Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 19 mai 2021, n° 18/01546

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, 1re ch. civ., 19 mai 2021, n° 18/01546
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 18/01546
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Rouen, 29 janvier 2018, N° 15/04481
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

N° RG 18/01546 – N° Portalis DBV2-V-B7C-HZ76

COUR D’APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 19 MAI 2021

DÉCISION DÉFÉRÉE :

[…]

Tribunal de grande instance de ROUEN du 30 janvier 2018

APPELANTE :

Madame Z A épouse X

née le […] à […]

[…]

[…]

représentée et assistée par Me Fabrice LEGLOAHEC de la Selarl LEGLOAHEC LEGIGAN, avocat inscrit au barreau de ROUEN

INTIMEES :

Sarl LABEL GAMME venant aux droits de la société Véranda confort

[…]

[…]

représentée et assistée par Me Claudie ALQUIER, avocat inscrit au barreau de ROUEN substituée par Me Caroline PAILLOT, avocat au barreau de ROUEN

Sa ALLIANZ IARD

[…]

[…]

représentée et assistée par Me Jean-Marie MALBESIN de la Scp LENGLET, MALBESIN & Associés, avocat inscrit au barreau de ROUEN, substitué par Me Claire DEWERDT, avocat au barreau de ROUEN

Sarl OUEST GL BATIMENT (OGLB)

[…]

[…]

représentée et assistée par Me Jérôme VERMONT de la Selarl VERMONT TRESTARD GOMOND & Associés, avocat inscrit au barreau de ROUEN substitué par Me Simon LE LANCHON, avocat au barreau de ROUEN

Sa GENERALI IARD

2 rue Pillet-Will

[…]

représentée par Me Vincent MOSQUET de la Selarl LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 15 mars 2021 sans opposition des avocats devant M. Jean-François MELLET, conseiller, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

Mme Laurence de SURIREY, conseillère

M. Jean-François MELLET, conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme B C,

DEBATS :

A l’audience publique du 15 mars 2021, où l’affaire a été mise en délibéré au 19 mai 2021

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU PRONONCÉ :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

M. François BERNARD, conseiller

M. Jean-François MELLET, conseiller

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 19 mai 2021, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre et par Mme C, greffier.

*

* *

Suivant devis en date du 8 décembre 2004, Mme Z A épouse X a confié à la Sarl Véranda confort, assurée par les AGF, devenue la Sa Allianz IARD, puis par la Sa Générali IARD, la réalisation d’une véranda pour un montant de 16 896 euros. Suivant devis du 7 décembre 2004, les travaux de maçonnerie ont été confiés à la Sarl Ouest GL Bâtiment, ci-après OGLB. Les travaux ont été réalisés et facturés au mois d’avril 2015.

Le maître de l’ouvrage a dénoncé des infiltrations d’eau et des traces d’humidité dès le mois d’août 2015. La société Véranda confort est intervenue en reprise, sans succès, entre l’année 2007 et l’année 2014.

Par ordonnance de référé du 15 mai 2014, Mme X a obtenu la désignation d’un expert judiciaire, qui a déposé son rapport le 10 juin 2015.

La Sarl Véranda confort a fait l’objet d’une dissolution avec transmission universelle de patrimoine au profit de la Sarl Label Gamme le 31 octobre 2015. La société Véranda confort a ensuite été radiée le 16 février 2016.

Par jugement contradictoire en date du 30 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Rouen, saisi par Mme X au contradictoire notamment de la société Véranda confort, a statué ainsi qu’il suit :

— déclare irrecevables les demandes formées par Mme X à l’encontre de la société Véranda confort,

— déclare irrecevables les demandes formées par Mme X à l’encontre des sociétés Générali IARD et Allianz IARD à la garantir des condamnations prononcées contre la société Véranda confort,

— déclare sans objet les demandes de la société Générali IARD et Allianz IARD,

— condamne la société Ouest GL Bâtiment à régler à Mme X les sommes suivantes :

+ 3 152,62 euros au titre des travaux de reprise,

+ 200 euros au titre du préjudice de jouissance,

+ 265 euros au titre des frais d’assistance aux opérations d’expertise,

+ 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, – déclare irrecevable la demande de garantie formée par la société Ouest GL Bâtiment à l’encontre de la société Véranda confort,

— condamne la société Ouest GL Bâtiment aux dépens qui comprendront ceux de la procédure de référé et les frais d’expertise à hauteur de 20 %,

— rejette toutes autres demandes.

