Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 8 avril 2022, n° 19/04213

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, ch. soc. b, 8 avr. 2022, n° 19/04213
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 19/04213
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lyon, 27 mai 2019, N° 16/02706
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE


N° RG 19/04213 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MNU3

Société KEOLIS LYON

C/

C

Syndicat NATIONAL DES TRANSPORTS URBAINS SNTU-CFDT

APPEL D’UNE DÉCISION DU :


Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de LYON

du 28 Mai 2019


RG : 16/02706

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 08 AVRIL 2022

APPELANTE :

Société KEOLIS LYON

[…]

[…]


Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON


Ayant pour avocat plaidant Me Nazanine FARZAM-ROCHON de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉS :

I C

né le […] à SAINTE-FOY-LES-LYON (69110)

[…]

Syndicat NATIONAL DES TRANSPORTS URBAINS SNTU-CFDT

[…]


Représentés par Me 
Eladia DELGADO de la SELARL DELGADO & MEYER, avocat au barreau de LYON substituée par Me Vanille LABORIE, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Février 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :


P Q, Présidente


Sophie NOIR, Conseiller


Catherine CHANEZ, Conseiller


Assistées pendant les débats de N O, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE


Prononcé publiquement le 08 Avril 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;


Signé par P Q, Présidente, et par N O, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:


La société Keolis exploite une activité de transports en commun sous l’appelation TCL.


Elle applique la convention collective nationale des transports publics urbains de voyageurs.

M. I C a été embauché par la société Keolis Lyon à compter du 12 octobre 2009 en qualité de conducteur receveur dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.


Au dernier état de la relation contractuelle, M. I C percevait un salaire de 2.645,56 euros bruts.


Par courrier du 29 juillet 2014, la société Keolis a notifié à M. I C un avertissement en raison de propos insultants à l’égard de l’équipe de la Direction Contrôles et Interventions (DCI).


Par courrier du 22 septembre 2014, la société Keolis a notifié M. I C un blâme en raison de son comportement inaproprié à l’égard d’une cliente et des dégâts causés par un accrochage avec un bus au dépôt.


Le 30 juin 2015, la société Keolis a remis à M. I C un courrier de sensibilisation en raison de son comportement à l’égard de l’équipe DCI.


Le 5 février 2016, un incident s’est produit entre M. I C et un agent de maitrise M. X.


Par courrier du 24 février 2016, M. I C a été convoqué à un entretien fixé au 7 mars 2016, préalable à un éventuel licenciement pour faute grave.


Le 4 avril 2016, M. I C a été convoqué dans le cadre de la procédure conventionnelle instituée par les articles 51 à 55 de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs :
* le 18 avril à une audition dans le cadre de l’instruction du dossier devant son chef de service

* le 19 avril devant le conseil de discipline.


Le salarié a été licencié par lettre recommandée avec accusé réception du 2 mai 2016 dans les termes suivants:

'Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs d’une faute grave, qui ont motivé votre comparution devant le conseil de discipline le 19 avril 2016 et dont nous vous avons fait part lors de notre entretien du 15 mars 2016.

Le 5 février 2016, à 18h30, vous avez refusé de mettre en place au départ de votre ligne votre véhicule conformément à la demande d’un chef de ligne et lui avez répondu « je fais ce que je veux je suis en pause » et lorsque ce dernier a réitéré sa demande vous avez répondu en ces termes « tu es grillé bouffon ».

Votre comportement constitue une insubordination ainsi qu’une insulte envers un agent de maîtrise.

Ces faits sont d’autant plus graves que vous aviez déjà fait l’objet de sanctions disciplinaires pour des faits similaires. En effet, vous a été notifié un avertissement en date du 29 juillet 2014 pour avoir tenu des propos insultants à l’égard des membres d’une équipe de la Direction Contrôles et Interventions. Vous avez également reçu un blâme pour avoir entre autre insulté une cliente de l’entreprise en date du 22 septembre 2014.

Par ailleurs, vous avez fait l’objet d’un courrier de sensibilisation en date du 30 juin 2015 pour insubordination à l’égard d’un chef de bord, agent de maîtrise, en refusant de rester à quai pendant la durée du contrôle comme ce dernier vous l’avait demandé.

Ces sanctions disciplinaires ainsi que ce courrier de sensibilisation sont restés sans effet car vous avez réitéré de tels agissements fautifs.

Nous ne saurions tolérer un tel comportement agressif préjudiciable au bon fonctionnement de notre entreprise et constitutif d’une faute grave.

Les explications que vous nous avez apportées au cours de la procédure disciplinaire n’ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.

Par conséquent, nous sommes dans l’obligation de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave, sans indemnité de préavis ni de licenciement.'

M. I C a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon d’une contestation de ce licenciement le 25 juillet 2016.


