Cour d'appel d'Amiens, 5e chambre prud'homale, 2 novembre 2022, n° 21/04629

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Amiens, 5e ch. prud'homale, 2 nov. 2022, n° 21/04629
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 21/04629
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Amiens, 27 juillet 2021, N° F17/00534
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 11 novembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

ARRET

[L]

C/

LAFARGE

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D’AMIENS

copie exécutoire

le 2/11/2022

à

Me MESUREUR

Me DELAHOUSSE

Me CAMIER

LDS/IL

COUR D’APPEL D’AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE

ARRET DU 02 NOVEMBRE 2022

*************************************************************

N° RG 21/04629 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IHEB

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AMIENS DU 28 JUILLET 2021 (référence dossier N° RG F17/00534)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [W] [L]

née le 18 Février 1966 à [Localité 6] ([Localité 6])

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée et concluant par Me Brigitte MESUREUR, avocat au barreau D’AMIENS

ET :

INTIMEES

Madame [W] LAFARGE ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL 'LE QUAY WEST'.

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocat au barreau D’AMIENS, substitué par Me WEISMANN, avocat au barreau d’AMIENS

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D’AMIENS

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée et concluant par Me Hélène CAMIER de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d’AMIENS substituée par Me Alexis DAVID, avocat au barreau D’AMIENS

DEBATS :

A l’audience publique du 14 septembre 2022, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.

Madame [B] [Y] indique que l’arrêt sera prononcé le 02 novembre 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame [B] [Y] en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 02 novembre 2022, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

Mme [L] a été embauchée par contrat à durée indéterminée à compter du 1er août 2009 en qualité de serveuse dans le restaurant « Le quay west » exploité par M. [R], son époux à l’époque.

La société compte moins de onze salariés.

Alors que les époux étaient en instance de divorce, par jugement du 27 avril 2017, le tribunal de commerce d’Amiens a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société et nommé Me Lafarge en qualité de mandataire judiciaire.

Par lettre du 14 septembre 2017, M. [R] a notifié à la salariée sa mise à pied conservatoire pour comportement agressif et violent à son égard ainsi que pour vol puis l’a convoquée à un entretien préalable au licenciement, confirmant la mise à pied conservatoire. La procédure de licenciement n’a pas été menée à son terme.

Parallèlement, Mme [L] a saisi le conseil de prud’hommes d’Amiens, le 4 octobre 2017, afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur pour non -fourniture de travail, non-remise des bulletins de paie et la fixation au passif de la société de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par ordonnance du 20 juillet 2018, le juge commissaire au plan a autorisé le licenciement pour motif économique d’un salarié occupant le poste de serveur.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 30 juillet 2018, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement pour motif économique fixé au 9 août 2018. Par lettre du 10 août 2018, elle a été informée de la situation économique de l’entreprise et de son obligation d’envisager la rupture de son contrat de travail à défaut de solution de reclassement.

Puis, par lettre recommandée en date du 29 août 2018, la société lui a notifié son licenciement.

Néanmoins, par contrat de travail à durée indéterminée à temps complet du 21 mai 2019, Mme [R] a de nouveau été embauchée par la société en qualité de serveuse.

Par lettre du 2 août 2019, elle a pris acte de la rupture de son nouveau contrat de travail.

Par jugement du 26 novembre 2019, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société et nommé Me Lafarge en qualité de mandataire liquidateur.

Par jugement du 28 juillet 2021, le conseil de prud’hommes a :

— donné acte à l’Unedic délégation AGS CGEA d’Amiens venant aux droits du CGEA d’Amiens de son intervention et dit qu’elle serait tenue de garantir les créances fixées dans la limite des plafonds légaux,

— dit et jugé que la rupture du contrat de travail venu à échéance le 29 août 2018 reposait sur une cause économique,

— dit que c’était à bon droit que la SARL Le quay west avait licencié Mme [R] pour motif économique,

— débouté Mme [R] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail venu à échéance le 29 août 2018 et de toutes demandes indemnitaires y afférentes,

— dit et jugé que dans le cadre du contrat de travail du 21 mai au 1er août 2019, Mme [R] avait effectué des heures supplémentaires qui ne lui avaient pas été régularisées par le SARL Le quay west,

En conséquence,

— fixé au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Le quay west les sommes suivantes :

—  1 259,04 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires,

—  125,90 euros à titre d’indemnité de congés payés sur rappel d’heures supplémentaires,

— débouté Mme [R] de sa demande formulée au titre du travail dissimulé, de sa demande formulée au titre de la prise d’acte, de sa demande au titre de rappel d’indemnité de congés payés et de sa demande de rappel d’indemnité de licenciement,

