Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 10 mars 2021, n° 16/00573

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 1re ch. soc., 10 mars 2021, n° 16/00573
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 16/00573
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Perpignan, 14 décembre 2016, N° 15/00230
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

IC/VD

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 10 MARS 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 16/00573 – N° Portalis

DBVK-V-B7A-M6RN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 DECEMBRE 2016

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN – N° RG 15/00230

APPELANT :

Monsieur B X

[…]

[…]

Représenté par Maître Fanny LAPORTE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER et

Maître Merryl SOLER, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

INTIMEE :

S.A.S. SADEF représenté par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social

[…]

[…]

Représentée par Maître Emily APOLLIS de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS – AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER et Maître Claire DERUBAY de la SCP DERUBAY – KROVNIKOFF, avocat plaidant au barreau d’ORLEANS

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 23 Décembre 2020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 JANVIER 2021, en audience publique, Monsieur D E ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur D E, Président de chambre

Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère

Madame Marianne FEBVRE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière, lors des débats : Madame Isabelle CONSTANT

ARRET :

— Contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ;

— signé par Monsieur D E, Président de chambre, et par Madame Isabelle CONSTANT, Greffière.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon contrat de travail à durée indéterminée du 1er septembre 1996, M. B X a été engagé par la SA Maison Antoine Delonga en qualité de responsable d’un magasin à l’enseigne « MR. Y », situé à Perpignan.

Six avenants ont ensuite été signés avec l’employeur devenu la SAS SADEF :

— le 22 janvier 2008 : promotion en qualité de chef de magasin, cadre débutant, dans le cadre d’un forfait annuel en jours (durée maximale de 216 jours travaillés par an),

— le 29 octobre 2008 à effet au 1er novembre 2008 : promotion en qualité de directeur de magasin 1er échelon catégorie cadre classification niveau 5 degré L coefficient 400, dans le cadre d’un forfait annuel en jours (durée maximale de 225 jours travaillés par an),

— le 7 mai 2010 à effet au 1er mai 2010 : mutation au sein de l’établissement de La Chapelle-Saint-Mesmin (45) en qualité de chargé de travaux, la classification demeurant inchangée,

— le 10 juin 2010 : mise à disposition à compter du 1er mai 2010 d’un véhicule de service,

— le 1er juillet 2014 : trois avenants

*portant nomination du salarié en qualité de directeur de magasin, la classification demeurant inchangée, dans le cadre d’un forfait annuel en jours identique au précédent, affecté au magasin de Perpignan,

*avec délégation de pouvoirs du même jour portant sur différents secteurs,

*avec autorisation de transporter des fonds et de les déposer en banque.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié percevait une rémunération mensuelle brute de 4.250 €.

La convention collective nationale du Y (vente au détail en libre-service) du 30 septembre 1991 est applicable.

Du 15 au 28 octobre 2014 inclus, la SA MR Y a organisé un jeu promotionnel intitulé « Le grand jeu Le mois des économies » dans l’intégralité des magasins de l’enseigne de France métropolitaine ainsi que sur internet.

Par lettre du 13 novembre 2014, l’employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à son licenciement, fixé le 28 novembre 2014, et lui a confirmé la mise à pied à titre conservatoire notifiée le 12 novembre 2014.

Par lettre du 5 décembre 2014, il lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Le 24 mars 2015, faisant valoir pour l’essentiel que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, que des rappels de salaire lui étaient dus au titre d’heures supplémentaires et des repos compensateur non pris, M. B X a saisi le conseil de prud’hommes de Perpignan.

Par jugement du 15 décembre 2016, le conseil de prud’hommes a

— requalifié le licenciement pour faute grave de M. B X en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— condamné la Société SADEF à payer à ce dernier les sommes suivantes :

*25.500 € au titre de l’indemnité de licenciement,

*12.750 € au titre du préavis,

*1.275 € au titre des congés sur préavis,

*3.280 € au titre du rappel de salaire sur mise à pied,

*328 € au titre des congés payés sur rappel de salaire,

*8.726,67 € au titre du rappel de salaire sur jours non payés,

*872,66 € au titre des congés payés sur rappel de salaire sur jours non payés,

— condamné la Société SADEF à rectifier les bulletins de salaire et à payer au salarié la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

— débouté les parties de leurs autres demandes,

— condamné la Société SADEF aux entiers dépens.

Par déclaration du 21 décembre 2016, M. B X a régulièrement interjeté appel total de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 22 décembre 2020, M. B X demande à la Cour de

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société SADEF à lui verser les sommes au titre de l’indemnité de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents, du rappel de salaire sur mise à pied annulée et congés payés y afférents ;

— infirmer le jugement en ce qu’il a débouté les parties de leurs autres demandes ;

— fixer à 4.250 € la moyenne mensuelle pour l’application de l’article R.1454-28 du Code du travail ;

— condamner la SAS SADEF à lui verser

*88.000 € d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*4.250 € nets à titre du non-respect de la procédure de licenciement,

*5.000 € nets pour non-respect de la qualification de la convention collective relative aux classifications des cadres,

*condamner la SAS SADEF du fait de la convention de forfait jour privée d’effet à lui verser :

*44.310, 89 € bruts au titre des heures supplémentaires,

*4.429,09 € bruts au titre des congés sur heures supplémentaires,

*24.888,05 € nets au titre des repos compensateurs non pris,

*2.488,80 € € nets au titre des congés sur repos compensateurs non pris ;

A titre subsidiaire si le forfait jour pouvait lui être appliqué, de faire application de l’article L.3121-37 du code du travail puisque la rémunération est manifestement inférieure à la durée de son travail et condamner la Société SADEF à lui verser la somme de 76.000 € à titre d’indemnité pour repos compensateurs non pris, outre 7.600 € de congés payés afférents ;