Par jugement du 28 mai 2019, le conseil des prud’hommes de Lyon en sa formation de départage a:


- dit que le licenciement dont M. I C a fait l’objet de la part de la société Kéolis Lyon est dépourvu de cause réelle et sérieuse,


- condamné en conséquence la société Kéolis Lyon à verser à M. I C les sommes de :

* avec intérêts au taux légal à compter du 12 août 2016, date de réception de la convocation par l’employeur devant le bureau de conciliation valant mise en demeure,


- 5.291,12 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, et 529,11 euros au titre des congés payés afférents,


- 3.703,78 euros à titre d’indemnité de licenciement,

* avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,


-19.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,


- ordonné le remboursement par la SA Kéolis Lyon aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. I C du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de quatre mois dans les conditions prévues à l’article L. 1235-4 du code du travail,


- dit que le secrétariat greffe en application de l’article R.1235-2 du code du travail adressera à la Direction générale de Pôle Emploi une copie certifiée conforme du jugement en précisant si celui-ci a fait ou non l’objet d’un appel,


- dit que la société Kéolis Lyon devra transmettre à M. I C dans le délai d’un mois suivant la notification de la présente décision un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes ainsi qu’un bulletin de salaire récapitulatif,


- dit n’y avoir lieu à se réserver le droit de liquider l’astreinte, celle-ci n’étant pas sollicitée,


- condamné la Société Kéolis Lyon à verser au Syndicat National des Transports Urbains CFDT la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession par la violation des dispositions conventionnelles,


- condamné la Société Kéolis Lyon à verser à M. I C la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article
700 du code de procédure civile,


- condamné la Société Kéolis Lyon à verser au Syndicat National des Transports Urbains CFDT la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,


- débouté la Société Kéolis Lyon de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


- débouté les parties du surplus de leurs demandes,


- dit n’y avoir lieu à exécution provisoire étant rappelé qu’en application de l’article R. 1454-28 du code du travail, sont de droit exécutoires à titre provisoire les jugements qui ordonnent le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l’article R. 1454-14 dans la limite maximum de 9 mois de salaire calculées sur la moyenne des 3 derniers mois,


- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2.394,99 euros,


- condamné la Société Kéolis Lyon aux entiers dépens de la présente instance.


La société Kéolis a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 18 juin 2019.


Dans ses dernières conclusions notifiées le 17 février 2020, la société Kéolis demande à la cour:


- de constater le respect des dispositions conventionnelles, applicables relatives à la procédure conventionnelle disciplinaire et le respect des droits à la défense de M. I C,


En conséquence,
- d’infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Lyon le 28 mai 2019 en ce qu’il a considéré que le licenciement de M. I C était dépourvu de cause réelle et sérieuse,


- d’infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Lyon le 28 mai 2019 en ce qu’il l’a condamnée à verser à M. I C la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,


- d’infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Lyon le 28 mai 2019 en ce qu’il l’a condamnée à verser au Syndicat National des Transports Urbains CFDT la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession par la violation des dispositions conventionnelles


- d’infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Lyon le 28 mai 2019 en ce qu’il l’a condamnée à verser au
Syndicat National des Transports Urbains CFDT la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,


Pour le surplus,


- de confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Lyon en date du 28 mai 2019 en ce qu’il a débouté M. I C de ses demandes tendant :


- à l’annulation des sanctions disciplinaires du 29 juillet 2014, du 22 septembre 2014 et du courrier de sensibilisation du 30 juin 2015,


- au versement d’une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi en raison de non-respect de l’obligation de sécurité,


- de constater qu’elle démontre non seulement la réalité mais également la gravité des fautes reprochées à M. I C,


- de dire et juger bien fondé le licenciement pour faute grave de M. I C


- de dire et juger que la Cour est bien saisie du chef de jugement l’ayant condamnée à verser à M. I C la somme de 19.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,


- de débouter M. I C de ses demandes de dommages et intérêts au titre d’un licenciement prétendument sans cause réelle et sérieuse,


- de constater que M. I C ne rapporte pas la preuve de ce que la différence de traitement instituée par les dispositions conventionnelles réservant aux salariés cadres le versement d’une indemnité conventionnelle de licenciement en cas de faute grave serait étrangère à toute considération professionnelle,


- de débouter en conséquence M. I C de ses demandes infondées de versement d’indemnité conventionnelle de licenciement, d’indemnité de préavis et de congés payés afférents et lui ordonner le remboursement des sommes perçues à ce titre en application du jugement du Conseil de Prud’hommes de Lyon du 28 mai 2019,


- de débouter le Syndicat SNTU-CFDT de ses demandes de dommages et intérêts au titre d’une prétendue atteinte à l’intérêt collectif de la profession, aucun préjudice n’étant caractérisé du fait du respect de ses obligations,


En tout état de cause,
- de condamner M. I C et le Syndicat SNTU-CFDT solidairement à lui verser la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens.


Dans ses dernières conclusions notifiées le 13 décembre 2019, M. I C et le syndicat national des transports urbains SNTU-CFDT demandent pour leur part à la cour:


Sur l’appel principal,


- de dire et juger recevable mais mal fondé l’appel principal de la
société Keolis Lyon ;


- de dire et juger que la cour n’est pas saisie du chef de jugement ayant condamné la société Keolis Lyon à lui verser la somme de « 19.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;


- de confirmer le jugement critiqué en ce qu’il a :


- dit que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,


- condamné en conséquence la société Keolis Lyon à lui verser les sommes de :

Avec intérêt au taux légal à compter du 12 août 2016, date de réception de la convocation par l’employeur devant le bureau de conciliation valant mise en demeure,


-5.291,12 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, et 529,11 euros au titre des congés payés afférents,


-3.703,78 euros au titre de l’indemnité de licenciement,


- ordonné le remboursement par la société Keolis Lyon aux organismes concernés des indemnités de chômage versées du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de quatre mois dans les conditions prévues à l’article L.1235-4 du code du travail,


- dit que le secrétariat greffe en application de l’article R.1235-2 du code du travail adressera à la Direction générale de Pôle Emploi une copie certifiée conforme du jugement en précisant si celui-ci a fait ou non l’objet d’un appel,


