Cour d'appel de Paris, 28 mai 2014, n° 13/01316

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Chronologie de l’affaire

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Dimeglio Avocat · 16 mai 2023

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 28 mai 2014, n° 13/01316
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 13/01316
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 3 janvier 2013, N° 12/07146

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 7

ARRET DU 28 MAI 2014

(n° 17 , 6 Pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 13/01316

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Janvier 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 12/07146

APPELANTS

Monsieur D Y pseudonyme Monsieur N O

XXX

XXX

SARL XR A

XXX

XXX

Représentées par Me Isabelle LANDREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0652

INTIMEE

Association Z I

Association loi 1901, représentée par son Président Monsieur B C

XXX

75009 Paris I

représentée par Me Olivier HUGOT, avocat au barreau de Paris, toque : C2501.

assisté de Noémie BERGEZ substituant Me Olivier HUGOT, avocat au barreau de PARIS, toque : C2501.

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 26 Mars 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

F G, Présidente

François REYGROBELLET, Conseiller

F-Hélène CHÂTEAU, Conseillère

qui en ont délibéré sur le rapport de F G.

Greffiers, lors des débats L M et lors de la mise à disposition : Fatia HENNI

ARRET :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par F G, président et par Fatia HENNI, greffier présent lors de la mise à disposition.

* * *

Vu l’assignation délivrée le 10 mai 2012 à la requête de D Y et de la société XR A à l’association Z I, sollicitant du tribunal, au visa de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de la directive sur le commerce électronique du 8 juin 2000, de l’article 9 du Code civil, des articles 6 et 38 de la loi de 1978 (loi informatique et libertés), de l’article 6 de la loi pour la confiance en l’économie numérique (LCEN) et de l’article 1382 du Code civil, d’ordonner la suppression totale et définitive de la page sur Wikipedia les concernant, des serveurs de Wikipédia et de l’historique des contributions, d’ordonner la mise en place d’un message généré automatiquement sur le mot clé « D Y » indiquant qu’aucune contribution Creative Commons n 'est acceptée sur Wikipédia, d’ordonner le renvoi systématique au site officiel de D Y :D-Y.com, d’interdire toute nouvelle publication sur Wikipédia sous astreinte de 1000 €, de condamner Z I à payer à titre de dommages-intérêts la somme de 150 000 € en réparation de l’atteinte à la vie privée, 150 000 € en réparation de l’atteinte à la réputation de XR A, et 150 000 € en réparation du préjudice moral, outre la condamnation aux dépens et à la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu l’ordonnance rendue le 4 janvier 2013 par le juge de la mise en état qui, saisi par la défenderesse de conclusions soulevant la nullité de l’assignation sur le fondement des articles 56-2 du code de procédure civile , 53 de la loi du 29 juillet 1881 et 648 du code de procédure civile a fait droit à l’exception de nullité sur le fondement de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881, déclaré nulle en conséquence l’assignation délivrée le 10 mai 2012, constaté que le juge de la mise en état n’était pas compétent pour statuer sur la fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action, rejeté la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, et condamné in solidum D Y et la société XR A à verser à l’association Z I la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance ;

Vu l’appel interjeté de cette ordonnance le 22 janvier 2013 par D Y et la sociétéXR A,qui, aux termes de leurs dernières conclusions du 12 novembre 2013 en poursuit l’infirmation et demandent à la cour :

— à titre préliminaire, de constater que l’identification des contributeurs au sens du droit d’auteur français est impossible et qu’est organisé un système général d’anonymat sur Wikipédia,

— de reconnaître que l’article 53 de la loi de 1881 n’est pas applicable en l’espèce et que l’action des appelants est fondée sur l’application de l’article 9 du Code civil et des dispositions de l’article 6-1-2,6-5 de la loi LCEN,

— de rejeter l’application de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 et la requalification en diffamation,

Sur le fond

— de reconnaître l’existence du lien hypertexte entre Wikipédia et Z I,

— de reconnaître la réalité du groupe Z et l’existence de liens culturels, humains etcapitalistiques entre Z I, Wikipédia et Z FOUNDATION USA,

— de reconnaître les atteintes à la vie privée qui ont été effectuées à l 'encontre des appelants sur la page http//fr. wikipédia.org:wiki/D Y,

par conséquent,

— de reconnaitre la responsabilité de Z I sur le régime autonome développée à l’article 6-1-2 et6-5 de la loi LCEN,

