Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 2 février 2022, n° 20/04853

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Chronologie de l’affaire

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www.taylorwessing.com · 10 mai 2022

Actualité juridique en France Résiliation du contrat de franchise aux torts du franchisé et indemnisation du franchiseur Déséquilibre significatif : articulation entre les dispositions de droit commun de l'article 1171 du Code civil et les dispositions de l'article L.442-1, I, 2° du Code de commerce Panorama de jurisprudence récente relative au savoir-faire du franchiseur Fourniture de prévisionnels par le franchiseur : le franchisé peut engager une action fondée sur le dol 7 ans après la signature du contrat Cession de parts sociales et garantie légale d'éviction : la recherche …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 4, 2 févr. 2022, n° 20/04853
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/04853
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 3 février 2020, N° J201900063
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRET DU 2 FEVRIER 2022

(n° , 12 J)


Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/04853 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBUKX


Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Février 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° J201900063

APPELANTES

SARL Z prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social

[…]

[…]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de CANNES sous le numéro 825 118 359

en redresssement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de CANNES en date du 22/01/2019

SELARL A Y & ASSOCIES prise en la personne de Maître A Y ès qualités d’Administrateur judiciaire de la Société Z

[…]

[…]


Plan de redressement arrêté par jugement du tribunal de commerce de CANNES en date du 03/11/2020 qui a nommé commissaire à l’exécution du plan Me Didier CARDON et mis fin à la mission de l’administrateur A Y & ASSOCIES


Représentées par Me C D de l’AARPI D-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125


ASSOCIES, avocat au barreau de Paris substituée par Me Rodolphe PERRIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P166

INTIMEE

SAS ETLB prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social […]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 527 881 429


Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010,


Assistée de Me Camille SMADJA, avocat au barreau de PARIS subsitituée par Me Alexandra BEN SOUSSAN JERUSALMI de DJS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0761

COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Novembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Sophie DEPELLEY, Conseillère, chargée du rapport, et Mme Camille LIGNIERES, Conseillère.


Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Laure DALLERY, Présidente,

Mme Sophie DEPELLEY, Conseillère

Mme Camille LIGNIERES, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI.

ARRÊT :


- contradictoire,


- par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,


- signé par Mme Marie-Laure DALLERY, Présidente, et par Mme Meggy RIBEIRO, Greffière placée, présente lors du prononcé par mise à disposition.

***

FAITS ET PROCEDURE

La société ETLB anime un réseau de franchise sous l’enseigne ' côté Sushi’ spécialisé dans la restauration japonaise haut de gamme.

La société Z, constituée par M. X E F ( ci-après 'M. X') a exploité un restaurant sous l’enseigne 'côté Sushi'.


Le 15 février 2017, les sociétés Z et ETLB ont conclu un contrat de franchise ayant pour objet l’exploitation du restaurant sous enseigne 'côté Sushi à Cannes et d’une durée de sept années.


Le 15 mai 2017 , la société Z a ouvert son restaurant.


Estimant se heurter à des manquements imputables au franchiseur et compromettant sa rentabilité, la société Z a cessé de payer une partie des factures adressées par la société ETLB pour un montant de 14 985,81 euros au 4 septembre 2017.


Sur requête de la société ETLB, il a été enjoint par ordonnance du 25 octobre 2017 du juge délégué du tribunal de commerce de Cannes à la société Z de payer la somme de 14 985,81 euros.


Par acte du 5 janvier 2018, la société Z a formé opposition à cette injonction et le dossier a été transmis au tribunal de commerce de Paris.


Par lettre du 2 juillet 2018, la société Z a informé la société ETLB de la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchiseur et, par acte du 18 juillet 2018, la société Z l’a assigné devant le tribunal de commerce de Paris.


Par jugement du 22 janvier 2019, la société Z a bénéficié de la procédure de redressement judiciaire, M. A Y ayant été désigné en qualité d’administrateur judiciaire. Ce dernier a été assigné par la société ETLB devant le tribunal de commerce de Paris par acte du 3 mai 2019.