- dit que la société Keolis Lyon devra lui transmettre dans le délai d’un mois suivant la notification de la présente décision un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes ainsi qu’un bulletin de salaire récapitulatif,


- condamné la société Keolis Lyon à verser au Syndicat National des Transports Urbains CFDT la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession par la violation des dispositions conventionnelles,


- condamné la
société Keolis Lyon à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


- condamné la société Keolis Lyon à verser au Syndicat National des Transports Urbains CFDT la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


- débouté la société Keolis Lyon de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


- condamner la société Keolis Lyon aux entiers dépens de la présente instance,
Sur l’appel incident,


-de dire et juger recevable et bien fondé son appel,


Statuant à nouveau sur le chef de jugement critiqué :


A titre subsidiaire, si la Cour se considérait saisie du chef de jugement relatif au montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,


- de condamner la société Keolis Lyon à lui verser la somme de 26.500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,


A titre principal,


- d’annuler les sanctions disciplinaires du 29 juillet 2014, du 22 septembre 2014 et du 30 juin 2015 ;


- de dire et juger que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité à son égard ;


- de condamner la société Keolis Lyon à lui payer 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi en raison de non-respect de l’obligation de sécurité ;


A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour d’appel infirmait le jugement du Conseil de Prud’hommes et considérait que le licenciement reposait sur une faute grave,


- de condamner la société Keolis Lyon à lui verser la somme de 1.785,75 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement en application du principe d’égalité de traitement,


En tout état de cause,


- de rejeter toutes les demandes, fins et conclusions contraires,


-condamner la société Keolis Lyon à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure ;


- de condamner la société Keolis Lyon à payer au Syndicat National des Transports Urbains CFDT la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure ;


- de condamner la même aux entiers dépens.


L’ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 11 janvier 2022.


Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION


À titre liminaire, la cour rappelle qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de «constatations» ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques ou qu’elles constituent en réalité des moyens.

Sur la demande d’annulation des sanctions disciplinaires des 29 juillet 2014, 22 juillet 2014 et 30 juin 2015:
Il résulte de l’article L1333-1 du code du travail :


- qu’en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction;


- que l’employeur doit fournir au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction ;


- qu’au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles;


- que si un doute subsiste, il profite au salarié.


Selon l’article L 1333-2 du code du travail le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

* Sur la demande d’annulation de la sanction disciplinaire du 29 juillet 2014 :


Il résulte des pièces versées au dossier que le 29 juillet 2014, le salarié a été sanctionné par avertissement pour avoir, le 26 juin 2014, traité à deux reprises les membres d’une équipe de la DCI de 'branleurs', pour avoir tenté de discréditer les membres de cette équipe auprès de la clientèle et pour avoir refusé de rendre à son chef de groupe une déclaration d’incident au sujet de ces faits.

M. I C affirme qu’il n’a prononcé aucune insulte ni eu de comportement discréditant à l’encontre de l’équipe de la DCI et soutient que l’employeur ne démontre pas la réalité des faits reprochés.


La société Keolis réplique que :


- les propos et l’attitude du salarié sont établis par un signalement de l’équipe DCI et une attestation de M. Y,


- le salarié n’a pas rédigé de déclaration d’incident afin de faire connaître sa version des faits à la société.


Aucune déclaration d’incident rédigée par M. I C concernant les faits du 26 juin 2014 n’est effectivement versée aux débats.

M. I C ne conteste pas l’absence de remise de ce document à l’employeur mais soutient que la déclaration d’incident a été endommagée par un pot de yaourt qui s’est ouvert dans son sac.


Il indique avoir cependant rédigé un courrier le 4 juillet 2014 à l’attention de l’employeur mais la cour relève avec la partie appelante que ce courrier, produit en pièce 12, n’est pas signé et qu’il n’est pas justifié de sa remise à la société Keolis Lyon.


Il résulte par ailleurs d’un courriel de M. K Y, membre de l’équipe DCI présent dans le bus le 26 juin 2014 et d’une attestation rédigée par celui-ci le 21 décembre 2017 que M. I C, agacé par un contrôle de l’équipe DCI ayant pour conséquence de retarder son bus, a refusé d’ouvrir les portes du fond du véhicule à la demande de son collègue et s’est adressé ainsi à M. Y : 'vous êtes tous des branleurs'.


La matérialité de ces faits, qui caractérisent une insulte et sont de nature à discréditer l’action de l’équipe DCI aux yeux des passagers ayant assisté à l’échange, est ainsi établie.
En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, rejette la demande d’annulation de la sanction disciplinaire du 29 juillet 2014.

* Sur la demande d’annulation de la sanction disciplinaire du 22 septembre 2014:


Au soutien de sa demande d’annulation, M. I C fait tout d’abord valoir qu’il n’a jamais eu connaissance du courrier du 22 septembre 2014 lui notifiant un blâme pour avoir traité une cliente de 'connasse'.


Ainsi que le fait justement remarquer le salarié :


- il n’est pas justifié de la remise en main propre de ce blâme dans la mesure où la signature apposée sur ce document diffère nettement de sa signature telle qu’elle figure sur la déclaration d’incident du 5 février 2016 ou encore sur le document de synthèse du 12 février 2016 produit en pièce 6 et 7 de la partie appelante


- il résulte du courrier de réclamation de la cliente concernée, Mme Z, que l’employeur était informé depuis le 24 juillet 2014 des faits et qu’il a choisi de ne pas les sanctionner à l’occasion de l’avertissement notifié au salarié quelques jours plus tard, soit le 29 juillet 2014, épuisant ainsi son pouvoir disciplinaire.


