CAA de MARSEILLE, 4ème chambre-formation à 3, 8 décembre 2015, 13MA02435, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 4e ch.-formation à 3, 8 déc. 2015, n° 13MA02435
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 13MA02435
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Nice, 16 mai 2013, N° 1101685
Identifiant Légifrance : CETATEXT000031859623

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B… ont demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006, 2007 et 2008, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n°1101685 du 17 mai 2013, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 juin 2013, M. et Mme B…, représentés par Me A…, demandent à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 17 mai 2013 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— l’ordonnance du 18 novembre 2008 du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Grasse autorisant la visite domiciliaire et la saisie de documents dans des locaux situés à Cannes et à Grasse, susceptibles d’être occupés par eux-mêmes, ou par les sociétés Mercury Principium Consulting Ltd (MPC) et Mercury Principium Finances (MPF), est irrégulière ;

— les opérations de saisie qui ont eu lieu le 19 novembre 2008 sont irrégulières ;

— les dispositions de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales méconnaissent les articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— c’est à tort que l’administration a estimé que la société MPC disposait d’un établissement stable en France au sens de l’article 4 de la convention fiscale franco-britannique, dont les résultats sont imposables en France sur le fondement de l’article 209 du code général des impôts ;

— à titre subsidiaire, la société MPC ne peut être imposée en France que sur le bénéfice que l’établissement stable a réalisé, conformément à l’article 6 de la convention fiscale, et ainsi que le précise l’instruction administrative du 14 avril 1970, publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 14 B-1-70 ; que le montant des revenus réputés distribués par la société MPC est donc exagéré ;

— c’est à tort que l’administration a estimé que la société MPF disposait d’un établissement stable en France au sens de l’article 5 de la convention fiscale franco-helvétique, dont les résultats sont imposables en France sur le fondement de l’article 209 du code général des impôts ;

— à titre subsidiaire, la société MPF ne peut être imposée en France que sur le bénéfice que l’établissement stable a réalisé, conformément à l’article 7 de la convention fiscale, et non sur les bénéfices déjà imposés en Suisse ;

— la position de l’administration est contraire à la doctrine administrative référencée 14 B 2331, n°8 ;

— l’administration a méconnu les principes communautaires de libre circulation des personnes, de liberté d’établissement, de libre prestation des services et de libre circulation des capitaux ;

— l’administration n’a pas démontré l’appréhension des revenus distribués par la société MPC ;

— l’administration n’a pas démontré l’appréhension des revenus distribués par la société MPF ;


- le vérificateur aurait dû mettre en oeuvre la procédure de désignation des bénéficiaires des revenus distribués prévue à l’article 117 du code général des impôts ;

— selon le paragraphe n°15 de la doctrine administrative référencée 4 J 1121, la présomption de distribution prévue à l’article 109-1-1° du code général des impôts n’est pas opposable aux associés des sociétés distributrices ;

— M. B…, en tant que salarié de la société MPF à compter de septembre 2008, et donc affilié à un régime obligatoire de sécurité sociale Suisse, ne pouvait être assujetti aux contributions sociales ;

— c’est à tort que l’administration a fait application de la majoration pour manquement délibéré ;

— l’administration a méconnu les paragraphes 1 et 2 de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en estimant qu’ils étaient de mauvaise foi.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 décembre 2013, le ministre de l’économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

— le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales par l’administration dans la procédure d’établissement des pénalités pour manquement délibéré est inopérant ;

— les autres moyens soulevés par M. et Mme B… ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

 – le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

 – la convention du 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune ;

 – la convention du 22 mai 1968 entre la France et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur les revenus ;

 – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – le code de la sécurité sociale ;

 – le code de l’action sociale et des familles ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Mastrantuono, rapporteur,

 – et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.

