Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 2e section, 2 juin 2017, n° 16/01939

  • Consommateur d'attention moyenne·
  • Caractère faiblement distinctif·
  • Fonction d'indication d'origine·
  • Exploitation par un licencié·
  • Produits ou services opposés·
  • Caractère distinctif élevé·
  • Demande reconventionnelle·
  • Différence intellectuelle·
  • Exploitation sporadique·
  • Usage à titre de marque

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 2e sect., 2 juin 2017, n° 16/01939
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 16/01939
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : AGUA DIVINA ; BVLGARI AQVA DIVINA
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 1633974 ; 12685418 ; 1224623
Classification internationale des marques : CL03
Référence INPI : M20170430
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 02 juin 2017

3e chambre 2e section N° RG : 16/01939

Assignation du 08 janvier 2016

DEMANDERESSES Société LT P (INTER. VOLONT) […] 75008 PARIS représentée par Maître Isabelle SICOT de la SELARL CLEACH, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #L0014

Société BREMA FRANCE […] 75008 PARIS représentée par Maître Jocelyne ORANGER de la SELARL CABINET ORANGER, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #D0190

DÉFENDERESSES Société BULGARI FRANCE SAS […] 75001 PARIS

Société BULGARI S.p.A Via dei Condotti 11 CAP 00187 ROME/ITALIE représentées par Maître Christophe CARON de L’AARPI Cabinet Christophe CARON, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C0500

COMPOSITION DU TRIBUNAL François A. Premier Vice-Président adjoint Françoise BARUTEL. Vice-Présidente Laure A, Vice-Présidente assisté de Jeanine R. Faisant fonction de Greffier

DÉBATS À l’audience du 21 avril 2017 tenue en audience publique devant François A. Françoise BARUTEL, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES La société BREMA FRANCE (ci-après société BREMA) est titulaire d’un nombre important de marques anciennement attachées à deux maisons de parfumerie, la maison L.T PIVER créée en 1774 et la maison E. COUDRAY créée en 1822, et notamment de la marque verbale française A DIVINA n° 1633974, enregistrée le 6 septembre 1978 en classe 3 pour les « Produits de parfumerie, de beauté, savonnerie, fards, huiles essentielles, cosmétiques, produits pour la chevelure, dentifrices ». La société LT P se présente comme le licencié exclusif de la marque française « A DIVINA » n° 1633974 depuis le 25 avril 1990, et dit utiliser cette marque depuis cette date pour commercialiser le parfum « A DIVINA » sur le territoire français. La société BULGARI S.p.a. société de droit italien, qui appartient depuis 2011 au Groupe LVMH, se présente comme ayant une activité dans le domaine du luxe, principalement de la bijouterie, mais également de la parfumerie. Elle est titulaire de la marque BVLGARI AQVA DIVINA, marque de l’Union européenne déposée le 12 mars 2014 sous le n°12685418 et de la marque internationale B A DIVINA enregistrée le 10 septembre 2014 sous le n° 1224623. Elle commercialise depuis 2014 sous la marque BVLGARI AQVA DIVINA un parfum féminin, une eau de toilette un gel douche, un lait pour le corps et une brume pour le corps. La société BULGARI FRANCE est la filiale en France de la société BULGARI. Ayant découvert le lancement en France par les sociétés BULGARI d’une nouvelle gamme de produits de parfumerie et de cosmétiques début 2015 sous le signe « AQVA DIVINA », puis l’existence des dépôts de la marque de l’Union Européenne n° 12685418 et de la marque internationale n° 1224623, la société BREMA, après avoir adressé en vain une mise en demeure par courrier du 2 juin 2015, et avoir fait procéder à un constat sur internet par agent assermenté le 16 décembre 2015, a par actes en date des 8 et 19 janvier 2016, assigné les sociétés BULGARI FRANCE et BULGARI S.p.A (ci-après les sociétés BULGARI) devant le Tribunal de Grande Instance de Paris. Par conclusions en date du 23 novembre 2016, la société LT P est intervenue à l’instance en sa qualité de licenciée de la société BREMA. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 janvier 2017, la société BREMA demande au tribunal, au visa des articles L.713-3. L.716-14. L.716-7 et suivants du Code la Propriété intellectuelle et de l’article 1382 du code civil, de :

— Dire et juger, à titre principal, que les Sociétés BULGARI ont mal- fondé leur demande de nullité pour défaut de caractère distinctif ;

- Dire et juger, à titre subsidiaire, que les Sociétés BULGARI ne démontrent pas d’intérêt à agir en nullité pour défaut de caractère distinctif de la marque « AGUA DIVINA » n° 1633974 pour les « produits de beauté, fards, huiles essentielles, produits pour la chevelure, dentifrice »
- Dire et juger, que la marque « AGUA DIVINA » n°l633974 est distinctive et parfaitement valable ;

- Dire et juger, que les Sociétés BULGARI ne démontrent pas d’intérêt à agir en déchéance pour défaut d’usage sérieux de la marque « AGUA DIVINA » n° 1633974 pour les « produits de beauté, fards, huiles essentielles, produits pour la chevelure, dentifrice »
- Dire et juger que la société BREMA France démontre un usage sérieux de la marque «AGUA DIVINA » n° 1633974 et que cette dernière n’est donc pas susceptible de déchéance ;

- Dire et juger que les demandes accessoires de la société BREMA France sont justifiées ;

- Dire et juger qu’en déposant et en exploitant la marque communautaire « BVLGARI AQVA DIVINA » la Société BULGARI Spa a commis, à titre principal, des actes de contrefaçon par imitation de la marque « AGUA DIVINA » n° 1633974 :

- Dire et juger qu’en exploitant le signe «AQVA DIVINA» pour promouvoir et commercialiser un parfum et des produits cosmétiques associés, les Sociétés BULGARI ont commis, à titre principal, des actes de contrefaçon de la marque « AGUA DIVINA » n° 1633974 :

- Dire et juger qu’en exploitant le signe « AQVA DIVINA » pour promouvoir et commercialiser un parfum et des produits cosmétiques associés, les Sociétés BULGARI ont commis, à titre subsidiaire, des actes de concurrence déloyale de la marque « AGUA DIVINA » n°1633974 :

- Dire et juger que la société BREMA France n’a pas commis de faute justifiant une condamnation pour procédure abusive.

À titre principal.