Par jugement du 4 février 2020, le tribunal de commerce de Paris a :


Joint d’office les trois causes enrôlées sous les numéros RG 2018006296, RG 2018046548 et RG 2019027878 ;


Donné acte à Maître A Y ès qualités d’Adminístrateur judiciaire de la société Z qu’il déclare intervenir volontairement à la procédure initialement engagée par la société Z et qu’il entend faire sienne les termes de l’exploit introductif d’instance,


Prononcé aux torts de la société Z la résiliation du contrat de franchise du 15 février 2017,


Débouté la société Z de voir la société ETLB condamnée à lui payer une somme de 17.500 € au titre de la perte de chance ;


Condamné la société ETLB à payer à la société Z la somme de 5.080,39 € € au titre des RFA 2017 ;


Débouté la société Z de sa demande de voir la société ETLB lui payer 10.000 € au titre des RFA de 2018 ;


Débouté la société Z de sa demande de voir la société ETLB lui communiquer, sous astreinte définitive de 1.000 € par jour de retard à compter du jugement à intervenir, des documents ;


Fíxé à la somme de 19.844,75 € au passif de la société Z, la créance de la société ETLB au titre des redevances impayées ;


Fixé au passif de la société Z, à la somme de 25.868,06 € la créance de la société ETLB au titre de l’indemnité de résiliation et déboute la société ETLB du surplus de sa demande à ce titre ;


Fixé à la somme de 2.000 € au passif de la société Z la créance de la société ETLB au titre de l’article 14 du contrat de franchise et déboute la société ETLB du surplus de sa demande ;


Enjoint à la SARL Z de supprimer de sa carte toutes les recettes copiées sur COTE SUSHI, sous peine d’une astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de 15 jours après la signification du présent jugement';


Fixé au passif de la SARL Z la créance de la société ETLB à la somme de 500 € au titre de dommages et intérêts pour avoir continué d’utiliser la marque et l’enseigne COTE SUSHI après la cessation du contrat et déboute la société ETLB du surplus de sa demande ;


Ordonné à la SARL Z de cesser l’usage de la marque et de l’enseigne COTE SUSHI sous peine d’une astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter de 15 jours après la signification du présent jugement ;


Fixé au passif de ta société Z à la somme de 1.000 € la créance de la société ETLB au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;


Condamne la société Z aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 116,74 € dont 19,24 € de TVA';


Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement.

Le société Z a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 5 mars 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 18 octobre 2021, la société Z représentée par M. Y en sa qualité d’administrateur judiciaire demande à la Cour de':

Vu les articles 1101, 1103, 1104, 1163, 1217, 1223, 1231-1, 1231-2, 1231-5, 1235-1 du Code civil ;

Vu l’article 367 du Code de procédure civile ;

Vu l’article L. 442-5 du Code de commerce ;


Débouter la société ETLB de toutes ses demandes, fins et conclusions aussi irrecevables que mal fondées.


Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris du 4 février 2020 en ce qu’il a :


- Prononcé aux torts de la société Z la résiliation du contrat du contrat de franchise,


- Limité à la seule somme de de 5.080,39 euros la condamnation de la société ELTB au titre des RFA 2017,


- Fixé à la somme de 19.844,75 euros au passif de la société Z, la créance de la société ELTB au titre des redevances impayées,


- Fixé à la somme de 25.868,06 euros au passif de la société Z la créance de la société ELTB au titre de l’indemnité de résiliation,


- Fixé à la somme de 2000 euros au passif de la société Z la créance de la société ELTB au titre de l’article 14 du contrat de franchise,


- Enjoint la société Z de supprimer de sa carte toutes les recettes copiées sur COTE SUSHI sous peine d’une astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de 15 jours après la signification du jugement


- Fixé à la somme de 500 euros au passif de la société Z la créance de la société ELTB au titre des dommages et intérêts pour avoir continué d’utiliser la marque et l’enseigne COTE SUSHI sous peine d’une astreinte de 50 euros de retard, à compter de 15 jours après la signification du jugement ,


- Fixé à la somme de 1000 euros au passif de la société Z la créance de la société ELTB au titre de l’article 700 du code de procédure civile, Statuant de nouveau :