En conséquence la cour, infirmant le jugement de ce chef, annule la sanction disciplinaire du 22 septembre 2014.

*Sur le courrier de sensibilisation du 30 juin 2015:


Au soutien de sa demande d’annulation, M. I C fait valoir que ce courrier de sensibilisation constitue une sanction irrégulière puisqu’elle ne figure pas au règlement intérieur.


La société Keolis conteste le caractère de sanction disciplinaire de ce courrier et fait valoir qu’il s’agit d’un simple rappel à l’ordre visant à rappeler au salarié ses obligations professionnelles ainsi que les règles relatives aux équipes de contrôle DCI.


Il résulte de l’article L1331-1 du code du travail que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.


En l’espèce, le courrier dit de sensibilisation du 30 juin 2015 reproche au salarié d’avoir refusé d’accéder à la demande du chef de bord d’une équipe DCI d’arrêter le bus à l’arrêt Saint Exupéry, fait état d’antécédents de problèmes relationnels avec des équipes DCI et mentionne expressément que l’employeur sera amené à prendre 'à nouveau’ des mesures disciplinaires à l’encontre du salarié si ces problèmes se reproduisaient.


Par application des dispositions de l’article L1331-1 du code du travail rappelées ci-dessus, ce courrier de sensibilisation constitue une sanction disciplinaire ce qui est confirmé par le fait qu’il figurait dans le dossier d’instruction de la procédure disciplinaire ayant conduit au licenciement.


Il est établi que cette sanction ne figure pas au règlement intérieur.


Or, une sanction disciplinaire autre que le licenciement ne peut être prononcée contre un salarié par un employeur employant habituellement au moins vingt salariés que si elle est prévue par le règlement intérieur prescrit par l’article L. 1311-2 du code du travail.
En conséquence la cour, infirmant le jugement de ce chef, annule la sanction disciplinaire du 30 juin 2015.

Sur le licenciement :


Selon l’article 17 de la Convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs, sauf les cas visés à l’article 58, les agents titulaires ne peuvent être licenciés que pour faute grave et sur avis motivé du conseil de discipline.

* Sur la régularité de la procédure conventionnelle de licenciement :


La consultation d’un organisme chargé, en vertu d’une disposition conventionnelle, de donner un avis sur une mesure disciplinaire envisagée par l’employeur constitue pour le salarié une garantie de fond et que le licenciement prononcé sans que cet organisme ait été consulté et ait rendu son avis selon une procédure régulière ne peut avoir de cause réelle et sérieuse.


En matière disciplinaire, la Convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains prévoit :


- en son article 52 que :

''Lorsqu’un agent titulaire doit être déféré devant le conseil de discipline, son dossier ainsi que les pièces relatives aux faits qui lui sont reprochés sont transmis au chef de service qui est chargé de l’instruction. Celui-ci examine le dossier, avise l’intéressé, fait les enquêtes complémentaires qu’il juge nécessaires, réunit tous les documents susceptibles d’éclairer le conseil de discipline et fait un rapport.

Le chef de service chargé de l’instruction entend l’intéressé et lui donne communication de son dossier et des pièces relatives aux faits reprochés. Le chef de service dresse, séance tenante, un procès-verbal de l’audience qu’il fait signer par l’agent et par l’assistant de celui-ci, après leur en avoir donné lecture.

L’agent est autorisé à prendre des notes en vue de sa défense.'


- en son article 54 que :

'Le conseil de discipline est convoqué par le directeur du réseau qui en fixe l’ordre du jour. Il est réuni au jour indiqué dans la convocation et, dans le cas de suspension de service, six jours au plus tard après la date de mise en suspension de l’agent.

Dans le cas où l’agent n’est pas suspendu, il doit être avisé de sa comparution devant le conseil huit jours au moins avant la réunion de ce conseil.

Le président dirige les débats. Le chef de service chargé de l’instruction est rapporteur et communique au conseil de discipline son rapport et toutes les pièces de l’enquête.

L’agent et son assistant sont convoqués pour être entendus par le conseil de discipline. Après délibération, le conseil émet son avis sur la sanction disciplinaire à appliquer à l’agent qui lui est déféré.

La délibération et le vote du conseil ont lieu hors de la présence de toutes personnes étrangères à ce conseil. Le président peut néanmoins faire appeler avant le vote le chef de service chargé de l’instruction et le chef de service dont dépend l’agent pour leur demander tous renseignements utiles, sous réserve d’avertir l’agent et son assistant qu’ils sont libres de se présenter en même temps devant le conseil afin de produire leurs observations.

Le vote a lieu au scrutin secret si un membre du conseil en fait la demande.

Le président recueille les voix sans voter lui-même et transmet l’avis du conseil de discipline du réseau qui détermine la sanction à appliquer.

Tout agent déféré au conseil de discipline peut, avant de comparaître devant le conseil, demander à être entendu par le directeur du réseau ou son représentant ; celui-ci fixe le jour et l’heure de l’audience à laquelle peut assister le chef de service de l’agent.'