- Ordonner aux Sociétés BULGARI, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision ordonnant la mesure, de communiquer à la société BREMA France les documents justificatifs, visés et certifiés par leur(s) expert-comptable(s). concernant :

- La date de début de commercialisation en France du parfum « A DIVINA » et des produits cosmétiques associés :

— L’état comptable complet exact faisant ressortir la quantité de parfum « A DIVINA » et des produits cosmétiques associés fabriqués et commercialisés en France :

- Le chiffre d’affaires HT et de la marge réalisée par les défenderesses sur la vente de ces produits en France ;

- Les lieux de vente de ces produits, en France ;

- L’identité précise des éventuels fournisseurs, fabricants et distributeurs du parfum « A DIVINA » et des produits cosmétiques associés ;

- Les catalogues publiés et les publicités sur lesquels figure la marque « BVLGARI AQVA DIVINA » et / ou le parfum « A DIVINA » et plus largement tous documents permettant d’évaluer l’importance des opérations promotionnelles et publicitaires faites en France autour de la marque et des produits litigieux :

- Condamner solidairement les défenderesses à payer d’ores et déjà à la société BREMA France une indemnité fixée par provision à 75 000 euros au titre du préjudice patrimonial subit du fait des actes de contrefaçon, à parfaire :

- Condamner solidairement les défenderesses à payer à la société BREMA France une somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral subit : À titre subsidiaire.

— Condamner solidairement les défenderesses à payer à la société BREMA France une somme de 50 000 euros au titre des actes de concurrence déloyale commis : En tout état de cause.

- Débouter les Sociétés BULGARl de l’ensemble de leurs demandes:

- Ordonner à la société BULGARI SPA. sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, de procéder aux formalités idoines auprès de l’Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle aux fins de renoncer à la marque l’Union Européenne « B A DIVINA » n°12685418 ;

- Interdire aux défenderesses, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, de continuer à faire fabriquer, promouvoir et commercialiser les produits litigieux en France ;

- Ordonner sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, la remise au profit de la demanderesse de l’intégralité des stocks des produits litigieux aux fins

de leur destruction sous contrôle d’huissier et ce, aux seuls frais des défenderesses :

-Ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois (3) journaux, revues ou magazines au choix des demandeurs et sur la page d’accueil du site Internet disponible à l’adresse http://bulgari.com/, aux seuls frais des défenderesses, dans la limite de 30.000 euros HT par publication et ce, à titre de dommages-intérêts complémentaires ; Condamner solidairement les défenderesses à verser à la société BREMA France la somme de 16.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, en ce compris les frais de constat APP du 16 décembre 2015, à parfaire : Condamner solidairement les défenderesses aux entiers dépens, soit la somme de 1 431. 36 euros, à parfaire ; Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant toute voie de recours et sans constitution de garantie. Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 mars 2017, les sociétés BULGARI FRANCE et BULGARI S.p.a demandent au tribunal, au visa des articles 10 et 1382 (devenu 1241) du Code civil, des articles 32-1 et 146, alinéa 2, du Code de procédure civile, des articles L. 711-2. L. 714-5 et L. 716-7-1, alinéa second du Code de la propriété intellectuelle, de l’article 3 de la loi n° 64-1360 du 31 décembre 1964, de :

SUR LA CONTREFAÇON.

À titre principal. DIRE ET JUGER que la demande de nullité de la marque française « A DIVINA » n° 1633974 pour défaut de caractère distinctif formulée par les sociétés BULGARI est bien fondée. DIRE ET JUGER que les sociétés BULGARI sont recevables afin de demander la nullité de la marque française « A DIVINA » n° 1633974 et PRONONCER la nullité de la marque verbale française « A DIVINA » n° 1633974 pour défaut de distinctivité. DIRE ET JUGER que les sociétés BULGARI sont recevables afin de demander la déchéance de la marque française « A DIVINA » n° 1633974 pour l’ensemble des produits visés au dépôt et PRONONCER la déchéance totale de la marque verbale française « A DIVINA » n° 1633974 pour défaut d’exploitation en l’absence d’usage sérieux de ladite marque par la société BREMA France et la société LT P depuis plus de cinq ans, et à titre subsidiaire.

PRONONCER la déchéance partielle de ladite marque pour les produits suivants : « produits de beauté, savonnerie, fards, huiles essentielles, cosmétiques, produits pour la chevelure, dentifrices » en classe 3. DIRE ET JUGER que la présente décision devenue définitive sera transmise à l’Institut National de la Propriété Industrielle par le Greffier préalablement requis par la partie la plus diligente aux fins d’inscription de la radiation de la marque « AGUA DIVINA » n° 1633974 au Registre National des Marques. À titre subsidiaire.

- DIRE ET JUGER qu’il est interdit d’imiter une marque protégée, sauf autorisation du propriétaire, s’il en résulte un risque de confusion pour le consommateur.

- DIRE ET JUGER que le risque de confusion est inexistant en l’espèce lorsque l’on compare les signes « AGUA DIVINA » et « B A DIVINA ». compte tenu notamment des différences entre les signes, du caractère particulièrement distinctif et de la renommée de la marque « BVLGARI » apposée en terme d’attaque, ainsi que de l’absence de distinctivité et de notoriété de la marque antérieure « AGUA DIVINA ».

- DIRE ET JUGER que le risque de confusion est inexistant lorsque l’on compare les produits exploités sous les marques concernées, qui sont totalement différents.

- DEBOUTER en conséquence la société BREMA France et la société LT P de l’ensemble de leurs demandes en contrefaçon de la marque « AGUA DIVINA » n° 1633974.

SUR LA CONCURRENCE DELOYALE.

-DIRE ET JUGER qu’en l’absence de concurrence entre les parties, en l’absence de risque de confusion dans l’esprit du public et compte tenu de l’ensemble des facteurs soumis aux débats, il est impossible de conclure au comportement déloyal des sociétés BULGARI de nature à engager leur responsabilité civile.

- DEBOUTER en conséquence la société BREMA France et la société LT P de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale.

En conséquence.

