CJUE, n° C-632/21, Arrêt de la Cour, JF et NS contre Diamond Resorts Europe Limited (Sucursal en España), e.a, 14 septembre 2023

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 14 sept. 2023, C-632/21
Numéro(s) : C-632/21
Arrêt de la Cour (septième chambre) du 14 septembre 2023.#JF et NS contre Diamond Resorts Europe Limited (Sucursal en España), e.a.#Demande de décision préjudicielle, introduite par le Juzgado de Primera Instancia e Instrucción - Granadilla de Abona.#Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (CE) no 593/2008 – Loi applicable aux obligations contractuelles – Champ d’application – Contrats d’utilisation de biens immobiliers à temps partagé – Action judiciaire tendant à ce que ces contrats soient déclarés nuls – Parties ressortissantes du Royaume-Uni – Choix de la loi applicable – Article 3 – Liberté de choix – Article 4, paragraphe 1, sous b) et c) – Loi applicable à défaut de choix – Article 6 – Contrats de consommation – Limites.#Affaire C-632/21.
Date de dépôt : 14 octobre 2021
Précédents jurisprudentiels : 10 février 2022, ShareWood Switzerland, C-595/20, EU:C:2022:86
25 mars 2021, Obala i lučice, C-307/19, EU:C:2021:236
arrêt du 13 janvier 2022, Regione Puglia, C-110/20, EU:C:2022:5
Nikiforidis, C-135/15, EU:C:2016:774
ROI Land Investments, C-604/20, EU:C:2022:807
Schlecker, C-64/12, EU:C:2013:551
Unamar, C-184/12, EU:C:2013:663
Solution : Renvoi préjudiciel : rejet pour irrecevabilité, Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 62021CJ0632
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2023:671
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Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

14 septembre 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (CE) no 593/2008 – Loi applicable aux obligations contractuelles – Champ d’application – Contrats d’utilisation de biens immobiliers à temps partagé – Action judiciaire tendant à ce que ces contrats soient déclarés nuls – Parties ressortissantes du Royaume-Uni – Choix de la loi applicable – Article 3 – Liberté de choix – Article 4, paragraphe 1, sous b) et c) – Loi applicable à défaut de choix – Article 6 – Contrats de consommation – Limites »

Dans l’affaire C-632/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Juzgado de Primera Instancia e Instrucción no 2 de Granadilla de Abona (tribunal de première instance et d’instruction no 2 de Granadilla d’Abona, Espagne), par décision du 13 octobre 2021, parvenue à la Cour le 14 octobre 2021, dans la procédure

JF,

NS,

contre

Diamond Resorts Europe Limited (Sucursal en España),

Diamond Resorts Spanish Sales SL,

Sunterra Tenerife Sales SL,

LA COUR (septième chambre),

composée de Mme M. L. Arastey Sahún, présidente de chambre, MM. F. Biltgen (rapporteur) et J. Passer, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour JF et NS, par M. A. García Cami, procurador, et Me L. Mancera Molero, abogada,

pour Diamond Resorts Europe Limited (Sucursal en España), Diamond Resorts Spanish Sales SL et Sunterra Tenerife Sales SL, par Mes M.–D. Gómez Dabic et J. M. Macías Castaño, abogados,

pour le gouvernement espagnol, par M. A. Ballesteros Panizo, en qualité d’agent,

pour le gouvernement tchèque, par Mme L. Halajová, MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mme I. Galindo Martín et M. W. Wils, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 3, et de l’article 5 de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 (JO 1980, L 266, p. 1, ci-après la « convention de Rome »), ainsi que de l’article 4, paragraphe 1, sous b) et c), de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 24 du règlement (CE) no 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) (JO 2008, L 177, p. 6, ci-après le « règlement Rome I »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant JF et NS à Diamond Resorts Europe Limited (Sucursal en España) (ci-après « Diamond Resorts Europe »), à Diamond Resorts Spanish Sales SL et à Sunterra Tenerife Sales SL au sujet d’une demande tendant à ce que des contrats d’utilisation de biens immobiliers à temps partagé, conclus entre les requérants au principal et Diamond Resorts Europe, soient déclarés nuls.

Le cadre juridique

Le premier protocole

3

L’article 1er du premier protocole concernant l’interprétation par la Cour de justice des Communautés européennes de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 (JO 1989, L 48, p. 1, ci-après le « premier protocole »), entré en vigueur le 1er août 2004, dispose :

« La Cour de justice des Communautés européennes est compétente pour statuer sur l’interprétation :

a)

de la [convention de Rome] ;

[…] »

4

L’article 2 du premier protocole prévoit :

« Toute juridiction visée ci-après a la faculté de demander à la Cour de justice de statuer à titre préjudiciel sur une question soulevée dans une affaire pendante devant elle et portant sur l’interprétation des dispositions que comportent les instruments mentionnés à l’article 1er, lorsqu’elle estime qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement :

a)

[…]

en Espagne :

el Tribunal Supremo,

[…]

b)

les juridictions des États contractants lorsqu’elles statuent en appel. »

Le droit de l’Union

Le règlement Rome I

5

Les considérants 6, 7, 23 et 27 du règlement Rome I énoncent :

« (6)

Le bon fonctionnement du marché intérieur exige, afin de favoriser la prévisibilité de l’issue des litiges, la sécurité quant au droit applicable et la libre circulation des jugements, que les règles de conflit de lois en vigueur dans les États membres désignent la même loi nationale quel que soit le pays dans lequel l’action est introduite.