En l’espèce, le jugement déféré a considéré que le licenciement n’était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse en raison d’un non respect de la procédure conventionnelle de licenciement pour les motifs suivants :


- le constat d’incident de M. A du 5 février 2016 et le courriel de transmission à M. B daté du même jour ont été communiqués à M. I C le 18 avril, jour de sa comparution devant le conseil de discipline de sorte que :

* ce dernier n’a pas eu le temps de les étudier et de préparer d’éventuels commentaires

* il a été privé de la faculté de demander à être entendu par le directeur de réseau


- M. I C n’a donc pas été mis en mesure d’assurer utilement sa défense conformément aux dispositions conventionnelles instituant une garantie de fond.


La convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs institue une procédure conventionnelle de licenciement que l’on peut résumer ainsi :


- selon son article 52, le dossier est instruit par le chef de service, l’agent est entendu par ce dernier qui lui donne connaissance de son dossier et des pièces relatives aux faits reprochés et dresse un procès-verbal de l’audience


- selon ce même article: avant de comparaître devant le conseil de discipline, l’agent peut demander à être entendu par le directeur du réseau


- selon son article 54 :

* s’il n’est pas suspendu, l’agent est convoqué au moins huit jours avant la réunion du conseil de discipline

* lors de la réunion du conseil de discipline, le chef de service rapporte le dossier et communique au conseil son rapport ainsi que toutes les pièces de l’enquête

* l’agent et son assistant sont entendus par le conseil de discipline

* après délibération, le conseil émet son avis sur la sanction disciplinaire à appliquer à l’agent qui lui est déféré

* l’agent et son assistant doivent être mis en mesure de produire leurs observations sur tous les renseignements éventuellement demandés avant le vote par le président du conseil de discipline au chef de service chargé de l’instruction et au chef du service dont dépend l’agent


- après délibération, le conseil émet son avis sur la sanction disciplinaire à appliquer à l’agent qui lui est déféré (article 54).


En l’espèce, les parties s’entendent sur les points suivants :


- les articles 52 à 55 de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs instituent des garanties de fond


- lorsque le salarié a été empêché d’assurer utilement sa défense par suite d’une violation d’une garantie de fond, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse


- la communication à l’agent des pièces de son dossier et des pièces relatives aux faits reprochés a pour objectif de lui permettre de préparer correctement sa défense.


Il résulte du compte rendu de l’audition de M. I C réalisée le 18 avril 2016 par Mme L M dans le cadre de la phase d’instruction que le dossier de la procédure disciplinaire était constitué des documents suivants :


- pièce 1 : un document de synthèse de M. I C du 10 février 2016


- pièce 2 : la déclaration d’incident de M. I C datée du 5 février 2016


- pièce 3 la convocation à l’entretien préalable du 24 février 2016


- pièce 4 : le compte rendu d’entretien préalable du 15 mars 2016


- pièce 5 : la convocation de M. I C à son audition et au conseil de discipline datée du 4 avril 2016


- pièce 6 : l’audition de M. B du 7 avril 2016


- pièce 7 : l’audition de M. X du 12 avril 2016


- pièce 8 : l’avertissement du 29 juillet 2014


- pièce 9 : le blâme du 22 septembre 2014


- pièce 10 : le courrier de sensibilisation du 30 juin 2015.


Le courrier de convocation du 4 avril 2016 mentionnant expressément que le dossier ainsi que les pièces relatives aux faits reprochés sont tenues à la disposition de M. I C pour consultation au bureau de Mme L M.


Le salarié ne soutient pas avoir été empêché de procéder à cette consultation.


Les dispositions conventionnelles ne prévoient aucun délai minimum entre la consultation des pièces par le salarié et son audition dans le cadre de la phase d’instruction.


Les droits de la défense ont donc été respectés sur ce point.


Il est constant qu’après l’audition de M. I C le 18 avril 2016, Mme L M a ajouté deux autres documents au dossier d’instruction de la procédure disciplinaire qui ont été transmis au salarié le jour du conseil de discipline, le 19 avril 2016 à savoir :


- une pièce 11 intitulée 'audition de M. I C du 18 avril 2016"
- une pièce 12 intitulée 'constat du 5 février 2016 et courriel de M. X à M. B en date du 5 février 2016".


S’agissant de la pièce numéro 11, le salarié avait nécessairement connaissance des termes de son audition depuis le 18 avril 2016.


La pièce numéro 12 est constituée :


- d’un document intitulé 'constat’ daté du 5 février 2016 ayant pour auteur M. X rédigé ainsi : 'Vendredi 05/02/2016 à 18h30 j’étais en poste fixe sur la gare de Vaise j’ai demandé à Mr C de se mettre en place au départ de sa ligne 43 il m’a répondu je fais ce que je veux je suis en pose je suis descendu de la voiture pour lui redire et il m’a dit tu es grillé bouffon j’ai dû quitter la Gare car le PC avait besoin de moi sur le centre-ville !!'.


- d’un courriel de M. X daté du 5 février 2016 à 19h37, adressé à M. B, M. D et M. E, intitulé 'constat’ et rédigé ainsi : 'constat de Mr C. Cordialement'.


Selon M. I C, cette pièce numéro 12 a pour seul objet d’établir que M. X a bien rédigé son constat le 5 février 2016, ce qu’il conteste.


Cependant, outre que le salarié ne démontre pas qu’il n’a pas été en mesure de s’expliquer devant le Conseil de discipline sur cette pièce au contenu très succinct, aucun élément n’établit que, comme il le soutient, ladite pièce a faussé la procédure disciplinaire et l’appréciation des faits par le Conseil de discipline en faisant abusivement penser que le constat de Monsieur X avait été spontané alors qu’il a été rédigé en réponse à sa propre déclaration d’incident.