- DEBOUTER la société BREMA France el la société LT P de l’ensemble de leurs réclamations et notamment : DEBOUTER la société BREMA France et la société LT P de l’ensemble de leurs demandes indemnitaires, au titre de leur prétendu

préjudice patrimonial au titre de la contrefaçon, de leur prétendu préjudice moral au titre de la contrefaçon, et de leur prétendu préjudice résultant des actes de concurrence déloyale. DEBOUTER la société BREMA France et la société LT P de l’ensemble de leurs demandes de réparation en nature, de leur demande d’interdiction de fabrication, de promotion et de commercialisation des parfums litigieux., ainsi que de leur demande de retrait et de destruction des stocks. DEBOUTER la société BREMA France et la société LT P de leur demande tendant à voir ordonner à la société BULGARI S.p.A de procéder aux formalités idoines afin de renoncer à sa marque communautaire « BVLGARI AQVA DIVINA » n° 12685418.

DEBOUTER la société BREMA France et la société LT P de leur demandes de publications judiciaires.

À TITRE RECONVENTIONNEL
- CONDAMNER la société BREMA France et la société LT P in solidum au paiement de la somme de 10 000 euros au bénéfice des sociétés BULGARI pour procédure abusive. EN TOUT ETAT DE CAUSE DEBOUTER la société BREMA France et la société LT P de leur demande de communication forcée d’informations qui n’est pas justifiée et qui, en tout état de cause, porte une atteinte sérieuse au secret des affaires. REJETER la demande d’exécution provisoire de la société BREMA France et de la société LT P et prononcer l’exécution provisoire du jugement en ce qui concerne la demande reconventionnelle des sociétés BULGARI
- CONDAMNER la société BREMA France et la société LT P in solidum au versement de la somme de 20 000 euros au titre des frais irrépétibles que les sociétés BULGARI ont été contraintes d’engager dans la présente procédure, ainsi que des entiers dépens qui seront recouvrés directement par le Cabinet Christophe CARON, conformément à l’article 699 du Code de procédure civile. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 janvier 2017, la société LT P demande au tribunal, au visa des articles L.713-3. L.716-5. L.716-14. L.716-7 et suivants du Code la Propriété intellectuelle et de l’article 1382 du code civil, de :

— Dire la société LT P recevable en son intervention volontaire
- Recevoir la société LT P en ses demandes

SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE DES SOCIETES BULGARI
- Dire et juger, à titre principal, les Sociétés BULGARI mal- fondées en leur demande de nullité pour défaut de caractère distinctif ;

- Dire et juger, à titre subsidiaire, que les Sociétés BULGARI ne démontrent pas d’intérêt à agir en nullité pour défaut de caractère distinctif de la marque « AGUA DIVINA » n°1633974 pour les « produits de beauté, fards, huiles essentielles, produits pour la chevelure, dentifrice »
- Dire et juger, que la marque « AGUA DIVINA » n° 1633974 est distinctive et parfaitement valable :

- Dire et juger, que les Sociétés BULGARI ne démontrent pas d’intérêt à agir en déchéance pour défaut d’usage sérieux de la marque « AGUA DIVINA » n° 1633974 pour les « produits de beauté, fards, huiles essentielles, produits pour la chevelure, dentifrice » Dire et juger que la marque « AGUA DIVINA » n° 1633974 est utilisée sérieusement et qu’elle n’est donc pas susceptible de déchéance ; En conséquence, débouter les sociétés BULGARI de leur demande reconventionnelle, fins et conclusions.

À TITRE PRINCIPAL.

- Dire et juger qu’en déposant et en exploitant la marque communautaire « BVLGARI AQVA DIVINA » la Société BULGARI S.p.A a commis, à titre principal, des actes de contrefaçon par imitation de la marque « AGUA DIVINA » n° 1633974 :

- Dire et juger qu’en exploitant le signe « AQVA DIVINA » pour promouvoir et commercialiser un parfum et des produits cosmétiques associés, les Sociétés BULGARI ont commis, à titre principal, des actes de contrefaçon de la marque « AGUA DIVINA » n° 1633974 : En conséquence.

— Ordonner aux Sociétés BULGARI., sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision ordonnant la mesure, de communiquer à la société LT P les documents justificatifs, visés et certifiés par leur(s) expert-comptable(s). concernant : o La date de début de commercialisation en France du parfum « A DIVINA » et des produits cosmétiques associés : L’état comptable complet exact faisant ressortir la quantité de parfum «AQVADIVINA» et des produits cosmétiques associés fabriqués et commercialisés en France : o Le chiffre d’affaires HT et de la marge réalisée par les Défenderesses sur la vente de ces produits en France ; o Les lieux de vente de ces produits, en France :

o L’identité précise des éventuels fournisseurs, fabricants et distributeurs du parfum «A DIVINA » et des produits cosmétiques associés ; o Les catalogues publiés et les publicités sur lesquels figure la marque « BVLGARI AQVA DIVINA » et / ou le parfum « A DIVINA » et plus largement tous documents permettant d’évaluer l’importance des opérations promotionnelles et publicitaires laites en France autour de la marque et des produits litigieux ;

- Condamner solidairement les Défenderesses à payer d’ores et déjà à la société LT P une indemnité fixée par provision à 75 000 euros au titre du préjudice patrimonial subit du fait des actes de contrefaçon, à parfaire :

- Condamner solidairement les Défenderesses à payer à la société LT P une somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral subit ;

À TITRE SUBSIDIAIRE.

- Dire et juger qu’en exploitant le signe « AQVA DIVINA » pour promouvoir et commercialiser un parfum et des produits cosmétiques associés, les Sociétés BULGARI ont commis, à titre subsidiaire, des actes de concurrence déloyale de la marque « AGUA DIVINA » n°1 633974:

- Condamner solidairement les Défenderesses à payer à la société LT P une somme de 50000 euros au titre des actes de concurrence déloyale commis :

EN TOUT ETAT DE CAUSE
- Ordonner à la société BULGARI SPA. sous astreinte de 500 euros par jour d6 retard à compter de la signification du jugement à intervenir, de procéder aux formalités idoines auprès de l’Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle aux fins de renoncer à la marque l’Union Européenne « B A DIVINA » n°12685418 ;

- Interdire aux Défenderesses, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, de continuer à faire fabriquer, promouvoir et commercialiser les produits litigieux en France ;

- Ordonner sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, la remise au profit de la société LT P de l’intégralité des stocks des produits litigieux aux fins de leur destruction sous contrôle d’huissier et ce, aux seuls frais des Défenderesses :

- Ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois (3) journaux, revues ou magazines au choix des demandeurs et sur la

page d’accueil du site Internet disponible à l’adresse http://bulgari.com/. aux seuls frais des Défenderesses, dans la limite de 30.000 euros HT par publication et ce, à titre de dommages-intérêts complémentaires ;

