Cour d'appel d'Angers, Chambre a - civile, 10 novembre 2020, n° 17/01382

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Angers, ch. a - civ., 10 nov. 2020, n° 17/01382
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 17/01382
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Saumur, 29 mai 2017, N° 14/00460
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – CIVILE

SB/IM

ARRET N°

AFFAIRE N° RG 17/01382 – N° Portalis DBVP-V-B7B-EEPW

Jugement du 30 Mai 2017

Tribunal de Grande Instance de SAUMUR

n° d’inscription au RG de première instance : 14/00460

ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2020

APPELANTES :

Maître H A-B

[…]

[…]

SCP C D – H A-B

[…]

[…]

Représentées par Me Philippe LANGLOIS de la SCP ACR AVOCATS, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 70140298, et Me Etienne DE MASCUREAU, avocat plaidant au barreau d’ANGERS

INTIMEE :

SARL TREMA FINANCES

[…]

[…]

Représentée par Me Sophie TUBIANA de la SCP LITIS CONSEIL DU CLUZEAU TUBIANA, avocat postulant au barreau de SAUMUR – N° du dossier 170265, et Me Emmanuel CUIEC, avocat plaidant au barreau de BREST

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue publiquement, à l’audience du 08 Septembre 2020 à 14 H 00, Madame BEUCHEE, Conseiller, ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée

de :

Madame SOCHACKI, Président de chambre

Madame BEUCHEE, Conseiller

Madame MULLER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame TAILLEBOIS

Greffier lors du prononcé : Madame LEVEUF

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 10 novembre 2020 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Sabine BEUCHÉE, Conseiller, en remplacement de Geneviève SOCHACKI, Président de chambre empêchée, et par Christine LEVEUF, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

[…]

Vu le jugement, frappé du présent appel, rendu le 31 mai 2017 par le tribunal de grande instance de Saumur qui a :

— dit que Me A-B, notaire membre de la SCP D – A-B – B, a commis des fautes engageant sa responsabilité envers la société Tréma Finances,

— condamné in solidum Me A-B, notaire membre de la SCP D – A-B – B et la SCP D – A-B – B à payer à la société Trema Finances la somme de 1 999 929,14 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,

— débouté la société Trema Finances du surplus de ses prétentions,

— débouté Me A-B et la SCP D – A-B – B de ses demandes reconventionnelles,

— condamné in solidum Me A-B, notaire membre de la SCP D – A-B – B, et la SCP-A-B-B à payer à la société Trema Finances la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné in solidum Me A-B, notaire membre de la SCP D – A-B – B, et la SCP D – A-B – B à payer à la société Trema Finances les entiers dépens qui comprendront les frais d’exécution et ceux de l’article 10 du tarif des huissiers de justice et qui seront recouvrés par la SCP Litis Conseil du Cluzeau et Tubiana conformément à l’article 699 du code de procédure civile,

— rejeté l’exécution provisoire de cette décision ;

Vu l’arrêt de la cour d’appel d’Angers du 29 octobre 2019 qui a :

— confirmé le jugement en ce qu’il a dit que Me A-B, notaire membre de la SCP D – A-B – B, a commis des fautes engageant sa responsabilité envers la société Trema Finances,

— avant dire droit sur les autres chefs, ordonné la réouverture des débats,

— invité la société Trema Finances à justifier, qu’avertie de l’absence de sûreté efficace, elle aurait nécessairement (ou avec une certitude suffisante sur laquelle elle doit fournir des éléments permettant d’en apprécier le caractère plus ou moins certain et partant de fixer en pourcentage la perte de chance) renoncé à valoriser ses capitaux sur le marché des devises, abandonné son projet d’investissement d’une somme d’un million d’euros complémentaire (en fait 1 195 500 euros versés le 10 juin 2010), révoqué le mandat de gestion simple donné à M. X et récupéré les fonds se trouvant déjà sur le compte Saxo Banque et qui avaient été versés avant même que M. X ne contracte l’obligation de représenter le capital investi et ne propose l’hypothèque,

— dit qu’il lui appartiendra de préciser également la date à laquelle il doit être admis qu’elle aurait clôturé son compte afin de déterminer le solde qu’elle aurait pu récupérer au regard des opérations d’ores et déjà effectuées depuis les dépôts de deux fois 500 000 euros, les 28 et 30 avril 2010 et des variations journalières (tout en tenant compte des dates d’effet des opérations),

— dit qu’elle devra enfin justifier des sommes exposées en lien avec l’inscription d’hypothèque, mais aussi son renouvellement (taxes, honoraires, droits…) et détailler le montant des frais qu’elle invoque,

— enjoint à la société Trema Finances de conclure et verser les pièces complémentaires utiles le 20 novembre 2019,

— enjoint aux appelants de conclure (avant le) 18 décembre 2019,

— renvoyé pour plaidoirie au 24 mars 2020 ;

Vu les dernières conclusions du 3 février 2020 de Me H A-B et de la SCP D – A-B – B, appelantes, tendant à voir, au vu de l’arrêt du 29 octobre 2019 :

