Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 3 novembre 2021, n° 18/04864

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 4, 3 nov. 2021, n° 18/04864
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/04864
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 13 mars 2018, N° 16/04407
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le

 : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 4

ARRET DU 03 NOVEMBRE 2021

(n° , 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/04864 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5NTK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mars 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 16/04407

APPELANTE

Madame Z X

[…]

[…]

Représentée par Me Thomas LEMARIÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : R241

INTIMEE

SAS ADVISO PARTNERS agissant poursuites et diligences en la personne de son Président y domicilié

[…]

[…]

Représentée par Me Sylvie KONG THONG de l’AARPI Dominique OLIVIER – Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Septembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga’l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 4 mai 2015, madame Z X a été engagée par la société ADVISO PARTNERS, société spécialisée dans le conseil en fusions et acquisitions, crée en janvier 2015, en qualité de directrice.

Elle était soumise à une convention forfait jours en ce qui concerne la durée de son travail.

Sa dernière rémunération brute mensuelle était de 8.333 euros (80.000 euros de fixe annuel plus 20.000 euros de bonus).

La convention collective applicable est SYNTEC.

Le 23 mars 2016, la société ADVISO PARTNERS a proposé à Z X une rupture conventionnelle, qu’elle a refusée. Elle a été mise en arrêt maladie le 25 mars 2016 pour une durée d’un mois.

Elle a fait l’objet, après convocation et entretien préalable, d’un licenciement le 26 avril 2016 pour motif personnel.

Z X a saisi le conseil de prud’hommes de PARIS, le 22 avril 2016 d’une demande de résiliation judiciaire dont elle s’est finalement désistée. Elle a sollicité que soit prononcée la nullité de son licenciement et la condamnation de la société à lui payer diverses sommes.

Par jugement du 14 mars 2018, le conseil de prud’hommes de PARIS, statuant en formation de jugement a débouté madame X de sa demande de nullité de son licenciement, a dit le licenciement pour insuffisance professionnelle et perte de confiance, sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société au paiement de diverses sommes dont 10.000 euros à titre de bonus et 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive.

Le jugement a été notifié le 21 mars 2018.

Mme Z X a régulièrement interjeté appel, par déclaration en date du 13 avril 2018.

La société ADVISO PARTNERS a interjeté appel, par déclaration en date du 10 avril 2018.

La jonction des instances est intervenue le 4 juin 2018.

Par conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 7 septembre 2018, madame Z X demande à la cour de :

— DEBOUTER la SAS Adviso Partners de son appel incident (et principal),

— FAIRE DROIT à l’appel principal (et incident) de Madame Z X.

En conséquence,

— REFORMER le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Madame Z X de tout ou partie de ses demandes tendant à voir :

o DIRE ET JUGER que le licenciement de Madame Z X est nul ;

o CONDAMNER la société ADVISO PARTNERS à payer à Madame Z X les sommes suivantes :

' 93.229 ' à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires ;

' 9.322,90 ' à titre de congés payés y afférents ;

' 58.899,80 ' au titre de la contrepartie obligatoire en repos ;

' 5.889,98 ' à titre de congés payés y afférents ;

' 10.000 ' à titre de dommages et intérêts pour violation du droit au repos

quotidien et hebdomadaire et de la durée maximale de travail ;

' 13.992,40 ' de rappel de congés payés ;

' 1.399,24 ' à titre de congés payés y afférents ;

' 50.000 ' à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

' 30.000 ' au titre du préjudice moral et matériel relevant des conditions de

travail et de la rupture injustifiée ;

' 420.000 ' bruts au titre des primes sur objectifs 2015 et 2016 et congés

payés y afférents ;

o ORDONNER la remise de bulletins de paie, d’un certificat de travail, d’une attestation Pôle emploi et du reçu pour solde de tout compte rectifiés et documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 100 ' par jour de retard ;

o CONDAMNER la société ADVISO PARTNERS à payer à Madame Z X 15.000 ' au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Et statuant à nouveau,

— DIRE ET JUGER que le licenciement de Madame Z X est nul ;