A titre infiniment subsidiaire, de la condamner à lui verser la somme de 8.726,67 € au titre des jours travaillés au-delà du forfait et non rémunérés, ainsi que 872,66 € au titre du congé payé afférent,

— la condamner à lui payer 5.000 € nets au titre du dépassement de la durée maximale hebdomadaire des 48 heures,

*25.500 € nets au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

— condamner la SAS SADEF à lui verser la somme de 3.000 € au titre de l’ article 700 du Code de procédure civile ;

— la condamner à modifier l’attestation pour le Pôle Emploi en conséquence du jugement ;

— la condamner aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, le salarié expose pour l’essentiel que

— le forfait annuel en jours est irrégulier aux motifs, notamment, qu’il n’a pas donné son accord pour sa mise en place et que l’employeur n’a pas respecté les stipulations des accords d’entreprise et n’a de ce fait pas exercé un suivi et un contrôle permettant de vérifier sa charge de travail et la compatibilité de son travail avec sa vie familiale et personnelle,

— le licenciement pour faute grave n’est pas justifié.

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 21 décembre 2020, la SAS SADEF demande à la Cour de

— confirmer le jugement en ce qu’il a estimé que le licenciement de M. X reposait sur un motif réel et sérieux mais l’infirmer en ce qu’il a requalifié le motif en faute simple, reconnaître l’existence d’une faute grave et le débouter de ses demandes d’indemnités compensatrices de préavis, indemnité de licenciement et rappels de salaire au titre de la mise à pied conservatoire ;

— confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande au titre d’une irrégularité de procédure, validé la classification, validé le forfait annuel en jours et débouté le salarié de ses demandes au titre des heures supplémentaires et contrepartie obligatoire en repos ;

— infirmer le jugement en ce qu’il a ordonné des rappels de salaire sur jours non payés et en ce qu’il l’a condamnée à 1.000€ d’article 700 du Code de procédure civile ;

— rejeter la demande au titre de l’Article L 8223-1 du Code du travail, la demande au titre du dépassement de la durée journalière maximale de travail, la demande subsidiaire formée au titre de l’article L 3121-47 du Code du travail ;

— débouter le salarié de sa demande de modification de l’attestation Pôle Emploi ainsi que de sa demande au titre de l’article 700 ;

— le condamner à lui verser la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— le condamner aux entiers dépens de l’instance.

Au soutien de ses demandes, l’employeur expose pour l’essentiel que

— la convention de forfait en jours est valable et opposable au salarié en ce qu’il l’a acceptée au vu des différents avenants signés et en ce qu’un contrôle de la charge de travail a été opéré,

— le licenciement pour faute grave est justifié du fait du manque d’honnêteté et de probité dont le salarié a fait preuve dans l’exercice de ses fonctions.

Pour l’exposé des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 23 décembre 2020.

MOTIFS

Sur la classification.

Lorsqu’il est saisi d’une contestation sur la catégorie professionnelle qui doit être attribuée à un salarié, le juge ne peut se fonder sur les seules définitions de poste résultant du contrat de travail ou de la convention collective ; il doit rechercher la nature de l’emploi effectivement occupé par le salarié et se prononcer au vu des fonctions réellement exercées.

La charge de la preuve incombe au salarié qui revendique la classification.

En l’espèce, le salarié a été nommé le 1er juillet 2014 en qualité de directeur de magasin niveau 5 degré L coefficient 400 et revendique la classification niveau 5 degré M coefficient 500 au motif qu’il lui a été remis une délégation de pouvoirs dont l’étendue implique son affectation au coefficient supérieur.

Le salarié a signé le 1er juillet 2014 une délégation de pouvoirs portant sur les domaines d’intervention suivants : ressources humaines, législation économique (sauf s’agissant des jeux-concours organisés par le groupe), hygiène et sécurité, transport et environnement.

La grille de classification issue de la convention collective applicable définit la fonction de directeur de magasin comme suit:

« Cadre expérimenté responsable de la réalisation des objectifs commerciaux budgétaires définis par son magasin. Il est également responsable du matériel des locaux, des valeurs et des marchandises qui lui sont confiés. Il dirige, coordonne, contrôle le personnel placé sous son autorité. Il doit veiller à la sécurité dans son magasin.

Ce poste se divise en deux échelons :

-Niveau 5 degré L 1er échelon (coefficient 400) : le personnel placé sous ses ordres est constitué d’employés et d’agents de maîtrise

— Niveau 5 degré M 2e échelon (coefficient 500) : le personnel placé sous ses ordres est constitué d’employés, d’agents de maîtrise et éventuellement de cadres ».

Alors que les dispositions conventionnelles ne considèrent l’éventuelle présence de cadres sous l’autorité du salarié que comme l’un des critères du degré M, que la délégation de pouvoirs consentie au salarié correspond à la définition conventionnelle du poste de directeur de magasin, degré L ou M, qu’il appartient au salarié demandeur à la reclassification d’apporter la preuve qu’il remplissait les critères requis pour accéder au degré M, que le salarié n’était affecté au poste de directeur de magasin que

depuis le 1er juillet 2014 et qu’il ne fait pas état de difficultés particulières liées notamment à la taille de ce magasin ni ne justifie avoir eu un ou plusieurs cadres sous son autorité, M. X n’établit pas ainsi que l’employeur aurait dû le classifier au degré M.

Il y a lieu de rejeter sa demande.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires.

En vertu des dispositions combinées des articles L3121-39 et L3121-40 du Code du travail, dans leur version applicable, la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l’année est prévue par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche, elle requiert l’accord du salarié et doit être établie par écrit.

Une telle convention n’est opposable au salarié que si elle est adossée à un accord collectif précisant les modalités de décompte des journées travaillées et de prises de journées de repos.

