Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 27 juillet 2021, n° 19/02789

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, 1re ch., 27 juill. 2021, n° 19/02789
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 19/02789
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Saintes, 27 juin 2019
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°445

N° RG 19/02789 – N° Portalis DBV5-V-B7D-F2JR

Y

Y

C/

X

E

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

1re Chambre Civile

ARRÊT DU 27 JUILLET 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/02789 – N° Portalis DBV5-V-B7D-F2JR

Décision déférée à la Cour : jugement du 28 juin 2019 rendu par le Tribunal de Grande Instance de SAINTES.

APPELANTS :

Madame C Y

née le […] à […]

[…]

[…]

Monsieur H-I Y

né le […] à […]

[…]

[…]

a y a n t t o u s l e s d e u x p o u r a v o c a t M e C é c i l e H I D R E A U d e l a S C P BEAUCHARD-BODIN-DEMAISON-GIRET-HIDREAU-SHORTHOUSE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

INTIMES :

Monsieur H-J X

né le […] à […]

[…]

[…]

Madame D E épouse X

née le […] à […]

[…]

[…]

ayant tous les deux pour avocat Me Philippe-henri LAFONT de la SELARL OPTIMA AVOCATS, avocat au barreau de SAINTES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 31 Mai 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :

Madame Anne VERRIER, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Madame Anne VERRIER, Conseiller

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Mme Chamsane ASSANI,

ARRÊT :

—  CONTRADICTOIRE

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Chamsane ASSANI,
Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par acte du 29 janvier 2016,les époux Y ont vendu aux époux X un ensemble immobilier situé à Boresse et Martron (17 270) pour un prix de 380 000 euros.

L’acte de vente incluait une clause d’exonération des vices apparents et cachés, stipulait que 'l’exonération ne s’applique pas s’il est prouvé par l’acquéreur dans les délais légaux que les vices cachés étaient en réalité connus du vendeur'.

Par courrier du 6 juin 2017, l’acquéreur informait le vendeur qu’il venait de constater :

— la présence de larves xylophages,

— un empiétement connu depuis 2015

— conduite d’eau installée en 1979 traversant les parcelles vendues sur 500m

Par courrier du 26 février 2018, le conseil de l’acquéreur écrivait au vendeur, faisait état de l’effondrement d’un hangar en mars 2016, de la découverte subséquente de la conduite d’eau, conduite qui l’empêchait de modifer l’emplacement du hangar.

Il dénonçait en outre des nuisances sonores importantes apparues en juillet 2017 lors de la mise en circulation de la ligne de TGV.

L’avocat indiquait que ses clients s’ils devaient saisir le tribunal demanderaient la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le vendeur répondait le 29 mars 2018.

Il estimait que le bâtiment annexe ne présentait pas de faiblesse à la date de la vente, convenait avoir oublié l’existence du procès-verbal de bornage, observait que la mise en service de la ligne et les nuisances sonores ne pouvaient être connues avant juillet 2017. Il ajoutait que la canalisation s’étend sur 200m,que le terrain n’est grevé d’aucune servitude d’utilité publique.

Par acte du 6 avril 2018, l’acquéreur a fait assigner le vendeur devant le tribunal de grande instance de Saintes aux fins d’indemnisation de ses préjudices sur le fondement du dol, à titre subsidiaire, de la garantie d’éviction, de la responsabilité contractuelle pour faute.

Par jugement du 28 juin 2019, le tribunal de grande instance de Saintes a statué comme suit :

- Dit que Monsieur H I Y et Madame C F son épouse à l’occasion de la vente de leur bien immobilier aux époux X le 29 janvier 2016 se sont rendus coupables de réticence dolosive en n’informant pas les acheteurs de l’existence d’une canalisation d’eau sur leur terrain et d’un empiétement d’un muret sur la propriété voisine ;

-Dit qu’il en est résulté pour les acheteurs un préjudice total de 13.000,00 ' ;

-Condamne solidairement Monsieur H I Y et Madame C F son épouse à payer à Monsieur et Madame X pris comme une seule et même partie une somme de 13.000,00 ' à titre d’indemnisation dudit préjudice outre une somme de 1.500,00 ' sur le fondement de l’article 700 du CPC ;

-Déboute Monsieur H I Y et Madame C F épouse Y de leurs demandes ;

-Condamne Monsieur H I Y et Madame C F aux dépens de l’instance ;

-Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision.