(7)

Le champ d’application matériel et les dispositions du présent règlement devraient être cohérents par rapport au règlement (CE) no 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale [(JO 2001, L 12, p. 1)] (Bruxelles I) et au règlement (CE) no 864/2007 du Parlement et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles [(« Rome II ») (JO 2007, L 199, p. 40)]).

[…]

(23)

S’agissant des contrats conclus avec des parties considérées comme plus faibles, celles-ci devraient être protégées par des règles de conflit de lois plus favorables à leurs intérêts que ne le sont les règles générales.

[…]

(27)

Plusieurs exceptions devraient être apportées à la règle générale de conflit de lois s’agissant des contrats conclus par les consommateurs. En vertu de l’une de ces exceptions, la règle générale ne devrait pas s’appliquer aux contrats concernant les droits réels immobiliers ou les baux d’immeubles sauf si le contrat se réfère au droit d’utiliser les biens immobiliers à temps partiel au sens de la directive 94/47/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 1994 concernant la protection des acquéreurs pour certains aspects des [contrats] portant sur l’acquisition d’un droit d’utilisation à temps partiel de biens immobiliers [(JO 1994, L 280, p. 83]. »

6

L’article 1er de ce règlement, intitulé « Champ d’application matériel », dispose, à son paragraphe 1 :

« Le présent règlement s’applique, dans des situations comportant un conflit de lois, aux obligations contractuelles relevant de la matière civile et commerciale.

Il ne s’applique pas, notamment, aux matières fiscales, douanières et administratives. »

7

L’article 3 dudit règlement, intitulé « Liberté de choix », prévoit :

« 1. Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix est exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat.

2. Les parties peuvent convenir, à tout moment, de faire régir le contrat par une loi autre que celle qui le régissait auparavant soit en vertu d’un choix antérieur selon le présent article, soit en vertu d’autres dispositions du présent règlement. Toute modification quant à la détermination de la loi applicable, intervenue postérieurement à la conclusion du contrat, n’affecte pas la validité formelle du contrat au sens de l’article 11 et ne porte pas atteinte aux droits des tiers.

3. Lorsque tous les autres éléments de la situation sont localisés, au moment de ce choix, dans un pays autre que celui dont la loi est choisie, le choix des parties ne porte pas atteinte à l’application des dispositions auxquelles la loi de cet autre pays ne permet pas de déroger par accord.

4. Lorsque tous les autres éléments de la situation sont localisés, au moment de ce choix, dans un ou plusieurs États membres, le choix par les parties d’une autre loi applicable que celle d’un État membre ne porte pas atteinte, le cas échéant, à l’application des dispositions du droit communautaire auxquelles il n’est pas permis de déroger par accord, et telles que mises en œuvre par l’État membre du for.

5. L’existence et la validité du consentement des parties quant au choix de la loi applicable sont régies par les dispositions établies aux articles 10, 11 et 13. »

8

Aux termes de l’article 4 du même règlement, intitulé « Loi applicable à défaut de choix » :

« 1. À défaut de choix exercé conformément à l’article 3 et sans préjudice des articles 5 à 8, la loi applicable au contrat suivant est déterminée comme suit :

[…]

b)

le contrat de prestation de services est régi par la loi du pays dans lequel le prestataire de services a sa résidence habituelle ;

c)

le contrat ayant pour objet un droit réel immobilier ou un bail d’immeuble est régi par la loi du pays dans lequel est situé l’immeuble ;

d)

nonobstant le point c), le bail d’immeuble conclu en vue de l’usage personnel temporaire pour une période maximale de six mois consécutifs est régi par la loi du pays dans lequel le propriétaire a sa résidence habituelle, à condition que le locataire soit une personne physique et qu’il ait sa résidence habituelle dans ce même pays ;

[…] »

9

L’article 6 du règlement Rome I, intitulé « Contrats de consommation », énonce :

« 1. Sans préjudice des articles 5 et 7, un contrat conclu par une personne physique (ci-après “le consommateur”), pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, avec une autre personne (ci-après “le professionnel”), agissant dans l’exercice de son activité professionnelle, est régi par la loi du pays où le consommateur a sa résidence habituelle, à condition que le professionnel :

a)

exerce son activité professionnelle dans le pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, ou

b)

par tout moyen, dirige cette activité vers ce pays ou vers plusieurs pays, dont celui-ci,

et que le contrat rentre dans le cadre de cette activité.

2. Nonobstant les dispositions du paragraphe 1, les parties peuvent choisir la loi applicable à un contrat satisfaisant aux conditions du paragraphe 1, conformément à l’article 3. Ce choix ne peut cependant avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui aurait été applicable, en l’absence de choix, sur la base du paragraphe 1.

3. Si les conditions établies au paragraphe 1, point a) ou b), ne sont pas remplies, la loi applicable à un contrat entre un consommateur et un professionnel est déterminée conformément aux articles 3 et 4.