Toute convention de forfait en jours stipulée entre un employeur et un salarié doit être prévue par un accord collectif qui assure le respect du droit à la santé et au repos du salarié et donc au respect d’une durée raisonnable de travail. Ainsi, les stipulations de l’accord collectif doivent assurer la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires, et comporter des dispositions de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail du salarié.

En l’espèce, le salarié estime que le forfait en jours est irrégulier et invoque plusieurs motifs.

1- La non-acceptation d’un forfait en jours.

L’appelant fait valoir qu’il n’a accepté aucun forfait en jours pour la période du 7 mai 2010 au 1er juillet 2014, puis pour la période débutant le 1er juillet 2014 car les avenants signés ne mentionnent pas qu’il travaillait dans le cadre d’un tel forfait.

L’avenant du 29 octobre 2008 à effet au 1er novembre 2008 portant promotion du salarié en qualité de directeur de magasin stipule clairement que ses fonctions s’exerceront dans le cadre d’un forfait annuel en jours à hauteur de 225 jours travaillés par an.

L’avenant du 7 mai 2010 à effet au 1er mai 2010, qui se réfère au contrat initial et aux avenants antérieurs, stipule qu’il a « pour objet de définir les nouvelles conditions d’emploi du salarié dans le cadre de sa mutation au sein de l’établissement de La Chapelle-Saint-Mesmin » en qualité de chargé de travaux, précisant que les dispositions autres que celles qui y sont visées restent en vigueur.

L’avenant du 10 juin 2010 ne porte que sur la mise à disposition d’un véhicule de service.

L’avenant du 1er juillet 2014 portant nomination du salarié en qualité de directeur de magasin, cadre, stipule qu’il a pour objet de définir les nouvelles fonctions du salarié

et prévoit dans son article 4 que la durée maximale du travail est de 225 jours travaillés par an, tout en ajoutant que les dispositions autres que celles qui y sont visées restent en vigueur.

Il résulte de l’analyse de ces quatre avenants signés au cours de la période litigieuse que le forfait en jours à hauteur de 225 jours accepté par le salarié lors de la signature de l’avenant du 29 octobre 2008 est demeuré en vigueur jusqu’au 1er juillet 2014, sans qu’il soit nécessaire de le faire de nouveau figurer dans chacun des avenants, lesquels renvoyaient aux avenants antérieurs.

Le fait que l’avenant du 1er juillet 2014 prévoit le forfait en jours ne signifie pas, contrairement à ce qu’avance le salarié, que l’avenant du 7 mai 2010 aurait supprimé les stipulations antérieures sur le forfait en jours.

Enfin, l’employeur n’a pas l’obligation de mentionner un temps de travail spécifique pour chaque fonction de cadre autonome, de sorte qu’il ne saurait lui être reproché d’avoir choisi d’appliquer un temps de travail identique au salarié lorsqu’il était chargé de travaux puis directeur de magasin.

Dès lors, contrairement à ce que soutient le salarié, son acceptation par écrit du forfait en jours à hauteur de 225 jours est établie.

2-Le non-respect des stipulations conventionnelles destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.

M. B X fait valoir que l’employeur n’a pas respecté les stipulations des accords collectifs applicables en cas de convention de forfait en jours, dont il ne prétend pas qu’ils sont illicites.

L’accord d’aménagement du temps de travail du 29 juillet 2005 stipule :

— que le temps de travail effectif de ces cadres fait l’objet d’un décompte annuel en jours (ou demi-journées) de travail effectif,

— qu’un planning trimestriel des jours de repos sera établi, signé par le salarié et remis au service RH 15 jours avant chaque début de trimestre,

— que la réduction du temps de travail sera organisée en réduisant le nombre de jours travaillés par l’attribution de jours de repos supplémentaires dans l’année,

— que les cadres autonomes devront porter à la connaissance de leur supérieur hiérarchique pour accord les dates de prise de jours RTT,

— qu’un mécanisme de suivi sera mis en oeuvre, associant le cadre, son responsable hiérarchique et le service paie des ressources humaines pour éviter les risques de dépassement du nombre de jours travaillés,

— qu’un planning trimestriel des jours de repos sera établi, signé par le salarié et remis au service RH 15 jours avant chaque début de trimestre,

— que le respect de l’article L3132-3 du Code du travail (nombre de jours travaillés et de repos) sera assuré par un système déclaratif mensuel, chaque cadre remplissant un formulaire mis à sa disposition à cet effet,

— que les représentants du personnel seront tenus informés des conséquences pratiques de ce décompte de la durée du travail en nombre de jours sur l’année. Sont examinés notamment l’impact de ce régime sur l’organisation du travail, l’amplitude des horaires et la charge de travail des salariés concernés.

L’accord d’aménagement du temps de travail du 11 mai 2012 reprend les mêmes stipulations et prévoit en sus qu’un entretien annuel individuel sera organisé avec le salarié au cours duquel il sera évoqué avec le supérieur hiérarchique, la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que la rémunération de celui-ci.

Pour établir qu’il a veillé au respect des stipulations ci-dessus énumérées afin de protéger la santé du salarié, l’employeur verse aux débats les pièces suivantes :

— les « Fiches mensuelles des jours travaillés Suivi du forfait annuel » concernant le salarié et correspondant aux années 2012, 2013 et 2014, à l’exclusion des fiches relatives aux mois de mars et octobre 2012 ; ces documents sont signés par le salarié et le responsable de service,

— les comptes rendus d’ « entretien annuel de progrès » portant sur les années 2012 et 2013,

*comportant une « partie 7 Bien être au Travail » composé des questions suivantes :

« -Quel est le nombre de jour travaillé dans l’année '

-Votre forfait jour annuel vous permet-il de respecter les obligations en matière de durée du travail '

-Votre forfait jour vous a-t-il permis de supporter votre charge de travail et d’atteindre vos objectifs ' Si non, pourquoi '

-Votre organisation de travail (charge de travail, temps de travail…) vous permet-elle de concilier vie professionnelle et vie personnelle ' Si non, pourquoi '

-Estimez-vous que votre rémunération corresponde à la mission qui vous est allouée (responsabilité, objectifs…)' »,

*établissant que le salarié a répondu « oui » aux deuxième et troisième questions et « non » aux troisième et quatrième questions et qu’il a précisé pour l’évaluation de l’année 2013 s’agissant de la troisième question « Trop absent ».