— Condamner solidairement les Défenderesses à verser à la société LT P la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile :

- Condamner solidairement les Défenderesses aux entiers dépens :

- Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant toute voie de recours et sans constitution de garantie.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 mars 2017. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur la nullité de la marque française A DIVINA n°1633974 pour défaut de distinctivité Les sociétés BULGARI soutiennent que la marque AGUA DIVINA n’est pas distinctive tant au regard de l’article 3 de la loi du 31 décembre 1964 en vigueur au moment de son dépôt qu’au regard de l’article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle. Elles font valoir que la marque AGUA DIVINA est nulle pour défaut de distinctivité, en ce qu’elle est déposée pour désigner des produits de parfumerie et de cosmétique mais n’est exploitée que sur des bouteilles d’eau de prière ou de parfum de prière à verser sur des bougies, de sorte que la marque « eau divine », traduction en français de l’espagnol « A DIVINA », est la désignation nécessaire ou générique du produit, la combinaison des deux termes « agua » et « divina » décrivant les caractéristiques des produits désignés, à savoir une eau destinée à la prière, et donc divine. Elles ajoutent que le fait qu’il s’agisse d’une expression en espagnol est indifférent car « A DIVINA » est particulièrement compréhensible par l’ensemble du public français compte tenu de la racine latine de « A ». La société BREMA rétorque que les Sociétés BULGARI formulent leur demande de nullité en citant l’article L.711-2 du Code de la propriété intellectuelle, alors que le caractère distinctif d’une marque s’apprécie au regard de la loi en vigueur à la date de son dépôt, c’est à dire en l’espèce la loi n°64-1360 du 31 décembre 1964 dont l’article 3 relatif au caractère distinctif de la marque dispose que ne peuvent être constituées comme marques celles qui sont constituées exclusivement de la désignation nécessaire ou générique du produit, ou sont composées exclusivement de termes indiquant la qualité essentielle du produit. Elles prétendent que les produits désignés dans

le dépôt ne sont aucunement appelés dans le langage courant A DIVINA, outre qu’il s’agit de termes étrangers non compréhensibles par le public français.

Sur ce.

La marque française litigieuse A DIVINA n° 1633974 ayant été déposée le 6 septembre 1978 et le caractère distinctif d’une marque s’appréciant au regard de la loi en vigueur à la date de son dépôt, il y a lieu d’apprécier sa validité au regard de l’article 3 de la loi n°64-1360 du 31 décembre 1964 relatif au caractère distinctif de la marque lequel dispose que « Ne peuvent, en outre, être considérées comme marques : Celles qui sont constituées exclusivement de la désignation nécessaire ou générique du produit et du service, ou qui comportent des indications propres à tromper le public. Celles qui sont composées exclusivement de termes indiquant la qualité essentielle du produit ou du service, ou la composition du produit ». En outre, le caractère distinctif d’un signe de nature à constituer une marque s’apprécie à l’égard des produits ou services désignés, et vis- à-vis du public auquel ils sont destinés. En l’espèce la marque AGUA DIVINA vise les « Produits de parfumerie, de beauté, savonnerie, fards, huiles essentielles, cosmétiques, produits pour la chevelure, dentifrices » de sorte que le public pertinent est constitué, s’agissant de produits destinés au grand public, par le consommateur moyen, normalement attentif. Le mot .AGI 'A. qui signifie « eau » en espagnol, évoque le préfixe latin « aqua » que l’on trouve dans de nombreux mots français. En outre le mot « eau » signifie notamment la préparation aqueuse utilisée en matière de parfum que l’on retrouve notamment dans les expressions « eau de parfum » ou « eau de toilette ». Cependant le terme « agua » n’est pas utilisé en français usuel pour signifier de l’eau et a fortiori une eau de parfum, ni n’est compris par le public français comme désignant l’un des composants d’un parfum, la langue espagnole n’étant pas communément utilisée dans le langage commercial en France. De même le terme « divina » ne diffère du mot français « divine » que par la voyelle finale. Cependant cet adjectif laudatif qui exprime « ce qui se rapporte à dieu » ou plus généralement une certaine perfection, ne caractérise pas de manière concrète et précise, dans l’esprit du public en cause, la qualité ou la composition du parfum. Il s’ensuit que les signes AGUA DIVINA, s’ils sont faiblement distinctifs en matière de parfum en ce qu’ils sont évocateurs d’une eau exquise ou parfaite, ne sont pas exclusivement la désignation nécessaire ou générique des parfums ni d’aucun des autres produits visés par la marque, dont ils ne sont pas davantage la désignation d’une qualité essentielle ou de sa composition.

Le moyen tiré de la nullité pour défaut de caractère distinctif sera donc rejeté.

Sur la déchéance de la marque

Sur l’intérêt à agir La société BREMA soutient que les sociétés BULGARI n’ont pas intérêt à agir en déchéance, en ce qu’elles ne démontrent pas que les « produits de beauté, fards, huiles essentielles, produits pour la chevelure, dentifrices » pour lesquels elle sollicite la déchéance de la marque, font partie de son secteur d’activité, de sorte que sa demande en déchéance pour ces produits est irrecevable.

Les sociétés BULGARI rappellent que l’article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle permet à toute personne intéressée d’agir en déchéance d’une marque si celle-ci n’a pas été exploitée de manière sérieuse pendant cinq ans ou plus, que le demandeur en déchéance justifie d’un intérêt à agir lorsque sa demande tend à lever une entrave à l’utilisation du signe dans le cadre de son activité économique et qu’en l’espèce les produits visés par la marque font partie du secteur d’activité des sociétés BULGARI, tant les « produits de parfumerie » puisqu’il s’agit du cœur de l’une de ses activités, que les « produits de beauté, savonnerie, fards, huiles essentielles, cosmétiques, produits pour la chevelure, dentifrices » qui sont similaires aux produits de parfumerie du fait de la diversification des activités dans le domaine du luxe, certains produits pouvant être considérés comme similaires, dans la mesure où le consommateur peut leur attribuer la même origine. Elles ajoutent que le fait que la société BREMA leur oppose sa marque AGUA DIVINA en contrefaçon leur confère un intérêt certain à agir en déchéance.

