Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 8 septembre 2022, n° 20/00047

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 15e ch., 8 sept. 2022, n° 20/00047
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 20/00047
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nanterre, 2 décembre 2019, N° F17/03663
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 14 septembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 SEPTEMBRE 2022

N° RG 20/00047

N° Portalis DBV3-V-B7E-TVSF

AFFAIRE :

[FH] [YK]

C/

S.A.R.L. TESLA FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Décembre 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Nanterre

N° Section : Encadrement

N° RG : F17/03663

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Guillaume HALBIQUE

Me Stéphanie TERIITEHAU

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, fixé initialement au 1er Juin 2022, puis prorogé au 29 juin 2022, puis au 08 Septembre 2022, les parties ayant été avisées, dans l’affaire entre :

Monsieur [FH] [YK]

né le 12 Octobre 1988 à [Localité 12] (76)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Guillaume HALBIQUE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1512

APPELANT

****************

S.A.R.L. TESLA FRANCE

N° SIRET : 524 335 262

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 732 – Représentant : Me Emma ROHSLER et Me Jennifer HENG du PARTNERSHIPS HERBERT SMITH FREEHILLS PARIS LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J025 substitué par Me Johanna DEGRAEVE, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 22 mars 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Perrine ROBERT, Vice-président placé,

Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

EXPOSE DU LITIGE

Après avoir été engagé en Angleterre en tant que conseiller commercial par la société Tesla Motors Limited à compter du 1er août 2011, M. [YK] a été engagé en France en tant que conseiller commercial par la société Tesla Motors France à compter du 1er juillet 2013, avec reprise de son ancienneté au sein du groupe, puis promu par celle-ci responsable commercial (chef des ventes) de la succursale de [Localité 11] située à [Localité 7] à compter du 1er février 2014.

Les relations entre M. [YK] et la société Tesla Motors France étaient soumises à la convention collective nationale des services de l’automobile.

Par lettre en date du 13 juillet 2013 remise en main propre le 15 juillet 2015, la société Tesla Motors France a notifié à M. [YK] une mise à pied conservatoire et une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui a eu lieu le 22 juillet 2013, puis par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 28 juillet 2015, elle lui a notifié son licenciement pour faute grave. Le contrat de travail a pris fin le 29 juillet 2015. La période de mise à pied conservatoire a été rémunérée.

La société Tesla Motors France a été ultérieurement dénommée la société Tesla France.

Monsieur [YK] a saisi le 23 juin 2017 le conseil de prud’hommes de Nanterre afin de contester la rupture de son contrat de travail et obtenir le paiement de diverses sommes.

Par jugement du 3 décembre 2019, auquel la cour renvoie pour l’exposé des demandes initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Nanterre, section encadrement, a :

— dit non prescrite l’action introduite par Monsieur [YK] le 27 juin 2017' ;

— dit non fondé le moyen de la prescription des faits fautifs mentionnés dans la lettre de licenciement ;

— dit que le licenciement pour faute grave du salarié était justifié’ ;

— débouté le salarié de sa «'demande de licenciement'» sans cause réelle et sérieuse comme étant non fondée et, en conséquence, de ses demandes d’indemnités conventionnelles de licenciement, de préavis, de congés payés sur préavis, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’ ;

— débouté le salarié du surplus de ses demandes comme étant non fondées’ ;

— débouté la société de sa demande reconventionnelle’ ;

— condamné le salarié aux dépens.

Par déclaration au greffe en date du 6 janvier 2020, Monsieur [YK] a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 29 octobre 2020, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, il demande à la cour de’ :

¿ confirmer le jugement en ce qu’il a dit non prescrite l’action qu’il a introduite le 27 juin 2017' ;

¿ d’infirmer le jugement en ce qu’il’ :

— a dit non fondé le moyen tiré de la prescription des faits fautifs mentionnés dans la lettre de licenciement’ ;

— a dit son licenciement pour faute grave justifié’ ;

— l’a débouté de sa demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse comme étant non fondée';

— l’a débouté de ses demandes d’indemnités conventionnelles de licenciement, de préavis, de congés payés sur préavis, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’ ;

— l’a condamné aux dépens ;

¿ statuant à nouveau, de :

— dire prescrits les faits fautifs mentionnés dans la lettre de licenciement’ ;

— dire que l’employeur n’a pas respecté le délai restreint applicable en matière de faute grave’ ;

— dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse’ ;

— dire que son licenciement a un caractère vexatoire’ ;

— condamner la société Testa Motors France à lui verser les sommes suivantes, sur la base d’un salaire de référence de 7 509,50 euros calculé sur les trois derniers mois ayant précédé son licenciement :

* 5 992,58 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;

* 22 528,50 euros au titre de l’indemnité de préavis ;

* 2 252,85 euros au titre des congés payés sur préavis ;

* 90 114 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’ ;

* 15 019 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement vexatoire’ ;

— dire que son forfait en jours sur l’année est privé d’effet et qu’il devait en conséquence être soumis à la durée légale du travail’ ;

— constater qu’il a exécuté en moyenne 28 heures supplémentaires par semaine’ ;

— condamner la société Tesla Motors France à lui payer, sur la base d’un salaire de référence de 7 509,50 euros, les sommes suivantes’ :

* 186 638,40 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,

* 18 663,84 euros au titre des congés payés afférents’ ;

* 45 057 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et à tout le moins d’indemnité pour défaut de déclaration, sur le fondement de l’article L. 8223-1 du code du travail’ ;

— condamner la société à lui verser la somme de 8.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile’ ;

— dire que l’ensemble de ces sommes portera intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes’ ;

— condamner la société aux entiers dépens.

Il expose :

— qu’il a saisi le conseil de prud’hommes avant l’expiration du délai de prescription de l’action en contestation de son licenciement ;

— que la prescription de la demande de paiement du rappel de salaire qu’il a formée a été interrompue par sa saisine de la juridiction prud’homale le 23 juin 2017' ;

— que la convention de forfait en jours est privée d’effets dans la mesure où les modalités de contrôle de la charge de travail prévues par la convention collective des services de l’automobile n’ont pas été respectées, de sorte qu’il est fondé à être rémunéré au titre des heures supplémentaires qu’il a accomplies chaque semaine et à obtenir une indemnité pour travail dissimulé.

— que les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont prescrits, au regard de l’article L. 1332-4 du code du travail, en ce que l’employeur avait eu connaissance de ces allégations plus de deux mois avant le début de l’engagement de la procédure disciplinaire, le 15 juillet 2015' ;

— qu’aucune faute grave n’est caractérisée à son encontre, en l’absence d’élément probant et objectif, ainsi qu’au vu des éléments probants qu’il produit, de sorte qu’il est fondé à obtenir diverses sommes à titre d’indemnité, compte tenu notamment du caractère vexatoire des circonstances de son licenciement.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 4 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, la société Tesla France demande à la cour de :

¿ déclarer l’action de M. [YK] prescrite et ses demandes par suite irrecevables ;

¿ dans l’hypothèse où l’action ne serait pas considérée comme prescrite :

— à titre principal, de débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes et, en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu’il a décidé que’la prescription des faits fautifs ne venaient à expiration que le 29 juillet 2015 au plus tôt et qu’elle a donc initié la procédure dans les délais impartis, que la faute grave est parfaitement justifiée et que le licenciement ne revêt aucun caractère vexatoire’ ;