Le tribunal a notamment considéré que les demandes en garantie formées contre les assureurs étaient irrecevables, dès lors que la Sarl Véranda confort n’avait plus d’existence légale, et il a condamné OGLB sur le fondement décennal.

Par déclaration reçue au greffe le 10 avril 2018, Mme X a interjeté appel de la décision, notamment à l’encontre de la Sarl Label Gamme, venant aux droits de la Sarl Véranda confort.

Par dernières conclusions notifiées le 9 février 2021, Mme Z X, appelante, demande à la cour d’appel, au visa des articles 46 du code de procédure civile, 1147 et 1792 et suivants du code civil, L.124-3 du code des assurances, de :

— déclarer son appel recevable, bien fondé et y faire droit,

— infirmer le jugement du tribunal de grande Instance de Rouen du 30 janvier 2018 en ce qu’il a :

* déclaré irrecevables les demandes formées par Mme X à l’encontre de la société Véranda confort,

* déclaré irrecevables les demandes formées par Mme X à l’encontre des Sa Générali IARD et Allianz IARD, à la garantir des condamnations prononcées contre la Sarl Véranda confort,

* condamné la Sarl Ouest GL Bâtiment à régler la somme de

200 euros au titre du préjudice de jouissance, de 260 euros au titre des frais d’assistance aux opérations d’expertise, de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamné la Sarl Ouest GL Bâtiment aux dépens qui comprendront ceux de la procédure de référé et les frais d’expertise à hauteur de 20 %,

* rejeté toutes autres demandes.

— en conséquence, constater que tribunal de grande instance de Rouen a omis de statuer sur les demandes relatives à la date de la réception de l’ouvrage,

— en conséquence, juger que les conditions de la réception tacite sont réunies et la fixer au 26 avril 2005,

— à titre subsidiaire, prononcer la réception judiciaire et la fixer à la date du 26 avril 2005,

— juger que la responsabilité de la Sarl Label Gamme, venant aux droits de la société Véranda confort, et de la société Ouest GL Bâtiment est engagée, au regard des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil, au titre des travaux d’installation de véranda réalisés en 2005,

— condamner in solidum la société Label Gamme, venant aux droits de la société Véranda confort, et la société Allianz IARD au paiement d’une somme de 15 788,32 euros TTC au titre des travaux de reprise,

— condamner la société Ouest GL Bâtiment au paiement d’une somme de

3 150,62 euros TTC au titre des travaux de reprise,

— condamner in solidum la société Ouest GL Bâtiment, Label Gamme, venant aux droits de la société Véranda confort, les sociétés Allianz IARD et Générali IARD, au paiement de la

somme totale de 4 857,80 euros au titre des préjudices annexes se décomposant comme suit :

* préjudice de jouissance……………………………………………………. 1 500 euros

* frais annexes……………………………………………………………… 3 766,80 euros * préjudice matériel…………………………………………………………… 520,20 euros,

— donner acte à Mme Z X de ce qu’elle s’en rapporte à justice concernant le partage de responsabilité retenu par l’expert judiciaire et le tribunal de grande instance de Rouen,

— condamner in solidum la société Label Gamme, venant aux droits de la société Véranda confort, et la société Allianz IARD au paiement d’une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

— condamner in solidum la société Label Gamme, venant aux droits de la société Véranda confort, Ouest GL Bâtiment, les sociétés Allianz IARD et Générali IARD au paiement d’une somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance outre une somme de

3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

— condamner in solidum la société Label Gamme, venant aux droits de la société Véranda confort, Ouest GL Bâtiment, les sociétés Allianz IARD et Générali IARD aux entiers dépens de la présente procédure, qui comprendront notamment les frais d’expertise judiciaire, dont distraction au profit de la Selarl Legloahec-Legigan, avocats au Barreau de Rouen.

Mme X se prévaut du caractère décennal de tous les désordres, nonobstant l’absence de réception expresse, relève que les travaux ont été réalisés au cours de l’année 2005 si bien qu’Allianz doit être condamnée à les réparer au titre de l’action directe, que cette demande n’est pas nouvelle en cause d’appel puisque sa garantie avait été sollicitée en première instance, et que la finalité des deux demandes est la même.