— ordonné à Me Lafarge, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Le quay west de fournir à Mme [R] les bulletins de salaire de janvier à octobre 2017, un bulletin de salaire conforme au jugement sur la période du 21 mai au 1 er août 2019, une attestation Pôle emploi conforme au jugement et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 31 ème jour suivant la notification du jugement,

— dit qu’il se réservait le droit de liquider ladite astreinte,

— dit que la garantie de l’AGS n’était due que dans le cadre de l’exécution du contrat de travail,

— débouté Me Lafarge, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Le quay west, de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné Me Lafarge, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Le quay west, aux dépens de l’instance comprenant les frais avancés par l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle accordée à Mme [R].

Mme [R], qui est appelante de ce jugement, par conclusions remises 6 juillet 2022, demande à la cour de :

— la dire recevable et bien fondée en son appel ;

— dire Me Lafarge en qualité de mandataire liquidateur de la société Quay West mal fondée en son appel incident et la débouter de l’ensemble de ses prétentions, fins et conclusions,

— confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes en ce qu’il a fixé au passif de la SARL Le quay west les sommes suivantes :

—  1 259,04 euros au titre de rappel d’heures supplémentaires,

—  125,90 euros à titre d’indemnité de congés payés sur rappel d’heures supplémentaires,

— infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que la rupture du contrat de travail venu à échéance le 29 août 2018 reposait sur une cause économique et que c’était à bon droit que la société l’avait licenciée pour motif économique ; en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail venu à échéance le 29 août 2018, de sa demande de prise d’acte et de toutes demandes indemnitaires y afférentes à savoir : 16 161,60 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 4 040,40 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis (contrat du 1 er août 2009), 1 650,44 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis (contrat du 19 mai 2019), 4 944.33 euros à titre d’indemnité de licenciement, en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur salaires (30.5 jours restants) : 2 409 euros, en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre de l’indemnité pour travail dissimulé de 9 902,64 euros,

statuant à nouveau,

— dire qu’elle est recevable et bien fondée en sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail du 1er août 2009 et que celle ci doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société aux sommes suivantes :

—  16 161,60 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

—  4 040,40 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ' contrat du 1er août 2009,

—  404,04 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

—  4 944,33 euros à titre d’indemnité de licenciement,

—  2 409,00 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur salaires (30.5 jours restants),

— dire que sa prise d’acte de la rupture du contrat de travail du 21 mai 2019 aux torts de l’employeur en raison du non respect de ses obligations est fondée et qu’elle doit s’analyser en un licenciement dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,

— fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société aux sommes suivantes :

—  440,11 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ' contrat du 19 mai 2019,

—  44,01 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

—  1650,44 euros à titre d’indemnité pour licenciement abusif,

—  9 902,64 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

A titre subsidiaire,

— dire que son licenciement économique concernant le premier contrat doit s’analyser en un licenciement dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,

— fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société aux sommes suivantes :

—  16 161,60 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  4 040,40 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ' contrat du 1er août 2009,

—  404,04 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis '

—  6 648,28 euros à titre de solde d’indemnité compensatrice de congés payés sur salaires et d’indemnité de licenciement (bulletin de paie septembre 2018) non perçu,

— condamner Me [W] Lafarge, ès qualités, aux entiers dépens.

Me Lafarge, ès qualités, par conclusions remises le 26 août 2022, demande à la cour de :

— la juger ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Le quay west, recevable et bien fondée en ses moyens de défense,

— débouter Mme [R] de l’intégralité de ses demandes,

En conséquence,

— confirmer partiellement le jugement du conseil de prud’hommes d’Amiens du 28 juillet 2021, seulement en ce qu’il a :

— dit et jugé que la rupture du contrat de travail venu à échéance le 29 août 2018 reposait sur un cause économique,

— dit que c’est en bon droit que la SARL Le quay west a licencié Mme [R] pour motif économique,

— débouté Mme [R] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail venu à échéance le 29 août 2018 et de toutes demandes indemnitaires y afférentes,

— débouté Mme [R] de sa demande formulée au titre du travail dissimulé,

— débouté Mme [R] de sa demande formulée au titre de la prise d’acte,

— débouté Mme [R] de sa demande au titre de rappel d’indemnité de congés payés,

— débouté Mme [R] de sa demande de rappel d’indemnité de licenciement,

infirmer le jugement pour le surplus, et statuant à nouveau :

— juger que Mme [R] n’a réalisé aucune heure supplémentaire qui ne lui aurait pas été régularisée par la SARL Le quay west dans le cadre du contrat de travail du 21 mai 2019 au 1er août 2019

y faisant droit :