Il résulte de ces éléments qu’alors que le salarié était très bien évalué (« Il dépasse les objectifs et missions confiées »), il a signalé deux années de suite que l’organisation du travail ne lui permettait pas de concilier vie professionnelle et vie personnelle et que sa rémunération ne correspondait pas à sa mission.

Or, aucun élément du dossier ne permet d’établir que l’employeur a réagi en amont et après avoir été informé de ces difficultés rencontrées par le salarié : le compte rendu d’entretien individuel ne mentionne pas qu’une discussion a été engagée en 2013 sur ces points afin de permettre à l’employeur d’y remédier immédiatement pour l’année en cours. Au contraire, l’analyse de l’évaluation de l’année 2013 montre que le salarié a réitéré les mêmes réponses et qu’il a même apporté une précision.

Ces défaillances de la part de la SAS SADEF ont privé le salarié de toute protection de sa santé et privent d’effet la convention de forfait en jours conclue avec lui.

Il n’y a pas lieu d’examiner les autres arguments présentés par le salarié à ce titre.

3- Les heures supplémentaires.

Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du Code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, au soutien de sa demande en paiement d’un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, le salarié présente les éléments suivants :

— le témoignage écrit de M. B-AC AD qui affirme qu’en sa qualité de chargé de travaux salarié du groupe, de novembre 2009 à février 2014, il a travaillé parfois 60 heures par semaine pour atteindre son objectif,

— le témoignage écrit de M. F G, lequel indique qu’en sa qualité de chargé de travaux, il a travaillé avec le salarié à l’époque où celui-ci occupait un poste identique, que le salarié était le premier à ne pas compter ses heures, faisait souvent le travail administratif le soir dans sa chambre d’hôtel et que les trois chargés de travaux, dont M. B X, faisaient largement 60 heures par semaine,

— le témoignage écrit de M. H I, lequel précise avoir travaillé avec le salarié, en sa qualité d’animateur de la société Animactions et avoir constaté qu’il ne comptait pas ses heures, était présent du matin au soir, 6 jours sur 7, outre qu’il présentait d’excellentes qualités professionnelles qui forçaient l’admiration et le respect,

— le témoignage de M. W AA AB, directeur d’un magasin du groupe, lequel atteste de ce que le salarié s’est toujours investi pour le groupe MR Y sans jamais compter ses heures et qu’il est intervenu au magasin de Narbonne pendant le tempête de 2015 pour assurer la sécurité du magasin de nuit et gérer l’intégralité des dossiers pour les assureurs,

— l’attestation régulière en la forme de M. J K, directeur de magasin du groupe, lequel indique avoir travaillé avec le salarié en juillet 2012 et juillet 2013 et avoir constaté qu’il arrivait dans son propre magasin à 7h00 le matin et n’en partait qu’à 19h15,

— trois e-mails des 5, 21 juillet 2014 et 15 septembre 2014 adressés par le salarié au directeur d’exploitation, dont il résulte respectivement qu’il sera en surface de vente trois semaines de suite de l’ouverture à la fermeture, qu’il était prévu qu’il fasse les permanences caisse, une seule caissière étant présente deux jours de la semaine, et qu’il n’a pas pris de repos hebdomadaire à la suite de la réorganisation de la semaine,

— un décompte pour les années 2012, 2013 et 2014 mentionnant sous forme de tableaux le nombre d’heures de travail par semaine et calculant le nombre d’heures supplémentaires majorées à 25 % et celles majorées à 50 %, soit :

*en 2012 : 414 heures supplémentaires dont 305,5 majorées à 25 % et 108,5 majorées à 50 %,

*en 2013 : 413,5 heures supplémentaires dont 297,5 majorées à 25 % et 116 majorées à 50 %,

*en 2014 : 580 heures supplémentaires dont 285 majorées à 25 % et 295 majorées à 50 %.

En réponse, l’employeur fait valoir que les décomptes n’ont été produits qu’en cause d’appel et qu’ils ont été établis pour les besoins de la cause ; ce qui leur retire toute crédibilité. Il ajoute que la comparaison entre ces décomptes et les évaluations du salarié permet de relever des incohérences en ce que, en tant que chargé de travaux non sédentaire, il n’a pas pu travailler les jours fériés 8 mai, 15 août, deux lundis de Pâques et un lundi de Pentecôte et en tant que responsable de magasin à compter de juillet 2014, il n’a pas pu lui être demandé de travailler le 14 juillet et le 11 novembre ; par ailleurs, le nombre de jours déclaré par lui sur les fiches mensuelles ne correspondent pas aux mentions figurant sur ses tableaux.

Il verse aux débats les fiches mensuelles des jours travaillés signées par le salarié et le reponsable du service, mais ne produit aucun document établissant qu’il contrôlait les heures de travail du salarié.

Il résulte de ces constatations d’une part, que le salarié présente des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre, d’autre part, que ce dernier ne produit aucun élément de contrôle de la durée du travail.

Toutefois, la comparaison entre le nombre de jours travaillés par mois mentionné par le salarié sur les fiches mensuelles et le tableau récapitulatif par semaine produit par le salarié montre quelques différences en défaveur de celui-ci.