1. Considérant que la société Mercury Principium Consulting Ltd (MPC), domiciliée…), domiciliée…, dont l’intéressé était directeur, ont fait l’objet de vérifications de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 ; qu’à l’issue de ces contrôles, l’administration fiscale a estimé que ces sociétés disposaient chacune d’un établissement stable en France ; qu’après avoir évalué d’office leurs résultats imposables au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008, elle les a regardés comme des revenus distribués au profit de M. B… sur le fondement du 1° du 1 de l’article 109 du code général des impôts, et a par suite imposé ces sommes entre ses mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que M. et Mme B… relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 17 mai 2013 rejetant leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été ainsi assujettis au titre des années 2006, 2007 et 2008, ainsi que des pénalités correspondantes ;

Sur la régularité de la procédure :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : « I. Lorsque l’autorité judiciaire, saisie par l’administration fiscale, estime qu’il existe des présomptions qu’un contribuable se soustrait à l’établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l’administration des impôts, ayant au moins le grade d’inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s’y rapportant sont susceptibles d’être détenus et procéder à leur saisie, quel qu’en soit le support. / II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter. / (…) L’ordonnance peut faire l’objet d’un appel devant le premier président de la cour d’appel (…) / L’ordonnance du premier président de la cour d’appel est susceptible d’un pourvoi en cassation (dans un centre d’affaires, elle ne disposait d’aucun autre moyen d’exploitation, et ne déployait aucune activité sur le territoire britannique) / V. (…) Le premier président de la cour d’appel connaît des recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie (…) L’ordonnance du premier président de la cour d’appel est susceptible d’un pourvoi en cassation (…) » ;

3. Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’administration a procédé, en vertu d’une ordonnance rendue le 18 novembre 2008 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Grasse, sur le fondement de l’article L. 16 B précité du livre des procédures fiscales, à des visites et saisies réalisées dans des locaux susceptibles d’être occupés notamment par la société MPC, la société MPF et M. et Mme B… ;

4. Considérant que les requérants soutiennent que la procédure prévue par les dispositions précitées de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales est contraire aux articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, ces dispositions, dont la rédaction est issue de l’article 4 de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, en prévoyant la possibilité d’un appel de l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention devant le premier président de la cour d’appel, qui statue au terme d’un débat contradictoire, permettent un contrôle juridictionnel effectif de la décision prescrivant la mesure ainsi que des opérations de visite et de saisie ; qu’elles garantissent ainsi l’accès à un tribunal au sens de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ; que, par ailleurs, si la procédure de visite et de saisie constitue une ingérence dans le respect de la vie privée et du domicile, cette ingérence est proportionnée aux buts légitimes poursuivis et donc compatible avec les stipulations de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme, eu égard aux garanties prévues par l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales et à condition que ces garanties soient respectées ; que, par suite, M. et Mme B… ne sont pas fondés à soutenir que les impositions mises à leur charge auraient été établies à la suite d’une procédure méconnaissant les stipulations des articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

5. Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales que le juge judiciaire est seul compétent pour apprécier la régularité des ordonnances prises par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Grasse et celle du déroulement des opérations de visite ou de saisie ; que le ministre fait valoir sans être contredit que M. et Mme B… n’ont pas exercé les recours qui leur étaient ouverts par ces mêmes dispositions ; que les requérants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que la procédure d’imposition serait irrégulière ;

Sur le bien-fondé des impositions :

6. Considérant qu’aux termes de l’article 109 du code général des impôts : « 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui en sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (…) » ; qu’aux termes de l’article 110 du même code : « Pour l’application du 1° du 1 de l’article 109, les bénéfices s’entendent de ceux qui ont été retenus pour l’assiette de l’impôt sur les sociétés (…) » ; et qu’aux termes du I de l’article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années en litige : « Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l’impôt sur les sociétés sont déterminés (dans un centre d’affaires, elle ne disposait d’aucun autre moyen d’exploitation, et ne déployait aucune activité sur le territoire britannique) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (dans un centre d’affaires, elle ne disposait d’aucun autre moyen d’exploitation, et ne déployait aucune activité sur le territoire britannique) » ;