— débouter Mme [R] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

— condamner Mme [R] aux entiers dépens de première instance,

A titre infiniment subsidiaire, réduire les demandes indemnitaires de Mme [R] se rapportant à l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à de plus justes proportions et limiter l’indemnité compensatrice de congés payés correspondant au contrat du 21 mai 2019 à la somme de 440,11 euros,

En tout état de cause, condamner Mme [R] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

L’UNEDIC AGS CGEA d’Amiens, par conclusions remises le 7 mars 2022, demande à la cour de :

' Sur le contrat de travail du 1er août 2009,

* Sur la résiliation judiciaire,

confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [R] de sa demande au titre de la résiliation judiciaire de son contrat de travail et des conséquences indemnitaires qui en découlent,

subsidiairement,

lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte à l’appréciation de la cour sur l’indemnité compensatrice de préavis,

fixer l’indemnité compensatrice de congés payés et l’indemnité de licenciement en deniers ou quittances,

limiter le montant des dommages et intérêts à la somme de 5 443,30 euros correspondant à 2,5 mois de salaire en application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail,

en tout état de cause,

écarter sa garantie pour toutes les créances de rupture du contrat, soit :

— les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— l’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents,

— l’indemnité de licenciement,

— l’indemnité compensatrice de congés payés,

* sur la demande subsidiaire au titre du licenciement économique,

dire et juger que le licenciement pour motif économique est justifié et bien-fondé.

En conséquence,

confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [R] de ses demandes y afférents, soit :

— les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— l’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents,

— l’indemnité de licenciement,

— l’indemnité compensatrice de congés payés.

Subsidiairement,

débouter Mme [R] de sa demande d’indemnité de préavis et de congés payés afférents,

fixer l’indemnité compensatrice de congés payés et l’indemnité de licenciement en deniers ou quittances,

limiter le montant des dommages et intérêts à la somme de 5 443,30 euros correspondant à 2,5 mois de salaire en application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail,

' Sur le contrat de travail du 21 mai 2019

lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte à l’appréciation de la cour sur la demande d’heures supplémentaires,

confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [R] de sa demande au titre du travail dissimulé,

confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que la prise d’acte de la rupture emportait les conséquences d’une démission et en ce qu’il a débouté Mme [R] de ses demandes financières au titre de ladite prise d’acte,

subsidiairement,

limiter le montant de l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 440,11euros,

en tout état de cause,

dire qu’elle ne peut en aucun cas être condamnée et que sa garantie n’est due que dans le cadre de l’exécution du contrat de travail,

en conséquence, dire qu’elle ne peut en aucun cas garantir la somme sollicitée au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

dire que sa garantie n’est également due, toutes créances avancées confondues pour le compte du salarié, que dans la limite des 3 plafonds définis notamment aux articles L.3253-17, D.3253-2 et D.3253-5 du code du travail et dans la limite des textes légaux définissant l’étendue et la mise en 'uvre de sa garantie (articles L.3253-8 à L.3253-13, L.3253-15 et L.3253-19 à 24 du code du Travail),

dire que, par application des dispositions de l’article L.622-28 du code de commerce, le cours des intérêts a été interrompu à la date de l’ouverture de la procédure collective.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS :

1/ Sur les demandes concernant le contrat de travail conclu le 1er août 2009 :

1-1/ Sur la demande de résiliation du contrat de travail :

Lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, et qu’il est licencié ultérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée. Tel est le cas en l’espèce.

Mme [R] soutient que si elle s’est trouvée en arrêt maladie du 21 septembre 2017 au 28 janvier 2018 c’est à cause du comportement de l’employeur qui la menaçait de licenciement grave en la mettant sous le coup d’une mise à pied à titre conservatoire et qui a engagé une procédure disciplinaire pendant plusieurs mois alors qu’elle n’avait jamais démérité. Elle estime que la société a ainsi gravement manqué à son obligation de préserver sa santé et physique et morale.

Le liquidateur et l’AGS répondent qu’il ne peut être reproché à l’employeur de ne pas avoir fourni du travail à sa salariée en arrêt maladie et que Mme [R] ne rapporte aucune preuve de ses allégations.

La voie de la résiliation judiciaire est ouverte au salarié qui invoque que l’employeur a gravement manqué à son égard à ses obligations contractuelles, légales ou conventionnelles.

Lorsque les manquements de l’employeur à ses obligations légales, conventionnelles ou contractuelles sont établis, ont revêtu une gravité suffisante et empêchent la poursuite du contrat de travail, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail doit être accueillie et produit, tous les effets attachés à un licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse ou nul et avec effet à la date de la décision la prononçant, lorsqu’à cette date le contrat de travail est toujours en cours.