— subsidiairement, si la faute grave était considérée injustifiée, de constater que la moyenne de salaire de l’appelant s’élève à 7 036 euros brut par mois, de dire que le licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse et de limiter le montant des condamnations aux sommes suivantes’ :

* 5 614 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement’ ;

* 21 108 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis’ ;

— en tout état de cause, de condamner l’appelant à lui verser une somme de 8 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Minault Teriitehau agissant par Maître Stéphanie Teriitehau, avocat, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Elle expose que’ :

— l’action de M. [YK] devant le conseil de prud’hommes est prescrite, celui-ci n’ayant pas saisi la juridiction dans les formes requises par les articles R. 1452-1, R. 1452-2 et 1452-4 du code du travail avant le 8 décembre 2017' ;

— la faute grave qui lui est reprochée est justifiée au vu de la gravité des faits établis et fondée sur des faits non prescrits, dans la mesure où elle n’a été pleinement informée de la nature exacte et de l’ampleur des fautes commises par le salarié qu’au terme de la procédure d’enquête qu’elle a menée et qui a abouti les 19 et 20 juillet 2015' ;

— les demandes indemnitaires formulées par le salarié sont infondées, ce dernier ne démontrant nullement avoir subi un quelconque préjudice du fait de son licenciement ou avoir fait l’objet d’un licenciement vexatoire’ ;

— outre le caractère opportuniste de la demande de rappel d’heures supplémentaires formulée par le salarié, sa convention de forfait en jours était conforme aux exigences légales, le salarié ne rapportant en tout état de cause aucune preuve des heures supplémentaires qu’il prétend avoir réalisées’ ;

— le salarié ne l’a jamais alertée sur ses horaires de travail ou sur un dépassement éventuel des amplitudes horaires autorisées, de sorte qu’il ne saurait lui faire grief d’avoir dissimulé ses horaires sur ses bulletins de salaire et de s’être soustrait à ses obligations.

La clôture de l’instruction a été ordonnée 16 février 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription de l’action’relative à la rupture du contrat de travail

Selon l’article L. 1471-1, alinéa 1er du code du travail dans sa rédaction en vigueur du 17 juin 2013 au 24 septembre 2017, toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

L’article R. 1452-1 du code du travail dans sa rédaction résultant du décret n°2016-660 du 20 mai 2016 applicable aux instances introduites devant le conseil de prud’hommes à compter du 1er août 2016, dispose :

'La demande en justice est formée soit par une requête, soit par la présentation volontaire des parties devant le bureau de conciliation et d’orientation.

La saisine du conseil de prud’hommes, même incompétent, interrompt la prescription.'

L’article R. 1452-2 du code du travail, dans sa rédaction résultant du décret n°2017-1008 du 10 mai 2017, dispose :

'La requête est faite, remise ou adressée au greffe du conseil de prud’hommes.

Elle comporte les mentions prescrites à peine de nullité à l’article 58 du code de procédure civile. En outre, elle contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci. Elle est accompagnée des pièces que le demandeur souhaite invoquer à l’appui de ses prétentions. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé.

La requête et le bordereau sont établis en autant d’exemplaires qu’il existe de défendeurs, outre l’exemplaire destiné à la juridiction.'

L’article R. 1452-4 du code du travail, dans sa rédaction dans sa rédaction résultant du décret n°2017-1008 du 10 mai 2017, dispose :

'Le greffe convoque le défendeur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception… Est joint à la convocation un exemplaire de la requête et du bordereau énumérant les pièces adressées par le demandeur.'

L’article R. 1452-5 du code du travail, dans sa rédaction dans sa rédaction résultant du décret n°2016-660 du 20 mai 2016, dispose :

'Sous réserve des dispositions du second alinéa de l’article R. 1452-1, la convocation du défendeur devant le bureau de conciliation et d’orientation… vaut citation en justice.'

Il est établi par les pièces produites que M. [YK], faisant valoir que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et vexatoire, a saisi le 23 juin 2017, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, le conseil de prud’hommes de Nanterre d’une demande portant la date du 7 juin 2017 tendant à la condamnation, avec exécution provisoire, de la société Tesla Motors France à lui payer les sommes suivantes :

* 90 114 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 15 019 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,

* 22 528,50 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 2 252,85 euros au titre des congés payés afférents,

* 3 123,95 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement

* 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

et mentionnant la liste de ses pièces, en lui demandant de considérer la présente comme valant saisine du conseil de prud’hommes conformément aux dispositions de l’article R. 1452-2 du code du travail et de convoquer les parties devant le bureau de conciliation, .

L’avis adressé par le greffe de la juridiction à M. [YK] le 21 juillet 2017 l’informant que l’affaire (saisine du 23 juin 2017) sera évoquée à l’audience du bureau de conciliation et d’orientation du 20 novembre 2017 reprenait ces chefs de demande.

A la convocation adressée par le greffe de la juridiction à la société Tesla Motors France le 21 juillet 2017 pour l’audience du bureau de conciliation et d’orientation du 20 novembre 2017, qui ne mentionnait pas les chefs de demande, était jointe une annexe précisant que le demandeur n’avait pas transmis au greffe l’exemplaire de sa requête et du bordereau de ses pièces destiné à la défenderesse.

M. [YK] a adressé à la société Tesla France le 16 novembre 2017 la copie de sa demande avec la liste de ses pièces.

A l’audience du 20 novembre 2017, la société Tesla France a soulevé l’irrecevabilité de la saisine du conseil de prud’hommes au motif que l’article R 1452-2 du code du travail n’avait pas été respecté.

Par décision du 20 novembre 2017, le bureau de conciliation et d’orientation, relevant que la société Tesla Motors France soulevait l’irrecevabilité alors que seule la nullité pouvait être demandée, a ordonné la radiation de l’affaire et dit que pour réintroduire son instance, le demandeur devra envoyer au greffe la requête et le bordereau en autant d’exemplaires qu’il existe de défendeurs, outre l’exemplaire destiné à la juridiction.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception expédiée le 6 décembre 2017, reçue au greffe du conseil de prud’hommes de Nanterre le 8 décembre 2017, M. [YK] a sollicité la réinscription de l’affaire au rôle en joignant à sa demande sa précédente requête portant la date du 7 juin 2017 et le bordereau de communication de pièces ainsi qu’un exemplaire pour la défenderesse.

L’affaire a été réinscrite au rôle le 8 décembre 2017.

L’article 2241 du code civil énonce que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion, qu’il en est de même lorsqu’elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure.

M. [YK], licencié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 28 juillet 2015, a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre de son action en contestation de la rupture de son contrat de travail et en paiement de diverses sommes au titre de la rupture de son contrat de travail le 23 juin 2017, avant l’expiration du délai de prescription de deux ans.

La prescription biennale a été ainsi interrompue, nonobstant l’irrégularité affectant l’acte de saisine au regard des dispositions de l’article R. 1452-2 du code du travail.

La décision du bureau de conciliation et d’orientation du 20 novembre 2017 ordonnant la radiation de l’affaire est sans effet sur la poursuite de l’interruption de la prescription résultant de l’introduction de l’instance prud’homale le 23 juin 2017.

Il s’ensuit que l’action de M. [YK] relative à la rupture de son contrat de travail en date du 28 juillet 2015 n’est pas prescrite.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur le bien-fondé du licenciement

La lettre de licenciement en date du 28 juillet 2015, notifiée par l’employeur au salarié, produite par ce dernier en pièce 4, qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :

«… nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave pour les motifs rappelés ci-après.