Elle soutient que la société Allianz doit sa garantie pour les dommages immatériels conformément aux paragraphes 7.23, 7.24 et 7.25 de sa police, que la franchise n’est pas opposable s’agissant d’une assurance obligatoire, que les clauses d’exclusion et la clause de garantie 'en base réclamation’ soulevées par Générali ne sont pas opposables, puisque cette dernière était assureur responsabilité civile à compter du 1er janvier 2010, et que les clauses contractuelles ne sont pas signées, sachant que la première réclamation est, en toute hypothèse, postérieure à cette date.

Par dernières conclusions notifiées le 28 janvier 2021, la Sa Allianz IARD, intimée, demande à la cour d’appel, au visa des articles L.124-5, L.112-6 du code des assurances et 753 du code de procédure civile de :

- déclarer irrecevables toutes prétentions de Mme X formulées à son encontre comme constitutives de nouvelles prétentions,

en conséquence,

— débouter Mme X de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à son encontre,

subsidiairement,

— dire et juger que la Sa Allianz IARD ne saurait être tenue qu’à la prise en charge de la somme de 15 788,32 euros TTC au titre des travaux de réparation de la véranda en application de la garantie décennale souscrite par la société Véranda confort,

— rejeter toutes prétentions de Mme X à l’encontre de la concluante pour le surplus,

toujours subsidiairement,

— dire et juger que tout paiement d’indemnité de la Sa Allianz IARD ne saurait intervenir qu’après déduction de la franchise contractuelle de 20 % du montant des dommages (avec un minimum de 3 000 euros et un maximum de

14 290 euros) à l’exception de l’indemnité afférente à la réparation des dommages de nature décennale s’il y a lieu,

en tout état de cause,

— réduire le montant des indemnités éventuellement allouées à Mme X dans de justes proportions,

— condamner Mme X à payer à la Sa Allianz IARD la somme de

1 500 euros au titre des frais irrépétibles,

— la condamner en tous dépens de première instance et d’appel.

Elle soutient pour l’essentiel ce qui suit :

— les demandes en paiement formées sur le fondement de l’action directe sont nouvelles puisqu’en première instance, seule la garantie de la Sarl Véranda confort était sollicitée, ce qui s’apparente à une action oblique ;

— les juridictions ne peuvent trancher des demandes en ' dire et juger’ ;

— la franchise est opposable en matière de garantie facultative, en application de l’article L.112-6 du code des assurances, y compris pour le volet facultatif des polices obligatoires comme la police décennale.

Par dernières conclusions notifiées le 4 octobre 2018, la Sa Générali IARD, intimée, demande à la cour d’appel, au visa des articles 564, 565, 566 du code de procédure civile, de :

- confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a déclaré Mme X irrecevable en ses demandes à son encontre,

en effet,

— dire et juger qu’il s’agit d’une nouvelle demande,

subsidiairement et, en tout état de cause,

— dire et juger que le volet responsabilité civile décennale et le volet responsabilité civile de la police souscrite auprès de Générali n’ont pas vocation à intervenir,

en conséquence,

— débouter Mme X et tout demandeur en garantie à l’encontre de la société Générali,

— mettre purement et simplement hors de cause la société Générali,

en tout état de cause,

— dire et juger que la société Générali n’a pas vocation à garantir la reprise des désordres,

— dire et juger que la société Générali interviendra dans les limites de sa police et dire et juger opposable la franchise contractuelle, conformément à l’article L.112-6 du code des assurances,

— condamner tout succombant au paiement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— les condamner en outre aux entiers dépens conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La société Générali soutient le même moyen d’irrecevabilité qu’Allianz, indique que la police responsabilité civile a été souscrite 'en base réclamation', que le première réclamation est intervenue le 20 mai 2005, que l’assurée avait pleinement connaissance du fait dommageable à la date de souscription du contrat d’assurance et n’est donc pas couvert, et que l’assurance de responsabilité civile a pour seul objet de garantir les dommages causés par la prestation ou le produit fourni et non la prestation ou le produit en eux-mêmes.