4. Les paragraphes 1 et 2 ne s’appliquent pas :

a)

au contrat de fourniture de services lorsque les services dus au consommateur doivent être fournis exclusivement dans un pays autre que celui dans lequel il a sa résidence habituelle ;

[…]

c)

au contrat ayant pour objet un droit réel immobilier ou un bail d’immeuble autre qu’un contrat ayant pour objet un droit d’utilisation à temps partiel de biens immobiliers au sens de la directive [94/47] ;

[…] »

10

L’article 9 de ce règlement, intitulé « Lois de police », est libellé comme suit :

« 1. Une loi de police est une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d’en exiger l’application à toute situation entrant dans son champ d’application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat d’après le présent règlement.

2. Les dispositions du présent règlement ne pourront porter atteinte à l’application des lois de police du juge saisi.

3. Il pourra également être donné effet aux lois de police du pays dans lequel les obligations découlant du contrat doivent être ou ont été exécutées, dans la mesure où lesdites lois de police rendent l’exécution du contrat illégale. Pour décider si effet doit être donné à ces lois de police, il est tenu compte de leur nature et de leur objet, ainsi que des conséquences de leur application ou de leur non–application. »

11

L’article 24 dudit règlement, intitulé « Relation avec la convention de Rome », prévoit :

« 1. Le présent règlement remplace, entre les États membres, la convention de Rome, sauf en ce qui concerne les territoires des États membres qui entrent dans le champ d’application territorial de cette convention et qui sont exclus du présent règlement en vertu de l’article 299 [CE].

2. Dans la mesure où le présent règlement remplace entre les États membres les dispositions de la convention de Rome, toute référence faite à celle-ci s’entend comme faite au présent règlement. »

12

L’article 28 du même règlement, intitulé « Application dans le temps », dispose :

« Le présent règlement s’applique aux contrats conclus à compter du 17 décembre 2009. »

La directive 94/47

13

La directive 94/47 avait pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la protection des acquéreurs pour certains aspects des contrats portant directement ou indirectement sur l’acquisition d’un droit d’utilisation à temps partiel d’un ou de plusieurs biens immobiliers.

La directive 2008/122/CE

14

La directive 2008/122/CE du Parlement européen et du Conseil, du 14 janvier 2009, relative à la protection des consommateurs en ce qui concerne certains aspects des contrats d’utilisation de biens à temps partagé, des contrats de produits de vacances à long terme et des contrats de revente et d’échange (JO 2009, L 33, p. 10), a abrogé et remplacé la directive 94/47.

Le règlement Bruxelles I bis

15

Le règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1, ci-après le « règlement Bruxelles I bis »), a abrogé et remplacé le règlement no 44/2001, lequel avait remplacé la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32).

16

L’article 7, point 1, du règlement Bruxelles I bis prévoit :

« Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre :

1)

a)

en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande ;

b)

aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est :

[…]

pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis […] ».

17

L’article 24, point 1, de ce règlement dispose :

« Sont seules compétentes les juridictions ci-après d’un État membre, sans considération de domicile des parties :

1)

en matière de droits réels immobiliers et de baux d’immeubles, les juridictions de l’État membre où l’immeuble est situé.

Toutefois, en matière de baux d’immeubles conclus en vue d’un usage personnel temporaire pour une période maximale de six mois consécutifs, sont également compétentes les juridictions de l’État membre dans lequel le défendeur est domicilié, à condition que le locataire soit une personne physique et que le propriétaire et le locataire soient domiciliés dans le même État membre ».

L’accord de retrait du Royaume-Uni

18

L’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande–Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 2020, L 29, p. 7), signé à Bruxelles et à Londres le 24 janvier 2020, est entré en vigueur le 1er février 2020 (ci-après l’« accord de retrait »).

19

L’article 66 de cet accord, intitulé « Droit applicable en matière contractuelle et non contractuelle », dispose :

« Au Royaume-Uni, les actes suivants s’appliquent comme suit :

a)

le règlement [Rome I] s’applique aux contrats conclus avant la fin de la période de transition ;

[…] »

20

L’article 126 dudit accord, intitulé « Période de transition », prévoit :

« Une période de transition ou de mise en œuvre est fixée, laquelle commence à la date d’entrée en vigueur du présent accord et se termine le 31 décembre 2020. »

Le droit espagnol

21

Conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de la Ley 42/1998 sobre derechos de aprovechamiento por turno de bienes inmuebles de uso turístico y normas tributarias (loi 42/1998, relative aux droits d’utilisation à temps partagé de biens immobiliers à usage touristique et à des mesures fiscales), du 15 décembre 1998 (BOE no 300, du 16 décembre 1998, p. 42076), celle-ci régit la constitution, l’exercice, le transfert et l’extinction du droit d’utilisation de biens immobiliers à temps partagé, qui confère à son titulaire la faculté de jouir, à titre exclusif, pendant une période spécifique de chaque année, d’un logement susceptible d’être utilisé de manière indépendante, en raison de la présence d’une issue propre vers la voie publique ou vers une partie commune du bâtiment dont il fait partie, et doté, de manière permanente, du mobilier approprié à cet effet ainsi que du droit à la prestation des services complémentaires. La faculté de jouissance n’inclut pas les modifications du logement ou de son mobilier. Le droit d’utilisation à temps partagé peut être constitué comme un droit réel.