- Juger que le contrat de franchise litigieux a été résilié aux torts exclusifs de la société ETLB ;


- Condamner ETLB à verser à Z une somme de 10.000 €, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 février 2018, au titre des pertes liées à l’absence de liberté tarifaire ,


- Condamner ETLB à verser à Z une somme de 56.000 € au titre des gains manqués liés à l’absence de liberté tarifaire, sauf à parfaire ;


- Condamner ETLB à rembourser à Z la somme de 7.500 €, sauf à parfaire, au titre d’un trop-perçu de redevances de franchise sur les premiers mois d’exploitation de Z ;


- Condamner ETLB à verser à Z une somme de 25.000 €, sauf à parfaire, au titre des investissements spécifiques non amortis au jour de la résiliation du contrat de franchise ;


- Condamner ETLB, sous astreinte définitive de 1.000 € par jour de retard à compter du jugement à intervenir, à fournir à Z les documents suivants :

o Justificatif de l’ouverture du compte bancaire dédié prévu à l’article 5.6 du contrat de franchise ;

o Copie des contrats conclus entre ETLB et l’ensemble des prestataires de publicité au titre de l’année 2017 ;

o Copie de l’intégralité des factures correspondant aux prestations réalisées par ETLB au titre de la publicité nationale en 2017 certifiées payées par l’expert-comptable ;

o Copie de l’intégralité des extraits de compte bancaire liés aux mesures de publicité nationale réalisées en 2017 ;

o Copie du bilan et du compte de résultat de la société ETLB au titre de l’année 2017.


- Condamner ETLB à communiquer à Z, sous astreinte définitive de 1.000 € par jour de retard à compter du jugement à intervenir, l’ensemble des contrats conclus par celle-ci avec l’ensemble des fournisseurs référencés du réseau COTE SUSHI au titre de l’année 2017 ;


- Condamner ETLB à reverser à Z une somme de 20.161 €, sauf à parfaire, équivalente aux RFA rapportées au volume des commandes réalisées par Z au titre de l’année 2017, et de l’année 2018 ;


- Condamner ETLB à payer à Z une somme de 17.500 € au titre de la perte de chance de ne pas avoir eu à supporter des frais de changement d’enseigne, de changement de signalétique, de remplacement de mobilier, etc. ;


- Débouter ETLB de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;


- Réduire, subsidiairement, à la somme d’un euro le montant de la clause pénale stipulée à l’article 14 du contrat de franchise en raison du caractère manifestement excessif de la peine convenue ;


- Condamner ETLB, outre aux entiers frais et dépens dont distraction au profit de Maître C D dans les conditions de l’article 699 du CPC, à verser à la société Z une somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 7 septembre 2020, la société ETLB demande à la Cour de :


Vu les articles 1103, 1231-1 et 1231-2 du code civil ;

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris du 4 février 2020 en ce qu’il a :


- Dit que la société Z a résilié à tort le contrat de franchise ;


- Dit que la société ETLB n’a pas à supporter d’éventuelles conséquences de la décision prise par la société Z ;


- Dit que la société Z disposait d’une liberté tarifaire ;


- Débouté la société Z de l’ensemble de ses demandes liées à une prétendue absence de liberté tarifaire ;


- Dit qu’il n’y avait pas lieu d’ordonner sous astreinte la production de documents pour justifier les redevances publicitaires ;


- Débouté la société Z de voir la société ETLB condamnée à lui rembourser la somme de 7.500 euros au titre d’un trop-perçu de redevances de franchise ;


- Dit que la société Z ETLB devait payer à la société Z la somme de 5.080,39 euros au titre des RFA 2017 ;


- Débouté la société Z de sa demande de RFA au titre de 2018 ;


- Débouté la société Z de voir la société ETLB condamnée à lui payer une somme de 17.500 euros au titre de la perte de chance de ne pas avoir eu à supporter des frais de changement d’enseigne, de changement de signalétique, de remplacement de mobilier ;


- Enjoint la société Z de supprimer de sa carte toutes les recettes copiées sur Côté Sushi, sous peine d’une astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de 15 jours après la signification du jugement ;


- Ordonné à la société Z de cesser l’usage de la marque et de l’enseigne Côté Sushi, sous peine d’une astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter de 15 jours après la signification du présent jugement.

Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris du 4 février 2020 en ce qu’il a :


- Fixé à la somme de 4.245,79 euros le préjudice éventuel de la société Z au titre des redevances publicitaires ;


- Limité à la somme de 19.855,75 euros la créance de la société ETLB au titre des redevances impayées ;


- Limité à la somme de 25.868,06 euros l’indemnité de résiliation due par la société Z ;


- Limité à la somme de 2.000 euros l’indemnité due par la société Z au titre de l’article 14 du contrat de franchise pour violation de son devoir de confidentialité ;


- Limité à la somme de 500 euros les dommages et intérêts dus par la société Z pour avoir continué d’utiliser la marque et l’enseigne du franchiseur après la cessation du contrat.
Statuant de nouveau, il est demandé à la cour d’appel de bien vouloir :


- Dire et juger l’intimé recevable en ses conclusions d’appel et l’y déclarer bien fondé ;


- Débouter l’appelante de l’ensemble de ses demandes ;


- Fixer au passif de la société Z la somme de 24.090,54 euros au titre de ses redevances impayées ;


- Fixer au passif de la société Z la somme de 172.453,68 euros au titre de l’indemnité de résiliation du contrat ;


- Fixer au passif de la société Z la somme de 100.000 euros prévue par l’article 14 du contrat de franchise pour violation de son devoir de confidentialité ;


- Fixer au passif de la société Z la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts pour avoir continué d’utiliser la marque et l’enseigne du franchiseur après la cessation du contrat ;


- Fixé au passif de la société Z la somme de 20.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;


- Condamner la société Z aux entiers dépens.'

Par jugement du 3 novembre 2020, le tribunal de commerce de Cannes a arrêté un plan de redressement de la société Z pour une durée de 10 ans et mis fin à la mission de l’administrateur judiciaire A Y &Associés.


La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR


La société franchisée Z reproche divers manquements à la société franchiseur ETLB lui engendrant des préjudices dont elle demande réparation, et qu’elle qualifie de suffisamment graves pour justifier une résiliation du contrat de franchise aux torts de la société ETLB.

Sur les manquements contractuels allégués par la société Z et les demandes de réparation de préjudices afférentes


La société Z sollicite la réparation des préjudices suivants :


- perte de liberté tarifaire : 10 000 euros au titre de pertes liées à l’absence de liberté tarifaire outre 56 000 euros au titre d’un gain manqué


- restitution de redevances manifestement excessives : 7500 euros


- redevances publicitaires : communication de documents


- restitution des RFA : 10 161 euros au titre de l’année 2017 et 10 000 euros pour 2018

* sur le grief relatif à la liberté tarifaire

La société Z reproche en substance à la société ETLB, de ne pas respecter la liberté tarifaire du franchisé prévu au contrat à l’article 6.5 c) et de l’article L.442-5 du code de commerce, en fixant les prix sur le site internet du réseau dont seul le franchiseur avait la maîtrise et en décidant des campagnes promotionnelles et de fidélisation.


La société Z estime que son préjudice est constitué des pertes liées à cette absence de liberté tarifaire mais aussi des gains manqués. Elle n’a pas pu fixer ses tarifs à des périodes cruciales de son activité, en particulier pendant le festival de Cannes et la société ETLB ne lui a pas permis de se rendre maître de ses marges et de compenser les promotions distribuées par le franchiseur ainsi que les commissions prélevées à la source par les sociétés de commande en ligne et de livraison.

La société ETLB soutient pour l’essentiel que le franchisé avait la possibilité de modifier ce prix sur le site du franchiseur qui n’affichait qu’un prix conseillé et que le franchisé a effectivement usé de sa liberté de pratiquer ses propres promotions.