7. Considérant que l’administration, après avoir estimé que les société MPC et MPF disposaient d’établissements stables en France, les a assujetties à l’impôt sur les sociétés au titre des années 2006 à 2008 à raison des bénéfices tirés par elles de leur activité en France ; que les requérants n’ont pas accepté les rectifications découlant du rattachement à leurs revenus des bénéfices regardés comme distribués entre les mains de M. B… par lesdites sociétés ; que, dans ces conditions, il appartient à l’administration d’apporter la preuve, d’une part, de l’existence et du montant des revenus distribués, et d’autre part, de leur appréhension par M. B… ;

En ce qui concerne les revenus distribués par la société MPC :

8. Considérant, en premier lieu, que l’article 6 de la convention susvisée, signée le 22 mai 1968 entre la France et le Royaume Uni, alors en vigueur, stipulait : " 1. Les bénéfices industriels et commerciaux d’une entreprise d’un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l’entreprise exerce son activité dans l’autre Etat contractant par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé. Si l’entreprise exerce son activité d’une telle façon, les bénéfices industriels et commerciaux de l’entreprise sont imposables dans l’autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable. / 2. Lorsqu’une entreprise d’un Etat contractant exerce son activité dans l’autre Etat contractant par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé, il est imputé, dans chaque Etat contractant, à cet établissement stable les bénéfices industriels et commerciaux qu’il aurait pu réaliser s’il avait constitué une entreprise distincte et séparée exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions normales de concurrence avec l’entreprise dont il constitue un établissement stable. / 3. Dans le calcul des bénéfices industriels et commerciaux d’un établissement stable, sont admises en déduction les dépenses exposées aux fins poursuivies par cet établissement stable, y compris les dépenses de direction et les frais généraux ainsi exposés soit dans l’Etat où est situé l’établissement stable, soit ailleurs, mais à l’exclusion des dépenses qui ne seraient pas déductibles si l’établissement stable constituait une entreprise séparée. (…) 6. S’il est d’usage dans un Etat contractant de déterminer conformément à sa législation les bénéfices imputables à un établissement stable sur la base d’une répartition des bénéfices totaux de l’entreprise entre ses diverses parties, aucune disposition du paragraphe 2 n’empêche cet Etat contractant de déterminer les bénéfices imposables selon la répartition en usage ; la méthode de répartition adoptée doit cependant être telle que le résultat obtenu soit conforme aux principes contenus dans le présent article » ; et que selon l’article 4 de cette convention : « 1. Au sens de la présente convention, l’expression » établissement stable « désigne une installation fixe d’affaires où l’entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 2. L’expression » établissement stable " comprend notamment : a. Un siège de direction ; b. Une succursale ; c. Un bureau (…) / 4. Une personne agissant dans un Etat contractant pour le compte d’une entreprise de l’autre Etat contractant, autre qu’un agent jouissant d’un statut indépendant, visé au paragraphe 5, est considérée comme établissement stable dans le premier Etat si elle dispose dans cet Etat de pouvoirs qu’elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l’entreprise, à moins que l’activité de cette personne soit limitée à l’achat de marchandises pour l’entreprise. / 5. On ne considère pas qu’une entreprise d’un Etat contractant a un établissement stable dans l’autre Etat contractant du seul fait qu’elle y exerce son activité par l’entremise d’un courtier, d’un commissionnaire général ou de tout autre intermédiaire jouissant d’un statut indépendant, à condition que ces personnes agissent dans le cadre ordinaire de leur activité (…) » ;