En l’espèce, la cour note que salariée n’invoque plus le manquement qui avait justifié sa saisine initiale du conseil de prud’hommes à savoir le défaut de fourniture de travail et le non-paiement du salaire mais un manquement à l’obligation de sécurité et qu’elle ne se prévaut d’aucune pièce à l’appui de ses allégations.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes du chef de la résiliation du contrat de travail.

1-2/ Sur le licenciement pour motif économique :

1-2-1/ Sur le motif économique :

Mme [R] fait valoir que le licenciement ayant été prononcé plus d’un mois après l’autorisation du juge commissaire, par application de la circulaire DRT n°89-61 du 18 novembre 1989, le droit commun de la procédure de licenciement pour motif économique s’applique ; que la société n’en était pas à sa première tentative pour la licencier et que le conflit personnel qui l’opposait au gérant, à l’époque son époux en instance de divorce, constitue la réelle motivation du licenciement ; qu’en outre, pour justifier des difficultés économiques rencontrées lors du licenciement économique en août 2018 les seuls éléments invoqués par l’employeur datent de l’année 2016, soit plus d’un an et demi avant, la procédure de redressement judiciaire en cours et un manque de trésorerie sans qu’il en soit pour autant justifié.

Le liquidateur et l’AGS répliquent que la circulaire sur laquelle s’appuie Mme [R] n’a pas de valeur normative et que le licenciement procède de la décision du juge commissaire qui n’a pas fait l’objet de contestation de sorte que le caractère économique du licenciement ne peut plus être contesté.

Le liquidateur ajoute que les SMS produits par Mme [R] n’ont aucune valeur probante et que Mme [R] occupant le seul poste de serveuse et la société n’appartenant pas à un groupe, il ne peut lui être reproché d’avoir manqué à son obligation de reclassement.

Il y a lieu de rappeler d’une part qu’aucun texte du code du travail ou du code de commerce n’impose à l’administrateur de procéder au licenciement autorisé par le juge commissaire dans le délai d’un mois sous peine d’application du droit commun et que, sauf fraude qui n’est pas démontrée en l’espèce, le motif économique du licenciement autorisé par le juge commissaire par une décision définitive, ne peut plus être discuté devant le conseil de prud’hommes.

En conséquence, les moyens invoqués par Mme [R] sont inopérants.

1-2-2/ Sur l’obligation de reclassement :

Mme [L] allègue qu’il n’est rapporté la preuve d’aucune recherche de reclassement, le seul souci de M. [R] étant à l’époque de l’évincer.

L’AGS n’est pas spécifiquement contredite quand elle affirme que l’entreprise ne comptait que deux salariés à savoir un cuisinier et Mme [L] de sorte qu’aucun reclassement n’était possible.

C’est par conséquent également en vain que la salariée invoque un manquement de l’employeur a l’obligation de reclassement.

Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes au titre du licenciement.

2/ Sur les demandes concernant le contrat de travail du 21 mai 2019 :

2-1/ Sur la demande en paiement des heures supplémentaires :

Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Mme [L] réclame paiement de la somme de 1 259,04 euros plus les congés payés y afférents au titre des heures supplémentaires réalisées entre le 21 et le 17 juillet 2019.

Elle produit un décompte manuscrit détaillé de ses heures faisant apparaître un certain nombre d’heures supplémentaires.

Cet élément est suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre en y apportant ses propres éléments.

Tandis que l’AGS s’en rapporte à l’appréciation de la cour sur cette demande, Me Lafarge fait valoir que la salariée n’a jamais formulé la moindre réclamation au sujet des heures supplémentaires et que le tableau établi pour les seuls besoins de la cause n’est pas de nature à justifier sa demande.

Au vu des éléments produits de part et d’autre, et sans qu’il soit besoin d’ordonner une mesure d’instruction, la cour a acquis la conviction au sens du texte précité que Mme [L] a bien effectué les heures supplémentaires non rémunérées dont le paiement est réclamé.

En effet, la société conteste l’accomplissement de ces heures mais ne produit pas les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par Mme [L], ni aucun élément permettant de contredire les relevés mensuels de ses horaires de travail dont il résulte qu’elle a effectué des heures supplémentaires non payées à hauteur de la somme demandée.

Il y a lieu dès lors de confirmer le jugement de ce chef.