— CONDAMNER la société ADVISO PARTNERS à payer à Madame Z X les sommes suivantes :

' 30.000 ' au titre du préjudice moral et matériel relevant des conditions de

travail et du non-respect de l’obligation de sécurité de l’employeur ;

' 116.528 ' à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires ;

' 11.653 ' à titre de congés payés y afférents ;

' 73.620 ' à titre de la contrepartie obligatoire en repos ;

' 7.362 ' à titre de congés payés y afférents ;

' 10.000 ' à titre de dommages et intérêts pour violation du droit au repos quotidien et hebdomadaire et de la durée maximale de travail ;

' 13.992,40 ' à titre de rappel de congés payés ;

' 1.399,24 ' à titre de congés payés y afférents ;

' 50.000 ' à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

' 420.000 ' bruts à titre des primes sur objectifs 2015 et 2016 et congés payés y afférents ;

A titre de demandes accessoires ,

— CONDAMNER la société ADVISO PARTNERS à régler à Madame X :

* 8.333 euros à titre de rappel de salaire pour le mois d’avril 2015 ;

* 833 euros à titre de congés payés y afférents ;

* 8.333 ' bruts, à titre de rappel de salaire pour le mois d’avril 2016, déduction faite de la somme de 1.309,04 ', correspondant aux indemnités journalières nettes de CSG-RDS perçues sur ladite période,

* 833 ' à titre de congés payés y afférents,

* 8.333 ' bruts, pour le mois de mai 2016, déduction faite du versement de 2.425,64 ' nets effectué le 30 mai 2016 par la SAS Adviso Partners et de la somme de 1.242 ', correspondant aux indemnités journalières nettes de CSG-RDS perçues sur ladite période,

* 833 ' à titre de congés payés y afférents,

* 1.666,63 ' bruts, pour le mois de juin 2016,

* 166,66 ' à titre de congés payés y afférents,

* 1.666,63 ' bruts, pour le mois de juillet 2016,

* 166,66 ' à titre de congés payés y afférents,

— Déduction faite des sommes versées au titre du préavis, par la société Adviso Partners, en exécution du jugement entrepris (6.666,67 et 666,67 ').

En tout état de cause,

— ORDONNER la remise de bulletins de paie, d’un certificat de travail, d’une attestation Pôle emploi

et du reçu pour solde de tout compte rectifiés et documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 100 ' par jour de retard ;

— CONDAMNER la société ADVISO PARTNERS à payer à Madame Z X 14.000 ' au titre des frais irrépétibles exposés devant le Conseil de Prud’hommes ;

— CONDAMNER la société ADVISO PARTNERS à payer à Madame Z X la somme de 3.600 ' au titre des frais irrépétibles exposés devant la Cour ;

— CONDAMNER la société ADVISO PARTNERS aux entiers dépens de l’instance.

Par conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 13 novembre 2019, la société ADVISO PARTNERS demande à la cour de :

— INFIRMER le jugement en ce qu’il a condamné la société ADVISO PARTNERS à payer à Madame X les sommes de :

o 6.666,67 ' à titre d’indemnité de préavis,

o 6.666,67 ' à titre d’indemnité de congés payés afférents,

o 10.000 ' à titre de prime pour 2016,

o 1.000 ' au titre des congés payés afférents,

o 50.000 ' à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

o 1.000 ' à titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

— CONFIRMER le jugement entrepris pour le surplus,

En conséquence.

° DIRE ET JUGER que le licenciement de Madame X est valable et fondé,

Subsidiairement,

o DIRE ET JUGER que Madame X ne rapporte pas la preuve d’un préjudice en application de l’article 1235-5 ancien du code du travail,

— DIRE ET JUGER que la convention de forfait jours de Madame X est valable, DIRE ET JUGER que ses demandes de rappel d’heures supplémentaires et de travail dissimulé sont mal fondées,

— DIRE ET JUGER irrecevables les demandes nouvelles de Madame X en appel au titre du rappel de salaire d’avril 2015 et des congés payés afférents