Il résulte de tous ces éléments que la procédure disciplinaire conventionnelle n’a pas été méconnue et que les droits de la défense de M. I C n’ont pas été violés.

* Sur le bien fondé du licenciement:


Selon l’article 17 de la Convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs, sauf les cas visés à l’article 58, les agents titulaires ne peuvent être licenciés que pour faute grave et sur avis motivé du conseil de discipline.


Par application de l’article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement individuel doit reposer sur une cause réelle et sérieuse.


Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles; si un doute subsiste, il profite au salarié.


Par ailleurs, il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail, ce dernier dans sa version antérieure à l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.


La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.


L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve, laquelle doit reposer sur des faits précis et matériellement vérifiables, qu’il doit reprendre dans la lettre de licenciement prévue par l’article L1232-6 du code du travail, cette lettre fixant ainsi les limites du litige.


En l’espèce, M. I C conteste la matérialité des griefs invoqués dans la lettre de licenciement et soutient qu’en toute hypothèse, ces griefs ne revêtent pas une gravité suffisante pour justifier un licenciement pour faute grave.


Au soutien de sa prétention, il fait valoir que :


-la société ne démontre pas qu’il a tenu des propos insultants envers M. X,


-il se trouvait en pause lorsque M. X lui a demandé de mettre son bus en place au départ de sa ligne et que cette demande ne revêtait aucun caractère d’urgence ou de nécessité,


-l’injonction de M. X présentait un caractère autoritaire et abusif,


- ces faits ne sont pas la cause véritable de son licenciement, la société souhaitant mettre un terme à la relation contractuelle,


- ces faits ne revêtent pas de caractère de gravité particulier car ils se sont produits pendant sa pause, que la demande de M. X n’avait aucun caractère urgent ou nécessaire, et qu’il a repris son service après sa pause sans avoir gêné la circulation des autres bus,


-il n’a tenu aucun propos insultant envers M. X.


La société Keolis réplique que la réalité du comportement fautif du salarié est établie ainsi que la gravité de ces manquements.


Au soutien de sa prétention, elle fait valoir que :


-au regard des règles et procédures internes, le salarié était informé de la possibilité d’être sanctionné en cas d’insubordination,


-les faits ne sont pas remis en cause par le salarié, sauf les propos tenus lors de l’échange,


-le salarié est défaillant dans la démonstration des propos tenus ou non lors de l’échange,


-la demande faite par M. X de déplacer son bus ne revêtait aucun caractère provoquant ou exagéré, mais consistait en une simple demande d’explication au sujet des consignes édictées en gare de Vaise, dont le salarié était parfaitement informé,


-le salarié a refusé délibérément à deux reprises de se conformer aux directives du chef de ligne, ce qu’il a reconnu mais dont il tente de minimiser la portée,


-le conseil de discipline a voté en faveur d’une sanction disciplinaire à l’encontre du salarié,


-le salarié a tenu des propos insultants à l’égard de M. X,


-le salarié a persisté dans son comportement malgré les sanctions disciplinaires précédentes.


-le salarié est défaillant dans la démonstration de prétendues pressions de la part des agents de maitrise.


Il résulte des termes de la lettre de licenciement retranscrits ci-dessus que M. I C a été licencié en raison d’un acte d’insubordination et d’une insulte envers un agent de maîtrise et plus précisément pour avoir, le 5 février 2016 à 18h30, refusé d’obéir à l’ordre d’un chef de ligne lui demandant de se mettre son bus au départ de sa ligne et de s’être adressé à lui en ces termes: 'tu t’es grillé bouffon', ce malgré plusieurs sanctions disciplinaires antérieures pour des faits similaires.


Dans sa déclaration d’incident rédigée le 5 février 2016, M. I C indique avoir reçu l’ordre de M. X de 'mettre son bus au départ’ de la ligne 43 au motif qu’il gênait la circulation et reconnaît ne pas avoir 'écouté ni même répondu'.


Cependant, il n’est pas contesté qu’à ce moment, le salarié était en pause de sorte que l’ordre reçu ne pouvait être justifié que par la nécessité de le faire remonter à bord de son bus.


Or, il résulte des photographies versées aux débats en pièces 32 qu’au moment des faits, la gare de Vaise était totalement vide de sorte que le bus ne gênait pas la circulation et qu’il n’était pas nécessaire d’exiger du salarié qu’il interrompe sa pause de 12 minutes.


En conséquence, l’acte d’insubordination reproché au salarié, bien que caractérisé, ne revêt pas pour autant un caractère fautif.


S’agissant des insultes, M. I C conteste avoir tenu les propos qui lui sont reprochés et les déclarations de M. X ne sont corroborées par aucun élément.


La matérialité de ces faits n’est donc pas établie.


En conséquence et par application des articles susvisés, le licenciement est abusif.


Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

M. I C peut donc prétendre à une indemnité compensatrice de préavis dont le montant de 5 291,12 euros n’est pas discuté.


En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, condamne la société Keolis Lyon à payer à M. I C la somme de 5 291,12 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 529,11 euros de congés payés y afférents.


Le salarié sollicite également le paiement d’une indemnité légale de licenciement.


Le montant n’étant pas discutée, la cour, confirmant le jugement de ce chef, condamne également la société Keolis Lyon à payer à M. I C la somme de 3703,78 euros à ce titre.