Ainsi, par exemple, il a déclaré avoir travaillé 11 jours au mois d’août 2012 alors que pour les semaines 31 à 35 incluses de son tableau récapitulatif correspondant au mois

d’août, il fait état respectivement de 30 heures de travail (semaine 31), de 48 heures de travail (semaine 32), de 43,5 heures de travail (semaine 33) et 42 heures de travail (semaines 34 et 35).

De même, le calcul présenté par le salarié au titre des heures supplémentaires ne retient qu’un seul taux horaire qui n’était pas celui de l’année 2012.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de condamner l’employeur à payer au salarié :

— la somme de 21.865,58 € au titre du rappel d’heures supplémentaires, outre 2.186,55 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

-7.674,32 € au titre des repos compensateurs non pris, outre 767,43 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférent.

Sur le travail dissimulé.

La dissimulation d’emploi salarié prévue à l’article L 8221-5 du Code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, omis d’accomplir la formalité relative à la déclaration préalable à l’embauche ou de déclarer des heures supplémentaires accomplies par le salarié.

L’article L 8223-1 du même Code, dans sa version applicable, prévoit qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié concerné par le travail dissimulé a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l’espèce, dans la mesure où l’employeur n’a pas respecté les termes de l’accord collectif concernant l’application du forfait en jours et a omis de payer un volume très conséquent d’heures supplémentaires de manière habituelle pendant plusieurs années, l’élément intentionnel de la dissimulation d’emploi salarié est démontré.

Il y a lieu en conséquence de condamner l’employeur à payer au salarié la somme de 25.500 € à ce titre.

Sur le dépassement de la durée maximale hebdomadaire.

En application de l’article L3121-35 du Code du travail dans sa rédaction applicable au cas d’espèce, au cours d’une même semaine, la durée du travail ne peut dépasser quarante-huit heures.

L’article D 3121-14-1 du même Code applicable aux faits et aujourd’hui abrogé, prévoyait que le contingent annuel d’heures supplémentaires était fixé à 220 heures par salarié, et non 130 heures.

En l’espèce, compte tenu du volume d’heures supplémentaires accomplies et du fait que, contrairement à ce que soutient l’employeur, le salarié établit que le dépassement du contingent d’heures supplémentaires lui a causé un préjudice, celui-ci ayant été moins présent dans le cadre familial, il y a lieu de condamner l’employeur à lui payer à ce titre une indemnité de 800 €.

Sur le licenciement pour faute grave.

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l’employeur débiteur qui prétend en être libéré.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige et c’est au regard des motifs qui y sont énoncés que s’apprécie le bien-fondé du licenciement.

En l’espèce, la lettre de licenciement est rédigée comme suit :

« Monsieur,

Je fais suite à l’entretien préalable à votre licenciement du vendredi 28 novembre 2014 à 11 heures au cours duquel vous étiez accompagné de Monsieur B-AE AF, délégué du personnel du magasin de Perpignan.

Je vous rappelle les griefs qui me conduisent à envisager votre licenciement :

Le mardi 4 novembre 2014, vous m’avez transmis les questions de vos délégués du personnel, questions auxquelles vous deviez répondre pour la réunion qui se déroulait le lundi 10 novembre 2014.

Vous avez contacté Madame L M, Responsable Régionale Ressources Humaines, ce mardi 4 novembre 2014, afin qu’elle vous aide à répondre aux quatorze questions et vous avez insisté pour qu’elle réponde en priorité à la question n°9 ; « Les employés ainsi que la famille des employés ont-ils le droit de participer au jeu Mr Y ' ».

Lors de cet appel, vous avez indiqué que cette question était dirigée contre vous puisque votre cousin par alliance M. BOUNH1OL avait gagné le gros lot au « Grand jeu – Le mois des économies »à savoir une télévision LED Full HD 107 cm (42") Philips 5000 séries d’une valeur de 420 euros.

Elle s’est alors renseignée auprès du Service Publicité de Mr Y N récupérer le règlement du jeu dans lequel était spécifié « La participation au jeu est ouverte à toute personne majeure résidant en France métropolitaine, Corse incluse, à l’exclusion des salariés de la Société organisatrice, des points de vente « Mr Y » participants ou des fournisseurs de ces derniers, ainsi que des membres de leur famille en ligne directe (même nom, même adresse)»,

Lorsque le règlement a été récupéré auprès de Madame O P, Q Fabrication, celle-ci a indiqué à Madame L M qu’il y avait eu un problème avec ce lot gagné au niveau du magasin de Perpignan ; en effet ce magasin n’était pas dans la liste, établie par huissier, des magasins dans lesquels la télévision pouvait être gagnée.

En effet, avant le commencement du jeu, Maître T U, huissier de justice à Orléans, a tiré au sort, parmi la liste des magasins Mr Y fournie par le service Publicité, les quinze magasins gagnants dans lesquels pouvait être gagnée une télévision. Or le magasin de Perpignan ne figurait pas dans cette liste que l’huissier a transmis au Service Publicité le mardi 15 juillet 2014.

Suite à cela, toujours ce mardi 4 novembre 2014, Madame O P a contacté Madame L M pour lui indiquer que vous aviez contacté le Service Publicité une première fois le lundi 27 octobre 2014 pour informer qu’un client avait gagné la télévision le samedi 25 octobre 2014 et que ce client voulait récupérer son lot. Vous lui avez faxé le ticket « gagnant ». Le lendemain, le mardi 28 octobre 2014, vous avez recontacté Madame O P en expliquant que le client était mécontent et insistait pour récupérer son lot sans délai.