9. Considérant que le ministre fait valoir que les sites internet de la société MPC, hébergés en France et ouverts par M. B…, qui proposaient la vente de biens immobiliers situés exclusivement en France, mentionnaient l’adresse électronique de M. B…, ainsi que des numéros de téléphone correspondant à des lignes ouvertes par M. ou Mme B… ; qu’au cours de la procédure de visite effectuée sur le fondement de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, l’administration a saisi au domicile de M. et Mme B… des contrats conclus par la société avec des partenaires commerciaux situés en France, ainsi que des catalogues et classeurs contenant des biens immobiliers proposés à la vente par la société sur le territoire français, et des facturations et documents relatifs à ces biens adressés à M. B… ; que les documents saisis démontrent en outre que M. B… transmettait depuis son domicile des informations à destination du cabinet comptable et procédait à des demandes de transfert de fonds et d’encaissement de chèques auprès de l’établissement bancaire dépositaire du compte bancaire de la société en Grande-Bretagne ; qu’il résulte par ailleurs des renseignements obtenus dans le cadre de l’assistance administrative internationale auprès des autorités britanniques que si la société MPC était domiciliée… ; qu’eu égard à ces éléments, qui ne sont pas sérieusement contredits par les requérants, qui se bornent à alléguer l’existence d’une activité de prospection de la clientèle au Royaume-Uni et à faire état de la possibilité technique de procéder à distance à la gestion administrative et financière d’une entreprise, l’administration démontre que l’activité de prestations de services dans le domaine de l’immobilier de la société MPC était exercée sur le territoire français à partir d’un établissement situé dans un premier temps dans des locaux loués par M. B…, puis au domicile de l’intéressé ; que la circonstance que ce dernier exerçait par ailleurs à titre indépendant une activité d’agent commercial est sans incidence à cet égard ; que, par suite, l’administration doit être regardée comme démontrant que la société MPC, qui disposait sur le territoire français d’une installation fixe d’affaires où elle exerçait de manière habituelle son activité par l’entremise de M. B…, exploitait une entreprise en France au sens des dispositions de l’article 209 du code général des impôts ; que cette installation fixe d’affaires constitue un établissement stable au sens de l’article 4 de la convention franco-britannique ; que dans ces conditions, l’administration a pu, à bon droit, regarder les bénéfices de l’établissement stable de la société MPC en France comme imposables à l’impôt sur les sociétés ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu’en se bornant à soutenir que les bénéfices imposés en France ne correspondent pas aux bénéfices qu’elle avait déclarés au Royaume-Uni et que sa clientèle se serait tarie, les requérants ne critiquent pas sérieusement le montant des bénéfices distribués, qui a été déterminé par l’administration fiscale à partir des factures émises par la société, sous déduction d’un pourcentage forfaitaire de charges de 50 %, en l’absence de toute pièce justificative des charges réelles ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu’il résulte de ce qui vient d’être dit que M. et Mme B… ne sauraient se prévaloir d’une atteinte à la liberté d’établissement, à la libre circulation des ressortissants d’un Etat membre dans le territoire d’un autre Etat membre, à la libre prestation des services et la libre circulation des capitaux à l’intérieur de l’Union européenne prévues par les articles 45, 49, 56 et 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

12. Considérant, en quatrième lieu, que M. et Mme B… ne sauraient utilement invoquer, sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la doctrine administrative énoncée dans l’instruction du 14 avril 1970 publiée au BOI sous la référence 14 B-1-70, qui ne comporte aucune interprétation formelle dérogeant aux principes résultant des stipulations précitées de l’article 6 de la convention franco-britannique ;

13. Considérant, en cinquième lieu, que le ministre fait valoir sans être contredit que M. B… était administrateur et associé unique de la société MPC, dont il assurait la gestion, qu’il possédait la signature sur les comptes bancaires, ainsi que la maîtrise totale de la démarche commerciale ; qu’il doit donc être regardé comme établissant que M. B… était le maître de l’affaire et pouvait disposer sans contrôle des fonds de la société ; que, par suite, c’est à bon droit que l’administration, qui n’était pas tenue de mettre en oeuvre la procédure prévue par l’article 117 du code général des impôts, a considéré que M. B… devait être regardé comme ayant appréhendé les sommes réputées distribuées par la société MPC ;

14. Considérant, en dernier lieu, que les requérants ne peuvent invoquer, sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les énonciations du paragraphe 15 de la doctrine administrative référence 4 J 1121, qui ne contiennent, s’agissant de la question examinée au point 13, aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application ;