— recevoir les concluantes en leur appel, ainsi qu’en leurs demandes, fins et conclusions, déclarées fondées,

y faisant droit,

— infirmer le jugement entrepris,

— juger que la société Trema Finances n’établit pas qu’avertie de l’absence de sûreté efficace elle aurait nécessairement ou avec une certitude suffisante renoncé à valoriser ses capitaux sur la marché des devises, abandonné son projet d’investissement d’une somme d’un million complémentaire (en fait 1 195 500 euros versés le 10 juin 2010), révoqué le mandat de gestion simple donné à M. X et récupéré les fonds se trouvant sur le compte Saxo Banque et qui avaient été versés et avaient déjà fait l’objet d’opérations financières avant même que M. X ne contracte l’obligation de représenter le capital investi et ne propose l’hypothèque,

— juger que, quelle que soit la date retenue, le 25 mai ou le 3 juin 2010, la société Trema Finances n’avait en définitive que peu de chance de renoncer à son investissement, de récupérer le premier million versé et de s’abstenir de verser le second,

— fixer le montant global du préjudice à la somme de 1 624 939,24 euros,

— fixer à 10% le montant de la perte de chance,

— fixer en conséquence l’indemnisation due à 10% de ce préjudice et limiter leur condamnation à la somme de 162 493,91 euros,

— subsidiairement, si la cour devait retenir une perte de chance égale à 50%, limiter l’indemnisation à la somme de 812 469,57 euros,

— condamner la société Trema Finances à payer aux concluantes la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles en cause d’appel,

— condamner la société Trema Finances aux dépens d’appel, lesquels seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions du 13 décembre 2019 de la société à responsabilité limitée (SARL) Trema Finances, intimée, portant appel incident et tendant à voir, au vu des articles 15, 16 et 782 du code de procédure civile, 1382, 1383 anciens du code civile devenus les articles 1240 et 1241 du code civil, de l’article premier de l’ordonnance n°456259 du 2 novembre 1945, de l’article 5 du règlement national des notaires,

— débouter Me A-B et la SCP D – A-B – B de toutes leurs demandes fins et conclusions,

— dire et juger Me A-B, notaire, entièrement responsable des préjudices subis par la société Trema Finances,

— condamner in solidum Me H A-B et la société civile professionnelle D – H A-B – B, à la dédommager de l’intégralité des préjudices qui lui ont été causés,

— confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Saumur du 30 mai 2017 en ce qu’il a condamné in solidum Me A-B, notaire membre de la SCP D- A-B – B, et la SCP D – A-B – B à lui payer la somme principale de 1 999 929,14 euros,

— y additant, dire et juger que cette somme principale portera intérêts au taux légal à compter de l’assignation valant mise en demeure du 27 novembre 2014 et jusqu’à parfait paiement,

— réformer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages intérêts complémentaires,

— condamner in solidum Me A B et la société civile professionnelle C D – H A B – E B, société titulaire d’un office notarial à Saumur, à lui verser la somme de 400 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les dommages annexes, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et jusqu’à parfait paiement,

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné Me A B, notaire membre de la SCP D – A B – B, et la SCP D A B B à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance,

— y additant, condamner in solidum Me A B, notaire membre de la SCP D – A B – B et la SCP D – A B – B à lui payer la somme de 15 000 euros pour

les frais non répétibles exposés en cause d’appel,

— condamner in solidum Me A B et la SCP D – A B – B, aux entiers dépens de première instance et d’appel, qui comprendront les frais d’exécution et ceux de l’article 10 du tarif des huissiers de justice, et qui seront recouvrés par la SCP Litis Conseil du Cluzeau et Tubiana, avocats conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

La société Trema Finances est une société holding d’exploitation dont l’objet est de détenir la société de construction Trécobat et de créer d’autres filiales en rapport avec l’activité de bâtiments.

Le 15 avril 2010, sur les conseils de M. F Y, son conseiller en gestion de patrimoine, la société Trema Finances a ouvert un compte n°3824876 auprès de la Saxo Banque afin de spéculer sur le marché des changes, et a versé sur ce compte une somme totale de deux millions d’euros entre le 28 avril et le 10 juin 2010.

Par acte sous seing privé du 7 mai 2010, la société Trema Finances a conclu un mandat de gestion simple avec M. G X que lui avait conseillé M. Y, pour gérer ce compte, et ce, pour une durée indéterminée.

Les premières opérations ont été enregistrées dès le 4 mai 2010.

Suivant acte authentique du 3 juin 2010, au rapport de Me A-B, membre de la SCP D – A-B – B, notaire à Saumur, M. X a pris l’engagement de garantir le résultat de sa gestion du compte et de la représentation des fonds crédités et de verser à la société Trema Finances la différence entre la somme initiale de 2 000 000 euros déposée sur le compte Saxo Banque et le solde de ce compte au cas où, au 31 décembre 2011, il serait inférieur à ce montant.