Par dernières conclusions notifiées le 15 mars 2021, la Sarl OGLB, intimée, demande à la cour d’appel de :

- dire et juger qu’elle s’en rapporte à justice sur la réparation du seul désordre matériel à hauteur de 3 150,62 euros TTC,

— infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné la société Ouest GL Bâtiment à payer à Mme X la somme de 200 euros au titre du préjudice de jouissance, 265 euros au titre des frais d’assistance aux opérations d’expertise et 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

en conséquence, débouter la demanderesse de toutes ses demandes et toutes autres parties,

— à titre reconventionnel, condamner la société Label Gamme, venant aux droits de la société Véranda confort à garantir la concluante de toutes condamnations en principal, intérêts, frais et accessoires,

— condamner la société Label Gamme, venant aux droits de la société Véranda confort à la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle soutient en substance qu’elle n’est intervenue que pour réaliser les travaux de maçonnerie, et qu’il convient de distinguer les infiltrations et pénétrations d’eau qui sont liées à un défaut de conception et de réalisation par la société Véranda confort, et les traces d’humidité sur les murs, relevant des travaux qu’elle a réalisés et dont elle est responsable, mais qui n’engendrent en eux-mêmes aucun préjudice de jouissance.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de

procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 février 2021, et l’affaire, plaidée à l’audience du 15 mars 2021, a été mise en délibéré au 19 mai 2021.

MOTIFS

A titre liminaire, il y a lieu de relever que Mme X justifie de sa qualité à agir contre la Sarl Label Gamme en produisant, en pièce n°40, le procès-verbal d’assemblée générale de la Sarl Véranda confort daté du 31 octobre 2015 portant dissolution et transmission universelle de patrimoine au profit de son associé unique la Sarl Label Gamme.

Cette dernière, constituée, n’a pas conclu en défense.

I- Sur la recevabilité des demandes formées à l’encontre des sociétés Allianz et Générali

Devant le tribunal de grande instance, Mme X a formé des demandes en condamnation à l’encontre de la Sarl Véranda confort. Elle a également demandé au tribunal de 'dire et juger' que les sociétés Allianz et Générali garantiront toutes les condamnations prononcées à l’encontre de Véranda confort, et 'au besoin de les y condamner'. S’agissant in fine de solliciter une condamnation, et non d’un simple ' dire et juger', le moyen tiré de l’absence de saisine du tribunal n’est pas fondé.

Il ressort de l’article 565 du code de procédure civile que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge.

Dès lors que la société Véranda confort n’avait plus d’existence juridique, le premier juge a considéré, à juste titre, qu’il n’y avait plus lieu à garantie, tout en relevant que les assureurs n’étaient pas poursuivis par la voie de l’action directe. En cause d’appel, Mme X sollicite la condamnation des assureurs sur le fondement de l’action directe prévue par l’article L. 124-3 du code des assurances.

La demande formée en cause d’appel, tendant à voir les sociétés Allianz et Générali en qualité d’assureurs de la Sarl Véranda confort, aux droits de laquelle vient la Sarl Label Gamme, sur le fondement de l’action directe, ne constitue pas une demande nouvelle au sens de l’article 564 du code de procédure civile dès lors que le maître de l’ouvrage avait sollicité en première instance l’indemnisation de ses préjudices à l’encontre de la Sarl Véranda confort en sollicitant la garantie par ces assureurs des condamnations qui seraient mises à la charge des responsables. Les demandes sont donc recevables.

II – Sur l’indemnisation des préjudices consécutifs aux désordres

Mme X fonde sa demande sur l’article 1792 du code civil qui dispose que : 'tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère'.

Il est de principe que chacun des responsables d’un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité, sans qu’il y ait lieu de tenir compte du partage des responsabilités entre les divers responsables, qui n’affecte que les rapports réciproques de ces derniers. La responsabilité des intervenants ne peut cependant être recherchée que pour des dommages à la réalisation desquels ils ont concouru, pour des travaux qu’ils ont contribué à réaliser.

A – Sur les désordres, leur origine et leur qualification

L’expert judiciaire énumère les désordres imputables à la Sarl Véranda confort en page 17 à 22 de son rapport. Il convient de retenir que le solin présente une fuite en partie droite de la façade, et qu’une pénétration d’eau est avérée dans le poteau droit de la véranda, et ce depuis l’année 2005, outre quelques points de fuite sur la zone centre et en couverture.

L’expert judiciaire constate que la couverture fuit, que le chéneau fuit et laisse s’écouler une partie de l’eau de pluie dans la poutre de droite, ce qui mouille la maçonnerie. Il relève dès lors un défaut de conception au regard des DTU, et une réalisation défectueuse des chéneaux solins, joints de couverture et drainage des panneaux vitrés.