En effet, vous aviez reçu le 30 septembre 2014, un kit pour le « Grand jeu – Le mois des économies », Ce kit permet de se faire adresser les lots gagnés par les clients. Le magasin de Perpignan ne faisant pas partie des destinataires de la télévision, vous avez donc reçu un kit pour le Grand Jeu sans télévision, Madame O P, lors du premier appel du 27 octobre 2014 vous a alors indiqué que la Centrale de Mr Y allait vous envoyer une télévision sous huitaine. Lors de votre deuxième appel le lendemain, prétextant que le client gagnant du lot s’impatientait et exigeait de recevoir ce lot instamment, elle vous a alors proposé d’acheter vous-même la télévision, choix pour lequel vous avez opté. Vous avez alors acheté une télévision du même modèle d’une valeur de 429 € dans le magasin Carrefour de la galerie marchande.

Mercredi 5 novembre 2014, Monsieur R S, Responsable Publicité, trouvant que la situation était anormale, a contacté le prestataire de la borne du jeu (la Société «Z ») afin qu’il explique comment il était possible qu’un magasin ne figurant pas sur la liste établie par voie d’huissier des 15 magasins gagnants puisse être gagnant d’une télévision.

Monsieur AG-AH AI, employé chez Z, a expliqué que le samedi 25 octobre 2014 entre 9h05 et 9hlO vous aviez appelé la hotline en indiquant que la borne de jeu ne fonctionnait pas. Malgré plusieurs tentatives, la décision a été prise de réinitialiser complètement la borne. Cette opération engendrait automatiquement l’édition de tous les tickets gagnants de la programmation générale. Cela signifiait que même si aucun lot dans le magasin n’était normalement attribué, l’ensemble des tickets gagnants allait s’imprimer. Le hotliner nous a dit qu’il vous aurez demandé de détruire et jeter impérativement l’ensemble des tickets dits « test ». La procédure du redémarrage a été envoyée sur votre boîte mail.

Lorsque l’ensemble des tickets est sorti de la borne, vous n’avez pas respecté la procédure que le hotliner vous aurait dictée. Vous avez conservé les tickets gagnants au lieu de détruire et de les jeter à la poubelle.

Lors de l’entretien, vous avez fini par reconnaitre l’intégralité de ces faits frauduleux.

Tentant néanmoins de minimiser ces man’uvres frauduleuses, vous avez précisé que ce même jour, alors que vous étiez aux abords de la borne de jeu, vous auriez entendu une voix féminine qui vous aurait dit « moi aussi j’aimerais bien jouer » et qu’il s’agissait de votre cousine. Vous lui auriez alors tendu un ticket gagnant qui était sorti lors de la procédure de redémarrage de la borne, ticket qu’elle a pris. Il s’agissait du ticket gagnant de la télévision, télévision qui a été gagnée à 9h38 peu de temps après que la borne de jeu soit redémarrée.

Néanmoins cette assertion, vraie ou fausse, dont la finalité n’est autre que de mettre vos man’uvres sur le compte d’un coup de tête, d’une opportunité malheureuse que vous auriez saisie par faiblesse momentanée, ne saurait vous exonérer de la totale responsabilité de vos actes.

Vous vous êtes en effet livré à des man’uvres frauduleuses et vous avez persisté en tentant de manipuler sciemment vos collègues de la Centrale pour arriver à vos fins, guidé par un manque de probité élémentaire.

Or votre fonction de Directeur de Magasin implique un devoir de loyauté et un devoir d’exemplarité d’une part par rapport à vos collègues qui sont tous vos subordonnés sur le point de vente dont vous avez la responsabilité et d’autre part vis-à-vis de votre employeur.

Par ailleurs en tant que directeur de magasin, vous devez être le garant d’un climat de travail serein et vous avez la responsabilité de représenter la Direction auprès de vos collaborateurs ; à ce titre, vous vous devez d’avoir une attitude professionnelle ce qui inclut a minima, force est de constater qu’il est nécessaire de vous le rappeler, l’honnêteté et la probité.

Or, votre attitude, en totale contradiction avec votre poste et vos responsabilités, a provoqué colère et indignation chez vos subordonnés car leur hiérarchie directe, leur directeur de magasin, a agi en contravention avec le règlement du jeu, de façon malhonnête et en toute impunité… jusqu’à ce que les salariés remontent cette irrégularité majeure via les questions des délégués du personnel.

Vos agissements malhonnêtes sont d’autant plus pernicieux que vous êtes un directeur de magasin en qui j’avais une totale confiance et qui n’a pas spontanément cru nécessaire d’avouer les fautes commises. A aucun moment vous n’avez su prendre la mesure de vos actes et avez persisté dans vos man’uvres, sans douter de votre impunité, mettant en jeu la licéité même du procédé de l’opération commerciale, pourtant garanti par tirage au sort par huissier. Vous êtes allé jusqu’à aller acheter vous-même le lot, prétextant du mécontentement du prétendu client impatient, qui était en réalité votre cousin, avec les fonds de l’entreprise !

De tels agissements sont intolérables et particulièrement graves et fondent notre décision de prononcer votre licenciement pour faute grave.

II intervient donc sans indemnité de préavis ni de licenciement. Il prend effet à compter de la date de notification de ce courrier.

Nous vous confirmons pour les mêmes raisons, la mise à pied à titre conservatoire dont vous faites l’objet depuis le 12 novembrelOI^ne vous sera donc pas rémunérée.

(…) »

L’employeur reproche au salarié d’avoir manqué à son obligation de probité et d’honnêteté en sa qualité de responsable de magasin, le samedi 25 novembre 2014, dans le cadre d’un jeu promotionnel organisé sous forme de tickets gagnants, en ayant

— remis abusivement à un proche un ticket gagnant portant sur le gros lot, un téléviseur, généré par une borne de jeu réinitialisée du fait d’une panne alors qu’il aurait dû le détruire s’agissant d’un ticket dit « test » et que le magasin dont il était directeur ne faisait pas partie des magasins désignés par tirage au sort dans lesquels le gros lot était prévu,

— contacté le lundi 27 novembre 2014 le service publicité pour l’informer de ce qu’un client du magasin avait gagné le gros lot, souhaitait récupérer celui-ci,

— adressé par télécopie le ticket,

— contacté à nouveau le service le lendemain 28 novembre 2014, précisant que le client était mécontent de ne pas avoir été livré et qu’il insistait pour récupérer le lot, de manière à obtenir l’autorisation d’aller acheter sur les fonds du magasin un téléviseur de même modèle au magasin Carrefour de la galerie marchande pour la somme de 429 €.