En ce qui concerne les revenus distribués par la société MPF :

15. Considérant, en premier lieu, que l’article 7 de la convention susvisée, signée le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse : " 1. Les bénéfices d’une entreprise d’un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l’entreprise n’exerce son activité dans l’autre Etat contractant par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé. Si l’entreprise exerce son activité d’une telle façon, les bénéfices de l’entreprise sont imposables dans l’autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement. / 2. Sous réserve des dispositions du paragraphe 3, lorsqu’une entreprise d’un Etat contractant exerce son activité dans l’autre Etat contractant par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé, il est imputé, dans chaque Etat contractant, à cet établissement stable les bénéfices qu’il aurait pu réaliser s’il avait constitué une entreprise distincte et séparée exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues et traitant en toute indépendance avec l’entreprise dont il constitue un établissement stable. / 3. Dans le calcul des bénéfices d’un établissement stable, sont admises en déduction les dépenses exposées aux fins poursuivies par cet établissement stable, y compris les dépenses de direction et les frais généraux d’administration ainsi exposés, soit dans l’Etat où est situé cet établissement stable, soit ailleurs. / 4. S’il est d’usage, dans un Etat contractant, de déterminer les bénéfices imputables à un établissement stable sur la base d’une répartition des bénéfices totaux de l’entreprise entre ses diverses parties, aucune disposition du paragraphe 2 n’empêche cet Etat contractant de déterminer les bénéfices imposables selon la répartition en usage ; la méthode de répartition adoptée doit cependant être telle que le résultat obtenu soit conforme aux principes énoncés dans le présent article (…) » ; et que selon l’article 5 de cette convention : « 1. Au sens de la présente convention, l’expression » établissement stable « désigne une installation fixe d’affaires où l’entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 2. L’expression » établissement stable " comprend notamment : / a) un siège de direction ; / b) une succursale ; / c) un bureau ; / (…) 4. Une personne agissant dans un Etat contractant pour le compte d’une entreprise de l’autre Etat contractant, autre qu’un agent jouissant d’un statut indépendant, visé au paragraphe 6, est considérée comme « établissement stable » dans le premier Etat si elle dispose dans cet Etat de pouvoirs qu’elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l’entreprise, à moins que l’activité de cette personne ne soit limitée à l’achat de marchandises pour l’entreprise. / (…) 6. On ne considère pas qu’une entreprise d’un Etat contractant a un établissement stable dans l’autre Etat contractant du seul fait qu’elle y exerce son activité par l’entremise d’un courtier, d’un commissionnaire général ou de tout autre intermédiaire jouissant d’un statut indépendant, à condition que ces personnes agissent dans le cadre ordinaire de leur activité (…) » ;

16. Considérant que le ministre fait valoir que les sites internet de la société, hébergés en France et ouverts par M. B…, proposaient la vente de biens immobiliers situés exclusivement en France et mentionnaient sa propre adresse électronique, ainsi que des numéros de téléphone correspondant à des lignes ouvertes par son épouse et lui-même ; qu’au cours de la procédure de visite effectuée sur le fondement de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, l’administration a saisi au domicile de M. et Mme B… des dossiers originaux de projets immobiliers sur la Côte d’Azur, des originaux de factures et d’attestations de commissions émises par la société ; que les documents saisis démontrent en outre que M. B… transmettait depuis son domicile des informations et des demandes à destination du cabinet comptable ; que, par ailleurs, si la société MPF était domiciliée…, en l’absence de numéro de téléphone et de télécopie ; qu’eu égard à ces éléments, qui ne sont pas sérieusement contredits par les requérants, qui se bornent à soutenir que M. B… aurait reçu les clients de la société au sein des bureaux mis à sa disposition à Genève sans apporter le moindre élément de justification de la réalité de cette activité, et à faire état de la possibilité technique de procéder à distance à la gestion administrative et financière d’une entreprise, l’administration démontre que l’activité de conseil et de services en de transactions immobilières de la société MPF était exercée sur le territoire français à partir du domicile de M. B… ; que, par suite, l’administration doit être regardée comme démontrant que la société MPF, qui bénéficiait sur le territoire français d’une installation fixe d’affaires où elle exerçait de manière habituelle son activité par l’entremise de M. B…, exploitait une entreprise en France au sens des dispositions de l’article 209 du code général des impôts ; que cette installation fixe d’affaires constitue un établissement stable au sens de l’article 5 de la convention franco-suisse ; que dans ces conditions, l’administration a pu, à bon droit, regarder les bénéfices de l’établissement stable de la société MPF en France comme imposables à l’impôt sur les sociétés ;