Sur ce. En application de l’article L.714-5 alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle, la déchéance peut être demandée par toute « 'personne intéressée », c’est à dire justifiant, en application de l’article 31 du code de procédure civile, d’un intérêt à agir. En outre en application de l’article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. En l’espèce, la marque AGUA DIVINA est opposée par la société BREMA aux sociétés BULGARI pour les produits de parfum et produits « cosmétiques associés » qu’elles commercialisent. Il s’ensuit que les sociétés BULGARI qui forment une demande reconventionnelle en déchéance justifient d’un intérêt à agir pour les « produits de parfumerie, de beauté, fards, cosmétiques" qui sont des produits de parfum ou des produits cosmétiques, ainsi que pour les

« savonnerie, huiles essentielles, produits pour la chevelure » également visés par la marque litigieuse qui sont des produits de soin correspondant aux produits « cosmétiques associés » invoqués par la demanderesse dans son action en contrefaçon. En revanche, les dentifrices visés par la marque AGUA DIVINA, ne sont pas opposés aux défenderesses qui n’exploitent pas de tels produits ni des produits similaires de sorte que les sociétés BULGARI sont irrecevables à agir en déchéance de la marque AGUA DIVINA pour les « dentifrices ».

Sur la déchéance

Les sociétés BULGARI rappellent que l’usage sérieux ne doit pas être effectué à titre symbolique, aux seules fins du maintien des droits conférés par la marque, que le titulaire de la marque doit rapporter la preuve de cette exploitation, et qu’en espèce aucune preuve sérieuse d’usage de la marque « AGUA DIVINA » par la société BREMA n’est rapportée à la procédure. Elles prétendent que les seules preuves d’usage communiquées sont quelques factures de la société LT P, qui serait son licencié et qui exploiterait seule la marque AGUA DIVINA, et rappellent que l’existence du contrat de licence doit être prouvée et qu’à la date de l’assignation il n’était pas inscrit au Registre National des Marques de sorte que l’usage sérieux de la marque qui repose sur un contrat de licence non publié, ne lui est pas opposable. Elles ajoutent qu’en tout état de cause, l’usage de la marque « AGUA DIVINA » n’est que très sporadique. qu’elle n’est apposée que sur une eau de prière très peu commercialisée, qu’elle n’est pas apposée sur ces flacons à titre de marque, mais afin d’indiquer qu’il s’agit d’une eau divine vendue sous la marque E. COUDRAY et que cet usage ne constitue pas un usage sérieux à titre de marque, permettant d’échapper à la déchéance pour défaut d’exploitation. Elles soutiennent que rien ne permet de démontrer que cette eau de prière pourrait être considérée comme un produit de parfumerie, et qu’en tout état de cause que la marque n’est pas exploitée pour désigner les autres produits visés à l’enregistrement, de sorte que la marque AGUA DIVINA encourt la déchéance pour défaut d’exploitation, ou à titre subsidiaire la déchéance partielle pour les « produits de beauté, savonnerie, fards, huiles essentielles, cosmétiques, produits pour la chevelure, dentifrices ». La société BREMA répond qu’elle utilise sérieusement sa marque française A DIVINA depuis de nombreuses décennies, dans la vie des affaires, pour identifier et commercialiser un parfum, qu’elle est apposée directement sur l’étiquette du flacon, qu’il s’agit en outre du nom sous lequel ce parfum est identifié auprès des fournisseurs, distributeurs et licenciés de la société BREMA France dans les documents commerciaux ainsi qu’auprès du public. Elle fait valoir qu’elle produit de nombreuses factures qui établissent

indiscutablement l’exploitation continue de la marque AGUA DIVINA en 2014. 2015 et 2016, ainsi que des extraits de sites Internet confirmant la commercialisation en ligne du parfum A DIVINA mettant en avant l’apposition du nom du parfum directement sur l’étiquette, portant en outre la mention « eau de toilette » qui ne peut laisser aucun doute sur l’objet de ce produit. La société BREMA expose que plusieurs des preuves d’usage communiquées comportent le nom de la société LT PI V, que l’usage d’une marque effectué avec l’accord de son titulaire est suffisant pour caractériser l’usage sérieux d’une marque, que l’absence d’inscription du contrat n’est pas plus nécessaire, qu’elle est liée par un contrat de licence exclusive de marque à la société LT P depuis le 25 avril 1990, que cette licence est publiée et a fait l’objet des formalités d’inscriptions auprès de l’INPI. La société LT P s’associe aux explications et justifications apportées par la société BREMA.

Sur ce. En application de l’article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, « encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Est assimilé à un tel usage : a) L’usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque ou, pour les marques collectives, dans les conditions du règlement ; b) L’usage de la marque sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif ; c) L’apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement exclusivement en vue de l’exportation. La déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée. Si la demande ne porte que sur une partie des produits ou des services visés dans l’enregistrement, la déchéance ne s’étend qu’aux produits ou aux services concernés. L’usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans visée au premier alinéa du présent article n’y fait pas obstacle s’il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l’éventualité de cette demande. La preuve de l’exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens. La déchéance prend effet à la date d’expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu ». Cette disposition doit être interprétée à la lumière de l’article 10 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations

des États membres sur les marques qui fixe pour point de départ du délai de 5 ans la date à laquelle la procédure d’enregistrement est terminée, soit à la date de la publication de l’enregistrement de la marque conformément à l’article R 712-23 du code de propriété intellectuelle. À défaut, en cas d’interruption de l’usage sérieux, la reprise ou le commencement de cet usage visé par l’article L 714-5 du code de la propriété intellectuelle est privé d’effet utile s’il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l’éventualité de cette demande.

Par ailleurs, pour être considéré comme sérieux, l’usage du signe doit être fait, conformément à sa fonction essentielle, à titre de marque pour identifier ou promouvoir dans la vie des affaires aux yeux du public pertinent les produits et services visés au dépôt et opposés aux défenderesses : il doit être tourné vers l’extérieur et public et non à interne à l’entreprise ou au groupe auquel elle appartient. Le caractère sérieux de l’usage, qui à la différence du défaut d’exploitation n’a pas à être ininterrompu, implique qu’il permette de créer ou de maintenir des parts de marché du titulaire de la marque pour les produits et services concernés au regard du secteur économique en cause et qu’il ne soit ni sporadique ni symbolique car destiné au seul maintien des droits sur la marque.