Son épouse, Mme I X-Z, s’est portée caution hypothécaire envers la société Trema Finances, affectant en garantie de l’engagement de son conjoint un ensemble immobilier constitué de parkings situés […] à Paris (2e arrondissement).

Selon avenant conclu par acte sous seing privé du 20 août 2010, la société Trema Finances et M. et Mme X Z ont convenu du transfert du compte Saxo Banque à la date du 24 août 2010 vers un compte détenu auprès de la société FXCM 4, dans les livres de la banque HSBC Bank PLC à Londres, et du report de la garantie prise et de l’hypothèque, les engagements hypothécaires de Mme X-Z et ceux de M. G X au terme du mandat du 7 mai 2010 étant expressément réitérés.

Au 31 décembre 2011, le compte précité n’était plus créditeur que de la somme de 70,86 euros.

La société Trema Finances a vainement mis en demeure M. X d’honorer ses engagements contractuels et cherché à mettre en oeuvre la garantie hypothécaire.

La société Trema Finances a fait assigner M. X et Mme X-Z devant le tribunal de grande instance de Vannes qui, par jugement du 31 mars 2016, devenu définitif, a condamné ces derniers à lui payer notamment la somme de 1 999 929,14 euros.

Il s’est avéré que les emplacements affectés en garantie étaient grevés d’un bail emphytéotique, en date des 6 mars 1969 et 16 juin 1969, et ce, jusqu’au 10 février 2068.

Aucune somme n’a été réglée par les époux X en exécution du jugement précité.

Par actes d’huissier du 27 novembre 2014, la société Trema Finances a fait assigner Me H A-B ainsi que la SCP C D – H A-B – E B,

devant le tribunal de grande instance de Saumur, aux fins de voir notamment :

— dire et juger que Me A-B a commis des fautes et qu’elle a engagé sa responsabilité envers elle,

— condamner in solidum Me A B et la SCP D – A-B – B à la dédommager de l’intégralité des préjudices qui lui ont été causés,

— condamner in solidum Me A-B et la SCP D- A-B – B, à lui verser les sommes de :

* 1 999 929,14 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et jusqu’à parfait paiement,

* 400 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les dommages annexes avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation jusqu’à parfait paiement.

En réplique, les défenderesses ont conclu à leur mise hors de cause et au rejet des prétentions adverses.

Par le jugement entrepris, le tribunal a retenu que le notaire avait manqué tant à son obligation de conseil qu’à son devoir d’efficacité en s’abstenant de vérifier la valeur des biens hypothéqués au vu des droits dont disposait la caution hypothécaire sur les immeubles donnés en garantie d’une somme de deux millions d’euros. Il a souligné qu’il était évident que la société Trema Finances n’aurait pas accepté la garantie hypothécaire si elle avait été informée de l’existence du bail emphytéotique en compromettant l’efficacité. Il en a déduit que les fautes du notaire étaient en relation directe avec le préjudice subi dont la réparation devait être intégrale.

Me H A-B et de la SCP D – A-B ont interjeté appel total de ce jugement par déclaration du 4 juillet 2017.

Par son arrêt du 29 octobre 2019, la cour d’appel d’Angers a confirmé le jugement frappé d’appel en ce qu’il a retenu que Me A-B a commis des fautes engageant sa responsabilité envers la société Trema Finances.

Sur les fautes alléguées à l’encontre du notaire, elle a retenu en premier lieu que, tenue d’éclairer les parties et de s’assurer de l’efficacité de l’acte rédigé par ses soins, Me A-B aurait dû attirer l’attention de la société Trema Finances sur la faible valeur des lots hypothéqués grevés d’un bail emphytéotique au regard du montant de la créance garantie à hauteur de 2 millions d’euros, outre les accessoires évalués à 400'000 euros.

Elle a considéré en second lieu que le notaire avait fait perdre à l’hypothèque son efficacité faute d’avoir correctement informé les parties sur le caractère obligatoirement authentique de l’acte conclu le 20 août 2010 tendant à conserver l’hypothèque malgré le transfert des fonds du compte Saxo Banque vers le compte d’une autre banque, et ce conformément à l’article 2422 du code civil.

Elle a estimé par ailleurs que le caractère suspect de l’engagement de restitution des fonds dans le cadre d’une opération spéculative n’était pas de nature à écarter la responsabilité du notaire, alors qu’elle a accepté de recueillir l’engagement de restitution des fonds par M. X, et qu’elle ne pouvait pas non plus invoquer l’imprudence manifeste de la société Trema Finances alors qu’elle avait contribué par son intervention à la mettre en confiance sur le sérieux de la garantie.

Sur le préjudice, elle a tenu pour acquis que la différence entre les fonds déposés et les fonds présents au 31 décembre 2011, égale 1'999'940 euros, est la conséquence des opérations effectuées

par M. X sur le marché des échanges de devises et admis qu’il était justifié du caractère irrécouvrable de cette créance.