Le premier juge a notamment retenu que :

— sur la canalisation d’eau

L’acquéreur a été informé après la vente que la présence d’une conduite d’eau sur le terrain induisait des contraintes, notamment l’ impossibilité de construire à proximité, l’existence d’un droit de passage de la société d’entretien.

L’acquéreur ne démontre ni l’existence d’une servitude, ni les inconvénients liés à la conduite d’eau. Il ne démontre pas avoir été dans l’obligation de reconstruire le bâtiment effondré à l’endroit initial.

Le vendeur a commis une faute résultant d’une réticence dolosive d’un élément connu.

Le seul préjudice démontré est limité aux travaux d’enlèvement de la canalisation dont le coût sera évalué à 5000 euros.

— sur les insectes xylophages

Il n’est pas démontré que ce désordre existait à la date de la vente en janvier 2016.

— sur l’empiétement

L’acquéreur produit un procès-verbal de bornage du 21 janvier 2015 qui atteste que le mur érigé par M. Y empiète sur la propriété voisine de 9 cm.

En cas de vente, le propriétaire devait faire mentionner dans l’acte de vente l’existence du document de bornage.

Il y a réticence dolosive sur l’empiétement.

Il n’est pas démontré que la murette ait été érigée il y a 40 ans, qu’un accord des parties existe.

Un préjudice existe car il pourra être demandé la démolition à l’acquéreur.

Une indemnisation forfaitaire de 8000 euros sera retenue en l’absence de devis relatif aux travaux nécessaires à la reconstruction du mur.

— sur les nuisances sonores en lien avec la ligne ferroviaire à grande vitesse

La ligne est à 1,5 km de la propriété, est occultée par une butte de terre.

L’acquéreur pouvait s’informer sur le projet entrepris en 2012 selon le vendeur.

La nuisance n’est pas démontrée par l’ article de presse produit.

LA COUR

Vu l’appel général en date du 12 août 2019 interjeté par les époux Y

Vu l’article 954 du code de procédure civile

Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 29 avril 2021, les époux Y ont présenté les demandes suivantes :

Vu les dispositions des articles 1137, 1231 et 1626 du Code civil,

Vu les dispositions des articles 32-1, 696, 699 et 700 du Code de procédure civile,

-Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :

- dit que Monsieur H I Y et Madame C F son épouse à l’occasion de la vente de leur bien immobilier aux époux X le 29 janvier 2016 se sont rendus coupables de réticence dolosive en n’informant pas les acheteurs de l’existence d’une canalisation d’eau sur leur terrain et d’un empiétement d’un muret sur la propriété voisine ;

-dit qu’il en est résulté pour les acheteurs un préjudice total de 13.000,00 ' ;

-condamné solidairement Monsieur H I Y et Madame C F son épouse à payer à Monsieur et Madame X pris comme une seule et même partie une somme de 13.000,00 ' à titre d’indemnisation dudit préjudice outre une somme de 1.500,00 ' sur le fondement de l’article 700 du CPC ;

-débouté Monsieur H I Y et Madame C F épouse Y de leurs demandes ;

-condamné Monsieur H I Y et Madame C F aux dépens de l’instance ;

-ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.

Statuant à nouveau,

Dire et juger que les époux Y n’ont commis aucune réticence dolosive ou faute contractuelle.

Dire et juger que les époux X n’établissent pas la preuve d’un préjudice.

-Débouter les époux X de l’ensemble de leurs demandes, fin et conclusions.

-Condamner in solidum les époux X à payer à Madame C Y et à Monsieur H-I Y la somme de 1.500 ' chacun à titre de dommages et intérêts.

-Condamner in solidum les époux X à payer à Madame C Y et à Monsieur H-I Y la somme de 4.000 ' au titre de leurs frais irrépétibles.

-Condamner les mêmes et sous la même solidarité aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de la SCP BEAUCHARD BODIN DEMAISON GIRET HIDREAU, avocats aux offres de droit.

— Confirmer le jugement pour le surplus.

A l’appui de ses prétentions, le vendeur soutient notamment que :

— L’ensemble vendu comprend plus de 29 ha.