Subsidiairement,

o DIRE ET JUGER ses demandes mal fondées,

o DIRE ET JUGER Madame X mal fondée en sa demande indemnitaire tirée de la violation de l’obligation de sécurité de la société ADVISO PARTNERS,

o DIRE ET JUGER Madame X mal fondée en sa demande de rappel de bonus,

o DIRE ET JUGER irrecevable toute nouvelle demande tirée du prétendu non-respect du principe de non-discrimination salariale au visa de l’article 564 du CPC,

o DIRE ET JUGER Madame X mal fondée en sa demande de rappel de salaire

de préavis,

o DIRE ET JUGER Madame X mal fondée en sa demande de rappel de congés

payés,

En conséquence,

— DEBOUTER Madame X de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

— ORDONNER à Madame X le remboursement des sommes versées par la société ADVISO PARTNERS au titre de l’exécution provisoire de droit, à savoir la somme nette de 14.434,75 ',

— CONDAMNER Madame X à payer à la société ADVISO PARTNERS la somme de 5.000' sur le fondement de l’article 700 du CPC.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 19 novembre 2019.

MOTIFS DE LA DECISION :

-Sur la demande de rappel de salaire pour le mois d’avril 2015 et les congés payés y afférents

La société ADVISIO estime cette demande irrecevable comme nouvelle en cause d’appel.

Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile « A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. ».

Cet article a été rendu applicable aux instances introduites devant le conseil de prud’hommes à compter du 1er août 2016 par le décret du 20 mai 2016 n’ 2016-660 du 20 mai 2016.

La date de l’appel fixe la loi applicable. Mme X ayant interjeté appel le 13 avril 2018, sa nouvelle demande présentée en cause d’appel est irrecevable.

-Sur les demandes du chef des heures supplémentaires

Aux termes de son contrat de travail, Mme Z X est soumise à une convention individuelle de forfait annuel en jours laquelle est également prévue par la convention collective SYNTEC applicable à la société. Le maximum légal de 218 jours est respecté.

En application de l’article L3121-58, peuvent conclure une convention individuelle de forfait en jours sur l’année, dans la limite du nombre de jours fixé en application du 3° du I de l’article L. 3121-64 :

1° Les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés ;

2° Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées.

Les fonctions de directrice exercées par Mme Z X entrent dans ces prévisions.

Le forfait annuel en jours doit comporter :

— un contrôle du nombre de jours travaillés par le biais d’un document rempli par le salarié ou l’employeur ou établi conjointement ;

— un suivi régulier par l’employeur (ou supérieur hiérarchique) de l’organisation du travail et de la charge du travail du salarié, de l’amplitude des journées de travail et du respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire du salarié ;

— un entretien annuel sur la charge et la répartition du travail du salarié.

A défaut de respect des conditions de recours au forfait annuel en jours, la convention individuelle est privée d’effet.

Au cas d’espèce, si la salariée avait moins d’un an d’ancienneté, il ne peut être reproché à la société de n’avoir pas procédé à l’entretien annuel, Il doit être constaté que la société ADVISO PARTNERS ne justifie d’aucune manière avoir mis en place un système de suivi régulier de la charge de travail de sa salariée, se contentant d’affirmer que la convention individuelle de forfait annuel en jours signée par sa salariée est valable.

En conséquence, celle-ci peut demander le paiement d’heures supplémentaires.

L’article L. 3171-4 du code du travail dispose qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre des heures supplémentaires, l’employeur fournit au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui des sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’ heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, la salariée affirme qu’elle travaillait a minima 70 heures par semaine, soit 12 heures par jour ouvrable, outre 10 heures le week-end et qu’elle se tenait à la disposition de son employeur entre 7 et 8 heures du matin, jusqu’à 22 heures et parfois au-delà, soulignant que sur les 13389 e-mails reçus et envoyés, 30% d’entre eux sont échangés avant 9 heures et après 19 heures.

Elle indique que l’outil TOGGL démontrent le caractère excessif de ses horaires hebdomadaire de travail.

La société ADVISO soutient que la convention de forfait jours étant valable, la salariée ne peut prétendre à aucune heure supplémentaire, qu’en tout état de cause, les éléments qu’elle avance sont dénués de caractère probatoire et qu’elle ne démontre pas avoir effectué des heures supplémentaires à sa demande.