Sur ce,


Suivant l’article 3 du contrat de franchise, d’une part le franchiseur exploite et gère seul le site internet www.cotesushi.com et www.cotesushi.be en s’engageant à présenter le restaurant du franchisé et à traiter ses commandes internet, et d’autre part le franchisé a la possibilité de créer son propre site internet tout en veillant à respecter la charte graphique et le concept du réseau.


A la lecture des pièces et explication des parties (pièce Z n° 3.22, 3.23, 13 et pièce ETLB n°12), il n’apparaît pas clairement si le franchisé avait la possibilité d’inscrire ses propres tarifs sur le site internet du réseau. Cependant, le franchisé avait la possibilité de créer son propre site internet, puis à compter de 2018, une fonctionnalité de création de 'mini site’ sur le site général de coteshushi a été rendu possible (pièce ETLB n°13) . Il résulte par ailleurs du courriel du mois d’août 2017 (pièce ETLB n°16) que la société Z a usé de sa faculté de baisser ses prix par rapport aux prix conseillés franchiseurs avec remises à près de 20% de son chiffre d’affaires.


S’agissant des campagnes promotionnelles, le principe de celles-ci ne sont pas contestées par le franchiseur dans sa mission d’animation du réseau et développement du savoir-faire. Certes la société Z justifie s’être plainte de multiples promotions imposées (Pièces Z 3.26, 3.28, 3.31, 20) et de la gestion des avoirs sur les tickets restaurant, et de la réclamation du remboursement de 'tous les codes promos’ accordées dans sa région sans son autorisation. Néanmoins, il n’est produit aucun chiffrage précis et tangible permettant de mettre en évidence leur caractère excessif et l’impact significatif sur les marges.


En l’état des éléments soumis à l’appréciation de la Cour, l’absence de liberté tarifaire alléguée n’est pas établie et la société Z sera déboutée de ses demandes de dommages-intérêts à ce titre.


Le jugement sera confirmé sur ce point.

* sur les griefs relatifs aux redevances d’enseigne et d’assistance


La société Z sollicite la somme de 7500 euros au titre de :


- la réduction de l’assiette des redevances au chiffre d’affaires HT réellement effectuée par Z, déduction faite des remises, rabais et ristournes pratiqués au profit des clients ainsi que des sommes payées aux prestataires de service de livraison et d’intercession ;


- la réduction du taux de redevances à 2,5% du chiffre d’affaires HT mensuel, compte tenu de l’absence de services fournis par le franchiseur, la société Z n’ayant reçu depuis l’ouverture la moindre visite utile du franchiseur, ni conseil pratique,


- la restitution de la part de redevances indûment perçue par ETLB au cours des premiers mois d’exécution du contrat de franchise, à savoir 5% du montant total des remises, rabais et ristournes que Z a dû pratiquer au profit des clients sans avoir donné son accord sur le principe de ces remises, rabais et ristournes, outre 5% des sommes versées aux différents prestataires de services (deliveroo etc…)


Sur l’assiette de la redevance d’enseigne et d’assistance, le contrat de franchise stipule à l’article 5.6, b) :

' En contrepartie de l’utilisation effective de la Marque, du Savoir-faire, de l’assistance continue et des services postérieurs à l’ouverture du restaurant, tels qu’ils résultent du contrat, le franchisé s’engage à verser au franchiseur une redevance mensuelle de franchise d’un montant égal à :

- 5% du chiffre d’affaires mensuel hors taxes

Le Franchisé s’oblige à transmettre au Franchiseur le relevé détaillé des chiffres d’affaires réalisés'


Comme le relève la société ETLB, il ressort clairement du contrat de franchise que la redevance d’enseigne et d’assistance est calculée sur le chiffre d’affaires dont le relevé détaillé est transmis par le franchisé, sans déduction de charges spécifiques. La société Z ne donne aucune précision sur le montant des chiffres d’affaires transmis, et en particulier de la déduction des remises, rabais et ristournes faits à la clientèle pour le calcul de ce relevé de chiffre d’affaires.