Sur le lien de causalité, elle a retenu que les fautes relevées à l’encontre du notaire sont à l’origine de l’impossibilité pour la société de pouvoir disposer d’une garantie hypothécaire utile, effectivement mobilisable pour récupérer les fonds dus par M. X qui n’exécute pas ses obligations en dépit des tentatives de recouvrement forcé.

Elle a relevé en outre que, si le caractère direct du préjudice en lien avec la faute reprochée est établi dans la mesure où l’hypothèque garantissant l’obligation de M. X de représenter le capital versé est inefficace et que M. X n’est pas à même de verser les sommes dues, il appartient à la société Trema Finances de fournir également des explications sur le caractère certain du préjudice occasionné par l’intervention du notaire.

Elle a en conséquence invité la société Trema Finances , par arrêt avant dire droit, à fournir les explications et justificatifs rappelés ci-dessus.

Me J A-B et la SCP D – A-B – B, appelantes, relèvent à titre liminaire que les développements sur la faute, la preuve de la faute et le caractère certain du préjudice sont hors sujets, l’arrêt de la cour du 29 octobre 2019, ayant déjà tranché ces questions.

Selon elles il n’est pas possible de prétendre que l’investissement de la société Trema Finances et le mandat donné à M. X était suspendu à la constitution d’une hypothèque comme une condition déterminante et essentielle de l’opération alors que les conventions d’ouverture de compte et le mandat de gestion ont été conclus sans la moindre référence à une telle condition et que les parties ont accepté d’opérer sans que jamais ne soit évoquée de quelque manière que ce soit une telle condition essentielle et déterminante.

Elles font grief à la société Trema Finances de se contenter d’affirmer que son investissement était suspendu à la constitution de la garantie litigieuse, sans le démontrer.

Elles soutiennent au surplus que cette affirmation est inexacte à l’examen de la chronologie et des pièces du dossier.

Elles invoquent une perte de chance, ajoutant que les chances de la société Trema Finances de renoncer à son opération d’investissement en cours si elle avait été informée de caractère inefficace la garantie hypothécaire étaient faibles. Elles font valoir qu’elle n’avait aucune raison de retirer des fonds sous prétexte d’une garantie insuffisante, alors qu’elle avait accepté de verser ces fonds sur la moindre garantie et que cette opération dégageait des profits substantiels et estiment très probable au contraire qu’elle aurait poursuivi l’opération d’investissement en cours même si elle avait été informée de l’inefficacité de l’hypothèque.

Elles soulignent le rôle prépondérant du conseiller en gestion de patrimoine de la société Trema Finances par rapport au rôle du notaire qui s’est limité à recevoir un acte dans le cadre d’une opération déjà négociée et mise en oeuvre par d’autres professionnels ayant conseillé leur client.

Elles font observer que le notaire n’avait aucune obligation de traiter l’état hypothécaire dès le jour de sa réception, le 25 mai 2010, et qu’elle pouvait le faire et diffuser les informations qu’il contenait jusqu’au 3 juin 2010, date de signature de l’acte authentique de sorte que ce n’est qu’à la date du 3 juin 2010 que la faute reprochée au notaire est caractérisée et qu’il convient de déterminer ce qu’il serait advenu si la société Trema Finances avait décidé de renoncer à l’opération.

D’après elles, à la date du 3 juin 2010, la société Trema Finances aurait très certainement eu de grandes difficultés pour récupérer les fonds qui étaient déjà en possession de M. X. Elles

admettent en revanche une chance plus importante, quoique assez faible, qu’elle décide de ne pas effectuer le second versement d’un million d’euros tant que la garantie attendue n’aurait pas été constituée.

Elles relèvent en tout état de cause que, quelque soit la date retenue, le 25 mai ou le 3 juin 2010, la société Trema Finances n’avait que peu de chances de renoncer à son investissement, de récupérer le premier million versé et de s’abstenir de verser le second.

Elles proposent d’évaluer la perte de chance à 10% et subsidiairement au plus à 50% étant donné que la société Trema Finances ne fournit aucune explication, ni ne verse aux débats aucune pièce nouvelle susceptible de convaincre qu’elle aurait renoncé à l’opération s’il avait été informé de l’inefficacité de la garantie et qu’au contraire il est presque certain qu’elle aurait poursuivi l’opération dans les mêmes conditions.

S’agissant du quantum du préjudice, elles demandent à la cour de déduire du préjudice allégué les commissions versées par la société Trema Finances à M. X et à M. Y, son conseiller en gestion patrimoine, à hauteur de 374 990 euros, ainsi que cela résulte de ses écritures devant le tribunal de grande instance de Vannes, au motif que ces commissions n’avaient pas vocation à être couvertes par la sûreté jugée inefficace et que le notaire n’est pas comptable de ces commissions.

S’agissant des préjudices annexes, elles s’opposent à la demande d’indemnisation complémentaire au titre de la perte des intérêts escomptés sur un prétendu placement de la somme en faisant valoir que l’indemnisation de la perte de chance ne couvre pas la perte de gains potentiels que l’on aurait pu réaliser si l’on n’avait pas fait l’opération et que la société ne peut en outre pas prétendre à un taux de rendement de 8,5 % l’an faramineux et non justifié par des pièces à l’appui.