La société souligne en particulier que l’envoi de courriels en dehors des horaires de travail n’est pas probant, notamment lorsque le salarié travaille à domicile et bénéficie d’une grande liberté d’organisation. Elle indique que l’outil TOGGL n’est pas un instrument de pointage des horaires de travail et permet seulement le suivi de la rentabilité des missions.

La cour constate que l’outil TOGGL ne permet pas de déterminer des temps de travail précis.

Par ailleurs, l’envoi de mails n’est pas de nature à déterminer des plages de travail, l’intervalle entre deux mail n 'étant pas nécessairement du temps de travail. Le chiffrage du nombre d’heures supplémentaires fondé sur le postulat inverse donne nécessairement un résultat erroné. Il en est d’autant plus ainsi que des mails peuvent être utilisés par un salarié pour se pré-constituer des preuves trompeuses. Le relevé d’heures supplémentaires ainsi établi par Mme X repose ainsi sur une base fallacieuse et non, comme il le lui est demandé, sur un relevé des heures qu’elle a personnellement recensées comme des heures de travail.

L’analyse des mails et leur contenu permet néanmoins à la cour de retenir que la salariée a été amenée à effectuer des heures supplémentaires à hauteur de la rémunération de 30.000 euros.

La société ADVISO PARTNERS sera condamnée à payer à Mme Z X cette somme, outre celle de 3.000 euros au titre des congés payés afférents.

-Sur la demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos

Compte tenu des heures effectuées et du contingent d’heures supplémentaires permis par la convention SYNTEC, Mme Z X a droit un repos compensateur rémunéré à hauteur de 7.000 euros.

La société ADVISO PARTNERS sera condamnée à payer à Mme Z X cette somme

-Sur la demande au titre du droit au repos et au respect de la durée maximale de travail

Les heures supplémentaires retenues ne permettent pas de reconnaître un violation du repos quotidien d’une durée minimale de 11 heures consécutives comme le prescrit l’article L3131-1 du code du travail, ni un travail pendant plus de 6 jours par semaine interdit l’article L 3132-2 du code du travail.

Mme Z X doit être déboutée de sa demande de ce chef.

-Sur la demande au titre du rappel de congés payés

La salariée soutient avoir travaillé pendant ses congés. Toutefios, elle ne justifie pas sa demande.

Elle doit en être déboutée.

-Sur la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé

En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a eu recours dans les conditions de l’article L.8221-3 du code du travail (travail dissimulé par dissimulation d’activité) ou en commettant les faits prévus à l’article L.8221-5 (travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié) a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié (L.8221-5) le fait pour tout employeur, soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L.1221-10 relatif à la déclaration préalable à l’embauche, soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L.3243-2 relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie, soit de ne pas accomplir auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales les déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci.

Le paiement de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé n’est pas subordonné à l’existence d’une décision pénale déclarant l’employeur coupable. En revanche, le travail dissimulé doit être caractérisé dans ses éléments matériel et intentionnel.

En l’espèce, il résulte des explications de la société ADVISO PARTNERS qu’aucun élément intentionnel ne peut être retenu à son encontre, d’autant plus que l’employeur pouvait se croire de bonne foi couvert par la convention de forfait.

Madame X sera déboutée de sa demande de ce chef.

-Sur la demande du chef du bonus

Le contrat de travail de Mme Z X prévoit, en page 3, que la salariée « aura droit à une rémunération variable, versée au plus tard au mois de mars, sous la forme d’une prime annuelle au titre de l’année précédente, en fonction des objectifs annuellement définis au début de la dite année » et « au titre de l’année 2015, la salariée percevra une rémunération variable minimale garantie de 20.000 euros brut sous condition de présence au 31 décembre de cette même année » ;

Si madame X ne justifie nullement pouvoir prétendre à la somme de 420.000 euros qu’elle réclame, procédant par affirmations relativement à ses « performances exceptionnelles » et son rôle clé dans la réalisation de divers projet ( par exemple « VITAFRAIS »), étant soulignée par ailleurs qu’elle n’était ni « « director », ni « vice-Présidente » , ni « senior banker » et ne peut comparer sa situation avec celle de salariés d’autres sociétés, fussent-elles du même domaine, elle est en droit de se voir gratifiée de la somme minimale de 20.000 euros prévue par son contrat de travail au titre de l’année 2015, faisant partie du personnel au 31 décembre 2015, seule condition posée.