22

Aux termes de la deuxième disposition additionnelle de cette loi, « tous les contrats portant sur des droits relatifs à l’utilisation d’un ou de plusieurs immeubles situés en Espagne pendant une période déterminée ou déterminable de l’année sont soumis aux dispositions de la présente loi, quels que soient le lieu et la date de leur conclusion ».

23

En vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de la Ley 4/2012 de contratos de aprovechamiento por turno de bienes de uso turístico, de adquisición de productos vacacionales de larga duración, de reventa y de intercambio y normas tributarias (loi 4/2012, relative aux contrats d’utilisation à temps partagé de biens à usage touristique, aux contrats de produits de vacances à long terme et aux contrats de revente et d’échange, ainsi qu’à des mesures fiscales), du 6 juillet 2012 (BOE no 162, du 7 juillet 2012, p. 49192), les contrats de commercialisation, de vente et de revente de droits d’utilisation de biens à temps partagé et de produits de vacances de longue durée ainsi que les contrats d’échange sont régis par les dispositions de cette loi lorsqu’ils sont conclus entre un commerçant et un consommateur.

24

Conformément à l’article 2 de la loi 4/2012, on entend par contrat d’utilisation de biens à temps partagé le contrat d’une durée de plus d’un an par lequel un consommateur acquiert, à titre onéreux, le droit d’utiliser un ou plusieurs logements pour la nuit pour plus d’un séjour.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

25

Les requérants au principal sont des consommateurs britanniques qui résident au Royaume-Uni et qui ont conclu, respectivement le 14 avril 2008 et le 28 juin 2010, deux contrats avec Diamond Resorts Europe, société anglaise faisant office de succursale en Espagne du groupe Diamond Resorts.

26

Chacun de ces contrats prévoyait l’octroi d’un certain nombre de points permettant aux requérants au principal de bénéficier, pendant une durée déterminée, d’un ensemble de logements dans différents pays d’Europe, notamment en Espagne. En vertu desdits contrats, les requérants au principal se voyaient attribuer non pas des logements précis, ni une période spécifique chaque année, mais plutôt un catalogue de logements, dont ils devaient demander la disponibilité à l’avance pour pouvoir en bénéficier au moment souhaité.

27

Les requérants au principal sollicitent que les mêmes contrats soient déclarés nuls, au motif qu’ils ne remplissent pas les exigences prévues par les lois 42/1998 et 4/2012, qui requièrent, notamment, l’inscription du droit d’utilisation de biens immobiliers à temps partagé dans le registre foncier espagnol, la détermination précise des logements qui sont attribués aux consommateurs ainsi que la spécification de la durée des contrats. Dans ce contexte, les requérants au principal estiment que les droits acquis en vertu des contrats en cause doivent être qualifiés de « droits réels d’utilisation de biens immobiliers à temps partagé ».

28

Les requérants au principal ont également assigné d’autres sociétés appartenant au même groupe que Diamond Resorts Europe, mais étrangères aux contrats en cause au principal.

29

Diamond Resorts Europe fait valoir que ces contrats concernent non pas des droits réels, mais des droits personnels. Elle estime que lesdits contrats doivent être régis par la loi anglaise, dès lors que les requérants au principal sont des ressortissants du Royaume-Uni, qu’ils y ont leur résidence habituelle et que le siège du groupe de sociétés se trouve également au Royaume-Uni.

30

La juridiction de renvoi estime que la détermination de la loi applicable aux contrats en cause dépend de la réponse à la question de savoir quelles dispositions de la convention de Rome et du règlement Rome I sont applicables et que cette réponse a des conséquences sur la validité de ces contrats. À cet égard, la réglementation espagnole applicable lors de la signature de ces derniers, à savoir la loi 42/1998, considérait ceux-ci comme étant constitutifs de droits réels sur des biens immeubles et subordonnait leur validité à un ensemble d’exigences formelles que la loi anglaise n’impose pas. Toutefois, la réglementation espagnole en vigueur, à savoir la loi 4/2012, comporte un titre II qui a été interprété en ce sens que de tels contrats étaient considérés comme étant de type associatif et que, par conséquent, ils étaient soumis aux dispositions de ce titre. Les exigences formelles prévues par cette dernière loi étant moindres, ces contrats seraient valables au regard de celle-ci.

31

Selon cette juridiction, s’agissant de la détermination de la loi applicable, il existe différentes interprétations possibles. D’une part, lorsqu’il s’agit d’une relation entre un consommateur et un commerçant disposant d’une succursale en Espagne, que le contrat concerné a été signé en Espagne et que les obligations des parties portent sur un immeuble situé en Espagne, il conviendrait d’appliquer la loi espagnole.

32

D’autre part, il serait possible d’analyser une telle situation sous l’angle de la liberté de choix, conformément à l’article 3, paragraphe 1, du règlement Rome I, étant entendu qu’une clause prérédigée prévoyant que le contrat concerné est régi par la loi anglaise doit être regardée non pas comme un accord librement consenti relatif à l’application de cette loi, mais comme un élément imposé par la partie ayant inséré cette clause dans ce contrat afin d’échapper à l’application de la réglementation espagnole, à savoir la loi 42/1998.

