour relève ainsi, d’une part, qu’il dénonce la multiplicité des atteintes à la présomption d’innocence mais qu’il a attendu huit ans afin d’exercer, pour la première et unique fois, une action sur le fondement l’article 9-1 du code civil, devant le juge des référés et le juge du fond. Au demeurant, la Cour considère que le requérant, en exerçant avec l’assistance d’un avocat une action sur ce fondement, démontre qu’il estimait disposer a priori, contrairement à ses allégations, d’un recours efficace. De plus, dans le cadre de ces procédures, ni les juges d’appel saisis de l’ordonnance de référé ni le tribunal de grande instance saisi au fond n’ont rejeté la demande du requérant : tirant les conséquences de l’immunité juridictionnelle dont bénéficiait l’auteur des propos visés, ils ont uniquement sursis à statuer jusqu’à l’expiration du délai d’un mois suivant la cessation des fonctions du président de la République en cause : le requérant n’a pas davantage fait usage de la possibilité de reprendre l’instance devant le juge des référés et le juge du fond .

Quant aux propos de la commission d’enquête du Sénat sur la politique de sécurité menée par l’État en Corse, contenus dans le rapport déposé le 16 novembre 1999, le requérant précise lui-même qu’il ne pouvait faire l’objet d’aucun recours, les documents parlementaires bénéficiant d’une immunité juridictionnelle totale. Il s’ensuit que, faute de recours disponible en droit interne, la Cour aurait dû être saisie à ce titre dans le délai de six mois à compter de la publication dudit rapport. Or, le requérant n’a introduit sa requête que le 11 janvier 2013, soit plus de treize ans après (cf., notamment, Hazar et autres c. Turquie (déc.), nos 62566/00-62577/00 et 62579/00-62581/00, 10 janvier 2002, ainsi que Birebent et autres et Chambouville c. France (déc.), respectivement nos 36193/02 et 21858/03, 3 juillet 2007).

Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée pour non-respect du délai de six mois et non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

2. Le requérant soulève également plusieurs griefs tirés de l’article 6 § 1 de la Convention, pris seul et combiné avec l’article 13, ainsi que des articles 6 § 2 et 14 de la Convention.

Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour ne relève aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par les articles précités de la Convention.

Il s’ensuit que ces griefs sont manifestement mal fondés et doivent être rejetés en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

Fait en français puis communiqué par écrit le 8 décembre 2016.

              Anne-Marie DouginGanna Yudkivska
Greffière adjointe f.f.Présidente

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