Mme X indique elle-même avoir reçu fin 2015 cette somme.

Au titre de l’année 2016, faute pour l’employeur d’avoir fixé des objectifs, la salariée a droit à la rémunération variable prévue au contrat que la cour, se référant à la pratique de l’année antérieure, évalue à la somme de 5.000 euros pour les 3 premiers mois de l’année pour lesquels elle était dans la société.

Le jugement déféré est infirmé de ce chef.

-Sur la rupture du contrat de travail

Madame X soutient que son licenciement est intervenu en réaction à l’information qu’elle a donnée de ce qu’elle allait agir en justice et également qu’il est consécutif au harcèlement qu’elle a

subi.

-Sur la demande de nullité du licenciement fondée sur l’atteinte du droit d’agir en justice

Il résulte de l’alinéa premier du préambule de la Constitution du 29 octobre 1946 et de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 qu’ est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le licenciement intervenu en raison d’une action en justice introduite ou susceptible d’être introduite par le salarié à l’encontre de son employeur.

En l’espèce, madame X soutient que la procédure de licenciement intentée à son encontre par son employeur s’est faite en réaction à la dénonciation de ses conditions de travail par elle-même et son conseil et à la menace de la saisine du conseil de prud’hommes puis de sa saisine effective, et ce d’autant qu’aucun autre motif ne justifie son licenciement. Elle souligne que son entretien d’évaluation annuel a été annulé par son employeur. La société ADVISO PARTNERS conteste toute atteinte du droit d’agir en justice, soulignant que la procédure de licenciement a été initiée avant la saisine du conseil de prud’hommes par la salariée.

Le conseil de madame X a adressé un mail à A B, le 29 mars 2016, ainsi rédigé «Je suis l’avocat de madame X Z qui m’a saisi de la défense de ses intérêts dans le cadre des difficultés dans l’exécution de son contrat de travail. Compte tenu des événements récents, extrêmement dommageables à la santé de ma cliente, je vous invite à communiquer mes coordonnées à votre conseil habituel afin que je puisse m’entretenir avec lui de ce dossier, dans le respect de mes règles professionnelles. Sans réponse à la présente, avant la fin de cette semaine, je reprendrai ma liberté d’action », laissant entendre que la salariée pourrait agir en justice.

Sa convocation à un entretien préalable est datée du 1er avril 2016. Ces éléments présentent une concomitance certaine qui laisse penser à un lien de causalité.

Aucune référence n’est faite dans la lettre de licenciement à une éventuelle action en justice de la part de la salariée. Dans ces conditions, conformément à la jurisprudence de la cour de cassation, il y a lieu de rechercher, dans un premier temps, si le licenciement de madame X intervenu le 29 avril 2016 présente une cause réelle et sérieuse.

La lettre de licenciement fixe le cadre du litige et en matière d’insuffisance professionnelle, la charge de la preuve n’incombe spécialement à aucune des parties.

L’insuffisance professionnelle consiste en l’inaptitude du salarié à exécuter son travail de façon satisfaisante.

Peuvent se rattacher à l’insuffisance professionnelle des erreurs ou autres négligences imputables au salarié, sans pour autant revêtir un caractère fautif.

En l’espèce, la société ADVISO PARTNERS a licencié madame X par courrier du 29 avril 2016 pour insuffisance professionnelle et perte de confiance au motif d’un comportement de sa part inadapté à l’égard de la direction ou d’autres salariés.

Il convient de constater qu’aucun reproche sur sa façon de travailler ou ses résultats ne lui sont adressés. De la même manière, aucune remarque sur ses compétences ne lui est faite.