Sur l’assistance du franchiseur, la société ETLB justifie avoir assisté son franchisé lors de l’ouverture du restaurant (transmissions des différents manuel et mode opératoire, fourniture de l’enseigne et menus, aide d’un chef cuisinier), et de plusieurs visites au cours de l’exécution du contrat ( le 27 mai 2017, le 25 août 2017 qui a donné lieu à un rapport de visite d’évaluation, une visite mystère le 2 octobre 2017, une visite d’évaluation avec rapport du 22 février 2018) et des propositions de formations et de visites ( pièces n°29, 37 et 39). La société Z n’apporte pas d’élément permettant de démontrer une défaillance dans l’assistance telle que prévue au contrat de franchise, si ce n’est des critiques d’ordre général sur l’utilité des visites ou formations ou l’absence d’un avantage concurrentiel.


La société Z sera déboutée de ses demandes de restitution de redevance et le jugement confirmé sur ce point.

* sur le grief relatif à la redevance publicitaire

La société Z réclame la communication sous astreinte par la société ETLB de divers documents (justificatif d’ouverture de comptes bancaires, contrats et factures) justifiant ses dépenses publicitaires prévues à l’article 5.6 du contrat de franchise.

La société ETLB réplique que la redevance publicitaire prévue au contrat de franchise sert en partie au fonctionnement du site internet du franchiseur, qu’elle atteste avoir dépensé la somme totale de 77 860 euros en 2017 pour les actions de publicité nationale et qu’elle n’est pas tenue de justifier de l’intégralité du budget publicitaire.


Comme l’a relevé le tribunal, il ressort de l’article 5.6 c) du contrat de franchise relatif à la participation à la publicité au niveau national que le franchiseur s’engage à créer un compte bancaire dédié et ' dans un souci de transparence, de répondre à toute demande raisonnable d’informations complémentaires, à fournir toutes justifications sur l’emploi des participations financières que le franchisé pourrait demander'.


Pas plus qu’en première instance, la société ETLB ne produit en appel de justification de ses engagements sur les dépenses publicitaires en contrepartie de la redevance de 1% du chiffre d’affaires à la charge du franchisé. Par de justes motifs, qui ne sont pas utilement contredits par les parties en appel et que la Cour adopte, le tribunal a retenu que les préjudices éventuellement subis par la société Z par une mauvaise utilisation par la société ETLB des sommes n’excèdent pas 4245,79 euros, montant qu’elle a versé au titre de l’effort publicitaire mutualisé dont elle sera dédommagée sans qu’il y ait lieu d’ordonner sous astreinte la production de document.


Le jugement sera confirmé sur ce point.

* sur le grief lié aux RFA

La société Z réclame la restitution de 100% des RFA perçues par le franchiseur auprès des fournisseurs au titre des années 2017 et 2018.

La société ETLB réplique qu’à la suite d’une réclamation formée par cinq franchisés du réseau Côté Sushi, dont la société Z, elle a pris l’engagement unilatéral de restituer 50% des remises de fin d’année aux franchisés pour l’année 2017 et pas davantage.


Par de juste motifs, qui ne sont pas utilement critiqués par la société Z et que la Cour adopte, le tribunal a retenu que la seule restitution que le franchisé est en droit de réclamer résulte d’un engagement pris par le franchiseur à hauteur de 50% en octobre 2017 et non d’une obligation contractuelle.


Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société Z de sa demande de restitution des RFA pour l’année 2018 et à hauteur de 100% pour l’année 2017.

Sur la résiliation du contrat de franchise et les demandes y afférentes

La société Z reproche à la société ETLB les manquements suivants :


- manquement sur le concept et le site internet


- absence d’assistance et de formation continue


- violation de l’obligation de respecter la liberté tarifaire des franchisés


- absence de transparence, tant au sujet des RFA qu’à celui des dépenses publicitaires.


Faisant valoir la gravité de ces manquements compromettant le maintien de la relation contractuelle, la société appelante soutient qu’elle a été dans l’obligation de prendre acte de la résiliation du contrat de franchise dans son courrier du 2 juillet 2018 aux torts exclusifs du franchiseur. Elle réclame le paiement de la somme de 25 000 euros au titre des investissements spécifiques non amortis au jour de la résiliation du contrat de franchise ainsi que la somme de17 500 euros au titre de la perte de chance de ne pas avoir eu à supporter des coûts au titre du changement d’enseigne et de signalétique.

