Cour d'appel d'Amiens, Chambre économique, 31 janvier 2019, n° 17/00362

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Amiens, ch. éco., 31 janv. 2019, n° 17/00362
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 17/00362
Décision précédente : Tribunal de commerce de Beauvais, 18 janvier 2017
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

ARRET

N° 33

SA TRICOTAGE DES VOSGES

C/

Société KINDY SA

Société KINDY BLOQUERT

IPC

COUR D’APPEL D’AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 31 JANVIER 2019

N° RG 17/00362 – N° Portalis DBV4-V-B7B-GR4I

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEAUVAIS EN DATE DU 19 janvier 2017

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

La société TRICOTAGE DES VOSGES, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Marcel DOYEN de la SCP MONTIGNY DOYEN, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 24, postulant et plaidant par Me Anne-Laure LEFORT DES YLOUSES et Me Nathalie HADJADJ-CAZIER, avocats au barreau de PARIS

ET :

INTIMEES

La société KINDY, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

La Société KINDY BLOQUERT, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentées par Me Emmanuel JALLU de la SCP JALLU BACLET ASSOCIES, avocat au barreau de BEAUVAIS, postulant et ayant pour avocat Me Daniel ROTA de la société FIDAL, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE.

ET :

PARTIE INTERVENANTE

La Selarl DE BOIS W, Mandataires Judiciaires, représentée par Me V W, ès qualités de liquidateur des sociétés KINDY BLOQUERT et KINDY

[…]

[…]

Représentée par Me Emmanuel JALLU de la SCP JALLU BACLET ASSOCIES, avocat au barreau de BEAUVAIS postulant et ayant pour avocat Me Daniel ROTA de la société FIDAL, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE.

DEBATS :

A l’audience publique du 15 Novembre 2018 devant :

Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre,

Mme Odile GREVIN, Conseillère,

et Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Janvier 2019.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions de l’article 785 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : M. AA AB

PRONONCE :

Le 31 Janvier 2019 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ; Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffière.

DECISION

La SAS New Olympia qui avait repris en 2010 la société Olympia a été absorbée le 22 juin 2015 par sa société mère, la SA Tricotage des Vosges (TDV) ; la société New Olympia fabriquait et commercialisait des chaussettes sous la marque « Olympia » distribuées principalement dans les enseignes de la grande distribution (grandes et moyennes surfaces, hypermarchés).

La société TDV et la société New Olympia qui n’avait pas encore été absorbée, soupçonnant les sociétés Kindy et Kindy Bloquert d’espionnage industriel ou commercial par piratage des comptes de messagerie ouverts au nom de plusieurs des salariés de la société New Olympia, après un premier constat dressé le 28 mars 2014 par Maître X huissier de justice, ont obtenu du président du tribunal de commerce de Beauvais la désignation par ordonnance du 27 mai 2014 de la SCP F Y AF, huissier de justice aux fins d’effectuer des mesures de constat qui ont été effectuées par le ministère de Maître Y les 18, 19 et 20 juin 2014. Ce constat a été accompagné d’une notice explicative rédigée par les techniciens informatiques qui ont assisté l’huissier dans ses opérations de constat conformément à l’autorisation judiciaire qui lui avait été donnée.

Par une ordonnance du 16 octobre 2014, le président du tribunal de commerce sur la demande des sociétés Kindy a circonscrit la période d’investigation du 20 avril 2010 au 20 juin 2014. Par une ordonnance complémentaire du 7 mai 2015, la communication de quatre pièces complémentaires sur les quinze réclamées par les sociétés TDV et New Olympia a été ordonnée.

La société TDV a alors saisi le 9 octobre 2015 au fond le tribunal de commerce de Beauvais aux fins d’enjoindre les sociétés Kindy et Kindy Bloquert à communiquer des documents informatiques complémentaires et de les condamner à lui payer la somme de 14 951 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant des actes de concurrence déloyale imputés.

Par jugement du 19 janvier 2017, le tribunal de commerce de Beauvais a débouté la SA Tricotage des Vosges de ses demandes et les sociétés Kindy et Kindy Bloquert de leurs demandes reconventionnelles et a condamné la société Tricotage des Vosges à payer à ces dernières les sommes suivantes :

—  10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi d’atteinte à l’image,

—  10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

—  15 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris les frais de l’expertise judiciaire.

La société Tricotage des Vosges a relevé appel de cette décision le 30 janvier 2017.

Parallèlement, la société Kindy a été placée sous mesure de sauvegarde par jugement du 15 février 2007 converti en redressement judiciaire le 25 avril 2017 ; la société Kindy Bloquert était placée en redressement judiciaire par jugement du 28 février 2017 ; ces deux sociétés depuis un jugement du 11 juillet 2017 sont en liquidation judiciaire.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 16 août 2017, l’appelante demande à la cour :

— d’infirmer le jugement entrepris,

— d’ordonner à la société Kindy Bloquert de communiquer les logs de connexions réalisés entre le 2 janvier 2014 et le 20 juin (inclus) 2014 à l’expert informatique déjà intervenu sur le tri des éléments,

— de condamner les sociétés Kindy et Kindy Bloquert à lui payer la somme de 14 951 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis, sauf à parfaire,

— de les condamner à procéder à leurs frais à l’insertion du texte suivant en langue française et anglaise sur la page d’accueil de son site internet et sur la page facebook dans un encadré de dix centimètres de large sur dix centimètres de haut en caractère gras de couleur noire sur fond blanc d’une taille suffisante pour recouvrir intégralement la surface réservée à cet effet et au minimum d’une taille équivalente à la police 12 Times new roman sous le titre publication judiciaire en

caractères gras majuscules de un centimètre de hauteur : 'les sociétés Kindy SA et Kindy Bloquert ont été condamnées le [date de la décision] par la cour d’appel d’Amiens pour concurrence déloyale du fait du détournement et de l’exploitation de secrets d’affaires de la SA Tricotage des Vosges au préjudice de cette dernière',

— de les condamner dans les mêmes conditions à procéder à la publication du texte dans LSA, Le Monde et les Echos,

— de rejeter toute demande reconventionnelle des sociétés Kindy et Kindy Bloquert pour procédure abusive et dénigrement,

— de les condamner à la somme d’un euro au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile,

— de les condamner solidairement à lui payer la somme de 80 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’appelante expose que les sociétés du groupe Kindy ont commis des man’uvres d’espionnage informatique à l’encontre de la société New Olympia en se connectant sur les comptes messagerie de ses employés, affirmant que c’est par ce biais que les nombreux documents confidentiels et stratégiques concernant l’élaboration de ses collections ainsi que des documents tarifaires lui appartenant retrouvés dans les locaux de la société Kindy Bloquert ont ainsi pu être obtenus. L’appelante donne ainsi plusieurs exemples topiques des documents en question et affirme que la société Kindy Bloquert les a utilisés à son profit entre 2010 et 2014, s’appropriant ainsi des documents protégés par le secret des affaires ; elle dément qu’ils aient pu l’être via d’anciens salariés qui auraient rejoint le groupe Kindy.

Elle affirme être recevable à agir à l’encontre de la société Kindy et reproche aux premiers juges d’avoir confondu une mesure d’instruction in futurum avec une mesure d’expertise ordonnée à l’occasion d’un litige déjà né. Elle fait valoir qu’ayant été jugé légitime par le président du tribunal de commerce statuant sur requête que la mesure d’instruction ne soit pas ordonnée contradictoirement, les preuves collectées dans le cadre de cette mesure sont opposables à tous. Elle soutient que la société Kindy a participé aux opérations de constat diligentées par Maître Y quelque soit la circonstance que n’ont pas été recueillies de données intéressant le litige à partir de la tablette du président de cette société.

Elle soutient être recevable à agir à l’encontre des deux sociétés, l’ensemble du groupe ayant mis en 'uvre la stratégie déloyale dénoncée. Elle dénie par ailleurs que la société Kindy soit simplement une holding et affirme qu’elle exerce également une activité commerciale.

Elle ajoute que le liquidateur des deux sociétés en liquidation étant dans la cause et qu’ayant déclaré ses créances, son action est recevable quelque soit le fait que par le dispositif de ses conclusions, elle demande le paiement de dommages et intérêts.