17. Considérant, en deuxième lieu, qu’en se bornant à soutenir que la société MPF a déclaré la totalité de son chiffre d’affaires aux services fiscaux helvétiques, les requérants ne critiquent pas sérieusement le montant des bénéfices distribués, qui a été déterminé par l’administration fiscale à partir des factures émises par la société, à l’exclusion des factures faisant double emploi, et sous déduction d’un pourcentage forfaitaire de charges de 50 %, en l’absence de toute pièce justificative des charges réelles ;

18. Considérant, en troisième lieu, qu’il résulte de ce qui vient d’être dit que M. et Mme B… ne sauraient se prévaloir d’une atteinte à la liberté de circulation des capitaux entre les Etats membres de l’Union européenne et les pays tiers prévue par l’article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

19. Considérant, en quatrième lieu, que le ministre fait valoir sans être sérieusement contredit que M. B…, en tant qu’administrateur de la société MPF, disposait d’une complète autonomie, possédait la signature sur les comptes bancaires, et était l’unique interlocuteur des clients et prestataires ; qu’il doit donc être regardé comme établissant que M. B… était le maître de l’affaire et pouvait disposer sans contrôle des fonds de la société ; que, par suite, c’est à bon droit que l’administration, qui n’était pas tenue de mettre en oeuvre la procédure prévue par l’article 117 du code général des impôts, a considéré que M. B… devait être regardé comme ayant appréhendé les sommes réputées distribuées par la société MPF ;

20. Considérant, en dernier lieu, que les requérants ne peuvent invoquer, sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les énonciations du paragraphe 15 de la doctrine administrative référence 4 J 1121, qui ne contiennent, s’agissant de la question examinée au point 19, aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application ;

En ce qui concerne les contributions sociales au titre de l’année 2008 :

21. Considérant, en premier lieu, que l’article 1600-0 C du code général des impôts, relatif à la contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine dispose que cette contribution est établie, contrôlée et recouvrée conformément aux dispositions de l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale ; que selon le I de ce dernier article : « Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4 B du code général des impôts sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l’établissement de l’impôt sur le revenu (…) : / c) Des revenus de capitaux mobiliers » ; que le I de l’article 1600-0 F bis du code général des impôts, relatif au prélèvement social sur les revenus du patrimoine, dispose que ce prélèvement est établi conformément aux dispositions de l’article L. 245-14 du code de la sécurité sociale, lequel article disposait, dans sa rédaction applicable à l’année d’imposition en litige, que « les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4 B du code général des impôts sont assujetties à un prélèvement sur les revenus et les sommes visés à l’article L. 136-6 (…) » ; que l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles prévoit une contribution additionnelle à ce prélèvement dont le taux est fixé à 0,3 % ; que le III de l’article L. 262-24 du même code, dans sa rédaction applicable à l’année en litige, prévoyait une contribution additionnelle au prélèvement social dont le taux était fixé à 1,1 % ;

22. Considérant que la circonstance que M. B… n’aurait pas été à la charge d’un régime obligatoire d’assurance-maladie en France à compter de septembre 2008 demeure sans incidence au regard des dispositions précitées, relatives à la contribution sociale généralisée et au prélèvement social sur les revenus du patrimoine, qui ne font pas d’une telle affiliation une condition de l’assujettissement à ces contributions ; que, par suite et en tout état de cause, c’est par une exacte application des dispositions des articles 1600-0 C et 1600-0 F bis du code général des impôts et des articles L. 14-10-4 et L. 262-24 du code de l’action sociale et des familles que l’administration fiscale a assujetti M. et Mme B… à la contribution sociale généralisée, au prélèvement social et aux contributions additionnelles à ce prélèvement au titre de l’année 2008 ;