— à défaut de reconnîatre la responsabilité de fait de gestionnaire du site de Wikipédia.fr par l’ association Z I,

en conséquence,

— d’ordonner à l’association intimée Z I la suppression totale et définitive de la page concernant D Y sur le site fr . Wikipédia, la suppression de l’historique des contributeurs des sites Wikipédia concernant D Y et la supression des discussions sur l’adresse http ://fr. média org,

— d’ ordonner la mise en place d’un message généré automatiquement sur l’entrée D Y qu’aucune contribution n’est désormais acceptée et possible,

— d’ ordonner la mise en place d’un message d’accueil sur la page du serveur Wikipédia le concernant disant qu’il faut que se référer sur le site officiel de Monsieur Y :www. D.com,

— de condamner Z I à verser la somme de 450 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi , celle de 12 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre la condamnation aux entiers dépens,

Vu les dernières conclusions de Z I signifiées le 30 janvier 2014 par lesquelles il est demandé à la cour :

— à titre liminaire, de dire que l’appel est limité à la question de la validité de l’acte introductif d’instance,

— de déclarer irrecevable les arguments de fond des appelants,

— de rejeter des débats la pièce adverse 29 qui ne respecte pas les dispositions du règlement interieur national,

à titre principal,

— de constater que les appelants ne sollicitent pas l’infirmation de l’ordonnance du 4 janvier 2013,

— de confirmer l’ordonnance du 4 janvier 2013 en ce cas-là fait droit à l’exception de nullité sur le fondement de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881,

à titre subsidiaire,

— de constater que l’objet de la demande contenue dans l’acte introductif d’instance du 10 mai 2012 ne correspond pas aux exigences de l’article 56 2° du code de proécdure civile,

— de constater que Z I n’est pas en mesure de préparer sa défense utilement et que l’irrégularité de l’acte lui cause un grief,

en conséquence,

— de constater la nullité de l’acte introductif d’instance

à titre très subsidiaire, en cas d’infirmation de l’ordonnance,

— de constater que l’acte introductif d’instance ne contient pas les mentions exigées par l’article 548 du code de procédure civile,

— de constater que ce défaut de mention cause un grief à Z I qui n’est pas en mesure d’identifier avec exactitude les requérants ,

en conséquence,

— de constater la nullité de l’acte introductif d’instance,

en tout état de cause,

— d’ infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a rejeté la demande de dommages-intérêts de Z I,

— de condamner in solidum D Y et la société Y A à régler la somme de 10 000 € à Z I à titre de dommages-intérêts ainsi que celle de 15 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile civile outre les entiers dépens par distraction au profit de Maître Olivier Hugot conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 26 février 2014 ;

Sur la saisine de la cour d’appel,

Considérant que la cour est saisie de l’appel d’une ordonnance du juge de la mise en état qui, statuant, en application de l’article 771 '1 du code de procédure civile , a fait droit à l’exception de nullité soulevée par la défenderesse ; que la saisine de la cour est donc limitée à l’examen de la validité de l’acte introductif d’instance sans qu’il y ait lieu , à ce stade de la procédure ,de statuer ni sur les moyens et demandes au fond des appelants , ni sur la demande de l’intimée de rejet des débats d’un courrier en date du 13 février 2013, lesquels seront déclarés irrecevables ;

Sur la validité de l’assignation,

Considérant que les appelants font valoir au soutien de l’infirmation de l’ordonnance du juge de la mise en état qui, faisant droit à l’exception de nullité de l’assignation, a estimé que celle-ci visant en réalité des imputations diffamatoires, les dispositions de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881, prescrites à peine de nullité auraient dû être respectées :

— que les prétentions des parties sont fixées dans le dispositif de l’assignation, lequel vise l’article 9 du Code civil, la loi informatique et liberté de 1978, la LCEN et l’article 1382 du Code civil,

— que l’article 53 de la loi sur la presse n’avait pas à être respecté puisque les propos reprochés sont publiés sur Internet uniquement et que seule la LCEN a vocation à s’appliquer,

— que la diffamation n’est pas applicable, les faits illicites visés par les appelants, à savoir une personne physique et une personne morale, qui n’ont trait ni à la race, ni à la religion, ni à l’ethnie, ni au sexe et à l’orientation sexuelle, ni à l’identité de Monsieur X et de sa société, étant des propos faux et mensongers sur son parcours universitaire, ses travaux, ses contacts politiques et son parcours professionnel, étant précisé qu 'il a déjà fait condamner des propos similaires illicites proférés dans un livre, par une décision rendue le 18 décembre 1985 par le tribunal de grande instance de Paris,