Vous occupez depuis le 1er février 2014 les fonctions de Responsable de Magasin / Chef desVentes (Store Manager) sur notre site de [Localité 7].

A ce titre, vous devez assurer en permanence un service client irréprochable, contrôler les indicateurs clés, gérer l’expérience client (de l’information initiale à la réservation), suivre la commande et la livraison en magasin.

Vous devez surtout encadrer directement une équipe de 5 salariés (Conseillers en Ventes et Responsables Produit) au sein de notre représentation de [Localité 7] qui compte 64 salariés.

Ces missions doivent être réalisées dans le respect de toutes les directives qui vous sont données et des prescriptions légales qui s’imposent (respect des consignes données, règles de sécurité, durée du travail, communication, collaboration et bien-être au travail).

Au tout début du mois de juin 2015, nous avons été alertés de faits très graves vous concernant qui nous ont contraints à diligenter en urgence une enquête interne auprès des salariés de l’entreprise et en particulier auprès des équipes Commerciale et Marketing mais également des équipes Service Après Ventes et Communication.

Ainsi, nous avons découvert, dans le cadre de notre enquête, que vous aviez depuis plusieurs mois un comportement à tout le moins déplacé et répété à l’encontre de plusieurs salariés de l’entreprise qui a eu et qui a des conséquences graves pour l’entreprise et son personnel.

Ce comportement s’est manifesté notamment par les faits suivants :

— un état d’alcoolémie sur le lieu de travail

En juin 2014, en présence de [X] [W] et de [F] [T], avant un événement organisé à l’extérieur pendant lequel chacun devait conduire une Model S, vous êtes arrivé sur votre lieu de travail en ayant d’évidence consommé beaucoup d’alcool.

Le samedi 3 janvier 2015 compte tenu de votre état, vous avez dormi pendant plusieurs heures sous les yeux de [X] [W], [D] [O] sur un «'coussin Tesla rouge'» de taille importante et posé au sol au premier étage et à proximité immédiate de votre poste de travail.

Des bouteilles de vodka ont été retrouvées dans les tiroirs de votre bureau à [Localité 7].

Plusieurs salariés nous ont répété qu’ils avaient peur et qu’ils se sentaient même en danger.

Une telle attitude est inadmissible, contraire à toutes nos règles et particulièrement dangereuse compte-tenu de notre activité qui vous amène à conduire des véhicules.

— des brimades répétées

à l’encontre notamment mais pas seulement de [X] [W] : «'Sans moi tu n’es rien », «'tu as un salaire grâce à moi », «' tu pourrais au moins me remercier pour ce que je fais pour toi ».

Lorsque [X] [W] a essayé de vous répondre, vous lui avez imposé le silence par un «'Tu te tais et tu m’écoutes'».

Ces propos ont été tenus et entendus entre juin 2014 et mai 2015.

à l’encontre plus généralement de l’ensemble de votre équipe': à la suite du paiement des heures supplémentaires en janvier 2015, vous leur avez tous reproché de ne pas vous avoir remercié en les menaçant et leur disant que c’était «'grâce à vous » s’ils avaient obtenu ce paiement (vous avez dit qu’i1 était «'inadmissible'» de ne pas vous remercier).

Vous avez eu la même attitude, en février/mars 2015, pour le passage de certains au statut cadre lorsque vous avez déclaré : «'c’est comme ça que vous me remerciez de vous avoir passé cadre '! ».

— des propos injurieux ou humiliants parfois tenus en public

Vous avez proféré à l’encontre de [X] [W] devant ses collègues des propos tels que : «'Ferme ta gueule'» ; «'Casse-toi'» ; «'Ne fais pas ta tête de conne'»…

Vous vous êtes permis, dans un cadre de travail, des remarques déplacées au sujet du conjoint de [D] [O] : «'ton copain ressemble à un PD » et, plus tard, «'il est banal'».

A [A] [NI], en fin d’année 2014, lors d’un repas organisé près de la gare [13] afin de récompenser l’équipe pour ses efforts et ses bonnes performances commerciales, en présence de Mesdemoiselles [N], [W] et de la compagne de [A] [NI], vous avez apostrophé ce dernier : «'[A] et ton amie vous avez fait une école de commerce de merde, pas comme la mienne à [Localité 8]'».

[A] [NI] vous ayant répondu, vous avez surenchéri d’un ton menaçant et agressif : «'Qu’est-ce qu’il t’arrive [A] ' Tu as soudainement des couilles qui te poussent devant ta copine ' D’habitude tu n’es pas comme ça au store'».

De la même manière, fin 2014, lors d’un dîner d’équipe près de la Porte Maillot auquel assistaient [X] [W] et [U] [K], nouvellement collègues, vous avez humilié [X] [W] lui expliquant qu’elle n’avait pas fait une école de commerce connue et qu’elle devait son diplôme uniquement à l’argent de son père (Monsieur [RJ] [W], client Tesla Model S que vous connaissez bien). Cette remarque a provoqué les larmes de [X] [W].

Devant [D] [O], [G] [N] et [U] [K], lors d’une réunion de travail portant sur les objectifs commerciaux en présence d’autres employés de la société, vous avez dit à [X] [W] : «'Ne fais pas ta tête de conne'».

Vous l’avez traitée devant ses collègues de «'petite réceptionniste de province'». À cause de vos brimades et humiliations, [X] [W] s’est retrouvée en pleurs quasiment quotidiennement, parfois même devant des prospects et clients.

Depuis au moins le mois de janvier 2015, elle a éclaté en sanglots à plusieurs reprises dans la boutique de [Localité 7] (au rez-de-chaussée) en public, devant ses collègues, [D] [O], [B] [R], [L] [Y] [C] et [SJ] [M].

— des gestes violents

A plusieurs reprises, au cours du premier trimestre 2015, vous vous êtes emparé du sac à main de [X] [W] pour le jeter dehors par la porte de la boutique.

A plusieurs reprises, vous avez violemment arraché les lunettes de soleil de la tête de [G] [N], de votre équipe alors que celle-ci les avait mis sur son front.

Vous avez violemment arraché le téléphone portable des mains de [A] [NI] causant la chute de ce dernier.

Lors de l’événement de [Localité 14] en novembre 2014, après avoir obligé [A] [NI] à boire, vous avez détruit sa chambre d’hôtel. Vous avez renversé le lit et les meubles de la chambre. [X] [W] a dû attendre que [A] [NI] se couche de peur que vous alliez trop loin.

— des messages téléphoniques ou autres textos envoyés à des heures indues à des salariés de l’entreprise pour faire pression sur eux avec des exigences tout à fait anormales

Le vendredi 1er mai à 00h49, vous avez adressé à [D] [O] un sms libellé en ces termes : «'je peux passer à la crémaillère pour faire pipi ''» et le jeudi 7 mai 21h13 : «'c’est toi qui a mis du t2 dans mon spotify ''»

A [X] [W], vous avez écrit : «'qu’est-ce que tu fais le soir ' Qu’est-ce que tu as de mieux à faire ce soir que de rester au store'» '

Ces messages ' envoyés en utilisant les appareils téléphoniques professionnels ' ne sont pas des messages de nature privée compte tenu de la perception qu’en ont eue les salariées concernées qui se sont senties pressées et poursuivies, jusque dans leur vie privée, par vos actions.

Vous avez d’ai1leurs ignoré la demande explicite de [D] [O] de scinder vie personnelle et vie professionnelle. Vous lui avez affirmé ne pas «'envisager que votre équipe ait des relations purement professionnelles et formelles'».