La société TDV déclare fonder son action sur l’article 1382 ancien du code civil, faisant valoir que les fautes qu’elle reproche aux sociétés Kindy sont constitutives d’une concurrence déloyale.

La société TDV précise avoir engagé une action en contrefaçon à l’encontre de la société Kindy et de la société Kindy Bloquert devant le tribunal de grande instance de Paris pour atteinte à ses certains de ses modèles et subsidiairement pour des faits de concurrence déloyale ; elle produit à l’appui l’assignation délivrée le 9 octobre 2015 devant le tribunal de grande instance de Paris et le jugement prononcé le 6 juin 2018 qui l’a déboutée de ses demandes sur le terrain de la contrefaçon mais a retenu que la vente par la société Kindy Bloquert de chaussettes comportant les mêmes motifs que les modèles qu’elle commercialise et déclinées sous les mêmes couleurs vives postérieurement à leur mise en vente par elle-même sur les mêmes réseaux de distribution, par le risque de confusion ainsi

créé, relevait de faits de concurrence déloyale, a fait interdiction aux sociétés Kindy de les commercialiser à peine d’astreinte et a fixé le préjudice subi par la société TDV à la somme de 15 000 €.

La société TDV affirme que les sociétés Kindy ont utilisé les documents et informations piratés à partir de ses comptes de messagerie ; elle en veut pour preuve l’élaboration par les sociétés Kindy de tableaux comparatifs entre les tarifs pratiqués par Kindy et les siens propres, faisant remarquer que les tarifs Kindy se situaient juste en dessous des siens propres.

La société TDV dément que les sociétés intimées aient pu reconstituer à partir de données publiques les informations qu’elles ont ainsi utilisées et l’existence d’une porosité de ces informations liée à leur communication généralisée entre les différents acteurs du secteur de la fabrication des produits chaussants ; elle invoque à l’appui l’antériorité des tableaux comparatifs par rapport à la mise des collections sur le marché.

Sur le préjudice, la société TDV invoque une jurisprudence selon laquelle les actes déloyaux font présumer l’existence d’un préjudice sauf preuve contraire. Elle ajoute que son préjudice se caractérise par la perte de son chiffre d’affaires qu’elle propose de chiffrer par rapport au chiffre d’affaires de la marque Olympia précédemment réalisé auprès des clients historiques de cette marque. La société TDV y ajoute sa perte sur investissements, faisant valoir avoir été privée d’un retour sur investissements en raison des actes de concurrence déloyale qu’elle impute aux sociétés Kindy. La société TDV invoque également un préjudice d’image.

La société TDV s’oppose à ce que les sociétés Kindy puissent être exonérées de leur responsabilité au motif qu’elle aurait elle-même commis une faute à l’origine du dommage, faisant valoir, que la faute de la victime n’est pas un motif d’exonération totale de la responsabilité de son auteur. Elle affirme avoir retiré les codes d’accès informatique à l’un de ses anciens salariés, licencié pour motif économique et soutient que peu importe la personne du ou des salariés qui sont l’auteur de ses intrusions dès lors qu’il est acquis qu’elles ont été commises à partir de l’adresse IP de la société Kindy Bloquert.

La société TDV s’insurge des condamnations prononcées à son encontre pour procédure abusive et atteinte à l’image des sociétés Kindy, s’étonnant du manque de prudence du tribunal alors même que les faits à l’origine des actes de concurrence déloyale qu’elle reproche sont susceptibles de revêtir une qualification pénale et que l’information des associés est une obligation légale et qu’il est logique que cette information porte sur les procédures en cours.

Aux termes de leurs dernières conclusions du 8 juin 2018, les sociétés Kindy SA et Kindy Bloquert demandent à la cour :

in limine litis,

- de déclarer irrecevables les conclusions d’appel produites par l’appelante pour non-respect du principe de l’interdiction des poursuites des articles L. 622-21 et suivants du code de commerce,

— de confirmer le jugement en ce qu’il a :

* rejeté la demande de communication de documents complémentaires,

* déclaré irrecevables les demandes de la SA Tricotage des Vosges dirigées à l’encontre de la société Kindy SA pour défaut de qualité à agir,

* déclaré inopposables à la société Kindy SA les mesures d’instruction prises à l’encontre de la société Kindy Bloquert mettant la société Kindy SA hors de cause,

au fond, à titre principal,

— de confirmer le jugement en ce qu’il a :

* débouté la SA Tricotage des Vosges de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,

* condamné la SA Tricotage des Vosges à payer à la société Kindy Bloquert 10 000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi d’atteinte à l’image et aux sociétés Kindy SA et Kindy Bloquert les sommes de 10 000 € chacune à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 15 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

y ajoutant,

— de condamner la SA Tricotage des Vosges à payer :

* 40 000 € à la société Kindy Bloquert et 50 000 € à la société Kindy SA à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des propos dénigrants publiés dans son rapport de gestion annuel pour l’année 2014,

* 30 000 € à chacune des deux sociétés pour procédure abusive,

* 62 500 € à la société Kindy Bloquert et 42 500 € à la société Kindy SA sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,

— d’infirmer le jugement dont appel en ce qu’il les a déboutées de leurs demandes de sanction complémentaire,

statuant à nouveau,

— de condamner la SA Tricotage des Vosges à supprimer à ses frais et diligence les propos dénigrants par le retrait du rapport de gestion annuel de 2014 ainsi que par la publication en lieu et place de ce document d’une version du rapport ne mentionnant pas les sociétés Kindy SA et Kindy Bloquert,

— de condamner la SA Tricotage des Vosges à procéder à ses frais à l’insertion du texte suivant en langue française et anglaise sur la page d’accueil de son site internet et sur la page facebook dans un encadré de dix centimètres de large sur dix centimètres de haut en caractère gras de couleur noire sur fond blanc d’une taille suffisante pour recouvrir intégralement la surface réservée à cet effet et au minimum d’une taille équivalente à la police 12 Times new roman sous le titre publication judiciaire en caractères gras majuscules de un centimètre de hauteur : ' la société Tricotage des Vosges a été condamnée le [date de la décision] par la cour d’appel d’Amiens pour concurrence déloyale pour avoir dénigré la société Kindy Bloquert et la société Kindy SA au préjudice de ces dernières',

— de condamner la SA Tricotage des Vosges à procéder à ses frais à procéder à la publication du texte dans LSA, Le Monde et les Echos,

à titre subsidiaire,

— de dire que le préjudice allégué par l’appelante ne peut consister qu’en la perte de chance de conclure des contrats et estimer le préjudice en conséquence,

à titre plus subsidiaire,

— de dire qu’elles sont exonérées totalement ou à tout le moins partiellement de leur responsabilité en raison de la faute de la SA Tricotage des Vosges ayant contribué à la réalisation de son propre

préjudice et estimer le partage de responsabilité en conséquence,

en tout état de cause,

— de condamner la SA Tricotage des Vosges à leur payer la somme de 50 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel ainsi qu’aux entiers dépens,

— de débouter la SA Tricotage des Vosges de toutes demandes fins et conclusions plus ample ou contraires.

Les sociétés Kindy SA et Kindy Bloquert soutiennent que la société TDV ne saurait solliciter leur condamnation à une somme d’argent alors qu’elles se trouvent actuellement en cours de liquidation judiciaire au sens des articles L. 622-21 et suivants du code de commerce.

Elles affirment être dans l’impossibilité matérielle de fournir des documents supplémentaires au motif que certains documents ne sont pas récupérables et rappellent avoir déjà communiqué à l’expert plus de 500 pièces lors de l’expertise, dont les logs de connexion Orange.

Elles reprochent à l’appelante d’entretenir une confusion entre les deux sociétés Kindy et soutiennent que la société Kindy ayant une simple activité de gestion de portefeuilles de titres et n’ayant eu aucune activité concurrente à celle de la société New Olympia, elle doit être mise hors de cause.

Elles indiquent que la société TDV voue une animosité à leur encontre depuis sa perte du marché de la production de la marque Dim à leur profit.