Pour justifier de l’exploitation de sa marque la société BREMA produit au débat :

- le contrat de licence de marques conclu le 5 janvier 2005 entre la société BREMA et la société L.T. P en renouvellement de la licence initiale du 25 avril 1990 dont l’annexe 1 liste les marques ainsi concédées et notamment la marque AGUA DIVINA n° 1633974 ;

- l’extrait du bulletin officiel de la propriété industrielle n° 16/50 du 16 décembre 2016 publiant le contrat de licence ;

- 62 factures de la société LT. P à divers clients en France de janvier 2014 à janvier 2016 comportant toutes la désignation « A DIVINA 50ML 70% vol » et sa référence 12755, représentant des ventes de plus de 2.600 flacons à un prix unitaire situé entre 2,50 euros et 3,39 euros ;

- la copie d’un bon de commande d’une société ICD mentionnant le produit AGUA DIVINA avec le visuel du flacon et sa référence 12755;

- la copie de l’étiquette du flacon et une photographie du flacon eau de toilette A DIVINA E. C;

- la copie de la page écran du site internet « fauteuil barbier.com » datée du 20 avril 2015 sur lequel est commercialisé dans l’onglet « parfumerie » le flacon E. C A DIVINA de 50 ML à un prix de 15,59 euros. Le fait que le contrat de licence conclu depuis 1990 entre la société BREMA et la société L.T PIVER n’ait pas été publié avant l’introduction

de la présente action n’empêche pas la société BREMA de se prévaloir de l’exploitation de la marque par son licencié, intervenu volontairement à la procédure, pour justifier de son usage sérieux. En outre, le contrat de licence de marques versé au débat qui porte expressément sur la marque litigieuse AGUA DIVINA mentionne dans son article 1 intitulé « définitions » que le terme « produits » dans le contrat signifie « parfums, cosmétiques et accessoires ». De même, l’étiquette du flacon A DIVINA E. C dont un exemplaire original a été produit par les sociétés BULGARI porte la mention « eau de toilette », la page du site « fauteuil barbier » sur laquelle est commercialisé ledit flacon correspond aux produits de « parfumerie » outre que l’ensemble des factures qui ont été produites sont à l’entête de « PARFUMS L.T. P ». Il s’ensuit qu’il est bien justifié d’une exploitation pour des « produits de parfumerie » et non d’eau de prière comme l’allèguent à tort les sociétés BULGARI. Les usages dont il est justifié, tant sur l’étiquette du flacon, que sur internet que dans les factures et bons de commandes, qui permettent à la clientèle de distinguer l’eau de toilette sur laquelle elle est apposée des eaux de toilette concurrentes et d’en identifier l’origine, sont bien des usages à litre de marque, la présence aux côtés de la marque AGUA DIVINA de la marque E. C qui a pour fonction de rappeler la maison de parfum qui a créé ladite eau de toilette, ne lui ôtant pas son usage à titre de marque.

Enfin, il ne peut pas être soutenu comme le font les sociétés BULGARI qu’il s’agit d’une exploitation sporadique alors qu’il est justifié d’une exploitation continue de plus de 2.600 exemplaires depuis janvier 2014 jusqu’à janvier 2016.

Les éléments versés au débat par la société BREMA justifient donc d’un usage sérieux de la marque telle que déposée, pour désigner des produits de parfumerie sur la période de cinq ans précédant de 3 mois la notification de la demande reconventionnelle en déchéance formée par les sociétés BULGARE soit du 13 janvier 2011 au 13 janvier 2016.

En revanche, ces documents, qui ne prouvent l’exploitation de la marque que pour des produits de parfumerie, ne permettent de justifier d’aucun usage pour les autres produits visés dans l’enregistrement de la marque, la société BREMA n’ayant produit aucune pièce pour de tels usages depuis le 6 septembre 1978, date de publication de la marque.

II s’ensuit que la société BREMA sera déchue de ses droits à compter du 6 septembre 1983, soit cinq ans après sa publication pour les produits suivants : « Produits de beauté, savonnerie, fards, huiles essentielles, cosmétiques, produits pour la chevelure".

Sur la contrefaçon de marque La société BREMA FRANCE soutient que le dépôt et l’exploitation de la marque de l’Union Européenne « B A DIVINA » n° 12685418 ainsi que l’exploitation du signe « AQVA DIVINA » pour des parfums et produits cosmétiques associés constituent incontestablement une imitation illicite de la marque française « A DIVINA » n° 1633974 de la société BREMA France au sens de l’article L. 713-3 b du code de la propriété intellectuelle. Elle fait valoir que les signes en présence sont similaires, et que la présence de BULGARI en tant que marque ombrelle n’est pas pertinent pour les différencier. Elle soutient que les termes « A Divina » et « A Divina » sont quasi-identiques en ce qu’ils présentent des similitudes phonétiques, visuelles et intellectuelles considérables.

Elle prétend en outre que les produits désignés par la marque de F Union Européenne de la société BULGARI et ceux désignés par la marque « AGUA DIVINA » n° 1633974 sont identiques et très similaires puisqu’ils portent tous, en classe n°3, sur des produits cosmétiques tels que des produits de parfumerie et des produits associés. Elle en déduit un risque de confusion, que la présence du terme « BVLGARI » dans la marque litigieuse n’atténue pas, et affirme que l’utilisation de marques « ombrelles », même notoires, ne peut suffire à exclure un tel risque, a fortiori dans le domaine de la parfumerie où le nom du parfum a une importance singulière, en ce qu’il est le seul élément retenu tant par la presse que par les consommateurs.

Les sociétés BULGARI rétorquent qu’il n’y a pas d’atteinte à la fonction d’identité d’origine de la marque, en ce qu’il est impossible que les consommatrices de parfums BULGARI pensent que le parfum B A DIVINA est commercialisé par la société BREMA ou par une entreprise liée à la société BREMA, que la société BULGARI n’a jamais recherché un tel rattachement lorsqu’elle a mis sur le marché son parfum B A DIVINA et que le signe reproduit sans autorisation ne trompe pas le consommateur sur l’origine des produits et services, au sens de la jurisprudence.

Elles ajoutent que la comparaison des signes exclut tout risque de confusion entre les signes qui doivent être appréciés en vertu de l’impression d’ensemble produite et que rien ne justifie de retrancher le terme « BVLGARI » pour l’appréciation des signes.