— que les circonstances de l’audience en date du 7 décembre 2012 les ont privées « de l’opportunité d’un procès équitable » en ce que l’examen unique de l’applicabilité de l’article 53 de la loi de 1881, dont il n’est fait aucune mention dans l’assignation et le délai de sept minutes accordé aux conseil des deux parties révèle un parti pris qui s 'apparente à un déni de justice soit à une violation de l’article 4 du Code civil et 4 et 5 du code de procédure civile ;

* * *

Considérant qu’il résulte de la lecture de l’assignation que la demande tendant notamment à voir supprimer « la page sur Wikipédia de D Y et de XR A » résulte de ce que les «les informations qui y figurent sont non seulement fausses mais calomnieuses », que la page est « totalement fausse et diffamatoire», que ces propos constituent : « une atteinte grave à la vie privée de Monsieur Y selon l’article 9 du Code civil » « une atteinte grave à la réputation de XR A », « une diffamation au sens de l 'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 », «une atteinte à l’article 10 de la CEDHLF » et enfin «une atteinte à la protection des données à caractère personnel selon les articles 6 et 7, et 38 de la loi de 1978 »en raison de l’inexactitude des données et «une atteinte aux droits selon l’ article 6-2 et 6-8 de la loi sur la confiance en l’économie numérique » pour avoir divulgué «de fausses informations et des propos diffamatoires » ; qu’il est en outre précisé qu’un constat sur Internet a été effectué le 20 mars 2012 pour « prouver les propos mensongers et diffamatoires sur la page qui est consacrée à D Y sur Wikipédia I » ;

Considérant qu’il en ressort que, même si les les articles 29 alinéa1 et 32 aliéna1 de la loi du 29 juillet 1881 qui incriminent la diffamation publique envers un particulier ne sont pas visés au dispositif de l’assignation, les propos reprochés,sans qu’ils soient précisement identifiés, sont qualifiés de diffamatoires , étant observé au surplus que figure au dispositif le visa de l’article 10 de la CEDHLF ; que contrairement à ce que soutiennent les appelants les propos diffamatoires peuvent viser les personnes physiques ou morales, et ne concernent pas nécessairement la race, la religion , l’ethnie , le sexe ou l’orientation sexuelle ; qu’enfin la loi sur la presse, selon son article 23, est applicable aux propos diffusés sur Internet ;

Considérant que selon une jurisprudence constante depuis les arrêts du 12 juillet 2000 de l’assemblée plénière de la Cour de Cassation, les abus de la liberté d’expression ne peuvent être réparés que sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881et non sur celui de l’article 1382 du Code civil, lequel permettrait au demandeur d’échapper aux règles de courte prescription de la loi sur la presse tout en privant l’auteur des propos de la possibilité de faire la preuve de la vérité des faits diffamatoires ou de démontrer sa bonne foi ; que l’article 12 alinéa 2 du code de procédure civile impose également au juge de « restituer leur exacte qualification aux faits et aux actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée » ;

Considérant qu’il ne saurait être fait grief au juge de la mise en état d’avoir prétendument privé les demandeurs d’un procès équitable, voire même d’avoir fait preuve de parti pris, alors qu’il s’est limité à se conformer à la jurisprudence et à la loi en énonçant, en premier lieu, s’agissant des imputations diffamatoires précisément relevées, que l’assignation ne respectait pas les dispositions de l’article 53 aliéna 1 de la loi sur la presse, prescrites à peine de nullité, selon lesquelles la citation doit préciser et qualifier le fait incriminé et indiquer le texte de loi applicable, et, s’agissant des atteintes poursuivies sur le fondement de l’article 9 de la loi sur la presse qu’à défaut de pouvoir distinguer les information visées comme attentatoires à la vie privée de celles qualifiée de diffamatoires ou calomnieuses, les poursuites ne pouvaient être également exercées que sur le fondement de la loi sur la presse ;

Considérant que l’ordonnance sera en conséquence confirmée en ce qu’elle a fait droit à l’exception de nullité sur le fondement de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Sur les autres demandes,

Considérant que le caractère abusif de l’action exercée par D Y et par la société XR A et de l’exercice de leur droit d’appel n’est pas établi ; que l’association Z I sera en conséquence déboutée de sa demandes de dommages intérêts ;

Considérant qu’il lui sera en revanche alloué la somme supplémentaire de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, les appelants étant condamnés aux entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement,

Déclare irrecevable les moyens de fond développés par les appelants, et la demande de l’intimée de rejet des débats de la pièce adverse 29,

Confirme l’ ordonnance du juge de la mise en état,

Y ajoutant,

Condamne in solidum D Y et la société XR A à verser à l’association Z I la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de proécdure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

LE PRESIDENT LE GREFFIER

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