Elles nient avoir commis des actes de concurrence déloyale et font valoir que les trois conditions nécessaires pour engager leur responsabilité délictuelle (faute, préjudice et lien de causalité) ne sont pas réunies et que les agissements qui leur sont reprochés trouvent leur source dans le principe de la liberté du commerce et de l’industrie. Elles réfutent que les documents obtenus dans le cadre de la mesure d’instruction puissent caractériser un espionnage industriel ou un pillage commercial et dénient qu’ils relèvent du secret des affaires.

Elles soutiennent que M. AC N, ancien salarié de la société Olympia est l’auteur des connexions frauduleuses ; elles déclinent toute responsabilité du fait de ce dernier. Elles reprochent à la société TDV et à la société New Olympia d’avoir tenté de parasiter la société Kindy Bloquert, de l’avoir dénigrée et éliminée du marché en l’accusant à tort de concurrence déloyale. Elles notent que la société TDV n’a pas sécurisé suffisamment ses sites informatiques.

Elles soutiennent qu’aucun préjudice n’est établi de la part de la société TDV. Elles contestent à titre subsidiaire le quantum du préjudice.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.

L’instruction de l’affaire a été close le 10 septembre 2018.

MOTIFS

SUR LES IRREVABILITES.

Sur la recevabilité des conclusions de la SA Tricotage des Vosges.

L’article L.622-22 du code de commerce relatif à la procédure de sauvegarde dispose que les instances en cours sont interrompues jusqu’à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la

déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l’administrateur ou le commissaire à l’exécution du plan nommé en application de l’article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant. L’article L.622-22 est rendu applicable à la procédure de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire par les articles L.631-14 et L.641-3 du code de commerce.

Il n’est pas contesté en l’occurrence que la société TDV a déclaré sa créance au passif de la société Kindy et de la société Kindy Bloquert et qu’ayant assigné devant la cour la Selarl de Bois W ès qualités de mandataire judiciaire de ces deux sociétés, l’instance s’est poursuivie en sa présence ; les dernières conclusions de la Selarl de Bois W ayant été prises en sa qualité de liquidateur judiciaire des deux sociétés Kindy, ce mandataire de justice intervient à la procédure sous cette dernière qualité.

Dès lors que conformément à l’article L.622-22 du code de commerce, la société TDV a déclaré sa créance et que le mandataire de justice est partie à l’instance, la procédure est régulière.

Partant, les conclusions de la société TDV ne sauraient d’encourir d’irrecevabilité aux motifs qu’y est exprimée une demande de condamnation au paiement d’une somme d’argent.

Sur la recevabilité de la demande formée à l’encontre de la société Kindy.

En application de l’article 480 du code de procédure civile, l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif.

Si en l’espèce, le tribunal a pu dans les motifs du jugement considérer que les demandes de la société TDV dirigées à l’encontre de la société Kindy étaient irrecevables, son dispositif ne comportant aucun chef sur l’irrecevabilité de ces demandes, la cour ne peut donc ni confirmer, ni infirmer un chef de jugement inexistant.

La société TDV attribuant à la société Kindy une activité commerciale qui lui est propre concernant la marque ''Achile'' et lui imputant en partie la politique commerciale du groupe, cette dernière a qualité à défendre sur les faits et actes de concurrence déloyale que l’appelante lui reproche d’avoir commis ou d’y avoir participé ; partant la société TDV est recevable en son action dirigée à son encontre.

La mesure d’instruction ordonnée sur requête par le président du tribunal de commerce de Beauvais ne constituant pas une mesure d’expertise, elle n’est donc pas soumise aux dispositions des articles 263 à 284-1 du code de procédure civile et l’opposabilité de cette mesure d’instruction à la société Kindy relève du fond du litige.

AU FOND

Les opérations de constat diligentées le 28 mars 2014 par Maître X, huissier de justice requis par société New Olympia ont été réalisées à partir d’un ordinateur duquel l’huissier avait fait supprimer l’ensemble des caches, fichiers Internet temporaires du navigateur, effacer les ''cookies'' et les historiques de connexion antérieurs au 27 mars 2014 ; l’huissier s’était également assuré que cet ordinateur n’utilisait pas de connexion vers un serveur ''Proxy'' et n’était pas configuré à cet effet, l’option ayant été désactivée. Il résulte de ce qui précède que l’huissier a pris les précautions de sécurité nécessaires.

Ces opérations ont été effectuées en présence de M. Z, président de la société New Olympia et de M. A, gérant de la société Imatech qui assure l’hébergement des serveurs de la société New Olympia et la gestion de ses services de messagerie, eux-mêmes hébergés sur l’un des data center de la société Ikoula à Reims ' […].

L’objet de ces opérations de constat consistait à partir des journaux de connexion des boîtes de messagerie de la société New Olympia de décrire leur activité afin de détecter notamment l’existence de connexions répétées d’une même provenance.

L’huissier s’est donc connecté sur le serveur de messagerie mutualisé de la société Imatech hébergeant le serveur de la société New Olympia dont l’interface d’accès répond au nom de ''webmail.religo.net'' et qui a pour adresse IP ''94.125.166.3''. L’huissier a ainsi pu accéder aux journaux de connexion (logs) de la société New Olympia et a procédé à des sauvegardes des fichiers ainsi obtenus sur une clé USB qu’il avait spécialement acquise à cet effet , l’ayant lui même retirée de son emballage d’origine, garantissant ainsi que cette clé était vierge de toute utilisation antérieure.

L’huissier à titre d’exemple a analysé le log du 30 janvier 2014 sur le compte de messagerie ''pmdupin'' utilisée par M. B représentant de commerce de la société New Olympia et qui occupe une fonction clé de la force de vente ; les recherches menées par l’huissier ont abouti à 730 résultats répartis en trente journaux de connexion différents à partir duquel a été effectué un tri en fonction des adresses IP ayant permis de relever que l’une d’elle identifiée par son numéro ''81.252.147.233'' représentait à elle seule 354 occurrences.

La recherche effectuée par M. A sous le contrôle de Maître X sur la base du réseau IP européen (RIPE) a permis d’attribuer l’adresse IP ''81.252.147.233'' à la société New Olympia. L’huissier a ainsi relevé à titre d’exemple qu’un message échangé le 6 février 2014 depuis la boite mail de M. C représentant de la société New Olympia vers celle de Mme D traitant d’accords commerciaux avec détail de remise sur des factures des produits de marque Olympia et BF (Bleuforêt) a été intercepté par l’adresse IP ''81.252.147.233'' ; de même, était relevé le 10 février une interception depuis l’adresse IP susdite d’un message en provenance de la boite mail de Mme E et qui a pour objet l’accusé de réception d’une commande ; la mesure de constat met en évidence d’autres interceptions de messages adressés depuis des boites mail ouvertes chez la société New Olympia par la même adresse IP et dont certains ont fait l’objet de demande d’impression immédiate, à savoir sans enregistrement préalable de la conversation.

L’huissier a plus particulièrement analysé les connexions de l’adresse IP ''81.252.147.233'' du 4 juillet 2013 au 24 mars 2014, relevant des connexions quotidiennes à l’exception de certaines périodes correspondant à celles de vacances scolaires ; il relevait ainsi 876 occurrences du 14 au 24 mars 2014 et sur la seule journée du 14 mars 312 occurrences ayant affectées cinq boîtes mails de la société New Olympia, lors de la journée du 17 mars 111 occurrences, lors de celle du 18 mars 113 occurrences, de celle du 19 mars 196 occurrences affectant cinq boîtes mails, de celle du 21 mars 88 occurrences, et celle du 24 mars 56 occurrences.

L’huissier à partir de ces recherches constatait que ces consultations étaient quotidiennes sur une période de plusieurs mois, que les actions ne répondaient à aucun automatisme en termes de durée et de fréquence de consultations journalières, que les actions de consultations étaient aléatoires en termes de fréquentation des différents comptes utilisés et consultés et que les actions décrites étaient assimilables à celle d’un utilisateur consultant régulièrement et de manière chronologique et habituelle sa boîte de messagerie.

Il a été donné mission par le président du tribunal de commerce à la SCP F Y AG, huissier de justice de se rendre au siège de la société Kindy Bloquert, d’accéder à l’ensemble des ordinateurs afin d’en identifier les utilisateurs qui se sont connectés au site internet webmail.religo.net, de faire la copie en deux exemplaires des disques systèmes des postes informatiques, d’effectuer toutes recherches et constatations utiles, se faire produire, copier, photocopier, faire reproduire et dresser inventaire.