— des exigences et des pressions menaçantes auprès de salariés de votre équipe :

Vous avez autoritairement et sous la menace, exigé de [D] [O], dans le cadre du «'Challenge Sales Advisor », de «'travailler 7 jours sur 7, 24h sur 24'» et « de ne pas dormir'».

Lorsque [D] [O] vous a fait part de son inquiétude, vous lui avez répondu que si elle ne se «'donnait pas les moyens », vous ne la feriez pas progresser. Vous l’avez ensuite culpabilisée en mettant en avant son manque de motivation si elle ne travaillait pas au-delà de ses horaires, 1'incitant même à travailler sur ses jours de repos.

A [Localité 14], en novembre 2014, vous avez force [A] [NI] à boire en le menaçant : « si tu ne bois pas tu ne peux plus faire partie de mon équipe'».

Vous lui avez alors demandé de faire une réservation d’une Model S avec sa carte de crédit personnelle, ce qu’il a fait.

Vous avez également demandé à [X] [W] de faire une réservation ce qu’elle a refusé de faire. Vous 1'avez alors menacée en lui disant «'tu n’es pas digne d’être dans mon équipe si tu ne fais pas la réservation'».

A [F] [T], vous avez reproché à plusieurs reprises de ne pas travailler assez et'«'qu’il fallait travailler 7 jours sur 7, de 8h à minuit'» s’il le fallait. [F] [T] s’est plaint de votre comportement auprès de ses collègues. Il disait ne pas avoir le courage de vous faire savoir que vous alliez beaucoup trop loin. Il a préféré partir.

[A] [NI], comme [X] [W] et d’autres, se sont vus également demander, exiger même, de travailler «'7 jours sur 7'», ce qui constitue une forme de pression inacceptable et de surcroît une violation flagrante des règles que nous vous demandons de respecter et de faire respecter'».

Le 21 janvier 2015, vous avez annoncé à [U] [K] que vous risquiez de perdre deux employés incessamment sous peu : [A] [NI] et [X] [W]. Vous avez déclaré ne plus vouloir de [X] [W] au sein de votre équipe : «'pas les épaules pour être Sales Advisor'». Vous n’aviez aucune autorité pour tenir de tels propos et vous n’aviez quoiqu’il en soit pas à user de telles man’uvres ou pressions.

Vous avez même déclaré : «'Je suis maintenant en mode bulldozer, il y a des centaines de personnes qui rêvent de travailler pour Tesla à [Localité 11]. Si ceux qui sont en place ne sont pas heureux, la porte est grande ouverte ».

A [U] [K], vous avez indiqué que «'s’il n’était pas capable de travailler le dimanche, les jours fériés et la nuit, il n’avait rien à faire chez TESLA'».

Vous avez expliqué à [U] [K] considérer que les départs de Messieurs [T] et [NI] étaient le fruit de la sélection naturelle : «'Seuls les plus forts psychologiquement et physiquement sont capables et méritent de rester chez TESLA ».

Jusqu’à une semaine avant la mutation de [U] [K] à [Localité 6], vous l’avez menacé, lui mettant la pression à nouveau sur le fait qu’il devait travailler jusqu’à minuit chaque jour si ses objectifs hebdomadaires n’étaient pas remplis : «'tu dois arrêter de travailler seulement si tes yeux te font mal à cause de ton écran ou si tes doigts te font mal à cause du clavier. Tu dois être une machine'».

Vous avez plus généralement interdit toute forme de communication entre les membres de votre équipe et [J] [P], Directeur France.

[U] [K] a, par deux fois, répondu à la question d'[J] [P] («'Comment vas-tu aujourd’hui [U]''») qu’i1 se sentait fatigué et qu’il avait certaines difficultés à suivre le rythme que vous imposiez à l’équipe.

Dans les deux cas, vous êtes allé voir [U] [K] dans les minutes suivantes pour lui interdire d’exprimer la moindre fatigue ou remarque quant à son ressenti physique. La seconde fois lors du Salon de l’Automobile (en octobre 2014), vous avez ajouté : «'nous ne sommes pas des chochottes, mauviettes ou tarlouzes chez Tesla ».

Plus tard, vous avez dit à [U] [K] qu’il avait «'de la chance déjà de pouvoir avoir ses dimanches en tant que jours de repos hebdomadaire. On doit pouvoir travailler tous les jours ».

Tous ces actes ont été constatés par plusieurs personnes qui nous en ont fait part de manière unanime et sans équivoque.

Dans le courant de la semaine du 6 juillet 2015, alors que vous étiez en congé, le personnel du magasin de [Localité 7], se sentant probablement libéré du fait de votre absence, a témoigné unanimement de vos agissements et nous a fait part directement de son inquiétude.

Nous avons appris que certains salaries ([F] [T], [A] [NI], [D] [O], [X] [W], [U] [K]) étaient à ce point effrayés par votre attitude, vos exigences, votre ton et vos méthodes que, pour certains, ils rencontraient ou avaient rencontré des problèmes de santé et, pour d’autres, ils avaient préféré quitter l’entreprise ou le site de [Localité 7] pour d’autres sites.

[X] [W] se trouve aujourd’hui dans un tel état qu’elle est arrêtée pour maladie depuis plus de 7 semaines et qu’elle nous a clairement indiqué que son état était lié aux conditions de travail générées par votre comportement. Elle nous a aussi manifesté l’impossibilité absolue, voire la terreur, qu’elle avait à envisager de se retrouver de nouveau face à face avec vous.

[X] [W] n’a pas été la seule victime de vos agissements. [D] [O] (Responsable Produit puis Conseiller en ventes) l’a été également ainsi que, au moins, [F] [T] (conseiller en ventes), [A] [NI] (Responsable Produit) et [U] [K] (Conseiller en ventes).

— La violation caractérisée de l’interdiction qui vous était faite de vous présenter sur votre lieu de travail

Le 15 juillet 2015, nous vous avons notifié votre mise à pied à titre conservatoire dans l’attente de l’issue de la procédure de licenciement engagée à votre encontre. Vous en avez accusé réception le jour même et quitté les locaux.

Le 16 juillet 2015, vous avez demandé par téléphone à [J] [P], Directeur France, l’autorisation de venir chercher des affaires personnelles. [J] [P] étant en déplacement à [Localité 9] et donc absent de [Localité 7], vous a demandé de contacter [I] [V], DRH, afin de vous organiser avec elle.

Vous n’avez pas eu [I] [V] au téléphone.

En violation de votre mise à pied, vous vous êtes rendu dans les locaux de l’entreprise sans aucune autorisation. [Z] [LI], Chargée de l’Administration du Personnel, vous ayant vu prendre des affaires depuis votre bureau et ensuite sur le parking, installé sur votre scooter, en grande conversation avec d’autres salariés, vous a rappelé que vous n’étiez pas autorisé à être sur le site.

Vous lui avez rétorqué sèchement à trois reprises que vous aviez reçu l’autorisation d'[J] [P], ce qui était faux, et ce n’est que sur son insistance que vous avez quitté le site.

Tous ces agissements relèvent d’un comportement dangereux, irrespectueux de vos collègues de travail et sont des manquements très graves à toutes vos obligations.

Pour toutes ces raisons, nous sommes contraints par la présente de vous notifier votre licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnité. Ce licenciement prendra effet à la première présentation de cette lettre par les services postaux'».

