CEDH, Communiqué de presse sur l'affaire 58749/00, 15 janvier 2004

  • Centrale·
  • Prison·
  • Libération conditionnelle·
  • État de santé,·
  • Traitement·
  • Homme·
  • Transfert·
  • Détention·
  • Hospitalisation·
  • Adéquat

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME

017

15.1.2004

Communiqué du Greffier

ARRÊT DE CHAMBRE DANS L’AFFAIRE MATENCIO c. FRANCE

La Cour européenne des Droits de l’Homme a communiqué aujourd’hui par écrit son arrêt[1] dans l’affaire Matencio c. France (requête no 58749/00).

La Cour conclut :

  • par six voix contre une, à la non-violation de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) de la Convention européenne des Droits de l’Homme ;
  • à l’unanimité, qu’aucune question distincte ne se pose sous l’angle de l’article 2 (droit à la vie) de la Convention.

(L’arrêt n’existe qu’en français.)

1.  Principaux faits

Le requérant, Joël Matencio, est un ressortissant français, né en 1948. Lors de l’introduction de sa requête, il était détenu à la maison centrale de Poissy où il purgeait la peine de réclusion criminelle à perpétuité à laquelle il avait été condamné en 1981 pour assassinats.

Le 8 décembre 1995, il eut un accident vasculaire cérébral qui entraîna son hospitalisation pendant 16 mois à l’hôpital de la maison d’arrêt de Fresnes et lui laissa des séquelles neurologiques. Depuis ce jour, il souffre d’une hémiplégie droite et présente notamment des difficultés d’élocution. Un taux d’incapacité de 80% lui a été reconnu en 1997.

A la suite de son hospitalisation, le requérant fut transféré à sa demande à la maison centrale de Poissy afin de bénéficier d’une cellule pour handicapés et d’être à proximité de ses proches. Les certificats médicaux établis dès 1999 par le médecin chef de l’unité de consultations et de soins ambulatoires (l’UCSA) de cet établissement firent notamment apparaître que M. Matencio souffrait de graves séquelles nécessitant des soins constants et imposant une rééducation fonctionnelle.

A la suite des préoccupations exprimées par ce médecin quant à l’état de santé du requérant, le directeur de la centrale de Poissy informa l’intéressé en juin 2000 qu’il avait cherché une solution afin qu’il séjourne dans un établissement disposant d’une permanence médicale. La prison de Poissy ne disposant pas d’un dispositif de couverture médicale permanent, il lui proposa d’être transféré dans une maison d’arrêt parisienne où un médecin était présent de jour comme de nuit et où il bénéficierait d’une cellule individuelle. M. Matencio refusa cette proposition. Dans un courrier adressé à l’inspection générale des affaires sociales, il précisa qu’il ne demandait pas son transfert dans un autre établissement, ses amis et sa famille se trouvant dans la région de Poissy, mais que des soins appropriés lui soient administrés.

Par ailleurs, il ressort d’un courrier adressé en décembre 2000 par l’Observatoire international des prisons à la Direction régionale de l’administration pénitentiaire que le requérant n’avait pas donné de mandat en vue d’obtenir son transfert dans un autre établissement et que les soins qu’il recevait à la centrale de Poissy semblaient adéquats, eu égard à son bilan médical.

Suite à un malaise en février 2001, M. Matencio fut momentanément hospitalisé en urgence. Le 26 novembre 2001, la juridiction régionale de libération conditionnelle de la cour d’appel de Versailles estima que son état de santé nécessitait des soins dont il ne pouvait plus bénéficier en milieu carcéral et le plaça en liberté conditionnelle à compter du 14 décembre 2001.

2.  Procédure et composition de la Cour

La requête a été introduite devant la Cour européenne des Droits de l’Homme le 8 mars 2000 et déclarée recevable le 7 novembre 2002.

L’arrêt a été rendu par une chambre de 7 juges composée de :

Christos Rozakis (Grec), président,
Peer Lorenzen (Danois),
Jean-Paul Costa (Français),
Françoise Tulkens (Belge),
Nina Vajić (Croate),
Egil Levits (Letton),
Snejana Botoucharova (Bulgare), juges,

ainsi que de Søren Nielsen, greffier adjoint de section.

3.  Résumé de l’arrêt[2]

Griefs

Invoquant les articles 2 et 3 de la Convention, le requérant se plaignait d’avoir été maintenu en détention et des conditions de celle-ci, en dépit de la grave maladie dont il souffre.