Elles soutiennent que la marque communautaire n° 12685418, telle que déposée, est « B A DIVINA », qu’elle est toujours exploitée comme telle, que le terme d’attaque « BVLGARI » mis en exergue est

particulièrement distinctif, et rattache directement le parfum à la Maison BULGARI, et que la marque « AGUA DIVINA » n’est quant à elle jamais exploitée seule, mais toujours accompagnée de la marque « E. COUDRA Y », qui appartient elle aussi à la société BREMA, et déduit qu’une appréciation d’ensemble des signes, tels qu’exploités, imposerait donc de comparer les signes « AGUA DIVINA E. COUDRAY » et « B A DIVINA ».

Elles prétendent que la seule prononciation des marques « AGUA DIVINA » et « B A DIVINA » est suffisant pour constater les différences, et que le risque de confusion est exclu d’un point de vue auditif. Elles arguent que les signes en question diffèrent compte tenu du nombre de mots et que les différences marquantes entre certaines lettres (G à la place de Q, U à la place de V) et la place prépondérante de « BVLGARI » mis en exergue, sont immédiatement visibles. Elles prétendent que l’unique élément identique commun entre les deux marques est le terme « DIVINA », ce qui est n’est pas suffisant pour produire une impression d’ensemble identique d’un point de vue visuel et soutiennent que d’un point de vue conceptuel, la marque « AGUA DIVINA » est la simple traduction en espagnol de « eau divine » et renvoie donc conceptuellement à la religion. Elles prétendent que le signe « BVLGARI AQVA DIVINA », renvoie d’abord nécessairement à un produit de la marque « BVLGARI », compte tenu de la renommée de la marque « BVLGARI » et de sa place prépondérante au sein de l’expression « B A DIVINA », et que le terme « DIVINA » pour « divin », est pris dans son second sens : « Que l’on trouve exceptionnel : parfait, sublime : Une femme d’une beauté divine », ce qui n’a aucun lien avec la religion.

Elles font valoir que tant lors du dépôt de la marque « BVLGARI AQVA DIVINA » que lors de son apposition sur les produits et les campagnes de publicités, la marque « BVLGARI » est systématiquement en position d’attaque et de façon bien visible et que le signe « BVLGARI » est partout mis en avant, et que la perception du signe « BVLGARI AQVA DIVINA » est affectée par la très forte distinctivité et la renommée de la marque « BVLGARI », en ce que l’attention première du consommateur porte sur le signe « BVLGARI». Elles ajoutent que la faible distinctivité du signe antérieur doit également être prise en considération pour apprécier le risque de confusion. Elles prétendent que les produits en cause sont différents, que ces eaux de prière sont vendues en très faible quantité et jamais en parfumerie, qu’au moment de l’acte d’achat du parfum « B A DIVINA » vendu dans les boutiques BULGARI ou dans les grands magasins, il est impossible que ce parfum soit confondu par le consommateur moyen avec l’eau de prière totalement inconnue A DIVINA E. C et que la clientèle visée n’est pas la même.

Sur ce.

L’article 713-3 b) du code de la propriété intellectuelle dispose que « sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s »il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public, l’imitation d’une marque et / usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement'

Afin d’apprécier la demande en contrefaçon, il y a lieu de rechercher si. au regard d’une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les produits et/ou services désignés, il existe un risque de confusion comprenant un risque d’association dans l’esprit du public concerné, ce risque de confusion devant être apprécié en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce et du consommateur normalement attentif et raisonnablement averti. En l’espèce, s’agissant de produits de parfumerie, le public pertinent est le consommateur français moyen doté d’un niveau d’attention normal. Sur la comparaison des produits ;

Les produits en présence à comparer sont, d’une part, les produits tels que désignés dans l’enregistrement de la marque antérieure, et non comme le suggèrent les sociétés BULGARI les produits tels qu’exploités par le titulaire de la marque, d’autre part les produits tels qu’enregistrés dans la marque postérieure et les produits prétendument contrefaisants tels qu’exploités. Afin de déterminer si les produits et/ou services sont similaires, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits ou services. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. La marque AGUA DIVINA n° 1633974 sera examinée pour les « produits de parfumerie » désignés dans son enregistrement compte tenu de la déchéance partielle prononcée pour les autres produits à compter du 6 septembre 1983. La marque BVLGARI AQVA DIVINA de l’Union européenne déposée le 12 mars 2014 sous le n° 12685418, tout comme la marque internationale B A DIVINA enregistrée le 10 septembre 2014 sous le n° 1224623 désignent notamment les « produits de parfumerie : parfums ». En outre ces marques BVLGARI AQVA DIVINA sont exploitées notamment pour un parfum et une eau de toilette. Il s’ensuit que les produits en présence qui sont des produits de parfumerie sont identiques.

Sur la comparaison des signes ; L’appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux- ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. Les signes en présence sont A DIVINA d’une part et B A DIVINA d’autre part.

Sur le plan visuel la marque incriminée est constituée de trois termes alors que la marque opposée n’en comprend que deux. En outre, si les deux derniers signes AQVA DIVINA ne diffèrent de la marque revendiquée AGUA DIVINA que par le remplacement de la lettre « G » par la lettre « Q » et par la présence d’un « V » à la place du « U » de sorte qu’ils ont la même attaque, même finale et même nombre de lettres, cependant la présence du « V » à la place du "U’ que l’on retrouve dans le signe BVLGARI comme dans le signe AQVA rattache fortement dans la marque incriminée ces deux derniers termes au signe premier BVLGARI.

D’un point de vue phonétique, la marque incriminée comprend en attaque le mot BVLGARI, absent de la marque opposée, les deux derniers termes ayant en revanche le même rythme le même nombre de syllabes et quasiment la même prononciation. Sur un plan intellectuel enfin, la marque AGUA DIVINA revendiquée évoque l’expression en langue espagnole d’une eau divine. La marque incriminée BVLGARI AQVA DIVINA, dont les deux premiers termes comprennent une lettre « V » à la place de la lettre « U » renvoie fortement à une origine latine et à l’univers de l’antiquité, aqua étant le mot latin qui signifie « eau ».