Il peut être d’ailleurs relevé à cet égard que la société ADVISO PARTNERS n’a jamais adressé à sa salariée le moindre avertissement ou rappel relativement à sa façon de travailler. Aucune sanction n’a été envisagée. Il ne lui a jamais été signifié, avant la lettre de licenciement que son attitude, son comportement nuisait à la cohésion de l’équipe et ce faisant aux résultats.

L’ensemble de ces éléments établissent que le licenciement de madame X est dépourvu de cause réelle et sérieuse sans que l’employeur ne rapporte la preuve que sa décision était justifiée par

des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner la perspective de voir sa salariée exercer son droit d’agir en justice à son encontre.

En conséquence, le licenciement de Mme Z X doit être déclaré nul comme fondé sur une atteinte à la liberté fondamentale d’ester en justice.

-Sur la demande de nullité du licenciement fondée sur un harcèlement moral

Dès lors qu’il a été fait droit à la demande de nullité du licenciement comme fondé sur une atteinte à la liberté fondamentale d’ester en justice, la demande relative à la nullité du licenciement pour fait de harcèlement moral n’a pas lieu d’être examinée.

-Sur les conséquences pécuniaires de la nullité du licenciement

Le salaire moyen sur les 3 derniers mois est de 6.666,67 euros brut (et non de 8.333 euros comme le prétend la salariée qui inclus à tort la somme au titre du bonus)

-Sur l’indemnité compensatrice de préavis

Lorsque le licenciement est nul, le salarié a droit à l’indemnité compensatrice de préavis, peu important le motif de la rupture.

La convention collective SYNTEC, prévoit un préavis de licenciement de 3 mois. La salariée a été en arrêt maladie à compter du 25 mars 2016.

La société fait valoir que l’article 43 de la convention SYNTEC que la salariée invoque ne prévoit de garantie de salaire qu’à compter de 1 an d’ancienneté et conclut au rejet des demandes dans la mesure ou le dernier arrêt maladie de Mme Z X date du 21 avril 2016, date à laquelle elle ne bénéficiait pas d’une année d’ancienneté ( l’embauche datant du 4 mai 2015).

La cour constate que l’ article 43 de la convention SYNTEC prévoit que si l’ancienneté de

1 an est atteinte par l’IC au cours de sa maladie, il recevra à partir du moment où l’ancienneté sera atteinte, l’allocation fixée par le présent article pour chacun des mois de maladie restant à courir.

Mme Z X a atteint un an d’ancienneté au 4 mai 2016. Elle ne peut pas solliciter l’application de l’article 43 sus-visé avant cette date mais seulement du 4 mai au 30 mai 2016, dans la mesure ou elle verse aux débats ses bulletins de salaires pour juin et juillet 2016 (elle n’était pas en arrêt maladie) démontrant qu’elle a été payée intégralement pour ces deux mois (de la somme de 6.666,67 euros, seule due).

La société Adviso Partners produit au débat le bulletin de salaire de mai 2016.

Il est ainsi dû à Mme Z X la somme de 6.666,67 euros ( brut) dont à déduire la somme de 2425,64 euros (net) versée en mai par la société et celle de 1.242 euros (net) versée par l’assurance maladie soit une somme de : 2.999,03 euros, outre la somme de 299,90 au titre des congés afférents.

Le jugement est infirmé de ce chef.

-Sur l’indemnité pour licenciement nul

La cour constate que si Mme X sollicite dans le corps de ses conclusions une somme de 50.000 euros de ce chef et subsidiairement pour licenciement abusif.

En vertu de la jurisprudence applicable à l’époque du licenciement, s’agissant d’un licenciement nul, Mme Z X peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Eu égard aumontant de la rémunération mensuelle brute perçue par Z X, de son ancienneté de moins de deux années au sein de l’entreprise et de sa capacité à retrouver un emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces communiquées et des explications fournies à la cour, il apparaît que le préjudice subi par Z X du fait de la perte de son emploisera justement réparé par l’allocation de la somme de 50.000 euros.

-Sur le harcèlement moral et la demande de dommage et intérêt pour non respect par l’employeur de son obligation de sécurité

Selon l’article L.1152-1 du code du travail, 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.'