— L’acquéreur a pris possession des lieux dès le 22 novembre 2015, s’est assuré dès le 17 novembre. La vente a été réitérée le 29 janvier 2016 pour un prix de 380 000 euros.

— Il a visité le 22 octobre 2015, voulu acheter tout de suite. Le compromis a été signé le 20 novembre. Ils ont pris possession des lieux le 22, étaient assurés dès le 17 novembre 2015.

— sur la canalisation,

L’acquéreur avait été informé verbalement le 29 mai 2017 qu’une canalisation d’eau avait été installée en 1979. Il existe en outre une borne d’eau indiquant la canalisation.

La canalisation a été supprimée en juillet 2018, est déconnectée, n’est plus alimentée.

Aucune servitude n’existe. Il n’y a pas eu dissimulation intentionnelle. Aucune convention n’avait été signée. Elle est désormais hors service.

La canalisation ne les a pas empêchés de reconstruire leur hangar. Il n’est pas démontré qu’ils aient voulu déplacer le hangar. La date d’effondrement du hangar est incertaine. L’acquéreur a coulé une dalle en béton au lieu de terre battue, a obtenu son permis de construire le 16 juin 2017.

— sur l’empiétement

Ils ont répondu, ont reconnu avoir oublié de mentionner le procès-verbal de bornage, omission qu’ils estiment sans incidence.

Le bornage avait été sollicité par une voisine. Un procès-verbal a été signé le 21 janvier 2015.

Il n’y avait aucun litige entre les voisins. Une expertise démontre que le muret n’empiète pas.

Il n’existe aucun risque de démolition.

— sur les insectes,

Le diagnostic réalisé avant la vente avait révélé le présence de petites vrillettes.

Le nouveau diagnostic leur est inopposable comme l’ expertise du 20 décembre 2019. L’antériorité à la vente n’est pas établie.

— sur la ligne TGV

La mise en service de la ligne de train date de juillet 2017. Elle n’était pas connue lors de la vente. La vente est intervenue 18 mois avant la mise en service de la ligne.

Des essais ont précédé cette mise en service. La construction de la ligne a été médiatisée.

Les nuisances sont postérieures à la vente.

— L’obligation d’information pré-contractuelle prévue par l’article 1112-1 du code civil est inapplicable à la vente du 29 janvier 2016.

Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 27 avril 2021, les époux X ont présenté les demandes suivantes :

Vu les articles 1137, 1112, 1147, 1150, 1641, 1626, et 1638 du code civil,

Vu la jurisprudence et les pièces versées au débat,

- DIRE ET JUGER l’appel interjeté par Monsieur et Madame Y recevable mais mal fondé,

- LES DEBOUTER de l’ensemble de leurs demandes,

- CONFIMER le jugement entrepris en ce qu’il a :

- dit que Monsieur et Madame Y, à l’occasion de la vente de leur bien immobilier aux époux X le 29 janvier 2016 se sont rendus coupables de réticence dolosive en n’informant pas les acheteurs de l’existence d’une canalisation d’eau sur leur terrain et d’un empiétement d’un muret sur la propriété voisine,

- Condamné Monsieur et Madame Y aux dépens,

- INFIRMER le jugement entrepris pour le surplus,

Et, statuant à nouveau,

A titre principal, vu l’article 1216 du code civil

-Condamner Monsieur et Madame Y pour dol,

-Les condamner à verser à Monsieur et Madame X la somme de 50 000' au titre de dommages et intérêts,

A titre subsidiaire, vu les articles 1641 du code civil :

-Condamner Monsieur et Madame Y au titre de leur garantie des vices cachés à verser 50 000' à Monsieur et Madame X en diminution de leur prix d’achat.

A titre subsidiaire, vu les articles 1626 et 1638 du code civil :

-Condamner Monsieur et Madame Y au titre de leur garantie d’éviction à verser 50 000' de dommages et intérêt aux époux X.

A titre infiniment subsidiaire, vu les articles 1112, 1147, 1150 et 1638 du code civil:

-Condamner Monsieur et Madame Y, en vertu de leur responsabilité contractuelle à verser 50 000' à Monsieur et Madame X.