— sur la réalité des propos injurieux, humiliants ou menaçants et des exigences démesurées et pressions imputés à M. [YK]

La réalité des propos injurieux, humiliants ou menaçants de M. [YK] à l’égard de plusieurs salariés placés sous sa responsabilité hiérarchique est démontrée par les courriers électroniques et attestations versés aux débats par la société Tesla France.

Le témoignage apporté par Mme [W] lors de son entretien avec le directeur France et la directrice des ressources humaines de la société le 29 mai 2015 révèle ainsi que, depuis le mois de juin 2014, l’appelant lui adressait, de manière régulière, des propos inappropriés'(«'ferme ta gueule'», «'casse-toi'», «'arrête de faire ta tête de conne'»') et qu’il la rabaissait publiquement.

Ses allégations sont confortées par différents courriers électroniques et attestations convergents, qui confirment en substance les faits subis par Mme [W] et rapportent que cette dernière pleurait après certains échanges avec son supérieur hiérarchique (courriers électroniques de Mme [O] du 6 juin 2015, de M. [C] du 8 juillet 2015, de M. [K] du 19 juillet 2015 ; attestation de M. [H], du 27 novembre 2018). M. [K] rapporte par exemple que M. [YK] a déclaré à Mme [W] qu’elle devait l’obtention de son diplôme à la richesse de son père.

Au-delà de la situation de Mme [W], plusieurs courriers électroniques et attestations convergents démontrent que M. [YK] a tenu des propos inappropriés, sur un ton parfois agressif, à l’égard de plusieurs autres salariés de son équipe, Mme [O], M. [K], M. [T], M. [NI]. Il a par exemple déclaré à Mme [O] après avoir aperçu son compagnon, ainsi que celle-ci le rapporte dans son courrier électronique du 6 juin 2015 «'ton copain ressemble à un Pd'», « il est banal'» ou à M. [K], ainsi que celui-ci le rapporte dans un second courrier électronique en date du 20 juillet 2015 : «'nous ne sommes pas des chochottes, mauviettes ou tarlouzes chez Tesla'».

Les courriers électroniques et attestations versés aux débats par la société Tesla France démontrent également les exigences démesurées et les pressions exercées à plusieurs reprises par M. [YK] sur les salariés qu’il était chargé d’encadrer.

Ainsi, Mme [O] rapporte qu’à l’occasion du challenge «'Sales Advisor'», il l’a invitée à travailler 24 heures sur 24 et à ne pas dormir. Elle indique également qu’il incitait son équipe à travailler après 21 heures et sur ses jours de repos (courrier électronique du 6 juin 2016). Dans le même sens, M. [K] indique que l’appelant lui a déclaré que, dans le cas où ses objectifs hebdomadaires n’étaient pas remplis, il lui fallait travailler jusque minuit quotidiennement, «'être une machine'» et n’arrêter de travailler que si ses yeux lui faisaient mal à cause de son écran ou si ses doigts lui faisaient mal à cause de son clavier (courrier électronique du 19 juillet 2015). De même, M. [NI] indique qu’il répétait à ses collaborateurs qu’ils devaient travailler sept jours sur sept, en se référant au souhait du fondateur de la société, Elon Musk (attestation du 2 avril 2018). Enfin, M. [C] rapporte l’avoir entendu inviter [F] [T] à travailler sept jours sur sept et jusque minuit s’il le fallait (courrier électronique du 8 juillet 2015).

A ce titre, la société verse par exemple aux débats des témoignages convergents démontrant qu’il s’était imposé comme intermédiaire dans la communication de son équipe avec le service des ressources humaines et la hiérarchie de la société (attestations de [A] [NI] et de [U] [K]). De même, les témoignages et attestations précités laissent apparaître qu’il présentait le turn-over au sein de la société comme un processus de sélection naturelle des salariés «'les plus forts psychologiquement et physiquement'» (courrier électronique du 19 juillet 2015 de Monsieur [K]).

Les encouragements ponctuellement adressés par le salarié aux membres de son équipe ne sont nullement incompatibles avec les faits susvisés.

Si l’appelant verse aux débats des attestations et différents courriers électroniques émanant d’anciens collègues, subordonnés ou clients louant ses qualités professionnelles, ces appréciations générales et subjectives ne sont pas de nature à remettre en cause les témoignages circonstanciés et convergents des salariés qui ont été personnellement victimes des faits qu’ils relatent.

Il sera relevé par exemple, s’agissant de l’attestation de Mme [N] , que si celle-ci affirme ne jamais s’être sentie humiliée dans son travail et ne pas avoir été violentée pour ôter ses lunettes de soleil, elle ne remet pas en cause les propos et comportements imputés à M. [YK] envers les autres salariés, ou, s’agissant de l’attestation de M. [S], que si celui-ci affirme n’avoir jamais constaté de sa part de violences, de menaces ou de pressions, il ne porte pas d’appréciation sur les faits précis reprochés par d’autres salariés au responsable de magasin.

Même si les événements qu’ils rapportent ne sont pas, pour la plupart d’entre eux, précisément datés, les courriers électroniques et attestations convergents et circonstanciés produits par l’employeur, dont les attestations et courriers électroniques produits par le salarié ne permettent pas de mettre en doute la sincérité, ne laissent aucun doute sur la réalité du management inapproprié et anxiogène exercé par M. [YK] envers plusieurs collaborateurs par ses déclarations..

Au vu des propos qu’il a personnellement tenus en sa qualité de responsable hiérarchique, l’appelant ne saurait valablement soutenir, en se basant sur des déclarations d’Elon Musk, fondateur du groupe Tesla, issues d’un article de presse daté de 2018, qu’il n’est pas «'responsable de la pression exercée par l’entreprise'». Il n’est pas établi qu’il ait subi lui-même une pression de sa hiérarchie, et spécialement du directeur France, comme l’affirment de façon générale, sans rapporter aucun fait précis et circonstancié le concernant, M. [E], son homologue, «'Store Manager'» à [Localité 5], et M. [S] [XK], qui a repris temporairement une partie des responsabilités de M. [YK] après son licenciement.

Les faits ci-dessus examinés imputés au salarié sont établis et caractérisent un comportement fautif de celui-ci dont l’employeur est fondé à se prévaloir à l’appui du licenciement.

— sur la prescription des fautes commises par M. [YK]

Aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Le point de départ du délai de deux mois est le jour où l’employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié ; dès lors que les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l’engagement de poursuites disciplinaires, il appartient à l’employeur de rapporter la preuve qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l’engagement de ces poursuites.

Si aux termes de l’article l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération d’un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s’est poursuivi dans ce délai.

En l’espèce, la société Tesla Motors France, qui a licencié M. [YK] pour des faits s’étendant de courant 2014 à juillet 2015, a engagé la procédure de licenciement le 15 juillet 2015.

L’argument de M. [YK] selon lequel lui-même, ses subordonnés et sa hiérarchie partageaient un espace de travail commun, de sorte que son employeur ne pouvait ignorer les agissements qui lui sont reprochés et qu’il conteste au demeurant, est inopérant, alors que si le directeur France et la directrice des ressources humaines partageaient le même openspace situé au premier étage, où ils avaient leur bureau à proximité du sien, ils n’étaient pas constamment présents, ni en mesure de suivre les échanges entre le directeur du magasin et ses collaborateurs, leur attention étant mobilisée par l’accomplissement de leurs propres tâches, que nombre des agissements imputés au salarié se situent en dehors de cet espace de travail, dans le magasin situé au rez-de-chaussée, sous l’abri à vélos ou lors de déplacements pour des événements extérieurs et que le compte rendu de l’entretien organisé entre Mme [W] et sa direction démontre que la salariée n’a accepté de révéler à l’employeur les faits qu’elle subissait que le 29 mai 2015.