2-2/ Sur la demande au titre du travail dissimulé :

Mme [L] soutient que l’exécution de façon récurrente pendant trois mois d’heures supplémentaires dont l’employeur avait parfaitement connaissance puisqu’ils passaient quotidiennement dans l’entreprise et récupérait l’original des relevés d’heures du personnel sans en assurer le paiement, constitue l’infraction de travail dissimulé.

Me Lafarge répond, outre que l’existence d’heures supplémentaires non rémunérées n’est pas démontrée, que Mme [L] ne rapporte pas la preuve de l’élément intentionnel par l’article L. 8221-5 du code du travail.

L’AGS formule les mêmes observations.

l’article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié.

Aux termes de l’article L .8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

Le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention d’heures supplémentaires sur les bulletins de paie or, au cas d’espèce la salariée n’apporte pas d’autre élément.

Il y a lieu par conséquent d’approuver les premiers juges qui ont rejeté cette demande.

2-3/ Sur la prise d’acte :

Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail et cesse son travail à raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.

Au cas d’espèce, Mme [L] a pris acte de la rupture de son contrat de travail en ces termes : « Par la présente, je vous informe que je me trouve dans l’obligation de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail aux torts et à raison des manquements graves à vos obligations :

non respect de vos obligations relatives au paiement des salaires, des heures supplémentaires effectuées (…) ».

Ainsi qu’il a été précédemment dit, l’employeur a omis de payer les heures supplémentaires dues à Mme [L] dans les proportions suivantes courant 2019 : 14 heures entre le 21 et le 26 mai 2019, 13h50 entre le 27 mai et le 2 juin 2019, 10 heures entre le 3 et le 9 juin, 11 heures entre le 10 et le 16 juin, 12 heures entre le 17 et le 23 juin, 11h50 entre le 24 et le 30 juin, 8 heures entre le 1er et le 7 juillet 12 heures entre le 8 et le 14 juillet 2019.

Le non-paiement des heures supplémentaires dans de telles proportions, même en dehors de toute réclamation de la salariée, constitue un manquement grave de l’employeur à ses obligations et, contrairement à ce qu’a jugé le conseil de prud’hommes, justifiait la prise d’acte de la salariée qui s’analyse dès lors en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le licenciement étant injustifié, la salariée peut prétendre, non seulement aux indemnités de rupture mais également à des dommages et intérêts à raison de l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il convient d’allouer à Mme [L] les sommes de 440,11 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 44,01 euros au titre des congés payés afférents, la durée du préavis au regard de l’ancienneté de la salariée étant de huit jours par application de l’article 30 de la convention collective nationale des hôtels cafés restaurants.

L’entreprise occupant habituellement moins de onze salariés, Mme [L] peut prétendre, compte tenu de son ancienneté, à une indemnisation de l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, d’un montant maximum d’un mois de salaire.

La salariée n’apporte pas d’élément concernant sa situation financière et professionnelle postérieurement à son licenciement.

Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, de son ancienneté dans l’entreprise et de l’effectif de celle-ci (2 salariés au moment du licenciement), la cour fixe à 800 euros les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

3/ Sur la garantie de l’AGS et les demandes accessoires :

La cour rappelle que la garantie de l’AGS n’est due, toutes créances avancées confondues pour le compte du salarié, que dans la limite des 3 plafonds définis notamment aux articles L.3253-17, D.3253-2 et D.3253-5 du code du travail et dans la limite des textes légaux définissant l’étendue et la mise en 'uvre de sa garantie (articles L.3253-8 à L.3253-13, L.3253-15 et L.3253-19 à 24 du code du travail).

Il y a lieu de rappeler également que le cours des intérêts a été interrompu à la date de l’ouverture de la procédure collective.

Me Lafarge, ès qualités, tenue aux dépens, sera déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

confirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté Mme [L] de ses demandes au titre de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail,

statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail du 21 mai 2019 s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

fixe la créance de Mme [L] au passif de la société Le quay west aux sommes suivantes :

—  440,11 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 44,01 euros au titre des congés payés afférents,

—  800 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

rappelle que la garantie de l’AGS n’est due, toutes créances avancées confondues pour le compte du salarié, que dans la limite des 3 plafonds définis notamment aux articles L.3253-17, D.3253-2 et D.3253-5 du code du travail et dans la limite des textes légaux définissant l’étendue et la mise en 'uvre de sa garantie (articles L.3253-8 à L.3253-13, L.3253-15 et L.3253-19 à 24 du code du travail),

rappelle que le cours des intérêts a été interrompu par l’ouverture de la procédure collective,

rejette toute autre demande,

condamne Me Lafarge ès qualités aux dépens d’appel qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.

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Cour d'appel d'Amiens, 5e chambre prud'homale, 2 novembre 2022, n° 21/04629