En tout état de cause :

- Débouter les époux Y de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

-Condamner Monsieur et Madame Y à 4 000' au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’appui de ses prétentions, l’acquéreur soutient notamment que :

— Les fondements invoqués sont le dol, la garantie des vices cachés, la garantie d’éviction, la responsabilité contractuelle pour faute du vendeur.

Les vices existaient avant la vente, diminuent l’usage du bien.

— sur la canalisation

La canalisation est une servitude d’utilité publique. Le vendeur a déclaré n’avoir créé, ni laissé créer des servitudes. La canalisation est enterrée , non-décelable. Depuis 2019 , elle n’est plus connectée, mais reste matériellement présente, était raccordée entre 2015 et 2019.

C’est une servitude d’utilité publique qui a été installée en 1979.

Les vendeurs ont menti lorsqu’ils ont déclaré dans l’acte de vente n’avoir créé ni laissé créer des servitudes. Ils ont acquis en 1970.

Le préjudice a été sous-estimé. Il produit 3 devis ( 12 000 et 15 488 euros).

L’acheteur doit être informé des servitudes occultes conformément à l’article 1638 du code civil.

La conduite passe sur 500m. Les travaux d’enlèvement de la canalisation ne se sont pas faits.

Ils ont été forcés de reconstruire le hangar au même endroit, subissent une perte de chance de ne pouvoir réimplanter librement l’annexe effondrée.

— sur l’empiétement

Le procès-verbal de bornage fait état d’une borne posée à 0,09 m du bord de mur de la propriété des consorts Y.

Mme B, voisine, a subi des pressions, des menaces des vendeurs. Elle est âgée de 78 ans. Il existe un empiétement de 9 cm sur sa propriété.

Elle atteste le 6 septembre 2018 avoir été informée par le géomètre-expert lors des opérations de bornage ainsi que M. Y que le mur qu’il avait érigé en limite de propriété empiétait de 9 cm sur leur terrain.

Le voisin peut demander la démolition du mur. Ils produisent des devis.

Le risque d’avoir à démolir justifie l’octroi de dommages et intérêts sur la base d’un devis de remise en état quand bien même aucune action n’aurait été intentée par les voisins.

— sur les insectes

Il a dû réaliser un traitement curatif le 1er juin 2017 pour un coût de 2409 euros. L’infestation date de l’ été 2012. Il produit un état parasitaire réalisé en mars 2017, un devis du 1er juin 2017, une expertise réalisée par un laboratoire ABARCO qui démontre que l’infestation a eu lieu durant l’été 2012.

L’acquéreur chiffre son préjudice à la somme de 50 000 euros sur le dol.

— sur la ligne TGV

L’acquéreur résidait à Nancy, à 800km , a signé le compromis à distance, ne savait rien de la ligne TGV. Les travaux n’étaient pas visibles du fait de la butée. La ligne ne figurait pas sur la cartographie. Ils ont gardé le silence afin de les tromper.

Le vice n’était pas apparent. L’acquéreur aurait négocié le prix à la baisse.

Ils ont pris possession de l’immeuble le 1 er avril 2016. La mise en service du train date de juillet 2017, leur cause un trouble jouissance, est source de dévaluation.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

Vu l’ordonnance de clôture en date du 3 mai 2021 .

SUR CE

L’ancien article 1116 devenu l’article 1137 du code civil dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas, et doit être prouvé.

L’ancien article 1146 devenu l’article 1231 du code civil prévoit que les dommages et intérêts ne sont dus qu’après mise en demeure préalable.

L’article 1626 du code civil relatif à la garantie d’éviction dispose que quoi que lors de la vente, il n’ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l’acquéreur de l’éviction qu’il souffre dans la totalité ou partie de l’objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente.

L’article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.

L’article 1638 du code civil dispose que si l’héritage vendu se trouve grevé , sans qu’il en ait été fait de déclaration de servitudes non apparentes, et qu’elles soient de telle importance qu’il y ait lieu de présumer que l’acquéreur n’aurait pas acheté s’il en avait été instruit, il peut demander la résiliation du contrat, si mieux il n’aime se contenter d’une indemnité.

L’article 1112 du code civil dispose que les négociations pré-contractuelles sont libres, doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.