L’expert constate en outre, en page 22, que la maçonnerie réalisée par la société OGLB présente de nombreuses traces de moisissures et d’humidité, lesquelles sont apparentes sur les photographies jointes, à raison d’une exécution non conforme aux règles de l’art : l’épaisseur des murs n’est pas conforme au DTU applicable, les joints de plaquette ne sont pas exécutés correctement, le revêtement extérieur est inadapté et la maçonnerie n’est pas munie d’un rejingot. Les parois sont constamment humides. Ainsi la matérialité des désordres relatifs est établie.

L’article 1792-6 du code civil dispose que 'La réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement'.

En l’espèce, il ressort des éléments de la procédure que Mme X a manifesté une volonté non équivoque de recevoir l’ouvrage, dès lors qu’elle en a pris possession sans émettre de réserve après les travaux. De surcroît, il apparaît que le marché de travaux a été intégralement réglé, de sorte qu’il doit être considéré que la réception tacite de l’ouvrage est intervenue le 26 avril 2015, date non contestée de réalisation des murs maçonnés.

Il n’y a pas lieu de fixer la date de la réception dans le dispositif, s’agissant non d’une réception judiciaire mais d’une réception tacite.

S’agissant de leur qualification, ces désordres affectent l’étanchéité de la véranda et génèrent des taches d’humidité généralisées dans cette pièce d’habitation, si bien qu’ils rendent cet ouvrage impropre à sa destination.

Il est constant que les infiltrations n’étaient pas décelables à la réception. Ces désordres relèvent en conséquence de la garantie décennale.

B – Sur les responsabilités et la garantie des assureurs

1 – Sur la responsabilité des constructeurs

S’agissant d’une responsabilité de plein droit, la mise en oeuvre de la responsabilité décennale des constructeurs suppose l’existence d’un lien d’imputabilité entre le dommage constaté et l’activité des personnes réputées constructeurs.

Il ressort de l’examen des pièces versées aux débats et du rapport d’expertise, que les désordres dont s’agit, sont directement en lien avec l’activité des Sarl Véranda confort et OGLB qui intervenaient précisément pour la pose de la véranda et la réalisation du support maçonné.

Elles n’établissent pas l’existence d’une cause étrangère susceptible de les exonérer, étant rappelé que l’absence de faute n’est pas exonératoire de responsabilité. Ainsi ces désordres leur sont imputables.

Il y a lieu de relever que l’ensemble constitué indissociablement par l’architecture de la véranda et la maçonnerie de soutien correspond à un ouvrage unique dans la réalisation duquel les deux constructeurs sont intervenus.

L’expert a analysé séparément les désordres imputables aux deux lots confiés à la société Véranda confort et la société OGLB, et Mme X ventile ses demandes en conséquence s’agissant du préjudice matériel.

Il y aura donc lieu de condamner la société Label Gamme au titre de la reprise de la toiture et la société OGLB au titre de la reprise de la maçonnerie.

S’agissant du préjudice matériel consécutif, à savoir le coût du remplacement des rideaux de la véranda, soit 520 euros selon devis versé en pièce n° 31, et retenu en page 34 du rapport, il y a en revanche lieu à condamnation in solidum conformément aux demandes. La dégradation des rideaux est la conséquence de l’humidité de la pièce, imputable aux deux lots, à raison de fautes commises en concours.

2 – Sur la garantie de leur assureur

La charge de la preuve des limitations du contrat d’assurance pèse sur l’assureur qui doit, à cette fin, verser la police signée comportant les clauses contractuelles correspondantes.

La société Allianz, assureur décennal de la société Véranda confort, ne conteste pas sa garantie au titre des préjudices matériels liés à la reprise de l’étanchéité de la véranda. Elle devra donc les garantir, tout comme les préjudices matériels consécutifs.

Elle conteste la prise en charge des dommages immatériels, arguant qu’il reviendrait à la société Générali de les couvrir au titre de la garantie souscrite par ailleurs par Mme X 'en base réclamation'. Elle relève que la première réclamation serait postérieure à la résiliation de sa propre police en date du 1er janvier 2010.

Les conditions particulières de la police AGF du 27 février 2001 sont signées et versées en pièce n°1.