33

Or, selon Diamond Resorts Europe, conformément à l’article 5 de la convention de Rome et à l’article 6 du règlement Rome I, s’agissant de relations impliquant des consommateurs, le principe général de l’application de la loi du pays où le consommateur concerné a sa résidence habituelle doit prévaloir. Ainsi, la loi anglaise serait applicable.

34

Dans ce contexte, la juridiction de renvoi se demande, tout d’abord, si le règlement Rome I, qui a remplacé la convention de Rome par des dispositions plus détaillées, peut être appliqué à des contrats conclus avant l’entrée en vigueur de ce règlement ou si la réglementation antérieure demeure applicable.

35

Ensuite, compte tenu du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, cette juridiction estime qu’il y a lieu de déterminer si les dispositions du droit de l’Union demeurent applicables à des ressortissants de cet État.

36

Enfin, ladite juridiction soulève la question de la détermination de la nature de la relation contractuelle qui lie les parties, c’est-à-dire celle de savoir si les droits en cause sont des droits réels ou des droits personnels de type associatif. Il serait même envisageable de les qualifier de droits de bail d’immeubles, auquel cas l’article 4 du règlement Rome I ouvrirait deux possibilités, à savoir celles de l’application de la loi du pays dans lequel est situé l’immeuble concerné ou de l’application de la loi du pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, selon que la durée du bail est respectivement supérieure ou inférieure à six mois.

37

C’est dans ces conditions que le Juzgado de Primera Instancia e Instrucción no 2 de Granadilla de Abona (tribunal de première instance et d’instruction no 2 de Granadilla d’Abona, Espagne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

La [convention de Rome] et le [règlement Rome I] doivent-ils être considérés comme étant applicables à des contrats dont les deux parties sont des ressortissants du Royaume-Uni ?

En cas de réponse affirmative à la première question :

2)

Le [règlement Rome I] doit-il être interprété comme étant applicable à des contrats conclus antérieurement à son entrée en vigueur, conformément à l’article 24 dudit règlement ? Si la réponse est négative, un contrat d’utilisation de biens immobiliers à temps partagé, sous la forme d’une souscription à des points d’un club, doit-il être considéré comme relevant du champ d’application de l’article 4, paragraphe 3, ou de l’article 5 de la [convention de Rome], et ce, également dans le cas où c’est le consommateur qui choisit comme loi applicable la loi d’un État autre que celui de sa résidence habituelle ? De plus, si la réponse est que ce contrat pourrait relever de ces deux dispositions, quel régime aurait la priorité ?

3)

Indépendamment des réponses à la deuxième question, un contrat d’utilisation de biens immobiliers à temps partagé, sous la forme d’une souscription à des points d’un club, doit-il être considéré comme un contrat donnant lieu à l’acquisition de droits réels sur des biens immobiliers, ou à l’acquisition de droits personnels de type associatif ?

Si l’on considère qu’il donne lieu à l’acquisition de droits réels, faut-il, aux fins de la détermination de la loi applicable, appliquer en priorité l’article 4[, paragraphe 1], sous c), ou l’article 6, paragraphe 1, du [règlement Rome I], et ce, également dans le cas où c’est le consommateur qui choisit comme loi applicable la loi d’un État autre que celui de sa résidence habituelle ?

Si l’on considère qu’il donne lieu à l’acquisition de droits personnels, ces droits doivent-ils être envisagés comme des droits de bail d’immeuble au sens de l’article 4[, paragraphe 1], sous c), [de ce règlement] ou comme des droits à des prestations de services au sens de [cet] article 4[, paragraphe 1], sous b) ? En tout état de cause, l’article 6, paragraphe 1, [dudit règlement] doit-il être appliqué en priorité s’agissant des relations impliquant des consommateurs et/ou des usagers, et ce, également dans le cas où c’est le consommateur qui choisit comme loi applicable la loi d’un État autre que celui de sa résidence habituelle ?

4)

Dans tous les cas susvisés, les dispositions relatives à la loi applicable de la [convention de Rome] et du [règlement Rome I] doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à une réglementation nationale selon laquelle “[t]ous les contrats portant sur des droits relatifs à l’utilisation d’un ou de plusieurs immeubles situés en Espagne pendant une période déterminée ou déterminable de l’année sont soumis aux dispositions de la présente loi, quels que soient le lieu et la date de leur conclusion” ? »

Sur la compétence de la Cour

38

À titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément à l’article 1er du premier protocole, la Cour est compétente pour se prononcer sur l’interprétation de la convention de Rome.

39

L’article 2, sous a), de ce premier protocole dresse une liste exhaustive des juridictions des États contractants ayant la faculté de demander à la Cour de statuer à titre préjudiciel sur une question soulevée dans une affaire pendante devant elles et portant, notamment, sur l’interprétation des dispositions de cette convention, lorsqu’elles estiment qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre leur jugement. En vertu de cet article 2, sous b), cette faculté est également reconnue aux juridictions des États contractants lorsqu’elles statuent en appel.