S’agissant de la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié fait justement valoir que la déclaration d’appel ne critique pas ce chef de jugement de sorte que la cour n’en est pas saisie.

Sur la demande de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité:


Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur est tenu, pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, de prendre les mesures nécessaires qui comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d’information et de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés; l’employeur doit veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.


La réparation d’un préjudice résultant d’un manquement de l’employeur suppose que le salarié qui s’en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d’une part la réalité du manquement et d’autre part l’existence et l’étendue du préjudice en résultant.


Au soutien de sa demande de dommages-intérêts d’un montant de 5000 euros, M. I C affirme que la société a commis plusieurs manquements à son obligation de sécurité de résultat.


Au soutien de sa prétention, il fait valoir que :


-l’employeur n’a pas mis en oeuvre de mesures pour préserver la santé mentale de ses salariés soumis à un stress permanent lié à la politique de ponctualité mise en place par la société imposant aux chauffeurs des horaires stricts, à la minute près, ainsi qu’un affichage lumineux placé au-dessus du poste de conduite destiné à indiquer le retard cumulé du bus


-l’employeur n’a pas réagi aux agressions subies régulièrement de la part des voyageurs et ayant donné lieu, pour certaines, à des dépôts de plaintes les 28 mai et 22 décembre 2014, ni à sa demande de changement de ligne du 23 décembre 2014 qui aurait permis d’éviter une nouvelle agression survenue le 17 décembre 2015


-l’employeur n’a pris aucune mesure après qu’il ait été agressé physiquement par son collègue de travail, M. G, le 12 juin 2012, a au contraire exercé des pressions pour qu’il retire sa plainte et a laissé la situation s’envenimer entre lui et les agents de maîtrise, ce qui est à l’origine d’un 'effondrement’ sur son lieu de travail le 11 février 2016 et son placement en affection longue durée le 8 juin 2016.


La société Keolis réplique qu’aucun manquement ne peut lui être reproché et fait valoir que :


-le salarié ne s’est pas rapproché de ses instances représentatives du personnel en raison du prétendue pression permanente liée à la ponctualité,


-le salarié ne démontre pas de préjudice,


-elle a mis en oeuvre de mesures afin de réduire les risques psycho-sociaux et le stress, notamment :


-un DUER prévoyant un accompagnement en matière de risques psycho-sociaux,


-un accord sur la sécurité du 9 janvier 2012, prévoit un accompagnement individuel renforcé des agents,


-une démarche Mieux Etre en entreprise destinée à améliorer les conditions de travail et la prévention des risques psycho-sociaux,


-le respect des horaires correspond à l’exercice même du métier de conducteur receveur,


-les plaintes du salarié à la suite des agressions ont été classées sans suite,


-chaque incident avec les voyageurs a été géré par l’équipe de contrôle de sécurité,


-le salarié a pu bénéficier de la procédure des agents agressés prévue au protocole de sécurité de la société, ainsi que de l’accompagnement juridique ayant permis de faire condamner son agresseur,


-il a été mis en place au sein de la société une importante politique concertée de prévention des agressions sur le réseau et des risques psycho-sociaux pouvant en découler,


-le salarié ne démontre pas que les agents de maitrise ont exercé une pression à son encontre. M. I C ne rapporte pas la preuve de ce que la présence de l’affichage lumineux installé au-dessus des conducteurs pour informer du retard cumulé et l’obligation de respecter les horaires de la ligne sont génératrices de stress et de nature à porter atteinte à sa santé mentale.


Il résulte des 2 procès verbaux de dépôt de plainte datés des 28 mai 2014 et 22 décembre 2014 ainsi que du courrier de réclamation d’un client daté du 30 mai 2014 que M. I C a fait l’objet de deux agressions verbales sous formes d’insultes de la part d’un passager du bus – M. H – et d’un automobiliste.


Par courrier du 23 décembre 2014, il a demandé à l’employeur à pouvoir changer de dépôt provisoirement ou de ligne suite à ces agressions.


A cette époque, l’employeur n’a pas contesté la réalité de ces agressions et n’en a pas imputé la responsabilité au salarié comme il le fait désormais dans ses conclusions.


De même, la société Keolis Lyon ne justifie pas des suites données à la réclamation du 30 mai 2014 de M. H, dans laquelle ce client explique que le comportement de M. I C à son égard est à l’origine de l’altercation survenue le 28 mai 2014.


Comme le relève justement M. I C il ressort à la fois du dépôt de plainte et du courrier de réclamation du 30 mai 2014, que M. H était un habitué de la ligne et qu’un différent opposait les deux hommes depuis plusieurs mois.


Cependant, le salarié indique lui-même dans son dépôt de plainte qu’il n’avait jamais pensé à signaler les antécédents.