Ainsi que l’indique Mme X, l’article 7 des conditions particulières de la police prévoit la prise en charge des dommages immatériels. Le fait que la société Générali assure éventuellement le dommage immatériel n’exclut pas par principe la couverture en concours par la société Allianz, laquelle dépend des conditions contractuelles qu’elle garantit à l’assuré et qu’il lui revient de démontrer.

Or, les conditions d’application de temps de sa garantie des dommages immatériels ne sont pas établies par la société Allianz. Elle verse copie des conditions générales non signées d’une police 'Athena assurances' datant de 1983, soit antérieures de 18 ans aux conditions particulières, et qui ne correspond manifestement pas aux conditions particulières : les renvois d’articles des conditions particulières aux conditions générales ne concordent pas. La société Allianz ne verse d’ailleurs pas la lettre de résiliation de sa police.

Il s’ensuit qu’elle doit être condamnée à paiement au titre des dommages immatériels.

La franchise est pleinement opposable au tiers lésé sur le volet facultatif des assurances

obligatoires. Elle pourra donc être opposée au titre du préjudice immatériel uniquement.

La société Générali relève qu’elle est recherchée ès qualités d’assureur responsabilité civile, et soutient que la police souscrite contient une clause 'en base réclamation', une clause d’exclusion de passif, et qu’elle ne couvre pas la reprise de la prestation de son assurée, ni les frais de dépose et repose.

Mme X avance qu’aucune de ces clauses n’est opposable dès lors que la police versée n’est pas signée. La société Générali ne conteste pas ce point et ne réplique pas au moyen tiré de l’absence de preuve du caractère contractuel de la pièce versée.

Les conditions générales et particulières de la police versée en pièce n° 1 ne sont pas signées.

La société Générali ne démontre aucune limitation de sa garantie, et doit donc être condamnée in solidum au titre de tous les préjudices relevant de l’intervention de son assurée, et sans bénéfice d’aucune franchise.

Compte-tenu des demandes formées, sa condamnation ne concernera que le préjudice immatériel et le préjudice matériel consécutif.

C – Sur le coût des réparations et l’obligation au paiement de la dette

Il résulte de l’examen des pièces versées aux débats, et notamment du rapport d’expertise, que le coût des travaux nécessaires à la reprise des désordres relatifs à la véranda et la maçonnerie s’élève respectivement aux sommes de 15 788,32 euros et 3150,62 euros, sommes non contestées.

La Sarl Label Gamme et Allianz seront donc condamnées in solidum à payer une somme de 15 788,32 euros.

La société OGLB sera quant à elle condamnée à payer la somme de

3 150,62 euros.

L’existence d’un préjudice de jouissance est établie, dès lors que la véranda était affectée d’infiltrations régulières et d’importantes taches d’humidité et de moisissure depuis 2005.

Compte-tenu de la gravité et de l’ancienneté de ce préjudice, l’indemnisation sera évaluée à la somme de 1 500 euros, celle de 1 000 euros proposée par l’expert, correspondant à 100 euros par an, soit moins de 10 euros par mois depuis 2005, apparaissant sous-évaluée.

Les constructeurs impliqués sont coresponsables vis-à-vis du maître de l’ouvrage, de ce préjudice de jouissance et seront condamnés in solidum. Il n’y a pas lieu à partage de responsabilité, puisqu’il s’agit de plusieurs fautes ayant concouru à l’apparition du même préjudice, lié à l’humidité affectant l’intérieure de la véranda.

Les frais d’assistance aux opérations d’expertise amiables et autres frais accessoires sont indemnisés par la voie de la condamnation prononcée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

III- Sur les appels en garantie

Il est de principe que dans leurs relations entre eux, les responsables ne peuvent exercer de recours qu’à proportion de leurs fautes respectives, sur le fondement des dispositions de

l’article 1382 du code civil s’agissant des locateurs d’ouvrage non liés contractuellement entre eux, ou de l’article 1147 du code civil s’ils sont contractuellement liés.

Les fautes des sociétés Veranda confort et Label Gamme ont été caractérisées ci-dessus.

Eu égard aux fautes de chacun des intervenants considérés, et à leur sphère d’intervention respective, le partage de responsabilités doit être fixé comme suit :

— la société Véranda confort, aux droits de laquelle vient Label Gamme : 60 %

— la société OGLB : 40 %.