Pour établir la faute professionnelle du salarié, la SAS SADEF verse aux débats les pièces suivantes :

— le règlement de jeu, lequel

*interdit aux salariés de la société organisatrice, des points de vente « MR Y » ainsi qu’aux « membres de leur famille en ligne directe (même nom, même adresse) » de participer à ce jeu promotionnel,

*précise le déroulement du jeu en magasin, les dotations et la remise de celles-ci comme suit :

>« Chaque personne souhaitant participer doit :

-Se procurer un bulletin de jeu selon les modalités fixées à l’article 4.1.2 ci-après,

-Insérer le bulletin dans la borne de jeu qui prend la forme « d’une roue de la chance » présente en magasin via la fente prévue à cet effet pour découvrir le gain éventuel. »,

>« Chaque personne peut se procurer gratuitement des bulletins de jeu :

-sur simple demande à l’accueil des magasins participants, dans la limite d’un bulletin par jour et par famille,

-lors de son passage en caisse dans un magasin participant »

>« Les dotations mises en jeu pour l’ensemble des magasins participants sont les suivantes :

-15 Téléviseurs LED Full HD 107 cm (42 ») Philips 5000 Séries d’une valeur unitaire de 420 € TTC

— (…) »

> « Les gagnants seront informés de leur gain par l’allumage d’une diode lumineuse sur une case de la « roue de la chance » indiquant le gain. Un ticket précisant le gain sera émis par la borne. Les gagnants devront présenter les tickets gagnants à l’accueil du magasin avant le 01 novembre 2014 pour récupérer leur lot »,

— une liste des magasins sur le territoire métropolitain sur laquelle 15 magasins ont été cochés dans la marge avec précision manuscrite de leur lieu d’implantation,

— un échange électronique des 11 et 15 juillet 2014 entre la chargée de production publicité, Mme A, et l’huissier de justice Maître T U dont il résulte que la salariée de la SAS SADEF a demandé à l’officier ministériel de tirer au sort les 15

magasins devant être dotés des 15 téléviseurs en jeu et que l’huissier a adressé en retour cette liste après tirage au sort,

— le procès-verbal de constat dressé le 8 septembre 2014 par Maître T U, huissier de justice, comportant en annexe le règlement de jeu dont il résulte qu’elle a vérifié ce document comprenant un descriptif des lots mis en jeu, un bon de participation et la liste des magasins cochés et mentionnant qu’elle l’estime conforme aux prescriptions en matière de loterie publicitaire,

— un e-mail du 25 octobre 2014 adressé à 9h31 par M. R V, responsable informatique, à M. B X mentionnant en objet « borne de jeu » lui envoyant le fichier de mise à jour de la borne au moyen d’une clef USB,

— une série d’e-mails du 5 novembre 2014 dont il résulte que l’appelant a contacté le 25 octobre 2014 entre 9h05-9h10 la hotline de la société Z pour la panne de la borne de jeu, qu’il a été décidé de réinitialiser ladite borne qui ne démarrait pas, ce qui a entraîné l’édition de l’ensemble des tickets gagnants de la programmation générale, que le directeur a été informé oralement de ce que ces tickets test devaient être détruits, que le premier joueur enregistré sur cette borne a été enregistré à 9h40, qu’aucun téléviseur n’est sorti puisque ce lot n’était pas programmé dans ce magasin et que soit le ticket test a été remis à un ami, soit il a été trouvé sur le sol par un client,

— la facture d’achat du téléviseur émise par le magasin Carrefour le 28 octobre 2014 à 11h49 pour la somme de 429 €,

— les questions remises par les délégués du personnel le 10 novembre 2014 au nombre desquelles figure cette demande : « Les employés ainsi que la famille des employés ont-ils le droit de participer au jeu MR Y ' »,

— « le kit animation magasin » adressé,

— le règlement intérieur de la SAS SADEF du 25 février 2013 entrant en vigueur le 1er mai 2013 stipulant notamment les sanctions disciplinaires en cas de fait fautif, et ce en fonction des faits, de leur gravité et des circonstances.

Au vu des conclusions des parties, il est constant que le samedi 25 octobre 2014, M. B X a remis à un proche un ticket édité par une borne de jeu en panne qui venait d’être réinitialisée pour relancer son fonctionnement, en lien avec le service informatique de l’entreprise ayant fourni le matériel, et que ce ticket permettait à ce proche de se voir allouer un téléviseur représentant le « gros lot » du jeu concours.

Il est tout aussi constant que le magasin dirigé par M. B X n’avait pas été doté d’un tel lot et que le lundi suivant, il a appelé le service responsable du jeu afin d’obtenir l’autorisation d’acheter un téléviseur de marque similaire, sur les fonds de l’entreprise, prétextant que le client gagnant était mécontent de ne pas avoir été livré.

Il résulte de ces éléments non contredits que le salarié a entendu privilégier un proche en lui faisant bénéficier d’un ticket pouvant être considéré comme gagnant sans que ce tiers ait respecté le déroulement du jeu, à savoir :

— se procurer gratuitement un bulletin de jeu à l’accueil ou lors de son passage en caisse,

— insérer le bulletin dans la borne de jeu afin de découvrir le gain éventuel au vu de l’allumage d’une diode lumineuse sur l’une des cases de la « roue de la chance »,

— récupérer un ticket émis par la borne précisant le gain,

— se présenter avec le ticket gagnant à l’accueil du magasin pour récupérer le lot.