S’il n’est pas contesté que la société Keolis Lyon n’a jamais répondu à la demande de mutation de M. I C, et qu’il est constant que le salarié a de nouveau été agressé, cette fois physiquement, par un autre passager le 17 décembre 2015, ces éléments ne suffisent pas à caractériser un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité dans la mesure où:


- il n’est pas établi que la ligne 40 à laquelle M. I C était affecté l’exposait à un risque d’agression particulièrement élevé et que la mutation sur une autre ligne était de nature à prévenir toute nouvelle agression, notamment celle survenue le 17 décembre 2015


- la société Keolis Lyon justifie de la mise en place de nombreuses mesures destinées à évaluer et à prévenir les agressions et leurs conséquences psychologiques sur les salariés: DUER, accord du 9 janvier 2012 sur l’application et les avancées de l’accord cadre de 2007 relatif à la sécurité des personnes et des biens comprenant notamment des actions de prévention (actions de formation des salariés, présence d’agents de la DCI notamment) et des actions d’accompagnement des salariés victimes d’agressions ou d’incidents destinées à en limiter les conséquences au plan corporel ou psychique


- à la suite des agressions dont M. I C a été victime, il a pu bénéficier de ces mesures en faisant appel au PC sécurité qui a organisé l’intervention des agents de la TCL ou de la police.


Enfin, aucune des pièces versées aux débats ne vient confirmer les allégations de M. I C relatives à l’existence de tensions avec 'les agents de maîtrise’ – dont les noms ne sont pas précisés – ni le lien entre ces tensions et l’arrêt de travail pour une affection de longue durée pris en charge par la CPAM le 8 juin 2016.


En conséquence, la cour, confirmant le jugement de ce chef, rejette la demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité.
Sur la demande de dommages et intérêts présentée par le syndicat national des transports urbains SNTU-CFDT :


En vertu de l’article
L 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels peuvent agir en justice pour obtenir la réparation d’un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.


En l’espèce, le syndicat national des transports urbains SNTU-CFDT sollicite la confirmation du jugement ayant condamné la société Keolis Lyon à lui payer la somme de 500 euros en réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession par la violation des dispositions conventionnelles.


Il soutient que l’employeur n’a pas respecté :


-les dispositions conventionnelles en matière de procédure disciplinaire,


-l’article 61 de la convention collective en refusant de verser au salarié l’indemnité conventionnelle de licenciement,


-l’article 9 de l’accord du 17 avril 2007 en ne proposant pas un soutien psychologique et médical au salarié lors de son agression physique en décembre 2015 et en refusant de le changer de ligne malgré sa demande.


La société Keolis réplique que l’intervention du syndicat national des transports urbains SNTU-CFDT n’est pas justifiée et fait valoir que :


-la procédure conventionnelle de licenciement a été respectée,


-les dispositions de l’article 31 concernant l’indemnité conventionnelle, ne s’appliquent qu’au personnel cadre,


-elle a mis en oeuvre l’ensemble des mesures d’accompagnement prévues en cas d’agression d’un salarié.


Il résulte des motifs ci-dessus que la procédure disciplinaire prévue par la
convention collective a été respectée.


Le salarié ne sollicite pas l’indemnité conventionnelle de licenciement mais l’indemnité légale de licenciement dont le montant s’avère être supérieur.


En revanche, alors que l’accord collectif du 17 avril 2007 prévoit un dispositif de soutien psychologique destiné aux salariés victimes d’agressions, la société Keolis Lyon ne justifie pas avoir mis M. I C en mesure de bénéficier de ce soutien à la suite de l’agression du 17 décembre 2015.


La méconnaissance de l’article 9 de l’accord collectif du 17 avril 2007 constitue bien une atteinte à l’intérêt collectif de la profession que le syndicat national des transports urbains SNTU-CFDT représente et qui mérite d’être réparée à hauteur de 500 euros.


Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur le remboursement des sommes payées au salarié par Pôle Emploi:


Selon l’article
L1235-4 du code du travail dans sa version applicable au litige: "Dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.


Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées".


S’agissant d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu d’ordonner, d’office et par application de l’article L 1235-4 du code du travail, le remboursement par la société Keolis Lyon à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à M. I C à la suite de son licenciement, dans la limite de 4 mois de prestations.


Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la remise des documents de fin de contrat sous astreinte:


La société Keolis Lyon sera également condamnée à remettre à M. I C dans les 6 semaines du prononcé du présent arrêt les documents de fin de contrat et un dernier bulletin de salaire dûment rectifiés au vu des dispositions du présent arrêt.

Sur les demandes accessoires:


Partie perdante, la société Keolis Lyon supportera la charge des dépens de première instance et d’appel.


Par ailleurs, M. I C a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu’en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.


Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Keolis Lyon à lui payer la somme de 1500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, et de condamner cet employeur à lui payer sur le même fondement une indemnité de 1500 euros au titre des frais qu’il a dû exposer en appel.


Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a condamné la société Keolis Lyon à payer au syndicat national des transports urbains SNTU-CFDT la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la partie appelante sera également condamnée à payer à cette partie la somme de 500 euros au titre des frais et honoraires exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour


Confirme le jugement entrepris, SAUF en celles de ses dispositions ayant rejeté les demandes d’annulation des sanctions disciplinaire du 22 septembre 2014 et du 30 juin 2015 ;


Et statuant à nouveau sur ces chefs :


ANNULE les sanctions disciplinaires du 22 septembre 2014 et du 30 juin 2015 ;


CONDAMNE la société Keolis Lyon à remettre à M. I C dans les 6 semaines du prononcé du présent arrêt les documents de fin de contrat et un dernier bulletin de salaire dûment rectifiés au vu des dispositions du présent arrêt ;
CONDAMNE la société Keolis Lyon à payer à M. I C la somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et au syndicat national des transports urbains SNTU-CFDT la somme de 500 euros sur le même fondement ;


CONDAMNE la
société Keolis Lyon aux entiers dépens de première instance et d’appel ;


DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le greffier La Présidente

N O P Q
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Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 8 avril 2022, n° 19/04213