La société Trema Finances soutient que Me A-B doit la dédommager de l’intégralité des préjudices qu’elle lui a causés qui correspondent à la somme principale perdue, outre des dommages annexes, en faisant valoir que la fourniture d’une garantie d’un montant de 2 000 000 euros était une condition essentielle et déterminante de son engagement et de son consentement.

Elle affirme qu’il est certain que si elle avait été avertie par Me A-B de l’absence de sûreté efficace, elle aurait renoncé à valoriser ses capitaux sur le marché des devises, révoqué le mandat de gestion simple donné à M. X et récupéré les fonds qui se trouvaient déjà sur le compte Saxo Banque et qui avaient été versés avant que ce dernier ne contracte l’obligation de représenter le capital investi.

Elle ajoute que l’engagement des parties était suspendu à la prise de la garantie pour couvrir les deux millions d’euros versés, et ce, quand bien même déjà la moitié avait été versée au moment de la prise de garantie, ainsi que cela résulte, selon elle, des termes de l’acte authentique du 3 juin 2010, d’un courriel adressé par M. Y à Me A-B le 14 mai 2010, du calcul des frais de la garantie hypothécaire sur une assiette de deux millions d’euros et de l’attestation notariée du 2 septembre 2011.

Elle prétend que, si le notaire n’avait pas commis de faute, elle aurait demandé l’annulation du contrat et récupéré les fonds dès le 25 mai 2010, date à laquelle Me A-B a reçu l’état hypothécaire faisant apparaître les inscriptions des baux emphytéotiques sur les biens donnés en garantie ; que le notaire aurait dû l’informer le 25 mai 2010 et que, s’il l’avait fait, elle aurait immédiatement mis fin à toutes relations contractuelles avec M. X et clôturé son compte.

Elle précise, qu’à cette date, le compte n’avait enregistré aucune perte de sorte que, si elle avait été informée loyalement et complètement dès le 25 mai 2010, elle aurait récupéré l’intégralité des sommes débloquées avant l’acte notarié (soit deux versements de 500 000 euros les 28 et 30 avril 2010) et elle n’aurait pas procédé à un troisième versement d’un million d’euros le 10 juin 2010.

Elle fait observer que Me A-B aurait même dû informer M. Y de l’existence des baux emphytéotiques dès leur entretien téléphonique du 12 mai 2010, dans la mesure où elle était intervenue en 2008, en qualité alors de clerc de notaire, sur un acte de cautionnement hypothécaire de Mme X concernant plusieurs parkings situés […] à Paris.

Au titre des dommages annexes, elle réclame d’une part des frais qu’elle dit avoir exposés en pure perte et d’autre part un préjudice financier.

Au titre des frais en pure perte, elle fait état des frais et honoraires réglés au notaire pour la garantie hypothécaire et son renouvellement, des frais, honoraires et dépens devant le tribunal de grande instance de Vannes et des frais de tentative d’exécution à l’encontre des époux X.

Elle indique avoir subi un préjudice financier très important correspondant à la perte des intérêts qu’elle aurait perçus si elle avait pu placer la somme litigieuse, se prévalant d’une attestation d’expert-comptable mentionnant un rendement annuel de ses placements de 8,5% par an pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2016. Elle souligne que, y compris sur la base de 3'% l’an, son préjudice excéderait 400 000 euros.

SUR QUOI, LA COUR

La question des fautes commises par Me A-B engageant sa responsabilité a été tranchée par la cour d’appel dans son précédent arrêt.

I. Sur la demande principale de dommages-intérêts

La cour d’appel n’a en revanche pas tranché la question de savoir si la société Trema Finances peut prétendre à réparation pour un montant équivalent à l’intégralité de la différence entre le montant des fonds déposés et celui du fonds restant au 31 décembre 2011, ou bien seulement sur la base d’une perte de chance.

Contrairement à ce que soutient la société Trema Finances, il n’est pas établi que la constitution d’une garantie équivalente au montant investi était une condition essentielle et déterminante de son consentement à l’opération d’investissement.

En effet elle a ouvert un compte de «trading» auprès de la Saxo Banque le 15 avril 2010. Sur la convention d’ouverture de compte, l’établissement est décrit comme «la banque des investisseurs actifs» et parmi les trois options offertes comme finalité du compte et nature des transactions projetées, c’est celle intitulée : «spéculation (assumer le risque maximal pour réaliser un bénéfice potentiellement plus élevé)» qui est cochée. Ce faisant la société Trema Finances s’est déclarée prête à assumer le risque de perdre le capital investi.

Sur ce compte n° 95500/2640003000, elle a effectué deux versements de 500'000 euros chacun les 28 et 30 avril 2010.

Préalablement à ces versements il n’est justifié d’aucun échange entre la société Trema Finances, ou son conseiller en gestion de patrimoine, M. Y, d’une part, et M. X, d’autre part, quant à la mise en place d’un mécanisme garantissant le capital investi ou bien quant à une quelconque réserve ou condition posée par la société Trema Finances dans le cadre de l’opération mise en place.