Ainsi, le tiers n’a passé aucune des étapes prévues par le règlement de jeu et n’a pas obtenu le ticket gagnant en introduisant un bulletin de jeu remis au sein du magasin.

Ces seuls élements sont constitutifs d’une faute de la part du directeur du magasin qui connaissait, de part ses fonctions et ses responsabilités, le fonctionnement du jeu et qui était de ce fait conscient de l’irrégularité de son comportement.

Il résulte par ailleurs des échanges électroniques sus-mentionnés que le salarié ne s’est pas contenté de remettre le ticket « gagnant » à un proche : il a pris soin le lundi suivant d’appeler à deux reprises sa hiérarchie, prétextant le mécontentement du client non livré et amenant cette dernière, par cette fausse description de la situation, à l’autoriser à acheter sur les fonds de l’entreprise, le téléviseur. Cet élément constitue effectivement une manoeuvre destinée à parvenir à ses fins, c’est-à-dire à remettre le téléviseur faussement gagné à un proche et confère aux faits le caractère de gravité allégué par l’employeur.

Le manquement à l’obligation de probité et d’honnêteté de la part d’un salarié investi de responsabilités importantes est démontré.

Le fait que le jeu-concours ait pu être entâché d’irrégularités en ce qu’il ne prévoyait que 15 magasins sur l’ensemble du territoire métropolitain destinataire du gros lot alors que la publicité ne le précisait pas est, contrairement à ce que soutient le salarié, étranger au débat sur la faute de celui-ci.

Le fait que le proche concerné ait été un cousin et non un membre de sa famille au sens du règlement est sans incidence sur l’appréciation des faits, la question étant celle du contournement en toute connaissance de cause des règles du jeu.

La circonstance que l’employeur n’ait pas déposé plainte contre lui est également sans incidence sur la faute professionnelle commise dans le cadre du contrat de travail.

Le fait qu’il n’ait pas prémédité la remise du ticket à son cousin, la panne de la borne étant survenue de manière fortuite, qu’il ait pu spontanément agir de la sorte sans réfléchir est inopérant puisque les appels téléphoniques deux jours plus tard pour finaliser le détournement ont été, eux, nécessairement donnés après réflexion.

Contrairement à ce que soutient le salarié, la valeur du téléviseur selon lui « modique » n’a pas à être prise en compte pour apprécier l’existence de la faute ou à tout le moins la proportionnalité de la sanction. Il qualifie même les faits reprochés dans ses écritures de « peccadille » puis de « broutille ».

L’acte fautif reproché montre en effet clairement que malgré ses fonctions de directeur de magasin induisant un niveau de responsabilité élevé et nécessitant une attitude irréprochable sur le plan de l’honnêteté, le salarié n’a pas hésité à utiliser son temps de travail pour favoriser un proche, allant jusqu’à passer plusieurs coups de téléphone pour arriver à ses fins et à se déplacer dans la galerie marchande pour y acheter le téléviseur correspondant ; et ce, sans que la valeur du bien modifie le caractère de

gravité de sa faute.

Enfin, contrairement à ce qu’il avance, c’est justement parce qu’il bénéficiait d’une ancienneté importante et de la confiance de son employeur au vu de son parcours professionnel, que son comportement déloyal et malhonnête concourt à constituer une faute grave rendant impossible son maintien dans l’entreprise.

Il s’ensuit que le licenciement pour faute grave est justifié.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a retenu que le licenciement était justifié par une faute simple et en ce qu’il a condamné l’employeur à payer des sommes à ce titre.

Sur l’irrégularité de la procédure.

L’article 1232-1 du Code du travail dispose que la lettre de convocation prévue à l’article L1232-2 indique l’objet de l’entretien entre le salarié et l’employeur. Elle précise la date, l’heure et le lieu de cet entretien.

Il résulte de ces dispositions règlementaires que le lieu de l’entretien préalable est en principe celui où s’exécute le travail ou celui du siège social de l’entreprise.

En l’espèce, le salarié a été convoqué au magasin MR Y sis à Balaruc à proximité de Perpignan, et non à La Chapelle-Saint-Mesmin, commune située dans le département du Loiret et lieu du siège social de l’entreprise.

Dès lors que l’employeur a souhaité mener cet entretien dans un lieu autre que celui où le salarié exerçait, au regard de ses fonctions de directeur de magasin et dans un souci de discrétion, aucun préjudice n’est démontré.

La demande sera rejetée.

Sur les demandes accessoires.

L’employeur devra délivrer au salarié une attestation destinée à Pôle emploi rectifiée conformément aux dispositions du présent arrêt.

La SAS SADEF sera tenue aux entiers dépens de première instance et d’appel.

En revanche, il est équitable de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe ;

INFIRME le jugement du 15 décembre 2016 du conseil de prud’hommes de Perpignan en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a

— rejeté la demande au titre de la classification,

— condamné la SAS SADEF à payer à M. B X la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau,

DIT que la convention de forfait conclue entre M. B X et la SAS SADEF est privée d’effet ;

CONDAMNE la SAS SADEF à payer à M. B X les sommes suivantes :

—  21.865,58 € au titre du rappel d’heures supplémentaires, outre 2.186,55 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

-7.674,32 € au titre des repos compensateurs non pris, outre 767,43 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

—  25.500 € à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

—  800 € à titre d’indemnisation du préjudice dû au dépassement de la durée maximale hebdomadaire ;

DIT que le licenciement pour faute grave est justifié ;

REJETTE l’intégralité des demandes au titre de la rupture du contrat de travail ;

CONDAMNE la SAS SADEF à délivrer à M. B X une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiée conformément aux dispositions du présent arrêt;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS SADEF aux entiers dépens de l’instance ;

la greffière, le président,

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Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 10 mars 2021, n° 16/00573