L’huissier a été autorisé à se faire assister pour un ou plusieurs experts et/ou techniciens informatiques ainsi que par un serrurier et à obtenir le concours de la force publique ; l’huissier s’est

ainsi vu autorisé à installer avec l’aide de l’expert et/ou technicien informatique pouvant l’assister tout logiciel ou à brancher tout périphérique pour les besoins des opérations, à se faire communiquer les codes d’accès par les utilisateurs des postes informatiques, à accéder à l’ensemble des serveurs informatiques, à procéder à des recherches sur tout support d’archivage informatique, à procéder à l’extraction des disques durs de tous les ordinateurs utilisés puis à leur remise en place, devant consigner toutes déclarations faites ou paroles prononcées au cours des opérations en relation avec la mission, mais en s’abstenant de toutes interpellations autres que celles nécessaires à son accomplissement, à effectuer ou à faire effectuer par le ou les techniciens informatiques ou experts des copies complètes des disques durs et autres supports aux fins d’analyse dans les locaux de ces derniers.

Maître Y pour exécuter sa mission s’est rendu le 18 juin 2014 à Moliens (Oise), […], siège des locaux de la société Kindy Bloquert en présence de son associé, Maître F, en compagnie de MM. G et H, informaticiens chez la société Expertis Lab, de M. I, serrurier et de deux gendarmes de la brigade de Marseille-en-Parisis. Il a rencontré sur place Mme J qui lui a déclaré être attachée de direction, elle a alors joint par téléphone M. K, directeur administratif et financier et administrateur de la société Kindy Bloquert qui s’est présenté à l’huissier qui lui a signifié l’ordonnance.

L’huissier a également rencontré sur place outre M. L, président du conseil d’administration de la société Kindy Bloquert et président du directoire de la société Kindy ; il a effectué ses opérations en présence de M. M, responsable du système réseau de la société Kindy Bloquert qui a accompli sous son contrôle certaines tâches.

Ces opérations de constat se sont déroulées sur trois jours (18, 19 et 20 juin 2014).

L’huissier après s’être fait remettre un organigramme de la société Kindy Bloquert permettant ainsi de cibler les postes informatiques pouvant être concernés par la mesure, a fait des recherches sur neuf ordinateurs. A l’exception de l’ordinateur de M. N qui avant d’être employé par la société Kindy Bloquert était salarié de la société New Olympia, aucune trace du site ''webmail.religo.net'' n’a été relevé sur ces ordinateurs ; par contre les recherches à partir des mots clés ''Olympia'', ''Bleuforet'', ''Tricotage des Vosges'', ''Hanes'' et de l’adresse @olympia-stocks.com ont permis de faire remonter des fichiers (22 sur l’ordinateur portable de M. O, 151 sur l’ordinateur de Mme P, 85 sur l’ordinateur de M. Q, 434 sur l’ordinateur de M. N, 36 sur l’ordinateur de Mme R, 140 fichiers sur l’ordinateur de Mme J). Les recherches sur l’ordinateur de M. K ont été abandonnées motifs pris du temps anormalement long qu’elles généraient.

L’huissier a procédé à une copie du disque dur de l’ordinateur de M. N remise afin de recherches plus complètes à MM. G et H qui ont été en mesure d’affirmer que cet ordinateur a effectivement servi à se connecter sur le site ''webmail.religo.net''.

M. M ayant indiqué à Maître Y que la sécurité des connexions est assurée par un « firewall » (pare-feu) ''Nestasq'' modèle ''U250-A'' loué à Orange et que les connexions étaient ''loguées'', à savoir traçables, il a sous le contrôle de l’huissier demandé à Orange les fichiers de logs protégés par ce « firewall ». Il a ainsi pu être obtenu deux fichiers compressés dont l’huissier a fait pour chacun d’eux une copie sur une clé USB spécialement affectée et dont la lecture a été effectuée par les techniciens informatiques l’ayant assisté.

Le travail effectué par les deux techniciens informatiques a fait apparaître que l’un de ces fichiers couvrait la période du 21 mai 2013 au 2 janvier 2014, étant relevées 71 occurrences de l’adresse IP ''94.125.166.3'' qui correspond à celle de la société New Olympia, les connexions litigieuses étant faites toujours à partir de la même adresse IP interne à la société Kindy Bloquert (172.20.3.135) ; l’autre fichier correspond à la période allant du 21 décembre 2012 au 1er janvier 2013, les techniciens ont relevé 1 231 tentatives de connexion sur l’adresse IP 94.125.166.3 et que plusieurs

adresses internes à la société Kindy Bloquert étaient à l’origine de ces tentatives, dont quatre plus récurrentes.

Il résulte du rapport technique d’intervention de MM. G et H qu’ils n’ont pu disposer de traces de connexion après le 2 janvier 2014, notant à la fin de leur note technique ayant accompagné le procès-verbal de constat dressé par Maître Y qu’il conviendrait de les réclamer à Orange.

En effet, les codes d’accès étant selon les déclarations de M. M détenus par Orange, les démarches afin d’accéder aux logs de connexion postérieurement au 2 janvier 2014 menées par ce dernier sous le contrôle de l’huissier auprès d’Orange sont restées vaines.

Les recherches effectuées sur le serveur de la société Kindy Bloquert,de marque IBM fonctionnant sous Windows 3 server R2 après utilisation par l’huissier sur les conseils de M. H du logiciel ''FileLocator Pro version 7.2'' édité par la société Mythicsoft spécialement téléchargé à cet effet, en fonction des mots clés sélectionnés et exclusion de certains services afin d’optimiser la recherche, ont permis de collecter 146 fichiers trouvés sur les différents sous-répertoires ramenés à 100 après suppression des doublons qu’il a copiés sur une clé USB spécialement affectée à cet effet.

Sur l’opposabilité à la société Kindy de la mesure d’instruction ordonnée par le président du tribunal de commerce.

La mission confiée par le président du tribunal de commerce à la SCP F Y AG, huissier de justice était purement descriptive. Il en fut de même aussi pour les opérations qu’il a menées avec l’assistance des techniciens informatiques, le rôle de ces derniers s’étant limité à repérer les connexions provenant de l’adresse IP suspectée, à identifier cette adresse IP, à rechercher les adresses IP internes à la société Kindy Bloquert afin d’identifier les postes informatiques concernés par ces connexions.

Cette mesure d’instruction relève en conséquence des constatations prévues par les articles 249 à 255 du code de procédure civile, le technicien commis devant s’abstenir de porter tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter. Lors de l’accomplissement de sa mission, il n’apparaît pas que Maître Y ait outrepassé les pouvoirs dont il a été investi par le président du tribunal de commerce et il n’est pas contesté que ses constatations sont demeurées exclusives de tout avis sur des conséquences de fait ou de droit.

De par son caractère strictement objectif et factuel, le code de procédure civile ne prévoit pas que la mesure de constatation donne lieu nécessairement à une participation des parties, contrairement à la mesure d’expertise où l’expert doit en application de l’article 276 du code de procédure civile prendre en considération leurs observations et réclamations et les joindre à son avis si elles le demandent.

De plus cette mesure ayant été ordonnée sur requête, les sociétés Kindy n’étaient pas parties à l’instance devant le président du tribunal de commerce au sens procédural du terme.

Toutefois, l’absence de la société Kindy devant le président du tribunal de commerce ne la privait de faire valoir ultérieurement ses droits puisqu’elle avait alors tout le loisir en application de l’article 496 du code de procédure civile comme l’a d’ailleurs fait la société Kindy Bloquert, de saisir le juge des référés pour voir rétracter ou modifier l’ordonnance, et notamment restreindre le champ de la mission de l’huissier ou accompagner son exécution de mesures particulières.