S’il résulte des attestations et courriers électroniques produits que le comportement imputé au salarié était effectivement connu de plusieurs salariés au sein du magasin de [Localité 7], il est établi que les faits reprochés à l’intéressé n’ont été portés pour la première fois à la connaissance de sa hiérarchie qu’à la fin du mois de mai 2015, lorsque le père de Mme [W] a pris contact avec M. [P], directeur France, pour l’informer des agissements dont sa fille lui a dit être victime et que celle-ci n’a elle-même exposé pour la première fois à M. [P], directeur France, et à Mme [V], directrice des ressources humaines, les faits de harcèlement moral qu’elle reprochait à M. [YK] de lui avoir fait subir depuis le mois de juin 2014, dont elle déclarait qu’ils s’étaient aggravés depuis le mois de janvier 2015, que lors d’un entretien en date du vendredi 29 mai 2015, ainsi qu’il résulte du courrier électronique de Mme [W] du 3 juin 2015 et du compte-rendu de l’entretien établi par la directrice des ressources humaines, retourné par la salariée avec ses corrections le 5 juin 2015. Il importe peu dès lors que la directrice des ressources humaines ait mentionné dans l’attestation qu’elle a établie le 11 décembre 2018, plus de trois ans après les faits, que l’alerte de M. [W] sur la dégradation de l’état psychologique de sa fille date de «'fin avril / début mai 2015'selon mes souvenirs ».

L’entretien du 29 mai 2015 marque le point de départ de l’enquête effectuée par la directrice des ressources humaines pour vérifier les allégations de Mme [W], contestées par M. [YK], qui qualifiait les propos de celle-ci de mensongers lorsqu’il a été reçu en entretien le lundi 1er juin 2015 pour donner sa version des faits , ainsi qu’il résulte du mail qu’il a adressé à M. [P] le jour même.

Les déclarations faites à la directrice des ressources humaines par Mme [O] le 4 juin 2015, réitérées par courrier électronique du 6 juin suivant et par M. [C] le 7 juillet 2015, réitérées par courrier électronique du 8 juillet 2015, ont permis d’accréditer les allégations de harcèlement moral formulées par Mme [W] et contestées par M. [YK] et de porter à la connaissance de l’employeur d’autres faits de même nature à l’encontre d’autres salariés.

Il est établi que c’est ainsi seulement à compter du 8 juillet 2015 que la hiérarchie de M. [YK] a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits. Ceux-ci ne sont donc pas prescrits.

— sur la gravité des fautes commises par M. [YK]

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail.

Contrairement à ce que soutient M. [YK], la société Tesla a engagé la procédure de licenciement dans un délai restreint après qu’elle ait eu connaissance des faits allégués, dès lors que des vérifications étaient nécessaires. L’employeur qui n’a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits imputables à l’intéressé que le 8 juillet 2015 a en effet engagé la procédure de licenciement dès le 15 juillet 2015 en remettant en main propre au salarié, de retour de congés le 13 juillet 2015, une convocation à entretien préalable avec mise à pied conservatoire. Il est donc fondé à se prévaloir de la gravité de la faute commise.

M. [YK] ne pouvait ignorer l’ascendant qu’il avait, en tant que responsable de magasin, sur ses collaborateurs, dont la capacité de réaction était limitée par leur subordination à son égard, et n’ignorait pas non plus que ses agissements étaient de nature à créer et entretenir un climat anxiogène au sein de son équipe. Il mettait lui-même en avant sa position par ses remarques répétées telles que notamment': «'Sans moi tu n’es rien », «Tu as un salaire grâce à moi », «'C’est comme ça que vous me remerciez de vous avoir passé cadre '! », etc. Mme [W], dans le compte-rendu de l’entretien du 29 mai 2015, et Mme [O], dans le courrier électronique du 6 juin 2015 expliquent le caractère tardif de leur témoignage par leur attachement à leur travail et précisent que c’est leur sentiment d’insécurité croissant vis-à-vis de de M. [YK] qui les a finalement conduites à rapporter les agissements subis à leur employeur.

Les agissements répétés commis par M. [YK], qui étaient de nature à porter atteinte à l’intégrité psychologique et à la santé de ses collaborateurs et susceptibles d’engager la responsabilité de l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité à leur égard, ne permettaient pas à la société Tesla Motors France de maintenir l’intéressé dans ses effectifs, même pendant la durée du préavis.

Les fautes commises par le salarié ci-dessus retenues comme réelles, caractérisent à elles seules, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres faits qui lui sont reprochés dans la lettre de licenciement l’existence d’une faute rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, justifiant la cessation immédiate du contrat de travail à l’issue du licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement.

Le jugement en conséquence confirmé en ce qu’il a dit le licenciement de M. [YK] fondé sur une faute grave et a débouté le salarié de ses demandes d’indemnité conventionnelle de licenciement, d’indemnité de préavis, de congés payés afférents et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire

La mise à pied conservatoire notifiée au salarié le 15 juillet 2015 était justifiée au regard de la faute grave commise.

M. [YK] ne rapporte pas la preuve d’une faute commise par l’employeur à l’occasion de la mise à pied conservatoire ou de la rupture de son contrat de travail, de nature à caractériser des circonstances vexatoires de licenciement lui causant un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire.

Sur la demande en paiement de rappel de salaire pour heures supplémentaires

Soutenant qu’il lui a été appliqué une convention de forfait privée d’effet et affirmant qu’il travaillait en moyenne de 9h00 à 20h00 du lundi au samedi, soit 6 jours par semaine, avec 30 mn de pause, soit 63 heures par semaine, M. [YK] revendique le paiement de la somme de 186 638,40 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, calculée sur une période d’emploi de 4 ans, sur la base d’un taux horaire de 26,93 euros (4 083,33/151,64), comme suit :

-8 heures supplémentaires par semaine au taux de 125% (soit 33,66 euros) = 269,28 euros ;

-19 heures supplémentaires par semaine au taux de 150% (soit 40,40 euros) = 767,60 euros ;

— soit 1 036,88 euros par semaine x 45 semaines x 4 années = 186 638,40 euros

outre la somme de 18 663,84 euros au titre des congés payés afférents.

— sur la prescription de l’action en paiement d’heures supplémentaires

La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l’action en paiement d’un rappel de salaire fondée sur l’inopposabilité d’une convention de forfait en jours est soumise à la prescription triennale prévue par l’article L. 3245-1 du code du travail.

Aux termes de l’article L. 3245-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, entrée en vigueur le 16 juin 2013, l’action en paiement ou en répétition de salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Selon l’article 21-V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, les dispositions du nouvel article L. 3245-1 du code du travail s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la promulgation de la loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit cinq ans.

Le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d’exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l’entreprise et concerne l’intégralité du salaire afférent au mois considéré.

La prescription peut être interrompue par une citation en justice signifiée par celui qui veut empêcher de prescrire. L’effet interruptif de la prescription résultant d’une action portée en justice se prolonge pendant la durée de l’instance. La radiation de l’affaire du rôle est sans effet sur la poursuite de cette interruption.

Si, en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d’une même instance, concernent l’exécution du même contrat de travail. La prescription est interrompue pour toutes les actions concernant l’exécution du même contrat de travail, peu important qu’elles aient été présentées en cours d’instance.