Dès le 4 mai 2010, des opérations sont effectuées sur ce compte. Le 7 mai 2010 la société Trema Finances confère à M. X un mandat simple de gestion auprès de la Saxo Banque pour une durée indéterminée, et ce, sans aucune limitation de montant, ni quelconque condition.

Au vu des pièces produites, il est fait état pour la première fois de la garantie du capital à l’échéance

du 31 décembre 2011 par M. X et d’une garantie hypothécaire de son épouse dans un courriel adressé le 14 mai 2010 par M. Y à Me A-B, courriel faisant référence à une conversation téléphonique du 12 mai 2010.

Il est donc question d’une garantie seulement deux semaines après les deux premiers versements représentant la moitié de l’investissement et quelques jours après la signature d’un mandat de gestion ne comportant aucune réserve.

Le notaire a fait le 21 mai 2010 une demande de renseignements sommaires urgents auprès de la conservation des hypothèques à laquelle il a été répondu le 25 mai 2010.

L’acte authentique portant garantie hypothécaire a été finalement signé le 3 juin 2010.

Il en résulte que la société Trema Finances s’est donc engagée sans faire aucune réserve, ni poser aucune condition dans une opération d’investissement en effectuant un versement d’un million d’euros équivalent à la moitié de l’investissement prévu et en conférant un mandat de gestion à M. X, avant que ne soit demandée la mise en place d’une garantie et a fortiori avant que le notaire n’ait reçu des éléments d’information sur les biens proposés en garantie.

Cela va à l’encontre du caractère déterminant de la garantie hypothécaire dans le cadre de l’opération d’investissement qualifiée expressément de «spéculative».

En outre aux termes de l’acte du 3 juin 2010, Mme X s’est constituée caution simplement hypothécaire de son époux envers la société Trema Finances pour raison de l’engagement pris par ce dernier, pour le cas où le compte détenu auprès de la Saxo Banque présenterait un solde inférieur à 2 000 000 euros au 31 décembre 2011, de verser à celle-ci la différence entre cette somme de 2 000 000 euros et le solde du compte.

Pour autant il ne résulte pas des termes de cet acte que l’opération d’investissement de deux millions d’euros sur un compte Saxo Banque et le mandat de gestion conféré à M. X étaient conditionnés à la mise en place d’une garantie hypothécaire.

Il ne peut dès lors être tenu pour acquis que, si la société Trema Finances avait été informée de l’inefficacité de la garantie hypothécaire, elle aurait nécessairement clôturé son compte Saxo Banque, renoncé à valoriser ses capitaux sur le marché des devises, révoqué le mandat de gestion simple donné à M. X, cherché à récupérer les fonds déjà versés et se serait abstenue d’effectuer un versement complémentaire.

En revanche, il existe une chance réelle et sérieuse qu’elle aurait agi de la sorte, et particulièrement qu’elle aurait refusé d’effectuer un versement complémentaire, si elle avait su que Mme X proposait une garantie inefficace car cela était de nature à réduire le crédit et la confiance qu’elle accordait aux époux X et à l’inciter à davantage de prudence, ce d’autant que, contrairement à ce que prétendent les appelantes, les opérations sur le compte ne généraient pas de profits substantiels.

En effet au 7 mai 2010, le compte ne présentait plus qu’un solde de 818 855,10 euros, soit une perte de 20% en quatre jours.

Le 25 mai 2010, le solde était de 1 047 774,66 dollars, et non euros.

Si le taux de change exact ce jour-là n’est pas connu, on peut obtenir une estimation de ce taux au 10 juin 2010, date du versement complémentaire d’un million d’euros, ainsi qu’au 11 mai 2010 car, ce jour-là, le solde en euros du compte n°95500/2640003000 a été transféré sur un compte de «trading» en dollars n°95500/2640003078 détenu auprès de la même banque.

Le 11 mai 2010, le solde de 818 855,10 euros devient ainsi 1 039 945,80 dollars et le 10 juin 2010 la somme de 1 000 000 euros devient 1 195 500 dollars, ce qui correspond à un taux de change variant entre 1,27 et 1,195 dollar pour un euro.

Le solde en dollars au 25 juin 2010 peut dès lors être estimé aux alentours de 850 000 euros.

Au 3 juin 2010, le solde est de 865 132,48 dollars et au 9 juin 2010, la veille du versement complémentaire, de 856 764,20 dollars. Cela correspond à environ 700 000 euros, soit une perte de l’ordre de 30% en un mois.

La société Trema Finances peut donc prétendre à la réparation d’une perte de chance.

D’un autre côté il ne saurait être fait grief à Me A-B de ne pas avoir procédé à l’étude de l’état hypothécaire dès sa réception, l’acte devant être prêt pour le jour de sa signature, le 3 juin 2010.