Il est en effet rappelé qu’après l’accomplissement par Maître Y de la mesure d’instruction qui lui a été confiée, le président du tribunal de commerce de Beauvais saisi en référé par la société Kindy Bloquert par une ordonnance du 16 octobre 2014 a circonscrit du 20 avril 2010 (date qui correspond à la reprise par la société New Olympia de la société Olympia) au 20 juin 2014 la période

d’investigation de la mesure et qui ne l’avait pas été par l’ordonnance sur requête rendue le 27 mai 2014. De même le juge des référés saisi une nouvelle fois par la société Kindy Bloquert par une ordonnance du 7 mai 2015 a considéré qu’un certain nombre de documents obtenus par la mesure d’instruction relevait du secret des affaires de cette cette société et a refusé qu’ils puissent faire l’objet d’une communication en justice, admettant au contraire pour d’autres leur communication et l’ordonnant.

En conséquence, la mission confiée à l’huissier ne l’empêchait nullement de recueillir des éléments factuels pouvant concerner d’autres sociétés du groupe et Kindy en particulier sa société mère dans le respect des intérêts juridiquement protégés des différents protagonistes.

Dans le cadre du débat contradictoire devant le tribunal de commerce puis devant la cour, la société TDV est à même de se prévaloir des éléments factuels recueillis par cette mesure, étant entendu que sa demande ne peut aboutir au fond à l’encontre de la société Kindy que si ces éléments ainsi que d’autres qu’elle invoque à son encontre sont de nature à établir la preuve des faits qu’elle lui reproche.

Sur la demande au titre des pièces complémentaires.

La société TDV demande qu’il soit ordonné aux sociétés Kindy de communiquer les journaux (logs) de connexion de la société Kindy Bloquert pour la période du 2 janvier 2014 au 20 juin 2014. Les sociétés Kindy répondent qu’elle sont dans l’incapacité de fournir ces logs de connexion au motif que la société Kindy Bloquert étant reliée à la fibre depuis le 1er avril 2015, l’opérateur Orange a récupéré son ancien matériel qu’il lui louait jusqu’alors.

Au soutien de cette demande, la société TDV s’appuie sur les constatations de Maître X effectuées sur les comptes de messagerie de la société New Olympia portant en particulier sur la période allant du 14 au 24 mars 2014 au cours de laquelle ont été découvertes 876 occurrences en provenance de l’adresse IP ''81.252.147.233'' identifiée comme étant celle de la société Kindy Bloquert, et en particulier sur la seule journée du 14 mars, 312 occurrences ayant affecté cinq boîtes mails de la société New Olympia.

MM. G et H dans leur note technique d’intervention qui complète le constat de Maître Y indiquent n’avoir pu disposer de traces de connexion en 2014, précisant qu’il conviendrait de les réclamer à Orange, étant rappelé que la période allant du 1er janvier 2014 au 20 juin 2014 entrait précisément dans le champ des constatations confiées à Maître Y après sa circonscription à la demande de la société Kindy Bloquert par l’ordonnance de référé du 16 octobre 2014.

Maître Y note dans son constat lors de la journée du 18 juin 2014 « malgré nos tentatives et celle de M. M, il nous est impossible d’accéder aux données du serveur. Monsieur M nous déclare ne pas avoir les codes permettant d’accéder aux logs. Ce dernier a tenté toute la journée à plusieurs reprises, sous mon contrôle, de joindre Orange sans pouvoir obtenir de réponse ».

L’huissier a relevé qu’en sa présence, le lendemain (19 juin 2014) vers 15H45, Monsieur M recontacté par le personnel d’Orange demande les fichiers de logs du Firewall et que lui sont alors remis deux fichiers compressés qui ont pu être extraits. Après analyse, il s’avère que ces deux fichiers retracent uniquement les logs de connexion du 21 décembre 2012 au 1er janvier 2013 et du 21 mai 2013 au 4 janvier 2014, soit deux laps de temps restreints de la période du 20 avril 2010 au le 20 juin 2014 sur laquelle portait la mesure d’instruction après son cantonnement, l’année 2014 à l’exception de quatre jours étant ainsi totalement exclue alors même que Maître X avait pu constater de très nombreuses occurrences provenant de la société Kindy Blocquert en particulier au cours du mois de mars 2014.

Si MM. S et H terminaient leur note technique d’intervention par l’observation selon laquelle il conviendrait de réclamer à Orange les traces de connexion de 2014, après l’achèvement de

la mesure d’instruction, aucune obligation contractuelle ou procédurale à ce titre ne pesait sur les sociétés Kindy, quelques soient les propos qu’avaient pu tenir MM. L et K à l’huissier et selon lesquels ils s’engageaient à lui adresser la réponse d’Orange dès qu’elle serait en leur possession.

La société TDV après l’introduction de l’instance au fond devant le tribunal de commerce n’a pas cru devoir faire usage de la faculté offerte par les articles 11 et 138 du code de procédure civile de demander l’obtention par Orange des logs de connexion sur l’année 2014, ayant seulement demandé à voir ordonner à la société Kindy Bloquert de communiquer les logs de connexion entre le 2 janvier et le 20 juin 2014.

Les logs de connexion étant gérés par Orange et non par les sociétés Kindy, cette demande mal dirigée ne pouvait utilement prospérer. De surcroît, elle apparaît dorénavant se heurter à une impossibilité technique résultant du raccordement de la société Kindy Bloquert en avril 2015 à la fibre optique et de la péremption de ces données (pièce Kindy n°6).

Pour les raisons qui précèdent, la demande de la société TDV de communication de pièces étant mal dirigée et se heurtant à une impossibilité technique, il y a lieu en confirmant le jugement entrepris de l’en débouter.

Sur les faits de concurrence déloyale reprochés par la société TDV.

Contrairement à ce que soutiennent les sociétés Kindy, la société TDV ne leur reproche pas une atteinte à ses droits de propriété intellectuelle qui a fait l’objet d’une instance parallèle devant le tribunal de grande instance de Paris, ni même des faits d’espionnage industriel relevant d’une appropriation frauduleuse d’une technique particulière de fabrication mais plus exactement des faits d’espionnage à visée commerciale.

Il a été procédé lors de deux réunions qui se sont tenues les 12 et 27 janvier 2015 à un tri par le truchement des conseils des parties des documents recueillis dans le cadre des opérations confiées à la SCP F Y AF. Il a ainsi été remis à la société TDV 151 mails et 421 documents dont notamment en exécution d’une ordonnance de référé du 7 mai 2015 les comparatifs établis par la société Kindy Bloquert des tarifs entre les produits commercialisés par elle et ceux commercialisés par la société New Olympia ainsi que le tableau relatif à la production et à la répartition des produits de cette dernière.

Il est ainsi établi que la société Kindy Bloquert s’est trouvée en possession de plusieurs documents élaborés par la société New Olympia dont elle n’était pas un destinataire autorisé.

Parmi ces documents, figure la pièce 18 de la société TDV intitulée « prévisions été 2011 ' Olympia et Licences ' fond de rayon ». La date d’édition de ce document est du 7 janvier 2011.

Ce document présenté sous la forme d’un tableau excel contient une multitudes de renseignements, sur les produits Olympia, qu’il s’agisse notamment du numéro de référence des modèles, du rayon (homme) dont ils relèvent, de leur site de production, de la page du catalogue où ils sont présentés, de leur historique sur de précédents catalogues, de l’indication du nom des centrales d’achat directives (Auchan, Carrefour …), de leurs référencement chez les indépendants (Galec, système U, Intermarchés), de leur numéro de référencement, du libellé du modèle, des coloris, tailles, du portefeuille de commandes au 3 décembre et 21 décembre 2010 et 7 janvier 2011, des prévisions de fabrication au 15 septembre et 10 décembre 2010, des prévisions en paires à ces deux dernières dates, du pourcentage de prises d’ordre par rapport aux prévisions selon les centrales directives, le nombre de leurs magasins, leurs implantations, du taux de réassort, des prévisions concernant les promotions et les animations, le prix (…).

Il a été trouvé sur les postes informatiques de la société Kindy Bloquert un ensemble de documents intitulé « tableau de collection issu de l’arrêté » (Pièce société TDV n°22) relatif aux collections Olympia homme, femme et enfant automne-hiver 2011 datés pour certains du 15 octobre 2010 et pour d’autres du 3 janvier 2011, réalisant la synthèse des modèles présentés dans chaque collection, le nom des collections, précisant notamment pour chacun des modèles, les fibres de leur composition, les tailles, leur coloris (…). Le différé entre la date d’établissement de ces documents et les collections qu’ils visent suffit à établir que ces documents sont strictement à usage professionnel et ne sont pas à destination des consommateurs contrairement aux allégations des sociétés intimées.