A supposer, en l’absence de contestation élevée par la société Tesla France sur ce point, que celle-ci soit tenue, au-delà de la reprise de l’ancienneté de M. [YK] à compter du 1er août 2011, date de son embauche au sein du groupe, au paiement des heures de travail accomplies le cas échéant par le salarié au-delà de 35 heures par semaine durant sa période d’emploi par la société Tesla Motors Limited, dans le cadre du contrat de travail anglais qui les liait jusqu’au 30 juin 2013, la prescription de l’action en paiement de ces heures supplémentaires était toutefois déjà acquise à la date de la saisine du conseil de prud’hommes, le 23 juin 2017, pour les heures supplémentaires dont le paiement était exigible de mars 2011 à juin 2012, au regard des dispositions transitoires de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, plus de trois ans s’étant écoulés depuis l’entrée en vigueur de celle-ci, le 16 juin 2013. Il s’ensuit que la demande de M. [YK] n’est recevable comme non prescrite qu’en ce qu’elle porte sur les heures supplémentaires dont le paiement est devenu exigible au cours des trois ans précédant la rupture du contrat de travail, le 28 juillet 2015. La demande en paiement d’heures supplémentaires formée par M. [YK] portant sur la période antérieure aux trois années précédant la rupture, le 28 juillet 2015, du contrat de travail qui le liait à la société Tesla France, est donc prescrite.

— sur le bien-fondé de la demande en paiement d’heures supplémentaires portant sur les trois années précédant la rupture du contrat de travail

1°) sur la période de juillet 2012 à décembre 2014

Le seul contrat de travail versé aux débats est le contrat de travail à durée indéterminée, annulant et remplaçant tous accords et/ou engagements antérieurs écrits ou verbaux, qui auraient pu intervenir entre le salarié et /ou l’une des sociétés du groupe, signé par M. [FH] [YK] et par la société Tesla Motors France le 1er janvier 2015, qui rappelle en préambule que M. [YK] a été engagé en Angleterre par la société Tesla Motors Limited le 1er août 2011 en tant que conseiller commercial, sous contrat de travail anglais, que le salarié a été détaché par celle-ci avec son accord en France du 13 mai au 30 juin 2013, qu’à cette date, la société Tesla Motors France a proposé de l’embaucher en France pour exercer les fonctions de conseiller commercial, ce qu’il a accepté, que le contrat de travail de M. [YK] avec la société Tesla Motors Limited a pris fin, que M. [YK] a exercé à compter du 1er juillet 2013 les fonctions de conseiller commercial, cadre, niveau 1 au sein de la société Tesla Motors France et qu’il a été promu le 1er février 2014 au poste de responsable commercial (chef des ventes) de la succursale de [Localité 11] située à [Localité 7].

S’il apparaît que du 1er août 2011 au 30 juin 2013, M. [YK] a été salarié de la société anglaise Tesla Motors Limited qui l’a affecté à [Localité 10] au Royaume-Uni (cf. attestation de Mme [EH]) du 1er mars 2011 au 12 mai 2013, puis l’a détaché du 13 mai au 30 juin 2013 en France et que ce n’est qu’à compter du 1er juillet 2013 qu’il a été salarié de la société française Tesla Motors France, cette dernière, aujourd’hui dénommée Tesla France, ne soutient pas ne pas être tenue au paiement des heures de travail accomplies le cas échéant par le salarié au-delà de 35 heures par semaine durant sa période d’emploi par la société Tesla Motors Limited, dans le cadre du contrat de travail anglais qui les liait jusqu’au 30 juin 2013.

Il n’est pas démontré par la société Tesla France, que, de juillet 2012 à décembre 2014, M. [YK] ait été soumis à un moment quelconque à un contrôle de sa charge de travail et de l’amplitude de son temps de travail, de sorte que si une convention de forfait relative à cette période a été passée par écrit entre l’employeur et le salarié, nonobstant l’absence de toute convention individuelle de forfait produite autre que celle stipulée dans le contrat de travail signé avec la société Tesla Motors France à effet au 1er janvier 2015, elle est en tout état de cause sans effet. Le salarié pouvait dès lors prétendre au paiement d’heures supplémentaires pour les heures de travail accomplies au-delà de cette durée au cours de la période de juillet 2012 à décembre 2014.

Aucun élément n’est produit concernant la rémunération perçue par M. [YK] tant au cours de la période de juillet 2012 à juin 2013, durant laquelle il était salarié de la société Tesla Motors Limited, que durant la période du 1er juillet 2013 au 31 janvier 2014, durant laquelle il était conseiller commercial au sein de la société Tesla Motors France.

M. [YK], nommé responsable de magasin de la succursale de [Localité 11], statut cadre, position III A à compter du 1er février 2014, produit ses bulletins de paie d’août à décembre 2014, dont il ressort qu’en ce qui concerne sa rémunération brute fixe, hors commissions, son employeur :

— l’a d’abord rémunéré de février 2014 à novembre 2014 en lui versant un salaire mensuel forfaitaire de 3 641,67 euros pour 218 jours de travail par an, outre des commissions ;

— a effectué une régularisation de salaire au regard de la durée légale de travail sur le salaire de décembre 2014 comme suit :

* salaire mensuel du 1er février 2014 au 16 novembre 2014, calculé sur la base d’un taux horaire de 20,686 euros : 29 805,73 euros ;

* 185,25 heures supplémentaires à 125% accomplies du 1er février 2014 au 16 novembre 2014 : 4 790,57 euros ;

* salaire mensuel du 16 au 30 novembre 2014, calculé sur la base d’un taux horaire de 21,945 euros : 1 664,30 euros ;

* salaire mensuel de décembre 2014 : 3 328,38 euros pour 151,67 heures de travail salaire, calculé sur la base d’un taux horaire de 21,945 euros ;

* 29,25 heures supplémentaires à 125% accomplies du 17 novembre au 31 décembre 2014 : 802,36 euros ;

* sous déduction de la somme de 36 416,70 euros antérieurement versée sur la base d’un forfait de 218 jours de travail par an du 1er février 2014 au 30 novembre 2014 (3 641,67 euros x 10 mois) ;

— l’a rémunéré de janvier 2015 à juillet 2015 sur la base d’un salaire mensuel brut fixe de 4083,33 euros pour 218 jours de travail par an, outre des commissions, le salaire mensuel brut fixe mentionné sur le bulletin de paie de janvier 2015 (3 328,38 euros pour 151,67 heures de travail et 534,91 euros pour 19,50 heures supplémentaires au taux majoré de 25%) ayant donné lieu à un rappel de salaire de 220,04 euros en février 2015 (3 328,38 + 534,91 + 220,04 = 4083,33) ;

M. [YK] et la société Tesla Motors France ont signé le 6 février 2015 le document suivant en deux exemplaires :

'Nous, la société Tesla Motors France …

Et

M. [FH] [YK], store manager (chef des ventes à [Localité 7]),

— attestons et par la présente que les heures supplémentaires effectuées par M. [FH] [YK] dans l’exercice de ses fonctions, jusqu’au 31 décembre 2014, lui ont été rémunérées dans leur intégralité ;

— reconnaissons expressément n’être redevables à ce titre d’aucune somme, l’un envers l’autre, pour l’année calendaire 2014, comme pour les années précédentes.'