Si cet article n’était pas applicable à la date de la vente litigieuse, la jurisprudence est constante sur le caractère d’ordre public du principe de bonne foi régissant la négociation, formation des contrats. contrat

Chaque désordre, vice sera examiné à l’aune des fondements juridiques successifs retenus par l’acquéreur : dol, vice caché, garantie d’éviction, manquement à l’obligation d’information précontractuelle.

-sur la conduite d’eau

L’acquéreur soutient avoir découvert l’existence de la conduite d’eau à la faveur de l’effondrement du hangar.

Il estime que la conduite l’empêche de faire certains travaux ; remplacer le portail, refaire le seuil béton en limite de propriété, qu’elle l’oblige à reconstruire le hangar qui s’est effondré au même endroit, lui impose des contraintes.

Le vendeur assure avoir averti l’acquéreur de l’existence de la conduite, estime qu’elle est signalée par une borne. Il fait valoir que la réfection du seuil béton, le déplacement de la conduite d’eau ne sont nullement justifiés, que l’acquéreur ne démontre pas avoir déposé un permis aux fins de déplacement du hangar. Il relève qu’il a obtenu le permis qu’il avait demandé pour reconstruire le hangar le 16 juin 2017.

Il appartient au vendeur d’informer l’acheteur de l’existence des servitudes occultes, et non à l’acheteur de se renseigner à cet égard. Il n’est pas démontré que la borne présente devant le portail révélait l’existence d’une canalisation passant dans le terrain acquis.

Les servitudes administratives ne peuvent entrer dans l’acception des servitudes non apparentes au sens de l’article 1638 du code civil, que s’il s’agit de charges exceptionnelles qui ne sont pas la conséquence normale de la nature ou de la situation de l’immeuble.

L’acte de vente stipule : ' Servitudes

L’acquéreur profitera ou supportera les servitudes s’il en existe.

Le vendeur déclare :

— n’avoir crée ni laissé créer de servitude

qu’à sa connaissance, il n’en existe pas d’autres que celles résultant le cas échéant de l’acte, de la situation naturelle des lieux, de la loi, de l’urbanisme. '

Il ressort des pièces produites que la conduite relève de la régie d’exploitation des services d’eau de la Charente Maritime, que des travaux de modification du réseau d’eau potable ont été terminés en octobre 2018, que la canalisation sur les parcelles n° B928 et A 519 est déconnectée du réseau d’eau desservant le lieu-dit le Maine Baillou, n’est plus alimentée.

Il s’agit d’une servitude administrative dite d’utilité publique constituée d’un réseau en PVC de diamètre 63,2mm posé en 1979.

Il est constant que la servitude a été posée en 1979 à une date où le vendeur était propriétaire.

Il résulte de l’acte notarié que cette servitude administrative n’a pas fait l’objet d’une déclaration particulière.

Il n’est pas démontré par le vendeur que la servitude était apparente, ni qu’il eût effectivement averti l’acquéreur.

Le silence gardé sur la servitude ne suffit pas à caractériser une manoeuvre dolosive et ce d’autant moins que l’acte authentique de vente rappelle que l’acquéreur supportera les servitudes s’il en existe .

Il est constant que la servitude n’est plus alimentée.

L’acquéreur ne démontre pas la nécessité présente ou future de travaux dans le sous-sol ni l’obstacle créé par la servitude aux travaux qui s’avéreraient nécessaires.

L’obligation de reconstruire le hangar à son emplacement antérieur constitue certes une limite au droit de propriété de l’acquéreur mais cet inconvénient résulte d’une servitude administrative, n’est pas d’une importance telle qu’il puisse relever de la garantie d’éviction due par le vendeur.

En revanche , le devoir de bonne foi qui régit les négociations pré-contractuelles aurait justifié que le vendeur qui avait nécessairement connaissance de l’existence de cette servitude posée en 1979 et du fait que les travaux de 'désalimentation ' antérieurement programmés n’avaient pas été réalisés à la date de la vente en informât l’acquéreur, ce qu’il ne démontre pas avoir fait.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a retenu une réticence dolosive s’agissant du silence gardé sur l’existence de la servitude, le manquement consistant en un manquement à l’obligation du vendeur de transmettre à l’acquéreur les informations qui sont en sa connaissance et qui sont susceptibles d’avoir une incidence sur la jouissance du bien.