Aux termes de l’article L.1154-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi du 8août 2016, 'lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L.1152-1 à L.1152-3(…) le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.'

Au soutien de sa demande, Mme Z X affirme qu’elle était corvéable à merci comme le démontrent les heures supplémentaires qu’elle a dû effectuer, que cela a porté atteinte à sa santé et à sa vie de famille. Elle indique également qu’elle a été soumise à des pressions et à des remarques vexatoires.

La société dénie l’ensemble de ces arguments.

Mme Z X ne peut raisonnablement imputer ses bronchites, son accident de ski ni ses difficultés gastriques ( intervenues postérieurement à son licenciement et à une époque ou elle ne travaillait pas) à son rythme de travail.

Par ailleurs, elle ne fait pas la preuve des pressions qu’elle affirme avoir subies ni des propos vexatoires qui auraient été tenus à son encontre.

Les heures supplémentaires retenues par la cour et effectuées par Mme Z X ne laissent pas présumer un harcèlement moral tel que défini ci-dessus.

La salariée n’établit pas de faits permettant, de présumer l’existence d’un harcèlement

Sur l’exécution par l’employeur de son obligation de sécurité, force est de constater qu’en l’absence de harcèlement moral avéré, le manquement allégué de l’employeur afin de prendre toute mesure utile pour prévenir les agissements de harcèlement moral devient sans portée.

La demande de dommages et intérêts sera donc rejetée.

-Sur la demande de remboursement formulées par la société ADVISO PARTNERS

La demande est sans objet dans la mesure où les sommes versées en exécution d’un jugement ne sauraient faire l’objet d’une condamnation à remboursement, l’arrêt infirmatif vallant titre exécutoire.

- Sur la remise des documents de fin de contrat

Il convient d’ordonner à la société ADVISO PARTNERS de remettre à madame Z X un certificat de travail, une attestation destinée au Pôle Emploi et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt, sans qu’il ne soit nécessaire de prévoir une astreinte.

- Sur les demandes accessoires

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis à la charge de la société ADVISO PARTNERS les dépens de première instance et en ce qu’il a alloué à Mme Z C une indemnité de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d’appel seront supportés par la société ADVISO PARTNERS.

L’équité et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application au profit de Mme Z D l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel dans la mesure énoncée au dispositif. société sera condamnée à lui payer à la somme de 2.000 euros de ce chef.

La société ADVISO PARTNERS sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a condamné la société ADVISO PARTNERS aux dépens et à payer à Mme Z X la somme de 50.000 euros ainsi que la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

Dit irrecevable la demande formée par Mme Z X au titre du rappel de salaire d’avril 2015 et des congés afférents,

DIT nul le licenciement de Mme Z X,

Condamne la société ADVISO PARTNERS à payer à Mme Z X les sommes suivantes :

—  30.000 euros au titre des heures supplémentaires, outre 3.000 euros au titre des congés payés y afférents,

—  7.000 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

—  2.999, 03 euros, au titre du solde de l’indemnité de préavis outre la somme de 299,90 au titre des congés afférents,

—  20.000 euros au titre du bonus pour l’année 2015,

—  5.000 euros au titre du bonus pour l’année 2016,

DEBOUTE Mme Z X de sa demande au titre du droit au repos et au respect de la durée maximale de travail, de sa demande au titre du rappel de congés payés, de sa demande de

dommages et intérêts pour travail dissimulé et de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et matériel relevant des conditions de travail et du non respect de l’obligation de sécurité de l’employeur,

ORDONNE à la société ADVISO PARTNERS de remettre à Mme Z X un certificat de travail, une attestation destinée au Pôle Emploi et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification,

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Y ajoutant,

Dit la demande en remboursement présentée par la société ADVISO PARTNERS sans objet, l’arrêt infirmatif valant titre exécutoire,

CONDAMNE la société ADVISO PARTNERS à payer Mme Z X la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel,

DEBOUTE la société ADVISO PARTNERS de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société ADVISO PARTNERS aux dépens d’appel.

LA GREFFI’RE LE PR''SIDENT

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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 3 novembre 2021, n° 18/04864