Sur le risque de confusion Le risque de confusion, qui comprend le risque d’association c’est à dire le risque de voir le consommateur penser qu’il est en présence de déclinaisons de marques appartenant toutes à une même entreprise ou à des entreprises économiquement liées, doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas. L’appréciation du risque de confusion dépend de la connaissance de la marque sur le marché, du caractère distinctif de la marque, et des degrés de similitude entre la marque et le signe contesté ainsi qu’entre les produits et services désignés. En l’espèce, compte tenu du caractère dominant et très distinctif du signe en attaque BVLGARI et de la forte attraction visuelle, dans ce premier terme comme dans le deuxième « AGVA », de la lettre V à la place du U. inhabituelle en français et fortement évocatrice du latin et de l’antiquité, le consommateur moyen percevra cette marque comme

un tout, sans rattacher ces deux derniers termes à la marque antérieure opposée, et ce d’autant que cette dernière est dotée d’une faible distinctivité en matière de parfum.

Il résulte de ces éléments que nonobstant la similarité des produits concernés, la faible similitude entre les signes en présence exclut tout risque de confusion.

La contrefaçon n’est donc pas caractérisée.

Sur la concurrence déloyale Les sociétés BREMA et LT P soutiennent qu’en déposant et en exploitant la marque BVLGARI AQVA DIVINA pour commercialiser et promouvoir un parfum, les Sociétés BULGARI ont commis des actes déloyaux à leur préjudice, qu’elles ont mis à mal un héritage et un travail ancien de 195 ans, ces actes étant d’autant plus fautifs qu’ils ont été commis en parfaite connaissance de cause par des professionnels qui ont dû procéder à une recherche d’antériorité qui a nécessairement révélé l’existence de leurs droits antérieurs sur le signe AGUA DIVINA.

Les sociétés BULGARI répondent que la caractérisation d’un acte de concurrence déloyale nécessite la démonstration d’un risque de confusion, qui est en l’espèce inexistant en ce que le consommateur ne pourra jamais attribuer aux parfums BULGARI une autre origine commerciale, outre que les sociétés ne sont pas en concurrence, car les sociétés BULGARI sont spécialisées dans les domaines du luxe, alors que le produit AGUA DIVINA vendu par la société LT P est une eau de prière, et que les réseaux de distribution n’ont rien à voir. Elles ajoutent que l’eau de prière A DIVINA E. C est inconnue du public, et que les sociétés BULGARI n’ont pas imaginé que la marque antérieure « AGUA DIVINA » puisse lui être opposée, compte tenu de son absence de distinctivité et de l’absence de risque de confusion entre les signes.

Sur ce.

Il résulte des articles 1240 et 1241 du code civil (anciennement 1382 et 1383 du code civil) que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à la réparer, chacun étant responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait mais encore par sa négligence ou par son imprudence. Il est également établi que le principe est celui de la liberté du commerce, et que ne sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale que des comportements fautifs tels que ceux visant à créer

un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, ou ceux, parasitaires, qui tirent profit sans bourse délier d’une valeur économique d’autrui lui procurant un avantage concurrentiel injustifié, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements. En l’espèce, le dépôt et l’exploitation de la marque BULGARI A DIVINA, qui ainsi qu’il a été démontré ne créent aucun risque de confusion avec la marque antérieure AGUA DIVINA dans l’esprit du public concerné, ne présentent aucun caractère fautif de sorte que la demande subsidiaire sur le fondement de la concurrence déloyale, et l’ensemble des demandes subséquentes en réparation seront également rejetés.

Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive

Les sociétés BULGARI font valoir que l’objectif poursuivi par la société BREMA et la société LT P n’est pas d’obtenir la cessation des actes de commercialisation du parfum de BULGARI mais le versement de sommes exorbitantes et disproportionnées sans même justifier du bien-fondé de leur action, alors qu’elles ne subissent aucun préjudice, de sorte qu’elles demandent leur condamnation à payer 10.000 euros au titre de la procédure abusive. La société BREMA FRANCE rétorque que le droit d’ester en justice ne peut dégénérer en abus qu’en présence d’une faute, d’une intention de nuire, et qu’en l’espèce aucune faute n’est caractérisée puisqu’il n’est question que de préservation de droits de propriété intellectuelle.

Sur ce.

L’exercice d’une action en justice constitue, en principe, un droit et ne peut donner naissance à une dette de dommages-intérêts qu’en cas de faute susceptible d’engager la responsabilité civile de son auteur.

Les sociétés défenderesses seront déboutées de leur demande à ce titre, faute pour elles de rapporter la preuve d’une quelconque intention de nuire ou légèreté blâmable de la part de des sociétés BREMA et LT P, qui ont pu légitimement se méprendre sur l’étendue de leurs droits. Sur les autres demandes

Il y a lieu de condamner les sociétés BREMA et LT P, parties perdantes, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Il convient en outre de les condamner à verser aux sociétés BULGARI qui ont dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir leurs droits, une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme globale de 8.000 euros. Les circonstances de l’espèce justifient le prononcé de l’exécution provisoire, qui est en outre compatible avec la nature du litige. PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,

REJETTE la demande d’annulation de la marque AGUA DIVINA n° 1633974 pour défaut de distinctivité :

DIT que les sociétés BULGARI FRANCE et BULGARI S.p.A sont irrecevables à agir en déchéance de la marque AGUA DIVINA n°1633974 pour les 'dentifrices" :

REJETTE la demande de déchéance de la marque AGUA DIVINA formée par les sociétés BULGARI FRANCE et BULGARI S.p.A pour les « produits de parfumerie » ;

PRONONCE la déchéance des droits de la société BREMA FRANCE pour défaut d’usage sérieux sur la marque française A DIVINA enregistrée sous le n° 1633974 pour les « Produits de beauté, savonnerie, fards, huiles essentielles, cosmétiques, produits pour la chevelure »;

DIT que cette déchéance produira ses effets à compter du 6 septembre 1983:

DIT que la présente décision sera transmise, une fois celle-ci devenue définitive, à l’initiative de la partie la plus diligente, à l’Institut national de la propriété industrielle aux fins d’inscription au registre des marques:

DEBOUTE les sociétés BREMA FRANCE et LT P de l’ensemble de leurs demandes ;

DEBOUTE les sociétés BULGARI FRANCE et BULGARI S.p.A de leur demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive :

CONDAMNE les sociétés BREMA FRANCE et LT P à payer aux sociétés BULGARI FRANCE et BULGARI S.p.A la somme globale de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE les sociétés BREMA FRANCE et LT P aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

ORDONNE l’exécution provisoire.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 2e section, 2 juin 2017, n° 16/01939