Il a également été trouvé le plan promotionnel de la société New Olympia pour la collection printemps-été 2014 (pièce société TDV n°17) avec le libellé des promotions concernées, le nombre de paires concernées, leur unité de vente au consommateur (vente à l’unité ou par lot de 2 ou 3 …) colisage, la valeur nette, le prix de revient, le prix de vente et la marge attendue.

Le catalogue de la marque Bleuforêt de la collection printemps/été 2013 (pièce société TDV n°12) s’est trouvé en possession de la société Kindy Bloquert et a pu être recueilli par la mesure d’instruction judiciairement ordonnée. Ce catalogue daté du 29 août 2012 et qui n’est pas illustré de photos est à l’évidence réservé à des professionnels et constituait un outil de travail pour les commerciaux de la société TDV.

De même les fiches produits des modèles de la marque Olympia (pièce société TDV n°13) recueillies dans le cadre de la mesure d’instruction et les conditions générales de vente des produits de la marque Olympia sont à destination des clients professionnels et non des consommateurs.

Il ne résulte d’aucun élément du dossier contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges et à ce qu’affirment les sociétés Kindy que ces documents étaient publics ou librement accessibles ; au contraire, leurs contenus et en particulier leurs niveaux de précision qui ne peuvent intéresser que les acteurs de la production et de la commercialisation de produits chaussant dans le réseau de la grande distribution marquent non seulement leur caractère strictement professionnel, mais aussi dans le cadre d’un marché hautement concurrentiel, ce type d’information qui procure à son détenteur un avantage économique substantiel lui permettant d’organiser au mieux sa production en fonction de sa politique commerciale signe leur caractère confidentiel, étant à cet égard rappelé que la société New Olympia et la société Kindy Bloquert étaient directement concurrentes, utilisant les mêmes canaux de distribution.

Il est versé aux débats un rapport dénommé ''étude concurrentielle'' de la marque ''Achile’ (Pièce société TDV n°12). Sa lecture apprend que la société Kindy a racheté cette marque en 2011, qu’elle est distribuée dans le réseau sélectif des Grands magasins et en particulier aux Galeries Lafayette, que Bleuforêt est loin d’être la seule marque concurrente sur le créneau de la chaussette haute gamme distribué sur ce même réseau, étant citées les marques ''Falke'', ''Doré Doré'', ''Burlington'', ''Bonnie Doon'', ''Labonnal'' intervenant uniquement dans le domaine du chaussant ; il y est indiqué que la marque Achile est aussi en concurrence avec d’autres marques qui interviennent dans le domaine plus vaste du sous-vêtement ou de l’habillement, à savoir ''Arthur'', ''Thommy Hilfiger'', ''Calvin Klein'', ''Emporio Armani'' et par la marque de distributeur ''Galerie Lafayette''.

Si les documents que la société TDV leur reproche de détenir étaient réellement publics ou librement accessibles, des document à objet similaire en provenance des marques précitées n’auraient pas manqué d’être produits par les sociétés intimées ou à tout le moins, elles auraient indiqué les principales étapes du process permettant l’obtention de ce genre de document.

Cette obtention frauduleuse se distingue manifestement d’une collecte licite de renseignements par un acteur économique sur ses principaux concurrents et à laquelle ont aussi pu avoir recours les sociétés du groupe Kindy ; en effet, ces dernières ont fait procéder à des visites dans trois magasins des Galeries Lafayette comme le relate le rapport précité relatif à l’étude concurrentielle de la marque

''Achile'', ces visites leur ayant permis de constater que les chaussettes Bleuforêt n’étaient référencées qu’en femme et que les produits étaient très majoritairement vendus à l’unité.

Les documents querellés et notamment ceux du type de la pièce n°18 ci dessus analysée qui présente une vision panoramique permettant de coordonner au mieux les impératifs de la production avec l’activité commerciale ne peuvent à l’évidence pas être obtenus par les sondages effectués dans quelques magasins visités.

Il ne résulte d’aucun élément du dossier que la liste des supermarchés Match implantés en Belgique dans lesquels sont distribués les produits Olympia, retrouvée dans les fichiers de la société Kindy Bloquert (pièce société TDV n°15) soit publique ou puisse être obtenue très facilement sur internet ou plus généralement soit facilement accessible. En effet, il s’agit d’une liste ciblée pouvant seulement intéresser un opérateur intervenant sur le marché des produits chaussants à l’inverse d’une simple liste des magasins de cette enseigne dans ce pays ; sa détention permettait ainsi à la société Kindy Bloquert qui avait connaissance de la présence d’un concurrent sur les lieux de vente en question de faciliter la pénétration de ses produits dans une enseigne de la grande distribution particulièrement bien implantée en Belgique et de conquérir ainsi un nouveau marché.

L’intérêt pour les sociétés Kindy des documents qu’elle a obtenus frauduleusement s’est manifesté dans l’élaboration de tableaux comparatifs (pièces société TDV n°16, 19 et 20) entre les tarifs des produits Kindy et ceux des produits Olympia, ainsi à titre d’exemple :

[…]

Duo Mi-chaussette coton jersey 3,85 €

3,90 €

Duo fantaisie Coton Mi-chaussette 4,40 €

4,50 €

Non comprimante coton mi-chaussette 2,95 €

3,00 €

Duo mi-chaussette sport 3,90 €

3,95 €

Duo tige courte 4,00 €

4,10 €

Fil d’écosse 3,40 €

3,50 €

Fantaisie coton classique 3,25 €

3,30 €

Trio Pack sport 7,40 €

7,50 €

Il résulte de la différence entre la datation de ces tarifs et les saisons concernées par ces mêmes tarifs ( 28 mai 2010 pour la saison hiver 2010 ; 1er juin 2011 pour la saison été 2012 ; 10 mars 2011 pour la saison été 2011) que les tarifs recueillis sont à l’évidence ceux pratiqués à l’égard des professionnels qui revendent les produits et non à l’égard des consommateurs finaux et n’ont donc pu être recueillis lors de visites dans les lieux de distribution.

Il s’induit de ces tableaux que la politique tarifaire de la société Kindy Bloquert a ainsi été fixée en fonction de celle de la société New Olympia et que l’obtention des documents querellés a permis à la première de positionner ses produits à un prix très légèrement inférieur à celui des produits de la société New Olympia ; si minime que soit cette différence, s’agissant de produits vendus en masse dans les grandes enseignes de la grande distribution dont la politique commerciale est essentiellement dictée par les prix, la connaissance qu’a pu avoir la société Kindy Bloquert des tarifs de la société New Olympia et qu’elle a obtenue par des moyens frauduleux était de nature à lui procurer un avantage concurrentiel substantiel.

S’il n’a pu être obtenu dans le cadre de la mesure d’instruction les logs de connexion de la société Kindy Bloquert au cours de l’année 2014, la mesure de constat effectuée par Maître X a mis en évidence, l’existence de 876 occurrences sur les comptes messagerie de la société New Olympia en provenance de l’adresse IP de la société Kindy Bloquert entre le 14 et le 24 mars 2014. La fréquence de ces connexions est le signe que la société Kindy Bloquert était à l’affût de ces documents et qu’elle ne pouvait les obtenir par d’autres canaux ou à tout le moins beaucoup plus difficilement ; il est ainsi

démontré l’intérêt primordial que représentait pour la société Kindy Blocquert l’interception des comptes de messagerie de la société New Olympia.

M. T, directeur commercial de la société TDV atteste que les grandes enseignes de la grande distribution (Carrefour, Système U, Intermarché et Cora) avaient été informées prématurément que la société New Olympia allait être contrainte d’abandonner la fabrication et la commercialisation de produits sous marque distributeur suite au dépôt de bilan de son principal fournisseur situé en Roumanie alors que seul le groupe Auchan en avait été informé par la société New Olympia. Il donne ainsi l’exemple de l’acheteuse de l’enseigne Système U. Il atteste avoir appris que Kindy avait fait une proposition tarifaire pour être référencée auprès de l’enseigne ''Simply Market'' exactement similaire à la sienne qui était jusqu’alors la seule référencée auprès de cette enseigne.