40

Or, d’une part, force est de constater que le Juzgado de Primera Instancia e Instrucción no 2 de Granadilla de Abona (tribunal de première instance et d’instruction no 2 de Granadilla d’Abona) ne figure pas sur cette liste, qui, en ce qui concerne le Royaume d’Espagne, vise uniquement le « Tribunal Supremo » (Cour suprême). D’autre part, en tant que juridiction de première instance, la juridiction de renvoi n’est pas non plus appelée à statuer en appel, au sens dudit article 2, sous b), dans le cadre du litige au principal.

41

Il s’ensuit que les conditions prévues à l’article 2 du premier protocole ne sont pas remplies et que la Cour n’est pas compétente pour se prononcer sur les questions préjudicielles en ce qu’elles portent sur l’interprétation de la convention de Rome.

42

La Cour demeure toutefois compétente pour statuer à titre préjudiciel sur l’interprétation des dispositions du règlement Rome I visées par ces questions, au sujet duquel il n’existe pas de limitation concernant les juridictions autorisées à saisir la Cour.

Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

43

Bien qu’ayant pris position sur chacune des questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi, le gouvernement espagnol fait valoir, à titre liminaire, que la demande de décision préjudicielle est irrecevable dans son intégralité, au motif qu’elle ne satisfait pas aux conditions prévues à l’article 267 TFUE et à l’article 94 du règlement de procédure de la Cour, cette juridiction n’ayant pas indiqué les termes des contrats en cause au principal.

44

Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt du 13 janvier 2022, Regione Puglia, C-110/20, EU:C:2022:5, point 23 et jurisprudence citée).

45

Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 13 janvier 2022, Regione Puglia, C-110/20, EU:C:2022:5, point 24 et jurisprudence citée).

46

En l’occurrence, même si la demande de décision préjudicielle ne comporte pas les termes précis des contrats en cause au principal et ne fournit pas de qualification juridique exacte des obligations en cause, il n’en demeure pas moins que la juridiction de renvoi a, d’une part, indiqué de manière précise le rapport existant entre les dispositions du droit de l’Union dont elle sollicite l’interprétation et le litige dont elle est saisie ainsi que, d’autre part, expliqué en quoi la solution de ce litige dépend des réponses de la Cour aux questions posées.

47

En outre, conformément à l’article 94 du règlement de procédure, le renvoi préjudiciel contient suffisamment d’éléments de fait et de droit, pour permettre non seulement aux parties intéressées de présenter des observations au titre de l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, mais également à la Cour de répondre de façon utile aux questions posées.

48

Partant, il convient de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par le gouvernement espagnol en ce qu’elle vise la demande de décision préjudicielle dans son intégralité et de déclarer cette demande recevable.

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

49

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions du règlement Rome I sont applicables à des contrats dont les deux parties sont des ressortissants du même État, en l’occurrence le Royaume-Uni.

50

À cet égard, il ressort du libellé de l’article 1er du règlement Rome I que ce dernier s’applique, dans des situations comportant un conflit de lois, aux obligations contractuelles relevant de la matière civile et commerciale.

51

Ainsi, les dispositions de ce règlement sont applicables à toute relation contractuelle comportant un élément d’extranéité, sans que l’article 1er dudit règlement contienne de précision ou d’exigence quant à un éventuel lien de cet élément d’extranéité avec la nationalité ou le lieu du domicile des parties contractantes concernées.

52

Il en découle que, bien que les deux parties ayant conclu les contrats en cause au principal aient la même nationalité, ces contrats sont susceptibles de relever du champ d’application du règlement Rome I, dès lors qu’ils présentent un ou plusieurs autres éléments d’extranéité.

53

En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que lesdits contrats, qui ont été conclus entre deux ressortissants du Royaume-Uni et une société relevant du droit de l’Angleterre et du pays de Galles , devaient être exécutés dans différents pays européens, dont, notamment, l’Espagne.

54

Par ailleurs, il convient de relever que le retrait du Royaume-Uni de l’Union est sans incidence sur l’application des dispositions du règlement Rome I au litige au principal.

55

S’agissant des règles applicables pendant la période de transition, prévues à l’article 66, sous a), et à l’article 126 de l’accord de retrait, elles ont été élaborées à l’égard des affaires pendantes devant les juridictions et les institutions du Royaume-Uni, de telle sorte qu’elles n’affectent pas la situation de la juridiction espagnole saisie du litige au principal.

56

Il résulte de ce qui précède que les dispositions du règlement Rome I sont applicables, dans le cadre d’un litige devant une juridiction d’un État membre, à des contrats dont les deux parties sont ressortissantes du Royaume-Uni, pour autant qu’ils comportent un élément d’extranéité.

Sur les deuxième et troisième questions

57

Par ses deuxième et troisième questions, qu’il y a lieu d’examiner de manière conjointe, la juridiction de renvoi demande, en substance, quelle disposition du règlement Rome I doit être appliquée aux fins de déterminer la loi applicable à un contrat d’utilisation de biens immobiliers à temps partagé sous la forme d’une souscription à des points d’un club.

58

Plus précisément, cette juridiction souhaite savoir si un tel contrat doit être considéré comme portant sur l’acquisition de droits réels immobiliers, ce qui conduirait à l’application de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de ce règlement, ou sur celle de droits personnels, auquel cas soit l’article 4, paragraphe1, sous c), dudit règlement, soit l’article 4, paragraphe 1, sous b), du même règlement serait applicable en ce que ce contrat devrait être regardé comme ayant pour objet respectivement un bail d’immeuble ou une prestation de services.