Décision de la Cour

Article 3 de la Convention

Sur le point de savoir si l’état de santé du requérant était compatible avec sa détention, la Cour relève que la législation française permet aux autorités d’intervenir en cas d’affections médicales graves atteignant les détenus. Les procédures judiciaires instaurées par les lois du 15 juin 2000 et du 4 mars 2002 sont susceptibles de constituer des garanties pour assurer la protection de la santé et du bien-être des prisonniers que les Etats doivent concilier avec les exigences légitimes de la peine privative de liberté. Ainsi, la loi du 15 juin 2000 permet de prendre en compte l’état de santé d’un détenu dans une décision de libération conditionnelle « lorsqu’il y a nécessité de subir un traitement ». La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades permet, quant à elle, de suspendre la peine de condamnés atteints d’une pathologie engageant le pronostic vital ou dont l’état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention.

Cependant, la mesure de libération conditionnelle ne pouvait lui être accordée que dès qu’il remplissait les conditions pour l’obtenir, à savoir en 2001, et la mesure de suspension de la peine n’existait pas encore.

Sur le point de savoir si le maintien en détention du requérant revêt un caractère suffisamment grave pour pouvoir être qualifié de traitement contraire à l’article 3, la Cour note que M. Matencio jouissait d’une autonomie lui permettant de « s’occuper des gestes quotidiens de la vie, de son hygiène, de son alimentation mais surtout de pouvoir lire et écrire ce qui paraît pour lui d’une importance capitale ».

Par ailleurs, le requérant refusa la proposition faite par le directeur de la maison centrale de Poissy de le transférer dans une prison disposant d’une permanence médicale. Dans son courrier à l’inspection générale des affaires sociales, l’intéressé précisa qu’il n’avait jamais demandé son transfert et revendiqua seulement que des soins appropriés lui soient administrés. A cet égard, la Cour note qu’un courrier de l’Observatoire international des prisons spécifie qu’il semblait que les traitements et soins dont bénéficiait le requérant à la centrale de Poissy étaient adéquats, au regard de son bilan médical.

La Cour constate que c’est à sa demande que le requérant a été transféré à la maison centrale de Poissy à l’issue de son hospitalisation. Par ailleurs, il ne conteste pas avoir refusé, au cours du premier trimestre 2000, un transfert vers l’hôpital pénitentiaire de Fresnes afin de bénéficier d’une prise en charge médicale complète et adaptée à son état de santé.

Dans ces conditions, la Cour estime qu’il n’est pas établi que le requérant ait été soumis à des traitements atteignant un degré de gravité suffisant pour tomber sous le coup de l’article 3 de la Convention.

Article 2 de la Convention

La Cour estime qu’aucune question distincte ne se pose sous l’angle de l’article 2 de la Convention.

Le juge Tulkens a exprimé une opinion dissidente dont le texte se trouve joint à l’arrêt.

***

Les arrêts de la Cour sont disponibles sur son site Internet (http://www.echr.coe.int).

Greffe de la Cour européenne des Droits de l’Homme
F – 67075 Strasbourg Cedex
Contacts pour la presse :Roderick Liddell (téléphone : +00 33 (0)3 88 41 24 92)
Emma Hellyer (téléphone : +00 33 (0)3 90 21 42 15)
Stéphanie Klein (téléphone : +00 33 (0)3 88 41 21 54)
Télécopieur : +00 33 (0)3 88 41 27 91

La Cour européenne des Droits de l’Homme a été créée à Strasbourg par les Etats membres du Conseil de l’Europe en 1959 pour connaître des allégations de violation de la Convention européenne des Droits de l’Homme de 1950. Elle se compose d’un nombre de juges égal à celui des Etats parties à la Convention. Siégeant à temps plein depuis le 1er novembre 1998, elle examine en chambres de 7 juges ou, exceptionnellement, en une Grande Chambre de 17 juges, la recevabilité et le fond des requêtes qui lui sont soumises. L’exécution de ses arrêts est surveillée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. La Cour fournit sur son site Internet des informations plus détaillées concernant son organisation et son activité.


[1] L’article 43 de la Convention européenne des Droits de l’Homme prévoit que, dans un délai de trois mois à compter de la date de l’arrêt d’une chambre, toute partie à l’affaire peut, dans des cas exceptionnels, demander le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre (17 membres) de la Cour. En pareille hypothèse, un collège de cinq juges examine si l’affaire soulève une question grave relative à l’interprétation ou à l’application de la Convention ou de ses protocoles ou encore une question grave de caractère général. Si tel est le cas, la Grande Chambre statue par un arrêt définitif. Si tel n’est pas le cas, le collège rejette la demande et l’arrêt devient définitif. Autrement, les arrêts de chambre deviennent définitifs à l’expiration dudit délai de trois mois ou si les parties déclarent qu’elles ne demanderont pas le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre.

[2] Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CEDH, Communiqué de presse sur l'affaire 58749/00, 15 janvier 2004