La société ETLB estime que le contrat de franchisé a été résilié aux torts exclusifs du franchisé et demande l’obtention d’une indemnité forfaitaire prévue au contrat en cas de résiliation imputable au franchisé.


Par des motifs pertinents, non utilement contestés par la société Z à l’appui de son appel et que la Cour adopte, le tribunal a retenu qu’il n’était pas établi que la société ETLB avait manqué à ses obligations essentielles alors que dès le début de l’exécution du contrat de franchise la société Z ne s’est pas acquittée de ses redevances et que la société ETLB n’avait pas à supporter les éventuelles conséquences du changement d’enseigne.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a prononcé aux torts de la société Z la résiliation du contrat de franchise et débouté celle-ci de ses demandes relatives à ses frais de changement d’enseigne. Il en est de même pour la demande relative aux investissements non amortis.


Sur la demande d’indemnité de résiliation de la société ETLB à hauteur de 172 453,68 euros en application de la clause pénale prévue à l’article 12.2 du contrat de franchise, le tribunal par de justes motifs qui ne sont pas utilement contestés et que la Cour adopte, a relevé le caractère manifestement excessif de la clause pénale au regard de la marge brute perdue du fait de la résiliation du contrat et a réduit l’indemnité à la somme de 25 868,06 euros. Le jugement sera confirmé sur ce point.


Sur la demande de la société ETLB à hauteur 24 090,54 euros au titre des redevances impayées, celle-ci produit aux débats un relevé de compte 411 Cannes (pièce n°38) qui ne comprend pas uniquement au débit les redevances impayées d’enseigne mais également des redevances de publicités et autres frais non justifiés (tels que les frais Google) que la société Z a régulièrement contesté. Aussi, en l’état des éléments soumis à son appréciation, la Cour retiendra au titre des redevances impayées la somme de 13 134,40 euros correspondant au montant de l’arriéré dû visé dans le courrier de la société Z du 21 mai 2018 (pièce n°2.42). Le jugement sera infirmé sur ce point.


La société ETLB demande la confirmation du jugement en ce qu’il considère qu’une réparation était due au franchiseur au titre de l’utilisation de la marque, des signes distinctifs et du savoir-faire du franchiseur après la cessation du contrat de franchise, mais demande l’infirmation de ce jugement sur le montant des indemnisations et réclame les sommes de 100 000 euros prévue par l’article 14 du contrat de franchise et la somme de 5000 euros de dommages-intérêts pour avoir continué d’utiliser la marque et l’enseigne Côté Sushi après la cessation du contrat.


Par des motifs pertinents, non utilement contestés par les parties par des éléments complémentaires à hauteur d’appel et que la Cour adopte, le tribunal a retenu que les recettes et plats proposés par la société Z après la résiliation du contrat étaient fortement copiés des éléments développés par Côté Sushi, et que l’ancienne enseigne avait été laissée quelques semaines. Relevant que la clause pénale était manifestement excessive, le tribunal a justement réduit l’indemnité à 2000 euros et limité à 500 euros les dommages-intérêts, outre une injonction sous astreinte de 100 euros et 50 euros par jour de retard pour la société Z de supprimer les recettes de la carte ainsi que l’usage de la marque et enseigne. Le jugement sera confirmé sur ces points.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile


Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Z aux dépens et alloué à la société ETLB la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.


La société Z, succombant pour l’essentiel, sera condamnée aux dépens d’appel et à payer la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement sauf en ce qu’il a fixé au passif de la société Z la créance de la société ETLB à hauteur de 19 844, 75 euros au titre des redevances impayées,

Statuant de nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

FIXE au passif de la société Z la créance de la société ETLB à hauteur de 13 134,40 euros au titre des redevances impayées, et déboute la société ETLB du surplus de sa demande à ce titre,

CONDAMNE la société Z aux dépens d’appel et à verser à la société ETLB la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETTE toute autre demande.


LE GREFFIER LE PRESIDENT 1. G H I J

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 2 février 2022, n° 20/04853