Le préjudice en résultant ne saurait être évalué au coût des travaux d’enlèvement de la conduite d’eau ,dont la nécessité n’est pas démontrée.

Le préjudice résultant de la moins-value sera évalué à la somme de 2500 euros.

- sur l’ empiétement

L’acquéreur soutient que les époux Y ont érigé un muret qui empiète sur la propriété d’une voisine, que le muret empiète de 9 cm, qu 'un risque de démolition existe, que l’empiétement a été dissimulé par le vendeur qui a tu l’existence du procès-verbal de bornage constatant l’empiétement.

Il a fait chiffrer le coût des travaux de démolition-reconstruction qui s’élèvent à 11 509 euros.

Le vendeur fait valoir que la voisine ayant signé le procès-verbal de bornage, le procès-verbal vaut reconnaissance des limites de propriété . Il considère que le risque de démolition est inexistant, exclut tout empiétement.

Il ressort du procès-verbal de bornage en date du 21 janvier 2015 qu’il a été établi à la requête de Mme B,propriétaire des parcelles section A n° 578 et 581, qu’il est signé de tous les propriétaires dont les lots ont été délimités, notamment Mme B.

Il mentionne une borne qui a été posée à 0,09 m du bord de mur de la propriété des époux Y.

Mme B a attesté le 6 septembre 2018 avoir été informée par le géomètre-expert lors des opérations de bornage ainsi que M. Y que le mur qu’il avait érigé en limite de propriété empiétait de 9 cm sur leur terrain.

'Compte tenu de notre âge et de la longue maladie qui affectait mon époux aujourd’hui décédé nous ne souhaitions pas à l’époque le déplacement de ce mur afin de ne pas générer des problèmes de voisinage.

M. Y ne nous a pas proposé d’indemnisation et n’a formulé ni excuses ni regrets à cette occasion.

L’expert a mentionné le déport de 0,09 cm sur le plan.'

Elle précise que la borne est placée sous le mur que M. Y a construit.

Le procès verbal rappelle (page 8) : 'En référence à l’article L. 111-5-3 du code de l’urbanisme , en cas de vente ou de cession de l’une quelconque des propriétés objet des présentes, son propriétaire devra faire mentionner dans l’acte par le notaire l’existence du présent document.'

Il ressort de l’acte authentique (page 10) que le vendeur garantit l’acquéreur contre le risque d’éviction conformément à l’article 1626 du code civil.

'A ce sujet le vendeur déclare qu’il n’existe à ce jour aucune action ou litige en cours pouvant porter atteinte au droit de propriété, qu’il n’y a aucun empiétement sur le fonds voisin.'

Il est donc établi par les pièces produites que le vendeur a dissimulé l’existence du procès-verbal de bornage, procès-verbal qui mettait en évidence un empiétement, dont M. Y avait été clairement informé par le géomètre-expert.

Le caractère dolosif du silence gardé n’est pas démontré dans la mesure où le vendeur a pu croire que la signature du procès-verbal excluait tout risque de contestation future.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a retenu que le dol était caractérisé .

En revanche, le silence gardé sur un empiétement connu du vendeur établit un manquement au devoir d’information.

Le préjudice résultant de ce silence est le risque de devoir exposer des frais de démolition-reconstruction du muret, risque quasi inexistant au regard de la signature du procès-verbal et du comportement postérieur de Mme B. Le préjudice constitué par ce risque sera évalué à la somme de 2500 euros.

- sur l’infestation de l’immeuble par les insectes xylophages

L’acquéreur expose avoir dû réaliser un traitement curatif le 1er juin 2017 pour un coût de 2409 euros. Il soutient que l’ infestation date de l’ été 2012, l’expert faisant état d’un cycle larvaire moyen d’environ 4 ans.

Il produit un état parasitaire réalisé en mars 2017, un devis du 1er juin 2017, une expertise réalisée par un laboratoire ABARCO .

Le vendeur rappelle que le diagnostic réalisé avant la vente du 3 novembre 2015 avait une durée de validité de 6 mois, que l’état était néant s’agissant de termites, relevait des indices d’infestation de anobium punctatum (petites vrillettes) constatés au rez de chaussée-grenier, hangar 1, 2, garage 2, de capricornes du chêne dans le hangar 2 .