59

En tout état de cause, ladite juridiction se demande si, s’agissant d’un contrat de consommation, il ne convient pas d’appliquer, en priorité, les dispositions de l’article 6, paragraphe 1, du règlement Rome I, et s’interroge sur l’incidence du libre choix, par le consommateur concerné, d’une loi applicable autre que celle du pays où il a sa résidence habituelle.

60

Avant de répondre à ces questions, il importe de fournir une précision quant au champ d’application ratione temporis du règlement Rome I.

61

À cet égard, il y a lieu de relever que, en vertu de l’article 28 de ce règlement, les dispositions de ce dernier n’ont vocation à s’appliquer qu’aux relations contractuelles nées du consentement mutuel des parties contractantes, qui s’est manifesté à compter du 17 décembre 2009. En effet, le législateur de l’Union a exclu que ledit règlement ait une application immédiate qui aurait fait relever de son champ d’application les effets futurs de contrats conclus avant cette date (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2016, Nikiforidis, C-135/15, EU:C:2016:774, points 31 et 33).

62

Il ressort de la jurisprudence que l’application du règlement Rome I dépend de la date de la conclusion du contrat concerné (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2021, Obala i lučice, C-307/19, EU:C:2021:236, point 56 et jurisprudence citée).

63

Ainsi, les dispositions du règlement Rome I s’appliquent exclusivement aux contrats conclus à compter du 17 décembre 2009, et non pas aux effets futurs de contrats conclus avant cette date.

64

Le premier contrat en cause au principal, qui a été signé le 14 avril 2008, ne relève donc pas du champ d’application temporel du règlement Rome I.

65

Partant, l’interprétation des dispositions du règlement Rome I que la Cour fournira à la juridiction de renvoi en réponse aux questions posées par cette dernière ne concernera que le second contrat en cause au principal, signé le 28 juin 2010 (ci-après le « contrat litigieux »).

66

Pour ce qui est de la question de la détermination de la loi applicable à un contrat d’utilisation de biens immobiliers à temps partagé sous la forme d’une souscription à des points d’un club, il importe de rappeler qu’il ressort du considérant 6 du règlement Rome I que celui-ci entend établir des règles de conflit de lois désignant la même loi nationale, quel que soit le pays dans lequel l’action est introduite, afin de favoriser la prévisibilité de l’issue des litiges, la sécurité quant au droit applicable et la libre circulation des jugements.

67

Ainsi, le règlement Rome I prévoit, à son chapitre II, des règles uniformes qui consacrent le principe selon lequel la priorité est donnée à la volonté des parties, auxquelles est reconnue, à l’article 3 de ce règlement, la liberté de choisir la loi applicable au contrat.

68

À cet égard, cet article 3, paragraphe 1, exige que le choix de la loi applicable soit exprès ou qu’il résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause.

69

À défaut de choix de la loi applicable effectué par les parties, l’article 4, paragraphe 1, du règlement Rome I prévoit des critères de rattachement en fonction de différents types de contrats, parmi lesquels figurent ceux visés par la juridiction de renvoi, à savoir les contrats ayant pour objet un droit réel immobilier ou un bail d’immeuble et les contrats de prestation de services.

70

Or, en l’occurrence, il ressort du dossier dont dispose la Cour que le contrat litigieux désigne la loi anglaise comme étant la loi applicable à ce contrat et que ce dernier a été conclu avec un consommateur.

71

Conformément à l’article 6, paragraphe 2, du règlement Rome I, dans un contrat conclu par un consommateur avec un professionnel, les parties peuvent choisir la loi applicable à ce contrat, ce choix ne pouvant toutefois avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui aurait été applicable, en l’absence de choix, sur la base de l’article 6, paragraphe 1, de ce règlement, qui prévoit qu’un tel contrat est régi par la loi du pays où le consommateur a sa résidence habituelle (voir, en ce sens, arrêt du 10 février 2022, ShareWood Switzerland, C-595/20, EU:C:2022:86, points 15 et 16).

72

Encore faut-il que le contrat en cause réponde aux conditions énoncées à cet article 6, paragraphe 1, à savoir que ce contrat ait été conclu par le consommateur pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, que le professionnel exerce son activité professionnelle dans le pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle ou que, par tout moyen, il dirige cette activité vers ce pays ou vers plusieurs pays, dont celui-ci, et que ledit contrat rentre dans le cadre de cette activité.

73

En l’occurrence, dans l’hypothèse où le contrat litigieux remplirait les conditions énoncées à l’article 6, paragraphe 1, du règlement Rome I, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, le choix de la loi applicable par les parties ne saurait, conformément à cet article 6, paragraphe 2, avoir pour résultat de priver le consommateur concerné de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays où il a sa résidence habituelle.

74

Or, tel ne saurait être le cas dans la situation en cause au principal, dès lors que la loi applicable choisie est celle du pays où les consommateurs concernés ont leur résidence habituelle, à savoir la loi anglaise.