Le ratio retenu par le premier juge, basé sur un rapport entre le montant des devis respectifs, ne peut être retenu, puisqu’il s’agit d’évaluer l’importance respective du lien de causalité entre les fautes commises en concours et le préjudice indemnisable.

La Sarl Label Gamme venant aux droits de la société Véranda confort devra donc garantie à hauteur de 40 % des sommes allouées au titre du préjudice immatériel et du préjudice matériel consécutif.

Il n’y pas lieu à garantie s’agissant des préjudices matériels, puisque les constructeurs ne sont pas condamnés in solidum de ce chef.

Par ailleurs, il n’y a pas lieu à garantie de la société OGLB vis-à-vis des assureurs à défaut de demande en ce sens.

IV- Sur les demandes accessoires

Il ressort des débats que la nature décennale du désordre ne fait l’objet d’aucun doute ni discussion, qu’elle était évidente au regard de la nature de l’ouvrage et des désordres, si bien que le refus de garantie opposé par la Sa Allianz apparaît fautif. Mme X a dû entreprendre de nombreuses démarches afin d’obtenir la condamnation de cette partie, et subir des désordres pendant plusieurs années, alors que la prise en charge aurait dû intervenir ab initio. Cette situation génère un préjudice moral lié à la résistance abusive de la Sarl Label Gamme et la Sa Allianz IARD qui doivent être condamnées in solidum à payer 1 000 euros en réparation.

Aux termes de l’article 695 4° du code de procédure civile, les honoraires de l’expert entrent dans l’assiette des dépens. Les Sarl Label Gamme, OGLB et les Sa Allianz et Générali qui succombent, supporteront les dépens de première instance et d’appel, comprenant les frais d’expertise, et seront condamnés in solidum à payer à Mme X une somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles de ces procédures, en ce compris les frais d’assistance à expertise amiable et frais accessoires. Il n’y a pas lieu à garantie de ce chef, ne s’agissant pas d’indemnités accordées sur le fondement délictuel.

Ni l’équité, ni la situation économique des autres parties n’imposent l’application de l’article 700 du code de procédure civile à leur égard.

Le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile est accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

PAR CES MOTIFS

statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier

ressort,

Infirme la décision querellée en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau,

Condamne in solidum la Sarl Label Gamme et la Sa Allianz IARD à payer à Mme Z A épouse X la somme de 15 788,32 euros ;

Condamne la Sarl Ouest GL Bâtiment à payer à Mme Z A épouse X la somme de 3 150,62 euros ;

Condamne in solidum la Sarl Label Gamme, la Sarl Ouest GL Bâtiment, la Sa Allianz IARD et la Sa Générali IARD à payer à Mme Z A épouse X la somme de 520 euros au titre du préjudice matériel consécutif ;

Condamne in solidum la Sarl Label Gamme, la Sarl Ouest GL Bâtiment, la Sa Allianz Iard et la Sa Générali IARD à payer à Mme Z A épouse X la somme de 1 500 euros, au titre du préjudice de jouissance ;

Dit que la Sa Allianz IARD pourra opposer sa franchise contractuelle de 20 % au titre des préjudices immatériels, avec un minimum de 3 000 euros ;

Dit que dans les rapports entre coobligés, le partage de responsabilité s’effectuera de la manière suivante :

— la Sarl Label Gamme, venant aux droits de Véranda confort : 60 %

— la Sarl Ouest GL Bâtiment : 40 %

Condamne la Sarl Label Gamme à garantir la société OGLB de toutes les condamnations ci-dessus prononcées à son encontre au titre du préjudice immatériel et du préjudice matériel consécutif, et ce hauteur du partage de responsabilité ci-dessus ;

Condamne in solidum la Sarl Label Gamme et la Sa Allianz IARD à payer à Mme Z A épouse X une somme de 1 000 euros au titre la résistance abusive ;

Condamne in solidum la Sarl Label Gamme, la SarlOuest GL Bâtiment, la Sa Allianz IARD et la Sa Générali IARD à payer à Mme Z A épouse X la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne la Sarl Label Gamme, la Sarl Ouest GL Bâtiment, la Sa Allianz IARD et la Sa Générali IARD in solidum aux dépens de première instance et d’appel, comprenant les frais d’expertise ;

Admet les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente de chambre,

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Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 19 mai 2021, n° 18/01546