La société Trema Finances indique par ailleurs que, dès le 12 mai 2010, Me A-B aurait dû alerter M. Y de l’existence des baux emphytéotiques.

Néanmoins la lecture de l’acte authentique de cautionnement hypothécaire reçu le 22 octobre 2008 par Mme A-B, alors clerc de notaire en l’étude de Me Beneat, notaire à Vannes, par lequel Mme Z épouse X s’est portée caution d’une société Bonne Nouvelle Investissement envers le service des impôts et a affecté en garantie des places de parking situées […] à Paris, ne permet pas de conclure que Mme A-B avait eu connaissance à l’époque des baux emphytéotiques, l’acte n’en faisant pas mention.

Il n’est dès lors pas démontré que Me A-B avait eu effectivement connaissance de l’inefficacité d’une hypothèque sur les parkings grevés de baux emphytéotiques avant de recevoir et de procéder à l’examen de l’état hypothécaire daté du 25 mai 2010.

Il doit dès lors être considéré que la faute de Me A-B a été constituée le 3 juin 2010, au jour de la signature de l’acte, et que c’est à cette date qu’il y a lieu d’apprécier le préjudice subi en lien avec cette faute.

La réparation d’une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.

En l’espèce la société Trema Finances s’étant engagée dans l’opération d’investissement qualifiée de spéculative dès fin avril 2010 en effectuant des versements très conséquents, puis en confiant la gestion des fonds à M. X sans exiger aucune garantie au préalable, les chances qu’elle aurait clôturé son compte Saxo Banque, renoncé à valoriser ses capitaux sur le marché des devises, révoqué le mandat de gestion simple donné à M. X et cherché à récupérer les fonds déjà versés, si elle avait été informée de l’inefficacité de la garantie proposée, ne peuvent pas être considérées comme importantes.

En revanche, sans que cela soit certain, il est fort probable qu’elle aurait renoncé à effectuer un nouveau versement car, si elle avait accepté le principe d’un risque de perte du capital investi, le solde du compte est devenu et resté inférieur au montant investi dès le 6 mai 2010 et accusait une perte de l’ordre de 30% à l’issue du premier mois. Le risque devenait réel qu’elle ne récupère pas les fonds investis au terme prévu.

En conséquence au regard de l’évolution de la situation entre les premiers versements fin avril 2010 et le 3 juin 2010, et plus spécialement au regard des résultats courant mai 2010, les chances sont élevées qu’elle aurait reconsidéré sa position s’agissant du versement d’un second million d’euros si elle avait été informée de l’absence de garantie efficace proposée par Mme X à l’appui de

l’engagement pris par son époux.

Le fait que le second million d’euros ait été versé postérieurement à la signature de l’acte le 3 juin 2010 vient conforter que la prise d’une garantie était, sinon déterminante, mais quand même importante pour la société Trema Finances.

Le cautionnement hypothécaire a été souscrit en garantie d’une somme de deux millions d’euros. Il n’y a donc pas lieu, pour apprécier le préjudice subi, de déduire du solde restant au 31 décembre 2011 les commissions versées par la société Trema Finances à MM. X et Y.

La perte de chance doit donc être évaluée sur la base d’un préjudice équivalent à la différence entre le montant de deux millions d’euros investi et le solde du compte au 31 décembre 2011, soit 1 199 929,14 euros.

Il convient toutefois de relever que, même si elle avait révoqué le mandat de gestion de M. X, la société Trema Finances n’aurait pas pu récupérer l’intégralité des fonds déjà versés au regard du solde du compte au 3 juin 2010, mais seulement de l’ordre de 700 000 euros.

Compte tenu de ces différents éléments, la perte de chance de mettre un terme à l’opération et de récupérer les fonds investis avant la signature de l’acte du 3 juin 2010 doit être évaluée à une somme de 200 000 euros.

S’agissant du second million d’euros investi, la perte de chance de ne pas le verser peut être estimée à 800 000 euros.

Il y a donc lieu d’infirmer le jugement entrepris et de condamner Me A-B et la SCP dont elle est membre in solidum à payer à la société Trema Finances la somme de 1 000 000 euros.

Cette créance indemnitaire portera intérêts au taux légal à compter de la date du jugement réformé à la baisse en application de l’article 1231-7 du code civil.

II. Sur la demande de dommages-intérêts complémentaires

A. Sur le préjudice financier

La société Trema Finances se prévaut d’un préjudice financier correspondant aux intérêts qu’elle aurait pu percevoir si elle avait recouvré comme prévu le 1er janvier 2012 la somme de deux millions d’euros investie.

Si la garantie hypothécaire souscrite avait été efficace, la société Trema Finances aurait effectivement pu placer la somme investie qu’elle aurait dû récupérer le 31 décembre 2011 et percevoir les intérêts de ce placement.

La réalité d’un préjudice financier en lien avec la faute commise par le notaire est donc avérée.

Toutefois d’une part la perte de chance imputable au notaire a été ci-dessus estimée à 1 000 000 euros de sorte que le préjudice financier subi doit être calculé sur cette base.