La page 6 du rapport incluait deux photos des petites vrillettes et capricornes du chêne.

L’expertise ABARCO indique : ' En prenant comme référence la date de découverte par l’ acquéreur automne 2016, l’infestation s’est produite au cours de l’été 2012 pour tenir compte du cycle saisonnier du capricorne'.

Il ajoute : ' Rien ne permet de conclure de manière certaine que les orifices d’envol étaient présents lors du passage du premier diagnostiqueur en novembre 2015.'

Compte tenu des informations figurant sur le diagnostic réalisé avant la vente , diagnostic constatant des traces d’infestation de vrillettes et de capricornes, l’acquéreur ne démontre pas que le vice résultant de la présence d’insectes xylophages était caché à la date de la vente.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté le vendeur de ses demandes au titre d’une infestation de l’immeuble par les insectes.

- sur la ligne TGV

L’acquéreur indique avoir découvert l’existence de la ligne TGV lors de sa mise en service en juillet 2017.

Il résidait à Nancy, à 800km, a signé le compromis à distance, ne savait rien de la ligne TGV.

Les travaux n’étaient pas visibles du fait de la butée. La ligne ne figurait pas sur la cartographie.

Il assure que le vendeur a gardé le silence afin de le tromper.

Il fait valoir que la proximité de la ligne est source de nuisances et de moins-value, reproche au vendeur de ne pas l’avoir informé.

Le vendeur soutient que l’acquéreur a occupé l’immeuble à compter du 22 novembre 2015, a vu les travaux de construction de la ligne. Il rappelle que ce type de travaux entraîne une médiatisation importante ne serait-ce que du fait des enquêtes publiques, des expropriations consécutives.

Il soutient que la ligne est à 1,5 km de la propriété, que sa mise en service a été précédée d’essais.

Il fait observer qu’il ne connaissait pas les nuisances résultant de la mise en service de la ligne intervenue en 18 mois après la vente.

Il ressort des pièces produites que les époux X résidaient à Nancy lors de la signature du compromis, qu’ils pouvaient de ce fait ne pas être informés de la construction de la future ligne.

La mise en service étant intervenue en 2017, l’attention de l’acquéreur ne pouvait être attirée par le bruit et les nuisances qu’elle génère.

Le vendeur n’était pas non plus en mesure de connaître les nuisances susceptibles de découler de la mise en service future de la ligne.

La proximité de la ligne, dont les travaux étaient en cours de réalisation à la date de l’achat (1,5km), l’obligation qui pèse sur l’acquéreur de se renseigner sur l’environnement du bien qu’il entend acquérir, a fortiori lorsqu’il ne connaît pas la région établissent une négligence de la part de l’acquéreur.

Il sera en conséquence débouté de sa demande d’indemnisation, le manquement imputé au vendeur n’étant pas établi.

- sur les autres demandes

Il résulte de l’article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. (…).'

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d’appel seront fixés à la charge des époux Y.

Il est équitable de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles qu’elle a exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort

- Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :

- dit que Monsieur H I Y et Madame C F son épouse à l’occasion de la vente de leur bien immobilier aux époux X le 29 janvier 2016 se sont rendus coupables de réticence dolosive en n’informant pas les acheteurs de l’existence d’une canalisation d’eau sur leur terrain et d’un empiétement d’un muret sur la propriété voisine ;

- dit qu’il en est résulté pour les acheteurs un préjudice total de 13.000,00' ;

- condamné solidairement Monsieur H I Y et Madame C F son épouse à payer à Monsieur et Madame X pris comme une seule et même partie une somme de 13.000,00 ' à titre d’indemnisation du dit préjudice

Statuant de nouveau

—  Dit que les époux Y ont manqué au devoir de loyauté qui incombe vendeur en n’informant pas les époux X de l’existence d’une conduite d’eau traversant le terrain vendu, de l’existence d’un empiétement,

—  Condamne in solidum M. H-I Y et Mme C F, épouse Y à payer à Mme et M. X la somme de 5000 euros en réparation de leur préjudice

Y ajoutant :

—  Déboute les parties de leurs autres demandes et de leurs demandes d’indemnité de procédure.

- Condamne M. H-I Y et Mme C F, épouse Y aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 27 juillet 2021, n° 19/02789