75

Une interprétation en vertu de laquelle il serait possible de déroger aux règles de conflit de lois prévues par le règlement Rome I pour déterminer la loi applicable aux contrats de consommation, au motif qu’une autre loi serait plus favorable pour le consommateur, porterait nécessairement une atteinte considérable à l’exigence générale de prévisibilité de la loi et, partant, au principe de sécurité juridique dans les relations contractuelles impliquant des consommateurs (voir, par analogie, arrêt du 12 septembre 2013, Schlecker, C-64/12, EU:C:2013:551, point 35).

76

En outre, comme l’article 6 du règlement Rome I revêt un caractère non seulement spécifique, mais encore exhaustif, les règles de conflit de lois prévues à cet article ne peuvent pas être modifiées ou complétées par d’autres règles de conflit de lois énoncées dans ce règlement, à moins qu’une disposition particulière figurant audit article n’opère un renvoi exprès à celles-ci (voir, par analogie, arrêt du 20 octobre 2022, ROI Land Investments, C-604/20, EU:C:2022:807, points 40 et 41).

77

Il découle de ce qui précède qu’il y a lieu de répondre aux deuxième et troisième questions comme suit :

l’article 6, paragraphe 2, du règlement Rome I doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un contrat de consommation répond aux conditions énoncées à cet article 6, paragraphe 1, les parties à ce contrat peuvent, conformément à l’article 3 de ce règlement, choisir la loi applicable audit contrat, sous réserve toutefois que ce choix n’ait pas pour résultat de priver le consommateur concerné de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui aurait été applicable, en l’absence de choix, sur la base dudit article 6, paragraphe 1, qui prévoit qu’un tel contrat est régi par la loi du pays où le consommateur a sa résidence habituelle ;

eu égard au caractère impératif et exhaustif du même article 6, paragraphe 2, il ne saurait être dérogé à cette disposition au profit d’une législation prétendument plus favorable à l’égard du consommateur.

Sur la quatrième question

78

Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale selon laquelle tous les contrats relatifs à l’utilisation de biens immobiliers à temps partagé sont soumis aux dispositions de cette législation, indépendamment du choix effectué par les parties quant à la loi applicable au contrat concerné.

79

À l’instar de la plupart des parties ayant présenté des observations écrites dans l’affaire au principal, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 9 du règlement Rome I, les dispositions de ce dernier ne peuvent porter atteinte à l’application des lois de police du juge saisi, qui constituent des dispositions impératives dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d’en exiger l’application à toute situation entrant dans son champ d’application, quelle que soit la loi applicable au contrat en vertu de ce règlement (voir, en ce sens, arrêt du 17 octobre 2013, Unamar, C-184/12, EU:C:2013:663, point 48).

80

Toutefois, et sans même invoquer cet article 9, la juridiction de renvoi se limite à citer, dans le cadre de sa quatrième question, un extrait de la deuxième disposition additionnelle de la loi 42/1998, en vertu de laquelle tous les contrats portant sur des droits relatifs à l’utilisation d’un immeuble à temps partagé situé en Espagne sont soumis aux dispositions de cette loi, sans se référer pour autant à la teneur de la loi 4/2012, qui semble prévoir des dispositions moins contraignantes concernant une telle utilisation et dont cette juridiction n’exclut pas, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, qu’elle soit également applicable.

81

Étant donné que cette décision ne contient ni la teneur précise des dispositions pertinentes de la législation nationale en cause ni même un début d’explication sur les aspects procéduraux des obligations imposées par cette législation ou sur les circonstances exceptionnelles qui justifieraient de prendre en compte des considérations d’intérêt public que ces dispositions viseraient à sauvegarder, la Cour n’est pas en mesure de connaître les raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur la compatibilité de ladite législation avec le droit de l’Union.

82

Dans ces conditions, et eu égard au fait que la quatrième question ne répond pas aux exigences de l’article 94 du règlement de procédure, la Cour se trouve dans l’impossibilité de fournir à la juridiction de renvoi une réponse utile à cette question. Partant, il convient de déclarer ladite question irrecevable.

Sur les dépens

83

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

1)

Les dispositions du règlement (CE) no 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), sont applicables, dans le cadre d’un litige devant une juridiction d’un État membre, à des contrats dont les deux parties sont ressortissantes du Royaume-Uni, pour autant qu’ils comportent un élément d’extranéité.

2)

L’article 6, paragraphe 2, du règlement no 593/2008

doit être interprété en ce sens que :

lorsqu’un contrat de consommation répond aux conditions énoncées à cet article 6, paragraphe 1, les parties à ce contrat peuvent, conformément à l’article 3 de ce règlement, choisir la loi applicable audit contrat, sous réserve toutefois que ce choix n’ait pas pour résultat de priver le consommateur concerné de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui aurait été applicable, en l’absence de choix, sur la base dudit article 6, paragraphe 1, qui prévoit qu’un tel contrat est régi par la loi du pays où le consommateur a sa résidence habituelle ;

eu égard au caractère impératif et exhaustif du même article 6, paragraphe 2, il ne saurait être dérogé à cette disposition au profit d’une législation prétendument plus favorable à l’égard du consommateur.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’espagnol.

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CJUE, n° C-632/21, Arrêt de la Cour, JF et NS contre Diamond Resorts Europe Limited (Sucursal en España), e.a, 14 septembre 2023