Si cette attestation doit être prise avec circonspection en raison du lien de subordination ayant existé et apparemment toujours en cours entre son auteur et l’appelante, il n’en demeure pas moins qu’elle est très circonstanciée et que les faits qui y sont relatés ne sont aucunement démentis. Il se déduit donc de cette attestation une fuite d’information de la part de Kindy auprès des enseignes de la grande distribution quant aux difficultés de production de la société New Olympia dans le but d’en tirer un avantage concurrentiel.

Les opérations menées par Maître Y ont révélé que l’obtention de ces documents s’est faite principalement à partir de l’ordinateur utilisé par M. N commercial pour la région Nord Est de la société Kindy Bloquert et ancien salarié de la société New Olympia et qui avait été licencié pour motif économique ; pour autant, des fichiers litigieux ont été retrouvés sur les ordinateurs de plusieurs autres salariés de la société Kindy Bloquert, à savoir M. O, Mme P, responsable marketing, M. Q, responsable de la zone Bénelux, M. R responsable commercial et de Mme J directement rattachée à la direction comme il résulte des indications figurant sur l’organigramme de la société Kindy Bloquert remis à l’huissier à sa demande au démarrage de ses opérations de constat.

La présence des fichiers litigieux chez les personnes ci-dessus démontre que les faits reprochés par la société TDV ne se sont pas cantonnés à la personne de M. N et ne relève donc pas du seul comportement d’un salarié indélicat ; il s’avère ainsi qu’il a été fait une utilisation et une exploitation généralisées des documents frauduleusement obtenus dont l’élaboration des tableaux comparatifs constitue la manifestation la plus évidente. L’analyse des fichiers de connexion par les experts informatiques qui ont assisté Maître Y dans sa mission montre que sur la période allant du 21 décembre 2012 au 1er janvier 2013 plusieurs adresses internes à la société Kindy Bloquert étaient à l’origine des tentatives de connexion, dont quatre plus récurrentes. Par ailleurs, la fréquence des occurrences de l’adresse IP de la société Kindy Bloquert constatée en mars 2014 par Maître X sur les comptes messagerie de la société New Olympia ' étant rappelé que sur la seule journée du 14 mars 2014 ces occurrences atteignaient le nombre de 312 ' ne peut manifestement pas être l''uvre d’une seule personne.

La généralisation de cette utilisation au sein de la société Kindy Bloquert exclut que cette dernière puisse être exonérée ou voir sa responsabilité diminuée du fait d’une insuffisance de la protection par la société New Olympia de son serveur informatique ou du comportement indélicat d’un ses salariés.

Sur les opuscules ou rapports rendus publics émanant des sociétés du groupe Kindy, comme le « document de référence 2014-2015 » à destination de l’autorité des marchés financiers (pièce société TDV n°29) ou du rapport financier 2012-2013 (pièce société TDV n° 30) établi par le commissaire aux comptes pour la présentation des comptes de cet exercice, la société Kindy se présente comme faisant partie intégrante du pôle chaussettes opérant ainsi une distinction avec le pôle chaussures dont il est indiqué qu’elle ne fait pas partie.

Le rapport financier établi par le commissaire aux comptes relatif aux compte de l’exercice

2012/2013 fait mention que la société Kindy a facturé à ses filiales des prestations pour un montant de 1 792 000 €, ventilé à hauteur de 1 198 255 € (page 84) à l’égard de la société Kindy Bloquert. Cette dernière somme qui de par son importance témoigne l’effectivité de la participation de la société mère à l’activité de sa filiale de l’effectivité du soutien logistique ainsi fourni par la société Kindy à sa filiale et contredit son affirmation selon laquelle elle n’aurait pas d’activité hormis celle d’une fonction purement capitalistique.

Par ailleurs, au vu de ce rapport, le montant des avances en compte courant de la société Kindy Bloquert à sa maison mère s’élevait à la somme de 13 020 193 € ; l’importance de cette avance par la société Kindy Bloquert à la société mère démontre que la société mère complètement tributaire de l’activité de sa filiale ne pouvait ignorer les moyens mis en 'uvre par celle-ci.

Il résulte de ce qui précède que la société Kindy a ainsi eu contrairement à ce qu’elle prétend, un rôle actif dans la conduite de la politique commerciale du Groupe Kindy dont elle était à la tête ; elle est par ailleurs propriétaire de la marque Achile.

De plus la consultation des extraits K bis des sociétés Kindy et Kindy Bloquert à la date du 16 décembre 2015 enseigne que M. L était le président du directoire de la société Kindy et président du conseil d’administration de la société Kindy Bloquert, fonction qu’il occupait déjà au sein de cette dernière société lors des opérations de constat menées par Maître Y comme il résulte de l’organigramme qui lui a été remis ; au vu de ces extraits Kbis, il apparaît également que M. K est à la fois membre du directoire de la société Kindy et administrateur de la société Kindy Bloquert, ce dernier étant également directeur administratif et financier de cette société ; de plus ces deux sociétés ont parmi leurs organes de direction deux membres d’une même famille, M. AD P étant président du conseil de surveillance de la société Kindy et Mme AE P administrateur de la société Kindy Bloquert.

Au vu du rapport financier pour l’année 2012/2013 de la société Kindy (pièce TDV n°30), M. AD P était alors président du directoire, M. L membre du directoire ainsi que M. U qui était alors aussi administrateur de la société Kindy Bloquert.

La permutabilité des dirigeants des sociétés Kindy, l’ampleur de la fraude et son incidence concurrentielle déterminante induisent nécessairement que la société Kindy non seulement n’ a pu ignorer les procédés irréguliers auxquels avait recours sa filiale dans le cadre de sa politique commerciale mais encore que ceux-ci ont été effectués avec son assentiment, le groupe Kindy devant en bénéficier.

Dès lors qu’elle a participé aux faits de parasitisme commercial, la demande de la société Kindy de sa mise hors de cause est par conséquent rejetée.

Il résulte de ce qui précède que les sociétés Kindy ont obtenu par des moyens illicites des documents strictement internes à la société New Olympia et à la société TDV et que l’avantage attendu de leur utilisation relève de faits de parasitisme commercial.

Sur le préjudice.

Il s’infère des actes déloyaux l’existence d’un trouble commercial dont la diminution du chiffre d’affaires peut être un des révélateurs ; pour autant comme le font justement remarquer les sociétés Kindy, la reprise de l’activité de la société Olympia par la société New Olympia société spécialement créée à cet effet portait sur une entreprise fragilisée, placée en redressement judiciaire.

Il ne pouvait donc être légitiment attendu par la société New Olympia un retour sur investissement immédiat et la certitude que cette société maintiendrait le chiffre d’affaires précédemment réalisé par la société Olympia. En conséquence, le différentiel entre le chiffre d’affaires réalisé en 2009 par la

société Olympia et ceux des exercices suivants réalisés par la société New Olympia pour asseoir le montant du préjudice subi est un indicateur insuffisant. A cet égard, la société TDV admet sur le rapport du directoire présenté lors de l’assemblée générale du 18 novembre 2010 (pièce 25 des intimés) que « la reprise a été effectuée au pire moment de l’année » et avoir « découvert que rien n’avait été fait pour la collection PE11 (printemps-été 2011) , que l’AH10 (automne hiver 2010) n’avait pas été présenté aux enseignes ».

Cette absence de présentation aux enseignes qui relevait de la seule politique commerciale de la société Olympia avant sa reprise par la société New Olympia ne peut être imputée aux agissements de parasitisme commercial qui ont été ci-avant retenus ; il en découle qu’il est excessif d’attribuer aux agissements de parasitisme commercial reprochés par les sociétés appelantes la cause exclusive du non référencement de la marque Olympia auprès de plusieurs enseignes.

Ce rapport relève également que « la majeure partie de la production d’Olympia est effectuée par l’usine située en Roumanie qui a déposé le bilan, et qui est liquidée aujourd’hui » et qu’il a fallu « remettre une politique cohérente d’approvisionnement pour obtenir un taux de service correct ».

La société New Olympia et à sa suite la société TDV admettent ainsi que consécutivement à la reprise par cette dernière de la société Olympia, elle ne disposait pas d’une logistique de production satisfaisante de sorte que ses efforts commerciaux indépendamment des faits de parasitisme commercial qui ont été retenus allaient indubitablement être contrariés comme l’admet d’ailleurs M. T dans l’attestation qu’il a rédigée.