D’autre part l’attestation de son expert- comptable (pièce n°86) ne justifie pas d’un taux de rendement annuel de ses placements à hauteur de 8,5% sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2016 et la société Trema Finances ne produit pas d’autre élément permettant d’estimer le rendement qu’elle pouvait escompter.

Le préjudice financier sera dès lors évalué à la somme de 100 000 euros.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu’il a rejeté sa demande d’indemnisation de ce chef et, statuant à nouveau, il sera alloué à la société Trema Finances la somme de 100 000 euros au titre du préjudice financier.

B. Sur les frais

La faute du notaire, qui a fait perdre à la garantie hypothécaire son efficacité faute d’avoir correctement informé les parties sur le caractère obligatoirement authentique de l’acte conclu le 20 août 2010, a rendu inutiles les frais d’hypothèque et de renouvellement d’hypothèque, qui se sont élevés respectivement à 29 830,30 et 1201 euros (pièces n°6 et 30 de l’intimée). Le notaire doit donc supporter ces frais.

S’agissant des frais exposés devant le tribunal de grande instance de Vannes et des frais d’exécution du jugement rendu par cette juridiction, la société Trema Finances produit l’état de frais de l’avocat postulant s’élevant à 7 867,22 euros.

Toutefois elle ne peut pas prétendre à un remboursement intégral de ces frais, étant donné qu’elle a uniquement perdu une chance de ne pas les supporter si elle avait été éclairée par le notaire sur la teneur exacte de la garantie. Cette perte de chance doit être évaluée à 3 933,61 euros.

La société Trema Finances ne verse par ailleurs aux débats aucun justificatif des autres frais et honoraires qu’elle évalue à 12 000 euros, ni des frais d’exécution dont elle ne fournit aucune estimation, alors même qu’elle a été expressément invitée à le faire par la cour d’appel dans son arrêt du 29 octobre 2019. Elle n’établit dès lors pas la réalité du préjudice qu’elle invoque à ce titre.

Il ne peut donc lui être alloué aucune indemnisation de ce chef.

Il y a en conséquence lieu d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté totalement la société Trema Finances de sa demande au titre des dommages annexes et de lui allouer la somme de :

29 830.30 + 1 201 + 3 933.61 = 34 964,91 euros au titre de divers frais.

III. Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

Me A-B et la SCP D – A-B – B, parties perdantes, seront condamnées in solidum aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Litis Conseil du Cluzeau et Tubiana.

Il convient de rappeler s’agissant des frais d’exécution que, conformément à l’article L. 111-8 alinéa 1er du code des procédures civiles d’exécution, «A l’exception des droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, les frais de l’exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s’il est manifeste qu’ils n’étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés. Les contestations sont tranchées par le juge

La demande relative à l’article 10 du décret 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers en matière civile et commerciale dans sa rédaction issue du décret 2001-212 du 8 mars 2001 n’a pas lieu d’être prise en considération dès lors que ce texte a été abrogé par le décret 26-230 du 26 février 2016 relatif aux tarifs de certains professionnels du droit et au fonds interprofessionnel de l’accès au droit et à la justice et que les articles A444-32, R444-55 et R444-3 du code de commerce qui régissent désormais le tarif des huissiers de justice se suffisent à eux-mêmes sans

avoir à en fixer quelque modalité.

L’équité commande en outre de condamner Me A-B et la SCP D – A-B – B in solidum à payer une somme de 3 000 euros à la société Trema Finances sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles en appel.

La demande formée de ce chef par Me A-B et la SCP D – A-B – B sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Vu l’arrêt rendu par la présente cour le 29 octobre 2019,

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a :

— condamné in solidum Me A-B, notaire membre de la SCP D – A-B – B, et la SCP D – A-B – B à payer à la société Trema Finances la somme de 1 999 929,14 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,

— débouté la société Trema Finances du surplus de ses prétentions,

— dit que les dépens comprendront les frais d’exécution et ceux de l’article 10 du tarif des huissiers de justice ;

Confirme le jugement entrepris sur le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs de décision infirmés,

Condamne in solidum Me A-B, notaire membre de la SCP D – A-B – B, et la SCP D – A-B – B à payer à la société Trema Finances :

* la somme de 1 000 000 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris,

* la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts complémentaires en réparation du préjudice financier,

* la somme de 34 964,91 euros à titre de dommages-intérêts complémentaires relatifs aux frais exposés,

Condamne in solidum Me A-B, notaire membre de la SCP D – A-B – B, et la SCP D – A-B – B aux entiers dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Litis Conseil du Cluzeau et Tubiana ;

Déboute la société Trema Finances de sa demande au titre de l’ancien article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996 ;

Condamne in solidum Me A-B, notaire membre de la SCP D – A-B – B, et la SCP D – A-B – B à payer à la société Trema Finances la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER P/LE PRESIDENT EMPECHE

C. LEVEUF S. BEUCHEE

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Cour d'appel d'Angers, Chambre a - civile, 10 novembre 2020, n° 17/01382