23. Considérant, en second lieu, que le I de article 1600-0 G du code général des impôts, relatif à la contribution pour le remboursement de la dette sociale, disposait, dans sa rédaction applicable à l’année d’imposition en litige, que les personnes physiques désignées à l’article L. 136-1 du code de la sécurité sociale sont assujetties à une contribution assise sur les revenus du patrimoine définis au I de l’article L. 136-6 du même code ; que selon l’article L. 136-1 du code de la sécurité sociale : « Il est institué une contribution sociale sur les revenus d’activité et sur les revenus de remplacement à laquelle sont assujettis : / 1° Les personnes physiques qui sont à la fois considérées comme domiciliées en France pour l’établissement de l’impôt sur le revenu et à la charge, à quelque titre que ce soit, d’un régime obligatoire français d’assurance maladie (…) » ;

24. Considérant que M. et Mme B… soutiennent qu’ils ne pouvaient être assujettis à la contribution pour le remboursement de la dette sociale au titre de l’année 2008 au motif que M. B… était salarié de la société MPF en Suisse à compter de septembre 2008 ; que, toutefois, ils ne démontrent pas que M. B…, qui exerçait par ailleurs une activité non salariée en France, n’aurait plus été à la charge d’un régime obligatoire français d’assurance maladie à compter de septembre 2008 par la seule production de la copie du contrat de travail qu’il a conclu avec la société MPF ; que, par suite, c’est par une exacte application des dispositions de l’article 1600-0 G du code général des impôts que l’administration fiscale a assujetti M. et Mme B… à la contribution pour le remboursement de la dette sociale au titre de l’année 2008 ;

Sur les pénalités :

25. Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (…) / 2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie (…) » ; et qu’aux termes de l’article 1729 du code général des impôts : « Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration (…) entraînent l’application d’une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (…) » ;

26. Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’administration a porté à la connaissance des contribuables, avant l’établissement des pénalités pour manquement délibéré, les motifs pour lesquels ces pénalités ont été appliquées ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que, en méconnaissance des stipulations précitées de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’administration aurait violé les droits de la défense dans la procédure d’établissement des pénalités ne peut qu’être écarté ;

27. Considérant que, compte tenu de la domiciliation fiscale au Royaume-Uni et en Suisse alléguée par M. B… des sociétés MPC et MPF, non assortie de pièces probantes, du niveau des responsabilités de l’intéressé au sein des deux sociétés, de son implication dans la mise en place de ces structures, ainsi que de la répétition et de l’importance des sommes non déclarées, l’administration établit que le contribuable avait une intention de masquer l’étendue de ses obligations fiscales en France ; que cette volonté délibérée d’éluder l’impôt est constitutive d’un manquement délibéré au sens de l’article 1729 du code général des impôts ; qu’il en résulte que c’est à bon droit que l’administration a assorti d’une majoration de 40 % les droits supplémentaires des impositions procédant de l’imposition en France des revenus distribués par les établissements stables en France des sociétés MPC et MPF ; que les requérants ne sont donc pas fondés à invoquer une violation par l’administration du principe de présomption d’innocence tel que garanti par le paragraphe 2 de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

28. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B… ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006, 2007 et 2008, ainsi que des pénalités y afférentes ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

29. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme B… la somme qu’ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme B… est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C… B… et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l’audience du 17 novembre 2015, où siégeaient :

— M. Cherrier, président de chambre,

 – M. Martin, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 décembre 2015.

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N° 13MA02435

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CAA de MARSEILLE, 4ème chambre-formation à 3, 8 décembre 2015, 13MA02435, Inédit au recueil Lebon