Le rapport du directoire de la société TDV présenté lors de l’assemblée générale du 23 novembre 2012 (pièce 34 des intimées) attribue une partie de la perte du chiffre d’affaires enregistrée par la société New Olympia au cours de l’exercice précédent au non renouvellement des licences Airness et Babygros. Ce rapport évoque également l’écoulement du stock de reprise de la société Olympia à très faible valeur commerciale, étant précisé qu’il avait été pratiquement ramené à zéro.

Il n’en demeure pas moins que les faits de parasitisme commercial ci-avant retenus ont en partie privé d’effet la politique commerciale de la société New Olympia et affecté les résultats commerciaux qu’elle pouvait légitiment attendre.

En raison de la fragilité de l’activité générée par la société Olympia lors de sa reprise par la société New Olympia et qui a perduré après celle-ci, la totalité de la diminution du chiffre d’affaires réalisé par la société New Olympia au titre des exercices 2010 à 2014 durée pendant laquelle les faits de parasitisme commercial ont eu cours par rapport à celui réalisé par la société Olympia en 2009 ne saurait être leur être imputée ; il est fait une juste appréciation de cette imputation à hauteur de 20% de la diminution du chiffre d’affaires, laquelle ressortant au vu des pièces produites à hauteur de 22 000 000 €, 4 400 000 € sont rattachés directement aux agissements de parasitisme commercial.

Au vu des comptes consolidés du groupe TDV pour l’exercice clos le 30 juin 2013 (pièce n°28 des intimées), le chiffre d’affaires global net réalisé s’est élevé à la somme de 15 381 457 € ; pour déterminer la marge brute, il convient, en l’absence d’éléments de fait plus circonstanciés fournis par les parties, de soustraire le coût des achats de marchandises (3 589 633 €) et le montant des salaires et charges sociales versées (5 272 843 € et 1 952 074 €) ; il se dégage une marge brute de 4 566 907 € qui représente 29,69% (4 566 907 / 15 381 457 x 100).

Le montant du préjudice subi par la société TDV résultant de la perte du chiffre d’affaires imputé aux faits parasitisme commercial auxquels se sont livrés les sociétés Kindy, se détermine en conséquence en fonction de la perte de marge brute appliqué à la perte du chiffre d’affaires ci-dessus retenu à hauteur de 4 400 000 €, soit à hauteur de la somme de 1 306 360 € (4 400 000 € x 29,69%).

Pour justifier de la perte des investissements relatifs aux frais de recherche et de développement pour

les années 2011 à 2014 au titre de la marque Olympia, la société TDV produit une attestation de M. Z, son président directeur général selon laquelle ces investissements représentent une somme totale de 751 000 € ; M. Z certifie que cette somme correspond aux montants enregistrés en comptabilité à ce titre ; cette attestation est elle-même corroborée par une attestation du commissaire aux comptes qui déclare ne pas avoir d’observations à formuler sur la concordance des informations figurant dans l’attestation de M. Z avec la comptabilité analytique de la société New Olympia et ses livres comptables.

Etant observé que la liquidation de l’usine située en Roumanie où étaient fabriquées une partie des chaussettes de la marque Olympia nécessitait de toute façon une refonte complète de l’appareil de production, y compris dans sa dimension recherche et développement, seulement 10% de la somme de 751 000 €, soit 75 100 € est attribué aux actes de parasitisme commercial retenus à l’encontre des sociétés Kindy .

Ces mêmes faits ont causé un préjudice d’image à la société New Olympia dont les tarifs se sont trouvés inévitablement supérieurs à ceux de la société Kindy Bloquert qui profitait de la connaissance qu’elle en avait pour faire une offre plus avantageuse, contribuant ainsi à créer la réputation que la société New Olympia avait une pratique de prix excessif. Le préjudice en ressortant est justement évalué à hauteur de la somme de 50 000 €.

Il s’en suit que le préjudice global subi par la société TDV causé par les faits de parasitisme commercial s’élève à la somme globale de 1 431 460 € (1 306 360 € + 75 100 € + 50 000 €).

L’impossibilité de condamner in solidum la société Kindy et la société Kindy Bloquert au paiement d’une somme d’argent résultant de l’interdiction énoncée à l’article L.622-21 du code de commerce conduit à fixer ensemble au passif de ces deux sociétés la créance de la société TDV au titre des faits de parasitisme commercial retenus à leur encontre à la somme de 1 431 460 0 €, étant précisé qu’il ne pourra être distribué de façon cumulée à la société TDV dans le cadre de l’apurement du passif des sociétés Kindy et Kindy Bloquert une somme supérieure à 1 431 460 €.

Il y a lieu de faire droit à la demande d’insertion de la société TDV qui, constituant un mode de réparation en nature, ne heurte pas l’interdiction susvisée dans les termes du dispositif de la présente décision.

Les faits de parasitisme commercial retenus à l’encontre des sociétés intimés conduisent nécessairement à infirmer les chefs du jugement ayant condamné la société TDV à payer aux sociétés Kindy la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice d’atteinte à leur image et la somme de 10 000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive, à les débouter de leurs demandes supplémentaires de dommages et intérêts devant la cour et de leurs demandes d’insertion relatives aux faits de dénigrement imputés à tort à la société TDV et à la société New Olympia.

La société Kindy et la société Kindy Bloquert échouant en leurs prétentions, les dépens de l’instance tant devant le tribunal que devant la cour seront employés en frais privilégiés des procédures collectives ouvertes à leur égard.

Pour faire valoir ses droits, la société TDV a du engager des frais de justice dans le cadre de la mesure d’instruction et au fond devant les juridictions saisies justifiant la fixation d’une créance au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 30 000 € au passif des société Kindy et société Kindy Bloquert.

PAR CES MOTIFS,

la cour statuant publiquement par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

déclare la société TDV recevable en ses demandes dirigées à l’encontre de la société Kindy ;

confirme le jugement rendu le 19 janvier 2017 par le tribunal de commerce de Beauvais en ce qu’il a déclaré la société TDV recevable en sa demande, la société Kindy et la société Kindy Bloquert recevables en leurs demandes reconventionnelles et a débouté la société TDV de sa demande production de pièces complémentaires ;

infirme le jugement pour le surplus ;

statuant à nouveau :

dit que la société Kindy et la société Kindy Bloquert ont commis des faits de parasitisme commercial ayant préjudicié à la société New Olympia aux droits de laquelle vient la société TDV ;

fixe la créance de la société TDV ensemble au passif de la société Kindy et de la société Kindy Bloquert à la somme de 1 431 460 € ;

dit que la distribution provenant de la cession des éléments d’actifs des sociétés Kindy et Kindy Bloquert à la société TDV est limitée à la somme globale de 1 431 460 € ;

condamne la société Kindy et la société Kindy Bloquert à faire procéder à la publication dans les journaux suivants « LSA », « le Monde » et les « les Echos », dans un encadré de couleur noire sur fond blanc de dix centimètres de large sur dix centimètres de haut, sous le titre ''publication judiciaire'' écrit en caractères gras, noirs et majuscules et du texte ci-après écrit, le tout écrit avec la police ''Times New Roman'' d’une taille 12 au minimum et en caractères noir :

« La société Kindy et la société Kindy Bloquert ont été reconnues passibles de faits de parasitisme commercial du fait du détournement et de l’exploitation d’informations confidentielles relevant du secret des affaires de la société Tricotage des Vosges au préjudice de cette dernière » ;

déboute la société Kindy et la société Kindy Bloquert de leurs demandes de dommages et intérêts pour concurrence déloyale par dénigrement et pour procédure abusive ;

les déboute de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

fixe la créance de la société TDV au titre de l’article 700 du code de procédure civile ensemble au passif de la société Kindy et de la société Kindy Bloquert à la somme de 30 000 € ;

dit que le dépens de première instance et d’appel seront employés en frais privilégiés des procédures collectives de la société Kindy et de la société Kindy Bloquert.

La Greffière, La Présidente,

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Cour d'appel d'Amiens, Chambre économique, 31 janvier 2019, n° 17/00362