Le salarié, qui, lors de la signature de ce document, était en mesure de déterminer le montant de ses droits à heures supplémentaires pour la période considérée et connaissait le montant des sommes qui lui avaient été payées de ce chef, a reconnu en connaissance de cause, de manière claire et non équivoque, avoir été rempli de ses droits à heures supplémentaires pour la période antérieure au 1er janvier 2015.

La preuve d’un vice du consentement n’étant pas rapportée, ce document a un effet libératoire pour l’employeur. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [YK] de sa demande en paiement d’heures supplémentaires pour la période de juillet 2012 à décembre 2014.

2°) sur la période à compter du 1er janvier 2015

Le contrat de travail de M. [YK] à effet au 1er janvier 2015 comporte une clause de forfait en jours sur l’année, fixant le nombre de jours travaillés à 218 jours par année calendaire.

M. [YK], qui ne conteste pas qu’il disposait de l’autonomie requise pour relever d’une convention de forfait en jours, fait valoir que celle-ci lui ait inopposable, l’employeur n’ayant pas respecté les dispositions conventionnelles et contractuelles prévoyant les modalités de suivi.

L’article 1.09 f de la convention collective nationale relatif au forfait en jours, dans sa rédaction résultant de l’avenant n°70 du 3 juillet 2014, prévoit que la charge quotidienne de travail doit être répartie dans le temps de façon à assurer la compatibilité des responsabilités professionnelles avec la vie personnelle du salarié, selon les modalités indiquées à l’article 4.06.

L’article 4.06 dans sa rédaction résultant de l’avenant n°70 du 3 juillet 2014 prévoit :

— que les entreprises sont tenues d’assurer un suivi individuel régulier des salariés concernés et sont invitées à mettre en place des indicateurs appropriés de la charge de travail ;

— que le respect des dispositions contractuelles et légales sera assuré au moyen d’un système déclaratif, chaque salarié en forfait jours devant renseigner le document de suivi du forfait mis à sa disposition à cet effet ; que le document de suivi du forfait fera apparaître le nombre et la date des journées travaillées ainsi que le positionnement et la qualification des jours non travaillés en repos hebdomadaire, congés payés, congés conventionnels, jours fériés chômés, jours de repos liés au forfait, autres jours non travaillés ; qu’établi mensuellement par le collaborateur qui en remettra un exemplaire à l’employeur ou à son représentant désigné, ce document rappellera la nécessité de respecter une amplitude et une charge de travail raisonnables ; que l’employeur pourra modifier ou remplacer ce dispositif par tout autre ayant la même finalité, voire par un système informatique, après consultation des représentants du personnel lorsqu’il en existe ; que c’est sur la base de ce document que sont décomptées les journées de travail au titre du forfait annuel en jours ;

— que chaque année, au cours d’un entretien individuel, un point sera fait avec le salarié sur sa charge de travail, son organisation du travail, l’amplitude de ses journées de travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale. L’objectif est de vérifier l’adéquation de la charge de travail au nombre de jours prévu par la convention de forfait et de mettre en oeuvre les actions correctives en cas d’inadéquation avérée. Dans un tel cas, l’employeur adressera des propositions d’actions correctives au salarié, puis les parties donneront leur appréciation sur l’efficacité des actions correctives mises en oeuvre lors d’un second entretien qui devra se tenir dans les 3 mois qui suivent le premier.

Il n’est pas établi que, dans le cadre de l’exécution de la convention de forfait en jours, M. [YK] a été soumis à un moment quelconque à un contrôle de sa charge de travail et de l’amplitude de son temps de travail, de sorte que la convention de forfait en jours est sans effet.

Il s’en déduit que le salarié est en droit de solliciter le règlement des heures supplémentaires accomplies.

Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée du travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

M. [YK], qui précise quels étaient ses horaires de travail habituels et verse aux débats son emploi du temps habituel, présente des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies de janvier à juillet 2015. La société Tesla France, tenue d’assurer le contrôle des heures de travail effectuées, s’est abstenue, en violation de l’obligation qui lui était faite, de procéder à l’enregistrement de l’horaire accompli par le salarié et ne verse aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par celui-ci. Il s’en déduit que la preuve de l’accomplissement par M. [YK] d’heures supplémentaires est rapportée. Au vu des nombreux mails et attestations produits aux débats, la cour fixe la créance de rappel de salaire de M. [YK] pour les heures supplémentaires accomplies de janvier à juillet 2015 à la somme de 25 273,95 euros, outre la somme de 2 527,40 euros au titre des congés payés afférents. Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [YK] de sa demande en paiement d’heures supplémentaires pour la période de janvier à juillet 2015 et de condamner la société Tesla France à payer lesdites sommes à M. [YK].

Sur la demande en paiement de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

— sur la prescription de l’action

Il résulte de l’article L. 8221-5, 2° du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n°2011-672 du 16 juin 2011, qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour l’employeur de mentionner sur le bulletin de paie du salarié un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.

Aux termes de l’article L. 8223-1 du Code du travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en violation des dispositions de l’article L. 8221-5 a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, à moins que l’application de règles légales ou de stipulations conventionnelles ne conduise à une solution plus favorable.

L’indemnité prévue à l’article L. 8223-1 du code du travail est soumise à la prescription biennale prévue par l’article L. 1471-1, alinéa 1er du code du travail dans sa rédaction en vigueur du 17 juin 2013 au 24 septembre 2017 pour les actions se rapportant à l’exécution du contrat de travail. Cette indemnité n’étant exigible qu’en cas de rupture de la relation de travail, le point de départ de la prescription ne peut être antérieur à celle-ci. M. [YK], licencié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 28 juillet 2015, ayant saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre le 23 juin 2017, avant l’expiration du délai de prescription de deux ans, la prescription de l’action en paiement de cette indemnité a été ainsi interrompue, nonobstant l’irrégularité affectant l’acte de saisine au regard des dispositions de l’article R. 1452-2 du code du travail et peu important que la demande en paiement de cette indemnité ait été présentée en cours d’instance. Cette action n’est donc pas prescrite.

— sur le bien-fondé de la demande

Le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie, de la seule application d’une convention de forfait illicite ou de la seule constatation de l’inexécution par l’employeur de ses obligations conventionnelles de contrôle de l’amplitude et de la charge de travail privant d’effet de la convention individuelle de forfait.

Il n’est pas établi en l’espèce que la société Tesla France a, de manière intentionnelle, omis de mentionner sur les bulletins de salaire les heures réellement effectuées par son salarié. Ce dernier sera en conséquence débouté de sa demande en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé sur le fondement de l’article L. 8223-1 du code du travail. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et l’indemnité de procédure

La société Tesla France, qui succombe partiellement à l’instance sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, sera déboutée de sa demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et sera condamnée à payer à M. [YK] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Infirme partiellement le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre en date du 3 décembre 2019 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Dit que la demande en paiement d’heures supplémentaires formée par M. [YK] est prescrite en ce qu’elle porte sur la période antérieure aux trois années précédant la rupture, le 28 juillet 2015, du contrat de travail qui le liait à la société Tesla France ;

Condamne la société Tesla France à payer à M. [FH] [YK] la somme de 25 273,95 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires accomplies de janvier à juillet 2015 ainsi que la somme de 2 527,40 euros au titre des congés payés afférents ;

Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;

Y ajoutant :

Déboute la société Tesla France de sa demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Tesla France à payer à M. [FH] [YK] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Tesla France aux dépens de première instance et d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,

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Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 8 septembre 2022, n° 20/00047